Jean Latreille ECONOMIE, SOCIOLOGIE ET CULTURE SES Les œuvres proposées peuvent vous aider à réfléchir sur bien des problèmes économiques et sociaux. L’idéal est de les découvrir en famille ou avec un(e) ami(e) afin de pouvoir justement en discuter, critiquer, prolonger la réflexion… Les artistes sont rarement satisfaits de la société, sinon ils ne perdraient pas leur temps à la réinventer. C’est pourquoi ces œuvres sont souvent critiques avec les systèmes politiques que nous connaissons. Mais qui aime bien châtie bien, et rêver d’une société meilleure n’est sûrement pas une façon de désespérer de celle dans laquelle on vit. Au contraire… ROMANS 1984 (G. Orwell) : Sur un régime totalitaire En gras, les Au bonheur des dames (E. Zola) : sur les premiers grands magasins auteurs dont on César Birotteau, (Balzac), sur l'entreprise et les entrepreneurs au XIX° siècle. peut tout lire… La controverse de Valladolid (Jean-Claude Carrière) : un débat (qui a eu lieu !) au Moyen-Age sur l'appartenance des indiens d'Amérique à la race humaine. Ont-ils une âme ? Tous les arguments sont donnés. La place (Annie Ernaux) ou comment une fille a fait « mieux que son père » (sur la mobilité sociale). Le meilleur des mondes (A. Huxley) : la "production" du bonheur de masse selon les principes fordistes Les raisins de la colère (J. Steinbeck) : sur la crise de 1930 aux Etats-Unis. La révolte des pauvres. Les ritals (François Cavanna) : sur l'immigration en France au début du siècle. Raconté par un enfant. Les trois sœurs (Tchékov) : une pièce de théâtre sur la vie moderne, ou comment trouver le bonheur individuel et la reconnaissance sociale. Oliver Twist (Charles Dickens) : la vie d'un gamin pauvre dans Londres au XIX° siècle. Grave et drôle. Slumdog Millionnaire (Vikas Swarup) : la réussite sociale d'un habitant des bidonvilles en Inde. Un conte. Stupeurs et tremblements, (Amélie Nothomb) le stage d'une jeune francophone au Japon. Drôle. Vol au-dessus d’un nid de coucou (Ken Kesey), sur les marginaux, déviants et « évadés ». LONGS METRAGES Douze hommes en colère (Sydney Pollack – 1957) avec Henri FONDA, sur la justice et cette question éternelle : le doute doit-il profiter à l’accusé ? Ressources humaines, (Laurent Cantet – 1999), un fils devenu cadre fait son premier stage dans l’usine ou son père est ouvrier spécialisé. Les virtuoses (Marc Herman – 1997): comédie sur un orchestre de chômeurs dans les mines anglaises Les temps modernes (C. Chaplin - 1936) : sur le travail à la chaîne et les débuts de la vie moderne. La vie est un long fleuve tranquille (E. Chatilliez - 1988) : sur les milieux bourgeois et populaire en France. Le couperet, (Costa-Gavras - 2005), avec José Garcia, sur l'épineux problème du chômage et de la concurrence parmi les demandeurs d'emploi. D’après un livre de Donald Westlake. Comment claquer 1 million de $ par jour (Walter Hill - 1985) : M. BREWSTER apprend qu'il héritera de 300 millions de dollars s'il parvient à en dépenser 30 en un mois et ce sans acquérir de bien. Objectif de son oncle défunt : dégoûter sont héritier d’être milliardaire… Une époque formidable (Gérard Jugnot - 1991) : sur le chômage en France. Wall street (+ la suite 2010), avec Mickael Douglas (Oliver Stone - 1987) : sur la bourse et les dérives de la finance. Citizen Kane (Orson Welles - 1941) : sur un géant de la presse aux U.S.A. Le Président et Miss Wade, avec encore Mickael Douglas (Rob Reiner - 1995) : on l’on voit comment fonctionne les lobbies aux USA, sur fond d’histoire d’amour avec le Président (américain, ici…). The Big One, (Michaël Moore - 1999), sur les entreprises qui licencient tout en faisant des bénéfices L’associé, (Donald Petrie – 1997) : une spécialiste de la finance mais femme et black s’invente un associé blanc respectable pour créer se mettre à son compte