L`obsolescence du capitalisme français peut-elle conduire à

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Nathalie Geneste
Marie Christine Monnoyer
L’obsolescence du capitalisme fraais peut-elle conduire à velopper la solidarité ?
Introduction .................................................................................................................... 1
1. Du paternalisme à La RSE. ....................................................................................... 3
1.1 L’entreprise, communauté intermédiaire .............................................................................................................. 4
1.2 De la corporate responsiveness à la RSE ............................................................................................................. 9
1.3 Les limites de la RSE ...................................................................................................................................................15
2. Du social business à la solidarité de proximi ........................................................... 17
2.1 De l’économie positive au social business .........................................................................................................18
2.1.1 L’économie positive ou les effets d’une auto critique .........................................................................18
2.1.2 Le social Business, une troisième Voie ? ............................................................................................ 19
2.2 De la solidarité fiscale à la solidarité de proximité .......................................................................................21
2.2.1 Vers une solidarité légalisée .................................................................................................................... 21
2.2.2 Le développement d’une solidarité de « proximité » ........................................................................ 23
Conclusion ...................................................................................................................... 24
Introduction
Le dernier quart du 20° siècle a été caractérisé par plusieurs évolutions technologiques qui ont
transformé les processus productifs et l’organisation spatiale de la production. Si l’histoire de
notre planète a déjà connu des bouleversements similaires, l’évolution des techniques de
transport de marchandises et l’apparition des échanges d’information numérisés ont favorisé
le développement des échanges internationaux en réduisant les coûts liés à la distance entre
producteurs et consommateurs. La domination qu’exerçait le monde dit occidental (pays de
l’OCDE) sur le reste du monde est mise en cause et de nouveaux pays, qualifiés d’émergents
prennent place de façon marquante dans les échanges internationaux. La dislocation de
l’URSS en 1990 et 1991, la prise de distance des « démocraties populaires » autorise pour la
plupart d’entre elles leur indépendance avec la nation sœur et fait apparaître les différentes
formes du capitalisme comme les voies d’avenir du développement économique.
Mais la révolution qu’apporte le numérique ne se focalise par sur un ou quelques secteurs
d’activités, elle transforme petit à petit toutes les industries et toutes les activités tertiaires,
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qu’elles soient d’ailleurs marchandes ou non marchandes. Les progrès se nourrissent les uns
des autres et permettent aux pays qui ne se sont pas doté d’une législation sociale au 20°
siècle de mettre en difficulté les organisations productives es des deux premières
révolutions industrielles.
La crise financière qui débute aux Etats-Unis en 2008, en, prenant son origine dans des
comportements bancaires que l’on pourrait qualifier de mafieux, apparaît comme la plus
grave que le monde ait connu depuis les années trente, sans doute parce que ses effets négatifs
s’ajoutent aux conséquences des transformations technologiques telles que nous venons
rapidement de les brosser.
Toutefois chaque pays a son histoire et chacun a affronté ces bouleversements en s’appuyant
sur ses forces et ses faiblesses pour tenter de maintenir ses acquis. La diversité des situations
économiques et sociales actuelles au sein des pays de l’OCDE témoigne de la variété des
politiques engagées, et de la réactivité des entreprises dans chacun des pays concernés.
Mais le monde, de l’agriculteur aux édiles politiques, du marin au chercheur se trouve en
parallèle confronté avec ce qu’annonçaient les travaux du club de Rome en 1974. De
nombreux scientifiques, tant en sciences sociales qu’en sciences dures, insistent sur les
dangers d’une organisation de la production fortement destructive de matières premières et de
ressources naturelles non renouvelables. Les travaux du GIEC confirment les effets négatifs
sur le climat de la planète des surconsommations et des effets de la pollution atmosphérique.
