FICHE DE SYNTHESE ● Intégration européenne et politiques économiques et sociales (p. 322) I. Les étapes de l’intégration européenne Question 1, p. 322 Rappelez les principales phases de l’intégration économique. L’intégration européenne a débuté avec la création d’une communauté économique : la CECA. Elle s’est poursuivie avec le Traité de Rome en 1957 qui institue le marché commun : l’objectif de ce marché commun est d’abolir progressivement les droits de douane entre pays membres (objectif atteint à la fin des années 1960), d’adopter une politique commerciale commune (union douanière), de mettre en place des politiques communes (PAC) et d’instituer le cadre juridique et politique de l’intégration. L’intégration marchande a été approfondie avec l’acte unique, signé en 1986, qui aboutit au Marché unique en 1993 : libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux. Parallèlement, il y a eu aussi intégration monétaire : la création du SME (1972) a permis de limiter les fluctuations entre les monnaies européennes, et l’union monétaire a été engagée par le Traité de Maastricht en 1992 et est entrée en application en 1999. L’intégration économique a par ailleurs concerné un nombre croissant de pays : 6 au départ, 27 aujourd’hui, avec des adhésions en cours et 13 membres de l’Union monétaire. Question 2, p. 322 Quels étaient les avantages attendus du Marché unique ? de la monnaie unique ? On attendait trois effets positifs du marché unique : – La concurrence devait accentuer les processus de concentration (fusion, acquisition, dans les secteurs présentant d’importants potentiels d’économies d’échelle), qui devaient permettre de rationaliser les processus de production (élimination des doublons) ; elle devait entraîner la disparition des entreprises les moins efficaces ; le tout devant diminuer le coût moyen de production des entreprises restantes. – La concurrence devait supprimer les situations de rente et pousser les entreprises à être plus efficaces – La fin des contrôles aux frontières et l’harmonisation devait jouer plus directement sur les coûts de transaction. La monnaie unique devait accentuer les avantages attendus du marché unique : Elle devait ainsi permettre une nouvelle diminution des coûts de transaction (disparition du coût du change) et faire disparaître les risques liés au change. Elle devait favoriser les comparaisons de prix et accroître ainsi la pression concurrentielle entre producteurs de la zone, le tout devant rendre plus effective la concurrence entre les producteurs européens qui voient parallèlement leurs marchés s’élargir. Enfin, du point de vue des politiques économiques, elle devait faire disparaître les stratégies de dévaluations compétitives qui ont marqué l’histoire monétaire (cet objectif est en partie atteint grâce à l’indépendance des banques centrales vis-à-vis des gouvernements). On peut noter sur ce plan que les stratégies de désinflation compétitive ont pris le relais. Question 3, p. 322 Quel bilan peut-on faire de l’élargissement de l’UE ? L’élargissement en lui-même est le signe d’un certain succès de l’UE : les pays limitrophes préfèrent en être plutôt que non. Un bilan de cet élargissement doit prendre en compte son aspect politique : ainsi, pour les pays ayant appartenu au bloc soviétique, devenir membre de l’Union européenne c’est conforter l’attachement à l’économie de marché tout en se coupant définitivement de l’influence russe. D’un point de vue économique, l’intégration leur a permis d’accéder à un vaste marché et d’attirer les investisseurs (IDE, dont on voit l’importance croissance dans le document 8 page 301). Les IDE sont aussi porteurs de transferts de technologies. Par ailleurs, les nouveaux entrants peuvent aussi bénéficier de transferts liés au budget de l’Union européenne. Ainsi, à l’exemple des pays d’Europe du Sud (Espagne, Portugal, Grèce), les nouveaux pays membres voient dans l’Europe le tremplin pour rattraper le niveau de développement économique du reste du continent. Cette analyse semble confortée par les faits : on remarque ainsi que leur situation économique s’est améliorée : croissance économique forte, gains de productivité, baisse du chômage. Mais on mesure aussi le chemin qu’il reste à parcourir pour combler les différences de développement avec les anciens membres de l’Union européenne. En effet, sur les 10 nouveaux entrants de 2004, 5 présentent un PIB par tête en 2003 atteignant moins de la moitié du PIB par tête moyen de l’Union économique et monétaire. Exception parmi les 10 : Chypre, avec un PIB par tête équivalent à 91 % du PIB par tête moyen de l’UEM. Question 4, p. 322 L’intégration a-t-elle atteint ses limites ? L’intégration n’a pas atteint ses limites à maints égards. D’une part, d’autres pays sont actuellement candidats à l’intégration (Turquie, etc.). D’autre part, des pays actuellement membres de l’UE sont aussi candidats à l’intégration monétaire. Mais celle-ci est conditionnelle ; elle dépend de leur capacité à générer une croissance suffisante et durable qui permette de réduire l’écart de développement avec les anciennes nations de l’Union européenne. Plus encore, l’adhésion à la monnaie unique passe par le respect des contraintes financières imposées par le traité de Maastricht, ce qui n’est pas sans poser des problèmes (voir la suite de la réponse à la question 11 p. 298). On peut considérer enfin que l’intégration économique et