et rassurer les clients. BANDES DESSINEES Achille Talon et l'archipel de Sanzunron (Greg) : sur le troc, puisque Talon va sur un île sans monnaie… Obélix et compagnie (Goscinny et Uderzo) : critique de la monnaie comme destructrice du lien social. V pour Vandetta (A. Moore) : sur l’opposition anarchiste à un système totalitaire fasciste. Le transperceneige (Rochette/Lob) : sur la structure sociale et le parcours d’un individu qui remonte un train (symbolisant la société hiérarchisée) des wagons de queue aux wagons dorés : il veut savoir qui conduit la machine… Le grand pouvoir du Chninkel (Van Hamme) : fable sur la naissance des sociétés Largo Winch (14 volumes: L'héritier, Le groupe W, OPA, etc...) J. Van HAMME, P. Francq. Un jeune aventuriers intrépide hérite d’une fortune industrielle collosale. Argent, cascades et jolies filles… SOS Bonheur (3 albums) scénario de Jean Van HAMME (Largo Winch, XIII, Thorgal...), dessin Griffo (BD épuisée, à trouver en bibliothèque) sur la révolution dans une société totalitaire. Les mauvaises gens, (Etienne Davodeau, Ed. Delcourt), portrait de syndicalistes et militants ouvriers dans une région catholique et conservatrice. ESSAIS Attention : Un essai ne se lit pas comme un roman policier, de la première à la dernière page d’une traite ! C’est une corbeille de fruits (chaque idée a sa propre saveur) dans laquelle on choisit directement le chapitre qui semble intéressant, ou la conclusion, pourquoi pas, si on est impatient de savoir où veut nous conduire l’auteur. Pour cette raison, on choisit un livre comme au marché ma grand-mère achetait ses légumes: on va le voir, le toucher, on goûte (c’est-à-dire qu’on ouvre au hasard et on voit si les phrases sont lisibles et compréhensibles). C’est un sacrilège d’acheter un livre pour ne pas le lire : donc allez au magasin avec la liste, demandez à voir, prenez le temps de choisir et… régalez-vous ! SOCIOLOGIE 80 % au bac, et après ? Stéphane BEAUD ou Pays de malheur ! : Un jeune de cité écrit à un sociologue (avec Younes AMRAOUI) décrit la vie des français issus de l’immigration et leurs difficultés d’intégration. Allez les filles (1992, 245 p.) ou Le niveau monte (BAUDELOT et ESTABLET) Ed Seuil. Deux études sociologiques simples et courtes sur les compétences scolaires des filles et des jeunes. Bonheur privé action publique, Albert HIRSCHMAN, Hachette, 1982, une explication du changement social par la déception des individus qui alternativement recherchent le bonheur ou l’engagement public. Corps de femmes regards d’homme (sociologie des seins nus), Jean-Claude KAUFMANN l’exhibition des seins sur la plage est une preuve du haut degré de civilisation (au sens de Norbert Elias) de notre société. La double absence (Abdelmalek Sayag) : des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré. Sensible. La côte des prénoms 2008 (J. BESNARD), sur la sociologie des prénoms et leur cycle de vie, une analyse passionnante et l’étude statistique et sociologique de chaque prénom. Chez Michel Lafond, d'occasion. La famille incertaine, Louis ROUSSEL, Ed. O. Jacob. Sur les mutations de la famille. La nouvelle question sociale, Pierre ROSANVALLON, Points Seuil, 1995, recherche les voies nouvelles de la solidarité sociale dans une société qui se précarise, par un spécialiste de la démocratie française. Le bouc émissaire, René GIRARD, Livre de poche. Sur la théorie de la mimésis, qui amène la société à reporter la violence sur un étranger. Le suicide ou Les règles de la méthode sociologique, Emile DURKHEIM. Ou plus simple Sociologie et Education1. Le temps des immigrés, François HERAN, Seuil, 2007. Un excellent livre (facile) sur la démographie française. (110 p.) 1 téléchargeable gratuitement sur http://classiques.uqac.ca/ un site où l’on trouve beaucoup de textes classiques de la