De telles difficultés, de telles incertitudes quant à la pérennité du mode de vie des occidentaux
et en particulier des Français conduisent les citoyens, les structures productives et ceux qui les
dirigent, les hommes politiques, à s’interroger sur l’obsolescence de la gouvernance de nos
institutions. D’une façon peut-être paradoxale, depuis la fin des 30 glorieuses (1975), alors
que la quête de la reprise de la croissance n’a pas cessé, des embellies temporaires sur le front
de l’emploi ont conduit à repousser une réflexion plus profonde sur les causes des
dégradations constatées. JP Dupuy, (2014) explique que malgré la crise financière de 2008, la
sacralisation de la croissance, son immortalité intrinsèque apparente a empêché les acteurs
économiques et politiques de la fin du 20°s, d’imaginer d’autres formes d’organisations
productives, moins lourdes de conséquences écologiques, humaines et sociales. Dans la
société civile, les réflexions semblent bloquées. Les acquis sociaux (retraite, durée du travail,
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organisation hebdomadaire du travail…), les privilèges sectoriels, administratifs, salariaux,
fiscaux n’apparaissent exorbitants que chez le voisin… Certains n’hésitent pas à rechercher
un bouc émissaire aux difficultés du temps.
Les structures de réflexion internationales (OCDE, Commission européenne, ONG, voire
étatiques) conscientes des dangers de ces évolutions, réfléchissent à la structuration de
nouvelles formes productives, caractérisées par la recherche de la satisfaction de besoins
sociaux de proximité, une moindre recherche du profit, une attention plus forte aux personnes
employées. Elles sont connues principalement sous le nom d’économie sociale et solidaire.
Les chercheurs se sont emparés de ces concepts pour ouvrir des pistes innovantes aux
managers et éviter des dérives vers des structures très déséquilibrées sur le plan financier. Les
gestionnaires imaginatifs s’intéressent au « bottom of the pyramide » pour trouver des
réponses aux besoins sur lesquels la solidarité fiscale achoppe. Les créatifs, s’appuyant sur les
réseaux sociaux et les technologies numériques, rivalisent d’imagination pour contrebalancer
les effets négatifs d’une gouvernance des structures productives déficiente.
Pour mieux comprendre l’obsolescence du capitalisme français, nous plongerons dans son
histoire riche d’autant de concupiscence que d’engagements sociaux. Elle nous ouvrira la voie
vers les tentatives de rénovation actuelle des formes de gouvernance que nous analyserons
ensuite dans leurs différentes formes managériales ou associatives.
1. Du paternalisme à La RSE.
Historiquement, toutes les phases d’obsolescence d’un mode de production se sont
caractérisées par l’émergence des forces sociales et de tentatives pensant et portant un projet
de société différent.
Pour ce qui concerne les révolutions/transitions industrielles traditionnellement repérées aux
19è et 20è siècles, ces actions furent pour l’essentiel menées sur le terrain des réformes du
système de production et des transformations des organisations. En d’autres termes, elles sont
demeurées internes au capitalisme (en dehors de certaines approches d’utopies sociales de la
deuxième moitié du 19ès siècle). Si bien que si, comme Marx le prétendait, la chute du
capitalisme est inéluctable, elle ne se traduit pas en tout état de cause par quelque
effondrement que ce soit, par un collapse en quelque sorte, mais au contraire elle se
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prolongerait indéfiniment en un processus séculaire de transformations et de métamorphoses ;
Ce processus rend l’obsolescence du système globalement imperceptible pour ses acteurs
contemporains (ouvriers, consommateurs), mais paradoxalement et dans le même
mouvement, créatrice d’une nouvelle recomposition à travers des expériences apparemment
limitées mais multiples.
L’hypothèse que la troisième révolution industrielle externaliserait les enjeux humains
les deux précédentes les auraient internalisés –dans l’entreprise d’abord, dans
l’organisation managériale ensuite -, peut être avancée et mériterait d’être testée sur le temps
long. En effet, à chaque fois, plusieurs facteurs se conjuguent et ils se développeront au
cours du 20e siècle –, pour transformer l’organisation de lieux de production
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. Les progrès
scientifiques et les innovations dont ils sont porteurs impliquent la création de collectifs de
développement internes puis, progressivement externes, qui laissent entrevoir des possibilités
profondes d’enrichissement mutuel des personnes et de la société. Certes, le capitalisme
financier, notamment, a nettement fait régresser la place offerte aux relations humaines au
sein de l’entreprise ou au cœur de la dynamique des marchés, contribuant à renforcer
l’individualisme, la recherche de la performance individuelle dans l’action immédiate. Ce
faisant, il a relégué contemplation et intériorité ainsi que bien des formes d’action solidaire
hors de l’activité travaillée au sein de l’entreprise.