politique peut être approfondie dans les domaines fiscaux et budgétaires notamment, mais cela suppose d’importantes négociations et évolutions institutionnelles. II. Des politiques économiques autonomes ? Question 5, p. 322 Comment s’effectue le partage des compétences entre l’UE et les États membres en matière de politique économique ? Du point de vue des instruments de politique conjoncturelle, l’instrument monétaire est contrôlé par la Banque centrale européenne elle-même indépendante des gouvernements, et l’instrument budgétaire est du ressort des États. Mais ceux-ci doivent respecter les critères du pacte de stabilité et de croissance (voir ci-dessous). Le budget européen est par ailleurs d’un niveau très faible. L’instrument budgétaire doit pouvoir être mobilisé en cas de choc économique asymétrique, tandis que l’instrument monétaire doit permettre de répondre aux chocs symétriques touchant tous les pays de la zone. L’intervention sur les structures économiques est soumise aux exigences de la libre concurrence : les aides d’États ne peuvent ainsi plus être accordées à des entreprises sans l’aval de la Commission et les marchés publics sont eux aussi soumis aux règles européennes. D’une manière générale, la politique de la concurrence est du ressort de la Commission et de la Cour de justice européenne dès lors que les processus de concentration nationaux sont susceptibles d’affecter les conditions de la concurrence dans un autre pays de l’Union. Question 6, p. 322 Montrez en quoi les marges d’autonomie dont disposent les États membres en matière de politique économique sont très réduites. Les pays membres de la zone euro n’ont plus la maîtrise de la politique monétaire et de la politique de change. Du côté du budget, ils sont contraints par le pacte de stabilité et de croissance : le déficit et la dette publics ne doivent pas excéder respectivement 3 et 60 % du PIB. Pour y parvenir, les gouvernements doivent rechercher l’équilibre ou l’excédent budgétaire en période d’expansion, sans quoi ils se retrouvent acculés aux restrictions budgétaires en période de récession ce qui peut accentuer la récession (effet procyclique du pacte). L’autonomie de la politique budgétaire est en outre soumise aux réactions de la BCE. Celle-ci peut être tentée d’augmenter les taux d’intérêt lorsque les déficits publics se multiplient car ceux-ci sont supposés inflationnistes. Une telle situation serait économiquement contre productive, la hausse des taux annulerait l’effet expansionniste des déficits et alourdirait la charge de la dette publique. A ces contraintes institutionnalisées s’ajoute une contrainte implicite découlant de la concurrence fiscale : les budgets doivent non seulement être les moins déficitaires possibles, ils doivent aussi être les moins élevés possible pour permettre une baisse des prélèvements, notamment ceux qui pèsent sur les assiettes fiscales les plus mobiles (revenus des salariés les plus qualifiés, revenus du capital, héritage d’entreprises). Du point de vue structurel, les aides de l’État aux secteurs industriels sont contrôlés par la Commission européenne qui est chargée de veiller au bon fonctionnement des règles de la concurrence. Question 7, p. 322 Montrez que les politiques économiques européennes n’ont pas été favorables à la croissance depuis le début des années 1990. La politique monétariste menée en Europe, et la déréglementation n’ont pas eu les effets attendus sur la croissance. On constate ainsi qu’entre 1996 et 2006 la zone euro a eu une croissance économique inférieure à celle constatée pour les États-Unis. III. Les nouveaux cadres de l’intervention publique Question 8, p. 322 Rappelez les grandes lignes de la politique de la concurrence européenne. L’objectif général est de favoriser une concurrence « libre et non faussée ». Un premier axe concerne le contrôle des aides accordées à une entreprise par l’État ou toute autre collectivité. On peut ajouter que cela concerne les subventions mais aussi les règles d’attribution des marchés publics. Ces aides sont prohibées si elles entraînent une distorsion de concurrence dans des activités ouvertes à la concurrence. Le deuxième axe concerne le contrôle des processus de concentration économique. Il s’agit d’empêcher la constitution de monopoles mais aussi de sanctionner les abus de position dominante. Il y a abus de position dominante lorsqu’une entreprise profite d’une rente de monopole dans un secteur pour constituer un monopole ou éliminer un concurrent dans un autre secteur (par exemple, Microsoft offrant Explorer avec son système d’exploitation afin d’éliminer Netscape). Question 9, p. 322 Quelles sont les conséquences de cette politique pour les industries de réseau ? Cette politique de la concurrence a été le pilier de la déréglementation des industries de réseau. Ces industries, en situation de monopole naturel, remplissaient en France des missions de service public. Des transformations technologiques abolissant la situation de monopole (téléphonie hertzienne) dans certains cas, des stratégies d’exportation ou de développement d’activités à l’étranger (avec des filiales ou des prises de participation) dans d’autres cas, ont été l’occasion d’imposer l’application des règles de la concurrence. Par exemple, lorsque EDF, protégée de la concurrence en France, exporte de l’électricité vers un pays qui a privatisé la production d’électricité, il y a très