« Une charogne »
Eléments de corrigé pour la lecture analytique :
plan de développement
I – Le poème illustre la notion de Mal
Le Mal est ici représenté par la charogne elle-même : la mort, la laideur...
1) Le « réalisme grossier
» du vocabulaire. Baudelaire utilise un langage cru, direct,
choquant. Le champ lexical de la charogne est composé de mots suggestifs, précis, sans
délicatesse, sans retenue : « pourriture » (v.9), « carcasse » (v.13), « putride » (v.17),
« infection » (v.38), « décomposés » (dernier mot du poème), et beaucoup d’autres. Il faut
noter que ce vocabulaire macabre et répugnant est presque absent des vers 21 à 36. Il
concerne d’abord la charogne elle-même, puis la femme aimée lorsqu’elle sera morte.
2) Le rôle de la sensorialité. Dans la description de la charogne, le poète fait bien sûr appel
aux sens, et confère à son évocation une dimension encore plus marquante pour le lecteur,
constituant une véritable hypotypose.
Baudelaire s’appuie bien sûr d’abord sur la vue : utilisation du verbe voir au vers, puis
références visuelles à la lumière (« Le soleil rayonnait », v.9...), aux formes (v.5, v.29...), au
mouvement (v.21...), ou au regard lui-même (v.13).
L’odorat est inévitable pour parler du cadavre en putréfaction : référence aux
« exhalaisons » (v.8) et surtout description des vers 15-16 qui suggère la nausée, le malaise...
De façon plus originale, Baudelaire parle des bruits générés par la charogne : le
bourdonnement des mouches au vers 17, le verbe pétiller au vers 22, et la musique au vers 25.
On peut aussi relever des allusions au toucher (vers 5 et 6 par exemple), voire au goût
(v.10).
3) Jusqu’à l’obscénité macabre. De manière provocatrice, Baudelaire assimile la charogne à
une « femme lubrique » (comparaison du vers 5) qui s’offre sans pudeur. La fin du poème
associe de nouveau images de mort et d’amour physique, Eros et Thanatos : aux vers 45 et 46
il est question de baisers donnés par la vermine, tandis que le poème se termine sur une sorte
d’oxymore, « amours décomposés » qui lie intimement les deux thèmes. Baudelaire semble
vouloir montrer à sa destinataire et à son lecteur à quel point la limite est mince entre le corps
objet de désir ou de plaisir, et le corps objet de décomposition, soumis à la mort.
II – Le poème parle de la beauté
tirée de ce Mal
Baudelaire oppose en quelque sorte deux catégories de beauté : la beauté naturelle et la
beauté de l’art.
1) La beauté naturelle est fragile et périssable.
a) La beauté du paysage naturel. Tout commence bien dans le poème avec un décor agréable,
idyllique. Le vers 2 plante un cadre très agréable et estival (quatre mots à connotations
agréables ; voir aussi le début du vers 9). Mais immédiatement, par une antithèse frappante, le
poète montre comment cette beauté naturelle est brisée par la présence de la charogne
« infâme ». La « grande Nature
» provoque donc aussi la mort et l’infamie, la laideur qu’est
la charogne...
b) La beauté de la femme. Baudelaire, dans la fin du poème, multiplie les évocations
élogieuses de la beauté de sa destinataire : vers 45 avec une apostrophe et une référence très
explicite à la beauté, vers 41 avec une hyperbole (« la reine des grâces »), au vers 39 avec des
Expression utilisée lors du procès contre l’auteur.
Les « Fleurs ».
Cette allégorie a quelque chose d’ironique : Baudelaire fait mine de valoriser et vénérer la nature qui a créé la
beauté...