L'iode
par Philippe Reinert
Pédiatre, Hôpital intercommunal de Créteil, France.
L'iode est présente dans le corps humain en très faible quantité (15 à 20 mg chez
l'adulte). Son seul rôle est de constituer un élément indispensable à la synthèse des
hormones thyroïdiennes qui interviennent dans le métabolisme cellulaire, dans la
croissance et en particulier dans la maturation du cerveau.
Un déficit en iode (ou en hormone thyroïdienne) aura pour conséquences un
ralentissement des fonctions métaboliques cellulaires, mais surtout une altération du
développement intellectuel. Le déficit en iode est un problème de santé publique qui
concerne 1 milliard et demi d'individus dans le monde, dont 20 millions ont un retard
mental. Plusieurs études ont suggéré que la mortalité infantile est plus élevée en cas
de déficit en iode dans une population et la supplémentation en iode du nourrisson
déficient a été associée à une réduction de la mortalité. A l'inverse, un excès
d'apport en iode s'accompagne d'augmentation de la morbidité thyroïdienne :
hyperthyroïdie, hypothyroïdie, goitre, thyroïdite auto immune.
I. Cycle de l'iode dans la nature et source de l'iode pour l'homme
L'eau de mer est le réservoir terrestre de l'iode à la surface du globe. La teneur en
iode de l'atmosphère et de l'eau de pluie diminue en s'éloignant des côtes. L'iode
présent dans le sol est entraîné vers les rivières par les eaux de ruissellement et les
fontes glacières. Les régions les plus pauvres en iode sont donc les zones
montagneuses et les régions éloignées des océans.
La principale source en iode est représentée par les aliments. Les plus riches sont
les fruits de mer, les poissons de mer, les oeufs, alors que les viandes, les fruits et
les légumes en sont relativement pauvres.
Il. Besoin en iode chez l'homme
Pour étudier le statut en l'iode d'une population, on peut évaluer la fréquence du
goitre : une région ographique est considérée comme zone de goitre endémique
lorsque plus de 10 % des enfants de 6 à 1 2 ans en sont porteurs. Le goitre
constitue le stade ultime de la carence en iode (voir tableau 1).
Les dosages sanguins d'hormones thyroïdiennes ainsi que la mesure d'iode dans les
urines précisent le diagnostic. Les apports quotidiens recommandés ont été établis
avec précision : 40 microgrammes/jour pour le nourrisson, 70 à 90 pour l'enfant, 150
pour l'adolescent et l'adulte, 175 pendant la grossesse et 200 pendant l'allaitement.
III. Troubles liés à la déficience iodée
Lorsque l'apport en iode est insuffisant dans une population, apparaissent des
anomalies de la fonction thyroïdienne, puis un goitre, une diminution de la fertilité,
une augmentation du taux d'avortement et de la mortalité périnatale (voir tableau 2).
Le goitre endémique constitue l'aspect le plus spectaculaire de la carence en iode,
atteignant environ 300 millions d'individus dans le monde. Cette hypertrophie
thyroïdienne est due à une sécrétion accrue de TSH par l'hypophyse qui stimule les
cellules thyroïdiennes malheureusement incapables de sécréter correctement des
hormones thyroïdiennes en l'absence d'iode. Le crétinisme endémique toucherait
plus de 3 millions de personnes sur terre. Il s'agit de sujets nés et vivant dans une
zone de goitre endémique atteints d'un retard mental irréversible avec hypothyroïdie
sévère, petite taille, trouble de la marche et quelquefois surdité et strabisme. Cette
hypothyroïdie permanente ayant débuté pendant la vie foetale ou la période
néonatale. Plus récemment ont été mis en évidence les déficits en iode modérés se
caractérisant sur le plan clinique par une fatigabilité, une frilosité, une diminution du
taux des hormones thyroïdiennes dans le sang.
IV. Traitement préventif de la carence en iode
L'enrichissement en iode des sels destinés à la consommation humaine est la
méthode la plus simple pour prévenir les désordres liés à la carence iodée. L'iode
est le plus souvent apportée sous forme d'iodure de potassium, mais l'iodate de
potassium lui est préféré dans les régions humides en raison d'une plus grande
stabilité.
L'efficacité et le coût modeste de cette prévention sont bien connus.
Une supplémentation orale de iodure ou iodate de potassium périodique
(bimensuelle ou mensuelle) s'est également avérée efficace au Zimbabwé, par
exemple, pour la correction du déficit en iode chez les enfants d'âge scolaire. S'il
n'est pas possible d'enrichir en iode le sel, le pain ou les eaux de boisson, on a
recours à une supplémentation sous forme d'huile enrichie en iode lentement
résorbable, administrée par voie orale ou intramusculaire. Ce traitement préventif
comporte néanmoins des effets indésirables : allergie à l'iode, intoxication par dose
massive d'huile iodée pouvant entraîner des complications cardiaques.
Le travail de S. Diallo effectué en Guinée prouve à quel point la distribution gratuite
de capsules d'iode et l'utilisation de sels iodés n'ont pas encore d'effet spectaculaire.
L'utilisation de diffuseurs d'iode dans les puits apparaît pour certains la meilleure
solution.
Développement et Santé, n°152, avril 2001
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