a) On observe des mouvements de main-d’œuvre dans le monde, mais d’ampleur
réduite. Pour tout un ensemble de raisons (législation, langue, niveau de richesse
culturelle et monétaire des individus, variables idéologiques…) le facteur travail,
bien que subissant les effets de la mobilité mondiale du capital, est fixé sur un
territoire. Dans le contexte de la destruction programmée de l’Etat social et de la
nation par les classes capitalistes et leurs représentants politiques, cette dernière (la
nation) continue de faire partie de l’expérience concrète des classes populaires.
Rappelons que ces classes recouvrent la majorité des travailleurs salariés (ouvriers
et employés, c’est-à-dire la majorité de la population) les plus exploités par le
capital.
b) La caractéristique de fixité territoriale fait dire à certains analystes du marché
du travail qu’il n’existe pas de marché mondial du travail, sauf, peut-être, pour
certains segments d’une main-d’œuvre hautement qualifiée ou pour le personnel
appartenant aux sphères dirigeantes du management et de la finance.
c) Certes, il n’existe pas de marché mondial organisé du travail mais on observe
la mondialisation des conditions de fonctionnement et de rémunération directe et
indirecte des travailleurs. Cette mondialisation résulte notamment (si l’on met de
côté la fiscalité, le taux de change, les transports, divers risques politiques et
juridiques) de la comparaison du coût des produits et donc du coût en salaires
directs et indirects, du temps et de la productivité du travail, des perspectives sur
les marchés (écoulement prévisible des produits).
Jadis, en raison de la fixité du capital, les comparaisons internationales du
facteur travail se faisaient principalement par l’intermédiaire de la productivité du
travail en ce qui concerne le commerce des biens. Aujourd’hui, ces comparaisons,
qui visent à expliquer la mobilité du capital de production et pas seulement celle
du capital marchandises retiennent évidemment les productivités, mais elles font
davantage intervenir les coûts en salaires. Ce qu’on appelle le coût salarial est une
mesure du coût en salaire par unité de produit.
d) Les statuts particuliers de fonctionnement de la main-d’œuvre sont jugés
prohibitifs par les directions capitalistes. Leur anéantissement est recherché.
La main-d’œuvre est supposée devoir s’adapter très rapidement à l’organisation
capitaliste, à ses exigences en matière de temps et de salaires, aux réductions
drastiques d’allocations et de droits, aux changements introduits dans le droit du
travail, aux contraintes diverses exprimées par le capital. Le travail doit devenir,
selon les directions capitalistes et dans la phase actuelle de mondialisation,
totalement flexible, adaptable, intérimaire, frugal, soumis au capital dans tous les
actes de travail et de vie.
e) Dans la mesure où le travail est fixe et où le capital s’évapore rapidement, ou
ne s’investit pas s’il n’y trouve pas son compte, le chômage est devenu une
expérience durable de masse pour le facteur travail et pas seulement dans les pays
développés. En plus d’un volant de chômage, évalué par les gestionnaires du
capital à un niveau minimum nécessaire de 7-8% de la population active pour
limiter l’inflation, mais dépassant souvent ce niveau, se forme désormais une
population d’exclus ou d’« irrécupérables ». Le groupe des exclus représente une
couche nouvelle particulière au sein de l’ensemble que Marx appelait « l’armée
industrielle de réserve ».
f) Le processus en cours de mondialisation a profondément bouleversé la valeur
de la force de travail, ce qui pourrait justifier une réflexion approfondie et
comparative sur ce concept et la réalité qu’il recouvre, en ce qui concerne
notamment la consommation de services.