Rex Brynen
Université McGill
Résumé de la communication :
La non-démocratisation du Moyen-Orient : une tragédie
Dialogue sur l’approche canadienne en matière développement démocratique
Ottawa, le 15 février 2007
Même après un examen sommaire de la situation, force est de constater que la
« troisième vague » de démocratisation qui a balayé l’Amérique latine, l’Europe
orientale et certaines parties de l’Asie et de l’Afrique ne s’est jamais vraiment rendue
jusqu’au Moyen-Orient. Qu’à cela ne tienne, au lendemain de la guerre du Golfe de
1990-1991, un certain nombre de pays arabes ont engagé des réformes politiques
timides. De la même façon, la « démocratie » est devenue l’un des maîtres mots du
discours populaire et politique arabe.
Or, la communauté internationale a mis du temps avant de prendre conscience de ce
phénomène et d’y apporter son soutien. Toutefois, à la suite des attaques terroristes du
11 septembre 2001, la démocratisation du Moyen-Orient a soudain figuré en tête des
priorités de la politique étrangère des États-Unis et d’autres pays occidentaux.
L’autoritarisme, affirmait-on, était l’une des causes de l’extrémisme violent dans la
région. Dans ces conditions, la démocratisation était souhaitable non seulement d’un
point de vue normatif, mais aussi dans le cadre de la « campagne internationale contre
le terrorisme ». Cela s’est traduit par la mise en œuvre d’une série d’initiatives à
dimension nationale ou menée sous l’égide du G8. Dans le même élan, la tenue
d’élections en Iraq, en Palestine, au Liban et en Égypte a été saluée, souvent
exagérément, comme un signe de progrès. C’est ainsi que des ONG et des chercheurs,
voire les responsables du renseignement américains, ont mobilisé de nouvelles
ressources importantes afin de trouver les meilleures façons de favoriser le
changement démocratique dans la région.
Aujourd’hui, après quelque six années, il est permis d’affirmer que les efforts de
démocratisation au Moyen-Orient se trouvent dans l’impasse, du moins pour l’instant.
En Iraq, des élections démocratiques ont donné lieu à une guerre civile aux
conséquences régionales et durables. En Palestine, des gouvernements occidentaux
tentent d’asphyxier le gouvernement démocratiquement élu dirigé par le Hamas, qu’ils
n’aiment pas. Dans le même temps, ils fournissent des armes à une opposition
corrompue, qu’ils soutiennent, alors que aussi, apparaissent les signes d’une guerre
civile. Le Liban, lui aussi, vacille sur ses bases, d’une part en raison de tensions
sectaires et politiques persistantes et, d’autre part, parce que le Hezbollah (et ses alliés
de l’extérieur), a choisi la voie de l’affrontement, avec les risques que cela comporte.
Pour ce qui est de l’Égypte, lors d’élections parlementaires, les pays occidentaux, dont
le Canada, ont fait peu de cas de
l’intervention de policiers anti-émeute pour empêcher les électeurs de voter pour
« l’opposition ». De même, ils continuent de passer sous silence le recours, par le régime
Moubarak, à des mesures autoritaires contre les partis d’opposition, la société civile et la presse.
Enfin, la priorité accordée à la stabilité et à la lutte contre le terrorisme, outre les peurs
suscitées par l’opposition islamiste, ont eu raison des vœux pieux concernant le soutien au
changement démocratique.
Qui plus est, les populations de la région ne sont pas dupes. Elles nous considèrent de moins en
moins comme les porteurs de valeurs démocratiques (auxquels, si l’on en croit les sondages, ces
populations souscrivent généralement), et de plus en plus comme des hypocrites, mus par leurs
intérêts propres, et les alliés de régimes autoritaires.
Aussi, pour dégager les « enjeux, possibilités et enseignements » relatifs à la promotion de la
démocratie au Moyen-Orient, est-il essentiel de se pencher sur les questions fondamentales
suivantes :
la politique étrang re occidentale, comme la façon dont celle-ci est perçue, influe
grandement sur l’idée que se font les populations locales de la promotion de la
démocratie. Dans ce domaine, nous devons nous méfier de plus en plus de nous-m
mes.
Ceux que nous saluons comme des « modérés » le sont rarement. la place, se sont
habituellement des dictateurs bien disposés envers nous. De plus en plus, ils savent
tenir un discours réformiste, tout en conservant leur mainmise sur le pouvoir, la faveur
d’une autocratie libérale.
Sur le court et le moyen terme, dans la plupart des pays, la seule opposition digne de
ce nom vient des mouvements islamistes. Ceux-ci recueillent une large adhésion dans
la population et sont profondément enracinés dans le tissu social. Nous devons veiller
la cohérence et la constance des modes de dialogue avec ces groupes.
Par opposition, les acteurs de la société civile avec lesquels nous dialoguons si
souvent sont, la plupart du temps, les partisans d’un pouvoir libéral semi-la que, qui
jouent un rôle négligeable, sans soutien véritable de la population. De plus, leur
adhésion la « société civile » n’est pas toujours leur point fort.
De nombreux enjeux prioritaires que nous associons volontiers la démocratisation,
tels que la promotion de la parité entre les sexes ou de la libéralisation économique,
n’entretiennent en fait qu’un rapport ténu et ponctuel, dans le meilleur des cas, avec la
démocratisation.
La difficulté réside dans les points de détail. S’agissant du soutien la démocratisation,
il convient d’adapter nos efforts aux subtilités de chaque syst me politique en particulier.
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Il n’existe pas de stratégie unique pour tous les pays. De plus, la situation est rarement
aussi facile circonscrire que le prétendent les idéologues de la politique étrang re. la
place, la région se caractérise par la multiplicité des différences subtiles.
La révolution médiatique ne se traduira pas par la démocratisation du Moyen-Orient.
Toutefois, elle a eu une incidence profonde sur la pluralité des discours politiques dans
la région. Mais les donateurs ou les minist res des affaires étrang res occidentaux n’en
tiennent pas encore d ment compte.
S’agissant des droits de l’homme, l’exercice d’une diplomatie discr te n’est pas toujours
la meilleure solution une action forte visibilité.
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