Je suggère par ailleurs que la recherche à venir s'intéresse aux critiques de Janet sur
Hume dans le domaine de la croyance, car ils sont tous deux les meilleurs spécialistes du
domaine, l'un en psychologie philosophique, l'autre en psychologie expérimentale. Un
rapprochement avec la Hume Society me semblerait des plus intéressants pour
confronter les deux philosophies de la croyance.
Janet est élogieux avec Spinoza, en ce qu'il attribue les passions à une chute de force
psychologique. Il serait bon que des philosophes ou des psychologues prennent enfin en
main ces commentaires psychologiques d'un philosophe, ce qui aurait le mérite de
renouveler les études sur Spinoza, et donner un peu de rigueur technique à des
tentatives amorcées essentiellement par des neurologues.
Une comparaison de Pierre Janet avec Husserl devrait présenter, à l'avenir, le plus grand
intérêt : Claude Prévost disait de Janet qu'il était un phénoménologue, et effectivement,
bien qu'il n'ait probablement jamais lu Husserl, sa méthode de description des
symptômes s'apparente autant à une phénoménologie qu'à un système, et bien plus qu'à
une nosographie. De plus, l'importance qu'il donne à la volonté et à la conscience comme
une forme d'intentionnalité suscite le rapprochement des deux pensées.
PSYCHOLOGIE
Depuis le tournant cognitiviste des années 80, la recherche a abandonné la
psychodynamique, pratiquée de nos jours en institution privée, hors de tout protocole de
vérification des connaissances. Les thèmes de la volonté, de la croyance, et celui de la "
conduite ", proposé par Janet comme l'objet même de la psychologie, sont passés
d'intérêt. Pourtant, des initiatives quelque peu isolées annoncent certainement une
heureuse redécouverte du plus grand psychologue mondial des années 1900, au sein
même de la recherche.
Mémoire
Serge Nicolas, à Paris, montre en quoi les études actuelles sur la mémoire ont intérêt à
relire les fines descriptions janétiennes entre, notamment, la production, la conservation,
l'utilisation et l'expression des souvenirs, sans nul besoin d'un paradigme informationnel.
Rappelons aussi que la question de la personnalité, qui intéresse la psychologie
différentielle, reposait principalement pour Janet sur celle de la mémoire et de son
corollaire, la construction autobiographique. Une convergence " janétienne " des
spécialistes de la mémoire et des psychologues différentiels serait des plus fécondes.
Action
A. Berthoz, du Collège de France, commente longuement les développements de Janet
sur les actes moteurs, leur représentation et leur engagement dans l'action. La volonté,
l'action et la motivation constituent l'horizon psychologique et philosophique de ces très
intéressantes études de neurobiologie de la motricité.
Je suggérerai quelques axes de recherche en psychologie qu'il serait intéressant de
développer au sein de l'Institut Pierre Janet.
Émotions
Un axe très prometteur est celui des émotions, car ce domaine reçoit actuellement une
faveur grandissante au sein du courant cognitiviste. Les recherches se réfèrent pour
l'instant surtout à William James, ce qui est un bon début ! En effet, ami personnel et
fidèle correspondant de James, Pierre Janet n'a cessé de commenter son œuvre et De
l'Angoisse à l'Extase en avait déjà signalé les principales faiblesses. Il n'est pas douteux
que l'engouement pour James conduise ses commentateurs modernes, comme Damasio,
à redécouvrir sous peu le bien fondé des critiques janétiennes, et l'alternative qu'il leur a
proposé dans les années 30.