avancent des concepts, des réflexions, mais cela appelle surtout à être repris dans les débats.
Si les critiques négatives peuvent être nombreuses (et nécessaires à toute personne n'ayant
pas lu l'ouvrage pour se former sa propre opinion), il faut donc garder à l'esprit que certaines
peuvent dépasser les intentions des auteurs.
Deux critiques positives : l'ouvrage est bien illustré (utilisation de nombreuses courbes) et si
l'on peut critiquer les auteurs sur leurs propositions, leurs critiques sont, elles, précises.
Critique négative :
Pour commencer, ce livre d’une qualité indéniable a le mérite d’être d’une grande actualité,
car il traite de la question de l’État qui a connu une résurgence depuis la crise de 2008. Dans ce
débat, les auteurs donnent un arrière-plan politique et électoral à leur ouvrage et la place même peut
être dans la poche du candidat socialiste à la présidentielle… Toujours est-il que l’œuvre a
clairement une visée sociale-démocrate qui l’imprègne dans son entier et est centrée sur l’État
français avant tout, finalement le titre aurait pu être : « Repenser l’État français en 2012
».Cependant, cela n’enlève pas du tout son intérêt à ce livre, il jouit d’un langage clair et d’un souci
de la synthèse louable. Néanmoins, sur le point de la méthode, l’analyse est fondée presque
uniquement sur le « benchmarking » qui consiste à comparer la situation des différents pays afin de
déceler les meilleures performances. Cette méthode est garante d’une certaine objectivité, d’ailleurs
le livre est parsemé de tableaux comparatifs et de données originales donnant naissance à des
développements intéressants, mais qui accouchent aussi quelquefois de rapprochement quelquefois
un peu trop rapide : par exemple, la pertinence de l’indice de démocratie (p.96) pourrait être remise
en cause (comment est-il calculé ?), de même la relation entre le nombre de brevets et les
prélèvements obligatoires (p.79) est un peu courte et enfin le fameux indice de contracyclité des
politiques budgétaires (p.61) est on ne peut plus douteux. Les sources quant à elles sont bien citées
et beaucoup utilisées et même peut être un peu trop, on rencontre souvent un « les études montrent
» salvateur qui insinue le doute et écourte le raisonnement. De plus, les sources sont unilatérales et
viennent souvent du côté de l’école d’Harvard et de Philippe Aghion. Enfin, on peut se demander si
le livre est si novateur dans son questionnement qu’il le prétend, en effet la notion de social-
démocratie n’est pas nouvelle et ensuite la plupart des orientations prises dans l’ouvrage se sont
déjà retrouvées dans des ouvrages précédents.
Si l’on colle plus au texte, les idées présentes dans le chapitre 1 ne sont pas nouvelles malgré
des développements intéressants et originaux sur l’immigration et la place de l’école et la
maternelle. Mais les analyses sur l’enseignement secondaire, les politiques industrielles (qui en plus
ne sont pas très approfondies, 2 pages) et le capital humain ont déjà été rencontrées. De plus, les
auteurs n’abordent pas du tout le problème de la planification, ce qui aurait été normal dans le cadre
de l’action de l’état. Le chapitre 2 repose essentiellement sur un éloge de la « flexi-sécurité », de la
démocratie sociale avec l’action des syndicats et des politiques contra-cycliques sur le modèle des
pays scandinaves. Mais peut-on extrapoler des résultats à partir des comparaisons avec les pays
scandinaves, c’est le problème du benchmarking (la population totale de la Scandinavie est égale à
40 % de la population française). Ensuite, l’éloge des politiques contra-cycliques sent un peu le
réchauffé même si c’est peut être un rappel nécessaire et enfin il n’y a rien dire sur la démocratie
sociale. Le chapitre 3 repose encore sur l’exemple scandinave et n’envisage pas que la faible mixité
sociale et ethnique de ces pays comme explication du haut degré de civilité. De plus, les auteurs ne
s’alarment pas du haut degré des prélèvements obligatoires dans les pays scandinaves. Enfin, dans
le chapitre 4, les deux auteurs s’aventurent sur un terrain peu exploré par les économistes : les
institutions politiques. Quelques résultats et développements sont un peu simplistes : la démocratie
serait favorable à la croissance dans les pays développés, la corruption est un danger pour la
croissance, raisonnement sur l’importance du degré de démocratie (média, etc.). Il y a tout de même
un développement intéressant sur l’évaluation des politiques publiques même si le raisonnement
économique semble limité sur le problème de la démocratie et qu’il y a une critique peu cachée de
la figure de l’énarque et son rôle dans les institutions françaises.