justement concurrence déloyale. L’ouverture à la concurrence de ces industries suppose une étape préalable : la segmentation des activités (on dit aussi désintégration). On sépare juridiquement la production du service (le transport de voyageurs par exemple) de la distribution ou du transport du produit (la gestion des voies ferrées). Une fois ce processus abouti, on peut ouvrir à la concurrence la production du service en créant un marché des créneaux horaires sur les lignes. Mais l’ouverture à la concurrence peut aller plus loin : on peut aussi lancer un appel d’offre pour la création, l’entretien et la gestion du réseau (de l’infrastructure). Une entreprise privée peut ainsi obtenir une délégation de service public pour une durée déterminée. Le financement de ce service étant assuré par la puissance publique qui a lancé l’appel d’offre. La déréglementation consiste en l’ouverture à la concurrence. Question 10, p. 322 Assiste-t-on à une remise en cause des services publics à la Française ? L’Union européenne reconnaît l’utilité des services d’intérêt économique général et des services universels, mais plusieurs caractéristiques les différencient du service public à la Française et la substitution entraîne une remise en cause de ces derniers. L’ouverture à la concurrence (la déréglementation) des industries de réseau impose la privatisation et le passage du service public au service universel. Pour l’entreprise prestataire, le but de l’activité devient lucratif et le service universel n’est plus qu’une partie de son activité, qui doit en outre coûter le moins cher possible. Les salariés remplissant cette mission sont donc par ailleurs soumis à des objectifs de rentabilité et ne peuvent plus s’investir personnellement dans une mission de service public (l’éthique du service public est appelée à disparaître). Ce service universel est donc un service minimum et le même service (par exemple la communication), est aussi fourni à un niveau de qualité supérieur à ceux qui ont les moyens de payer. Il y a sans doute égalité devant le service universel mais pas égalité devant la satisfaction du besoin. IV. L’Europe sociale en débat Question 11, p. 322 Peut-on observer un « modèle social européen » en comparant l’UE au reste du monde ? Il existe des points communs et des convergences entre pays européens qui permettent de parler de modèle social européen. Ainsi, l’Europe apparaît comme une zone plus « sociale » que les autres parties du monde sur trois plans : représentation des salariés ; protection des grands risques sociaux ; services publics. On observe aussi des convergences dans les évolutions des systèmes de protection sociale : la couverture sociale se fonde de plus en plus sur l’impôt et de moins en moins sur l’emploi (les cotisations). La sécurisation du parcours professionnel individuel pour compenser une plus grande flexibilité de l’emploi semble inspirer de nombreuses volontés de réforme du marché du travail en Europe. Mais on peut aussi constater une opposition entre plusieurs modèles et plusieurs groupes de pays. Le modèle dit anglo-saxon (Irlande, Royaume-Uni) se caractérise par une part plus faible de dépenses de protection sociale dans le PIB que le modèle continental (France, Allemagne). En Europe, on pourrait également distinguer le modèle « scandinave » de celui des pays de l’Europe du Sud. Question 12, p. 322 Montrez la faiblesse structurelle de l’Europe sociale. L’action communautaire en matière de droit social prend trois directions : la lutte contre les discriminations, le droit du travail communautaire (garanties individuelles et collectives des travailleurs) et le dialogue social européen Mais cette politique sociale et les politiques sociales nationales sont d’une manière ou d’une autre subordonnées à la construction d’un marché du travail européen fondé sur la libre circulation des travailleurs. Les principes de la politique européenne de l’emploi affirmés depuis le conseil européen d’Amsterdam en juin 1997 sont d’inspiration libérale. Ils visent à accroître la flexibilité du marché du travail et à fixer des objectifs communs en matière d’emploi. Le Conseil européen de Lisbonne en 2000 a choisi ainsi d’augmenter le taux d’emploi en allongeant en particulier la durée du travail dans le cours de l’existence (recul de l’âge de la retraite). Question 13, p. 322 Montrez que des risques de régression pèsent sur les systèmes de protection sociale des pays membres de l’UE. Les risques de régression tiennent à plusieurs facteurs. Les traditions nationales différentes (libérales versus sociales) entraînent des blocages. Les différences sont accentuées par l’entrée de pays de l’Est beaucoup plus pauvres. Mais le risque est essentiellement dû aux politiques de mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux, politiques qui favorisent la diminution de la protection sociale et des moyens disponibles pour les services publics. L’absence de coordination en la matière débouche sur une sorte de « dumping » pour attirer les capitaux et baisser les coûts de production. Cette stratégie non coopérative est à inscrire dans la longue tradition des politiques économiques nationales qui visent à accroître ses propres débouchés aux dépens des autres pays (exemple : la « désinflation compétitive » française des années 1980-90, la politique de déflation salariale et la politique fiscale allemande exposées dans le document 6).