1.1 L’entreprise, communauté intermédiaire
Il y a deux siècles déjà, l’organisation de production pouvait apparaître parfois comme une
véritable communauté sur un territoire. Aujourd’hui, non seulement l’ensemble des textes,
directives, réglementations, conduisent les managers d’entreprise et leurs actionnaires vers
une meilleure prise en compte de leurs parties prenantes, mais en sus, la circulation des
expériences personnelles et les réalisations d’entreprises petites ou grandes invitent à
éprouver le création et le partage de valeurs et d’actions solidaires (familiales, territoriales,
culturelles, religieuses) comme autant de ressources bénéfiques et non épuisables.
Le capitalisme pétri de paradoxes, y compris sous sa forme industrielle originelle, a toujours
fait grand cas explicitement comme en creux, par conviction comme par obligation des
questions de solidarité. Le paternalisme, par exemple, vient substituer une organisation
productive heureuse aux communautés primaires (familiales, locales, de métiers) : il les
1
B. SEGRESTIN et A. HATCHUEL, Refonder l’entreprise, Paris, Seuil, 2012.
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internalise ainsi au moins pour partie. Dans le même mouvement pourtant, il divise,
fractionne et disperse ces mêmes communautés et l’entreprise devient le lieu de la cohésion,
l’entité capitaliste valorisable sur les marchés. Il offre ainsi toujours une réponse aux
revendications et mouvements ouvriers qui cherchent l’émancipation ouvrière en contestant le
pouvoir du patronat, il fait pièce aux mouvements socialistes du 19è siècle. Il invente et
transforme suffisamment « lentement » pour limiter les risques de révolution et d’implosion
véritables. En somme, ce qui peut apparaître comme une logique managériale des siècles
passés, se pose plus exactement comme réponse plurielle (religieuse, idéologique, stratégique)
à la question sociale de son temps.
Ce faisant, les patrons, lors des révolutions et des transitions industrielles des 18è au 19è
siècles, en définissant les règles de la morale au travail, ont donc à la fois intériorisé la
question de la solidarité au sein de l’entreprise et assuré à travers celle-ci la légitimité globale
de l’organisation, donc leur propre position. À l’échelle des plus grandes unités productives,
au tournant des deux derniers siècles, le patron paternaliste tente même réellement d’éviter la
confrontation entre travail et capital, chère au matérialisme historique. Il perçoit l’intérêt de
placer les conditions du travail salarié au cœur de la relation des hommes au sein de
l’entreprise. De la quali de ces conditions dépendra alors celle de la coopération, de la
relation, de la solidarité voire de l’unité. Une entreprise peut, certes, être perçue comme
« fondamentalement intermédiaire », c’est-à-dire comme un « groupement humain, plus large
que la famille, plus petite que la nation ou la société, différente du clan ou de la bande
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». Elle
va aussi probablement au-delà de la « mise en commun d’individus » puisqu’elle opère à
partir des interactions, des relations entre personnes
3
. En chaque cas, elle demeure une
structure de production identifiable, valorisable et transformable par le marché.
Patrons et ouvriers, bailleurs de fonds et ingénieurs concourent alors au moins autant que
l’État à assurer le bonheur des hommes… et probablement mieux au regard du souhait
d’éviter un cadre règlementaire uniforme et contraignant sur des territoires hétérogènes
s’organisent des hiérarchies productives extrêmement variées dont les chefs d’entreprise
entendent tirer profit
4
. Dès lors, « pour mettre en œuvre des formes d’organisations modernes
2
D. BESSIRE et H. MESURE, « Penser l’entreprise comme communauté : fondements, finition et
implications », art. dans Management & Avenir, Management Prospective Ed., n°30, 2009, p. 35.
3
Ph. ZARIFIAN, Travail et communication. Essai sociologique sur le travail dans la grande entreprise
industrielle, Paris, PUF, 1996.
4
N. GENESTE, Les spécialisations industrielles des régions françaises (1837-1866), Thèse pour le Doctorat
ès Sciences Économiques, Université Montesquieu Bordeaux IV, sous la direction de B. Desaigues, 1997.
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