Allocution de Xavier Bertrand

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Allocution de Xavier Bertrand
Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé
Examen du projet de loi bioéthique
Le 8 février 2011
Seul le prononcé fait foi
Madame la Ministre, chère Nora,
Monsieur le Président, [Alain Claeys]
Monsieur le Rapporteur, [Jean Leonetti]
Mesdames, Messieurs les Députés,
Le projet de loi sur la bioéthique que nous avons
l’honneur de vous présenter aujourd’hui avec Nora Berra est un
texte dont je n’ai pas besoin de souligner l’importance, parce
que chacun voit bien qu’il engage notre avenir commun et qu’il
touche au cœur de notre condition humaine.
Vous le savez, nous devons chercher à concilier
plusieurs impératifs : les progrès de la science et de la
recherche médicale depuis la loi de 2004, les attentes
individuelles, qui naissent parfois de situations très
douloureuses, mais aussi les valeurs qui fondent notre
société et notre conception de la personne humaine.
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Si notre pays a fait le choix d’élaborer des lois de
bioéthique, c’est bien parce que sur ces sujets complexes qui
ne peuvent se ramener à des formulations simplistes, les
décisions doivent être prises par les représentants du peuple et
non par tel ou tel comité d’experts.
C’est pourquoi nous avons pris le temps du débat. Ce
texte est l’aboutissement d’une longue période de
réflexion. Les Etats généraux de la bioéthique organisés en
2009 ont permis à nos concitoyens de s’exprimer. Ils ont
montré l'adhésion des Français aux principes qui fondent les
lois de bioéthique : le respect de la dignité humaine et le
refus de toute forme de marchandisation et d'exploitation
du corps humain. Ce sont ces principes qui doivent nous
guider tout au long de l’examen de ce projet de loi.
Nous voulons aussi saluer le travail de très grande
qualité de votre commission et de votre rapporteur, qui a
permis de nous éclairer avec justesse et profondeur sur les
grands enjeux de ce texte.
Vous le savez, ce projet de loi ne prévoit plus de
clause de révision périodique des lois de bioéthique, même
s’il y aura bien sûr, chaque année, un rapport parlementaire
pour faire le point sur les évolutions importantes. Nous n’avons
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pas besoin d’une révolution en matière de bioéthique, en
revanche nous avons évidemment besoin de procéder aux
ajustements suscités par l’évolution de la médecine et de la
société : c’est ce que permet notre projet qui est un projet
équilibré.
Equilibré parce que ce projet nous permet d’avancer en
tenant compte à la fois de l’autonomie de l’individu et des
valeurs du vivre ensemble. C’est en tenant ces deux
exigences que nous pouvons défendre ce que j’appellerai le
« mieux-disant éthique » : il ne s’agit pas d’être dans la
modernité à tout prix, il s’agit de préserver les fondements
anthropologiques de notre société.
Certains nous disent que nos voisins vont plus loin que
nous sur tel ou tel sujet. Je ne me résous pas à l’idée que nos
règles éthiques puissent nous être imposées de l’étranger. Au
contraire, la France a tout intérêt à assurer la promotion de
ses valeurs au-delà de ses frontières.
Notre responsabilité vis-à-vis des générations futures,
c’est de nous demander si tout ce qui est techniquement
possible est humainement souhaitable. C’est l’enjeu du
débat que nous allons avoir ensemble.
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Je vais à présent revenir sur les principaux points de ce
projet de loi tel qu’il est issu de l’examen en commission.
1. Je parlerai d’abord des recherches sur l’embryon et les
cellules souches embryonnaires.
Nous avons entendu, sur ce sujet, des positions assez
fortement opposées : les uns réclament d’autoriser plus
largement les recherches, d’autres demandent de restreindre
les dérogations. Le Gouvernement considère que la position
choisie en 2004 reste la bonne : maintenir l’interdiction de
principe des recherches sur l’embryon, parce que cela
montre l’importance que notre société accorde à la protection
de l’embryon et que dans ce domaine les symboles ont toute
leur importance ; mais permettre aussi des dérogations très
encadrées à ce principe. C’est une position équilibrée, parce
qu’ainsi nous prenons en compte la dimension particulière de
l’embryon humain, mais nous permettons aussi à la recherche
de progresser pour le bien de tous.
Je pense que la recherche sur l’embryon n’est pas
une recherche comme les autres, parce qu’elle touche à
l’origine de la vie. Je suis d’ailleurs favorable à l’amendement
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sur la liberté de conscience pour les chercheurs qui a été
adopté en commission.