sociologie Légendes Urbaines (V. CAMPION-VINCENT et JB RENARD) Ed PAYOT: sur les mythes urbains, leurs origines et leurs explications L'éloge de la différence, Albert JACQUARD, Points Seuil (ou J’accuse l’économie triomphante).Sur les scientifiques qui veulent imposer leur savoir. Les bienfaits des images, Serge TISSERON, Ed Odile Jacob, pour montrer que le lien entre images violentes et montée de la violence est une caricature des relations que nous entretenons avec les images. Les classes moyennes à la dérive, Louis CHAUVEL, 2006, pose le problème de la fin de l’époque où les classes moyennes tiraient la société, par leur espoir d’ascension sociale. (110 p.) Les métamorphoses de la question sociale, Robert CASTEL, Folio Essais, 1995, sur la construction progressive du salariat du XVI au XX siècle et sa disparition annoncée. 800 pages mais faciles à lire !!! Les temps hypermodernes (125 p., 4,75 € seulement !), ou Le bonheur paradoxal (370 p.), de Gilles LIPOVETSKY, sur la société de consommation contemporaine qui ne nous rend pas heureux pour autant... Les uns avec les autres (260 p.), François DE SINGLY, Hachette Littérature, 2003, une vision optimiste de l’individualisme. Voir aussi Libres ensemble, ou Le soi, le couple et la famille Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, RV JOULE et JL BEAUVOIS, PUG, 2002, Deux psycho-sociologues montrent comment nous sommes manipulés par les commerciaux ou la publicité, 286 p. Questions de sociologie, ou Sur la télévision, Pierre BOURDIEU Editions de minuit. Sur différents thèmes (la jeunesse, la langage, les goûts...) Ou le dernier sur La misère en France, un gros pavé à lire par morceaux. Sociologie de la bourgeoisie (B. Pinçon et M. Pinçon-Charlot) : enquête sur la grande bourgeoisie. Etonnant. Victor de l’Aveyron – « l’enfant sauvage » (Professeur ITARD. dispo sur Internet) : le véritable rapport sur le cas unique d’un enfant trouvé en forêt au XIX ° siècle, que le professeur Itard a essayé d’ « éduquer ». ECONOMIE Dans un an il sera trop tard, Jean Marc JANCOVICI, Tout ce qu’il faut savoir sur le réchauffement climatique et ses conséquences économiques. Déchiffrer l'économie, Denis CLERC, Alternatives économiques. Livre qui raconte l'économie en 400 pages avec précision et passion. Introduction à l'économie (J. Généreux) : Tout ce qu'il faut savoir en économie, en 180 pages et 6 € ! La bourse et la vie, Jacques LE GOFF, ou comment la religion catholique a inventé le purgatoire pour sauver les usuriers de l’enfer, Pluriel, 1986, 112 p. La démocratie et le marché, Jean Paul FITOUSSI. L'efficacité économique n'est pas incompatible avec la solidarité. 120 p. La fin du travail (Jérémy RIFKIN) : Sur le partage du travail, qui se fait de plus en plus rare grâce à (ou à cause de ) la productivité… 360 pages sur l’impact des évolutions technologiques sur le travail. La machine et le chômage, Alfred SAUVY, Dunod. Sur la substitution des machines aux hommes, par le démographe qui a théorisé le déversement des emplois du secteur primaire au secteur tertiaire. La mondialisation n’est pas coupable, Paul KRUGMAN, 1996, Ed La découverte/Poche. Montre que le chômage et les inégalités dans les pays riches ne sont pas imputables à la concurrence des pays pauvres. Le capitalisme total, Jean Peyrelevade, sur le développement du capitalisme financier. 93 pages, Le chômage, à qui la faute ?, Nicolas BAVEREZ et Alain MINC, 2005, Ed de l’Atelier, une vision libérale des problèmes de l’emploi. Les mensonges de l’économie (90 p.) John K. GALBRAITH, Grasset, 2004, montre que la vérité des économistes n’a pas toujours de rapport avec le réel, ou Le nouvel Etat industriel (473 p.), sur le pouvoir des grandes entreprises et comment elles fabriquent des besoins pour vendre leurs produits. Les trente glorieuses,. Jean FOURASTIE, Ed Poche. Sur la formidable croissance éco. de l'après guerre. Made in Monde, Suzan Berger, tout ce qu'il faut savoir sur les stratégies des Firmes multinationales. Nos temps modernes, Daniel COHEN, Est-ce la fin du travail, ou le travail sans fin ? 