I, 2
Deux petits versets qui, dans leur brièveté, évoquent la soudaineté et la simplicité des
interventions de Dieu par l’Esprit Saint dans l’histoire humaine. Interventions qui
bouleversent l’existence en quelques instants, comme va en témoigner le long concert de
louanges où les voix des deux femmes se répondent.
Jetons d’abord un regard d’ensemble sur ce texte :
Le premier verset met en avant Marie, et le second Élisabeth. Marie a l’initiative.
Élisabeth est accueil.
Cependant, elles ne sont pas seules nommées. Dans ces quelques lignes, sont
rassemblées cinq des six personnes dont il sera question dans l’acte qui se joue. Au
sixième acteur : la Parole de Dieu faite chair en Marie, il sera seulement fait allusion au
verset 43. Ce n’est pas le moment pour lui de se faire entendre. Il est encore caché et
inaudible. Mais c’est sur lui que repose l’Esprit, acteur principal de cette scène et qui
va agir par Marie – comme plus tard dans l’Eucharistie, il agira par l’Église et ses
membres.
En fait, nous assistons ici à une véritable « Pentecôte domestique »
, qui annonce et
prépare la future Pentecôte de l’Église [cf Ac 2, 1ss] . Elle nous fait d’emblée saisir la
signification de la mission du Verbe dans son Incarnation : donner au monde l’Esprit
qui fait vivre de la vie du Père.
Quatre des personnes nommées sont des acteurs - actifs ou passifs - dans la scène qui
se joue. La cinquième, Zacharie, n’en fera pas partie. Pourquoi est-il mentionné ici ?
À cette question, plusieurs réponses possibles :
- La plus simple et la plus évidente : il est le père de l’enfant à naître. Un enfant
engendré selon les lois de la génération humaine, inséré par son père dans la tribu
sacerdotale de Lévi , mais qui va être promis par une seconde naissance, à une autre
vocation.
- C’est chez lui que la scène se passe.
- Mais ici, l’accent porte sur « sa maison » autant que sur lui-même. En milieu sémite,
« la maison » est un terme très riche. Il désigne « le foyer », « la famille », et plus
précisément encore « l’épouse », « la mère».
Même si Zacharie n’est pas présent au moment de l’événement, son foyer devient
alors à l’image de la « tente de la rencontre » au désert du Sinaï, une demeure sur
laquelle repose la Nuée, et qui est envahie par elle [cf Ex 40, 34].
Son fils à naître tressaille et son épouse prophétise au contact de Marie, portant
son Fils oint d’Esprit Saint.
Or, le texte est clair à ce sujet : la présence de l’Esprit est « contagieuse ». Cette
présence purifie, sanctifie, vivifie, dynamise. Sans doute trouvons-nous là
l’explication de la conversion de Zacharie, qui n’est donnée nulle part ailleurs. En
effet, cette mention de « la maison de Zacharie » est placée par Luc entre la scène
de son manque de foi au Temple, lors de son service sacerdotal [cf Lc 1, 5-22], -
et celle où, après la naissance de son fils, sa langue libérée par la foi se délie, pour
obéir à Dieu et nommer, à la suite d’Élisabeth, son fils : « Jean » [cf Lc, 63].
Après quoi, rempli lui aussi d’Esprit Saint, il se met à prophétiser [cf Lc 1, 67-79].
Il n’est plus alors au Temple, mais « dans sa maison », devenue demeure de la
‘Shekhina’.
À noter d’ailleurs que sans aucun doute, à ce moment-là, Marie se trouvait encore
Cf. Jean Paul II, 31 mai 2001, fête de la Visitation : « La rencontre entre la Madone et sa cousine Élisabeth est
comme une sorte de ‘petite Pentecôte’.»