Je tiens à rassurer tous ceux qui s’inquiètent pour les
recherches en cours : tous les programmes qui sont
aujourd’hui engagés iront jusqu’au bout. Quant aux
programmes nouveaux qui voudraient bénéficier d’une
dérogation, j’ai demandé, avec Valérie Pécresse, à ce que l’on
les examine tous dès maintenant pour ne pas perdre de temps,
avant la promulgation de la nouvelle loi. Il n’y aura donc aucun
retard.
2. Je voudrais revenir aussi sur plusieurs points qui concernent
l’assistance médicale à la procréation (AMP) :
a. Le texte issu de la commission permet la mise en
œuvre de la vitrification d’ovocytes : ce procédé de
congélation ultra-rapide permet de mieux conserver les
ovocytes et donc de réduire le nombre d’embryons congelés.
Le Gouvernement y est favorable.
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b. Le texte issu de la commission permet aussi la levée
de l’interdiction de prélèvement d’ovocytes sur des
femmes nullipares, c'est-à-dire des femmes qui n’ont
encore jamais eu d’enfant. J’entends bien que l’objectif visé
est de favoriser le don d'ovocytes et d'obtenir des ovocytes de
meilleure qualité. Je m’interroge toutefois sur les dérives que
pourrait entraîner une telle pratique : on peut notamment
craindre que des pressions s’exercent sur de très jeunes
femmes, qui pourraient plus tard regretter leur choix. Certains
disent que ce don pourrait être un don pour soi, pour plus tard :
je pense que c’est une rupture avec la philosophie même du
don.
c. Concernant le transfert d’embryons congelés
chez une femme après le décès du père, la question que
nous devons nous poser est celle de savoir si nous pouvons
sciemment décider de faire naître un enfant sans père : je ne le
crois pas, parce que je pense que ce n’est pas la même chose
de naître orphelin et d’être conçu orphelin. Le Gouvernement
proposera donc un amendement de suppression de cette
disposition.
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d. Concernant l’accès aux origines pour les
personnes issues d’un don de gamètes, votre commission a
souhaité revenir sur les dispositions figurant dans le projet de
loi concernant la levée de l'anonymat. Le Gouvernement
soutient cette position, parce qu’il en va de notre conception de
la parentalité et de l’équilibre de la famille. Je pense que l’on
ne peut pas mettre sur le même niveau la question du droit de
connaître ses origines et la préservation de l’anonymat. Pour
moi, l’élément déterminant reste l’affirmation du principe :
l’anonymat préserve les dons.
Le rapport de votre mission d’information a d’ailleurs
bien montré les fondements de ce principe d’anonymat : il vise
à garantir le caractère altruiste et désintéressé du don, en
évitant notamment tout paiement du donneur par le couple
bénéficiaire, ainsi qu’à protéger le couple d’une immixtion
d’un tiers dans leur vie familiale.
3. Je terminerai sur un autre sujet important de ce
débat bioéthique, la question du dépistage prénatal,
notamment de la trisomie 21.
Nous
refusons
évidemment
toute
sélection
génétique des enfants à naître et nous devons veiller à ce
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que ce dépistage ne conduise pas à une décision automatique
d’interruption médicale de grossesse, parce que le librearbitre de la femme et du couple doivent pouvoir être
respectés. Je suis donc favorable à ce qu’il y ait différents avis
pour éclairer les couples, afin qu’ils puissent effectuer un vrai
choix, en conscience.
Sur ces sujets difficiles, je pense que notre rôle est de
donner un cadre qui permette à chacun un libre choix. Mais
ceci signifie en conséquence que nous devons faire évoluer le
regard de notre société sur le handicap, parce que nous
savons bien à quel point elle a du mal à accueillir les
différences, que ce soit sur la trisomie, le handicap ou même le
vieillissement.
***
Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames
et Messieurs les Députés,
Nous en avons conscience, les questions de bioéthique
sont des questions radicales, parce qu’elles nous interrogent
sur la finalité de la médecine et de la technique comme sur la
valeur que nous donnons à la vie humaine. Avec Nora Berra,
nous souhaitons qu’au-delà des prises de positions partisanes,
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ce débat nous permette d’approfondir l’ensemble des enjeux de
ce texte, dans le respect à la fois de la liberté de l’individu, de
la protection des plus fragiles et de la dignité humaine.
Je vous remercie.
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