160 p. Très clair. CRITIQUES DE L'ECONOMIE ET DU CAPITALISME La crise de 2008-2009 n'a fait que relancer de plus belle des critiques qui ont toujours été faites aux économistes. Keynes se désolait déjà en 1936, dans sa Théorie générale, de la "répugnance croissante du public à accorder au économistes le tribut de respect qu'il alloue aux autres catégories de savant". Cependant, si des valeurs antilibérales ou humanistes peuvent nous pousser vers la critique de l'économie, il faut tout de même être bien armé pour s'attaquer à une telle science. C'est le cas des auteurs que je propose ici (dont trois prix Nobel), qui ne sont pas tous très faciles à lire. Un certain nombre d'entre eux sont plutôt keynésiens, ce qui n'est pas un hasard puisque hors du schéma marxiste et de celui de la décroissance, la seule vraie attaque antilibérale connue en économie est celle initiée par Keynes. De l'euphorie à la panique : penser la crise financière, André ORLEAN, montre que les marchés financiers ne sont pas autorégulateurs. Jusqu'à Quand ?, Frédéric LORDON réfléchit sur la situation actuelle et constate que le libéralisme est ainsi fait qu'il tolère aisément les crises qui n'affectent que les dominés, et qu'il est temps de tout changer. La crise : Pourquoi on en est arrivé là ? Comment en sortir ? Michel AGLIETTA est l'un des rares économistes à avoir prévu la crise financière, dont il est un des meilleurs analystes. La décroissance : Entropie-Ecologie-Economie, Nicholas GEORGESCU-ROEGEN, par le fondateur de l'idée de décroissance. L'économie est une science morale, Amartya SEN, par le Nobel indien qui a remis de l'éthique dans une science qui en manquait de plus en plus. Les esprits animaux, ou comment les forces psychologiques mènent le monde de la finance, George AKERLOF, pour comprendre le rôle de la psychologie des foules dans les phénomènes spéculatifs. L'homme est-il un animal sympathique ? (le contr'Hobbes), Coordonné par Christian LAZZERI, un ouvrage pour réfléchir contre la notion de l'Homo oeconomicus, en supposant que l'Homme cherche surtout à entrer en relation avec autrui, plutôt qu'à le combattre, et qu'il n'est pas d'abord "un loup pour l'homme". Misère et chômage, libéralisme ou démocratie, R. DUMONT, le premier candidat écologiste a avoir alerté dès les années 70 sur les dangers de la croissance économique, s'interroge sur les inégalités mondiales. Quand le capitalisme perd la tête, Joseph STIGLITZ. Un prix Nobel d'économie dénonce la spéculation. Voir aussi Un autre monde, sur les réformes à faire pour sortir des impasses du système. Survivre au développement, de la décolonisation de l'imaginaire économique à la construction d'une société alternative, Serge LATOUCHE, par un auteur qui veut remettre l'économie à sa place : au service des hommes. Lire aussi Entre mondialisation et décroissance : l'autre Afrique, pour découvrir des relations sociales non marchandes. Vers une autre science économique (et donc un autre monde), Alain CAILLE, par un spécialiste de la critique de l'utilitarisme, doctrine qui suppose que les humains sont forcément intéressés et calculateurs. ISSUE DE SECOURS Si par malheur, vous ne trouvez rien à lire qui vous passionne dans cette liste, cherchez dans les collections Que sais-je, ou Repères-La découverte ou Sciences sociales-128 (Armand Colin) : il doit y avoir un titre sur un sujet qui vous intéresse. Et si vous ne trouvez vraiment rien qui vous plaise dans tout ça, allez chez votre marchand de journaux et achetez l'Equipe, Closer ou Paris-Match… Ca vous fera un peu de lecture.