Emmanuelle Gruber – Hiver 2011
© Le lab de philo – Collège Montmorency
et avoir à l’esprit de façon consciente les dilemmes éthiques est la base de toute discussion
rationnelle. Force est de constater que pour l’instant je n’ai pas atteint cet objectif.
Mes solutions… à travailler
Je ne vais parler de tout ce que j’ai entrepris pour tenter de répondre aux problèmes que je viens
d’exposer, mais j’aimerais parler de trois exercices qui ont été, selon moi, concluants.
Premièrement, afin de faire ressortir certains droits fondamentaux, j’ai décidé de partir des
caractéristiques de la dictature. Pour cela, les étudiants ont à lire un texte dans lequel j’ai résumé
les pratiques et les caractéristiques d’une dictature (j’ai pris l’exemple historique de la RDA en
partie pour mettre en exergue les pratique de la police secrète qui sont très documentées
aujourd’hui). Je leur demande de lister ces caractéristiques de façon résumées (par exemple :
arrestation arbitraire, pouvoir à une seule personne, une seule idéologie et un seul parti
autorisé…). Puis, je leur demande, pour chaque caractéristique, de trouver le droit ou le principe
démocratique qui s’oppose. Par exemple, « arrestation arbitraire » s’oppose à « droit à un
procès », « droit de savoir pourquoi on est arrêté », « présomption d’innocence ». Cet exercice a
donc principalement consisté à faire comprendre aux étudiants quels sont les grands droits et
principes démocratiques et surtout quel est leur intérêt en leur montrant concrètement des
situations dans lesquels ces droits et principes ne sont pas garantis. L’illustration de ces droits et
principes « à la négative » en passant par la dictature a éclairé bien mieux qu’un tableau listant
froidement ces dits droits.
Il est difficile de mesurer l’impact auprès des étudiants. Toutefois, j’ai pu remarqué que certains
débats ou CRP (Commuauté de recherche philosophique
) étaient plus touffus et plus approfondis
que lorsque je ne leur faisais pas faire cet exercice sur la RDA les sessions précédentes.
J’aimerais apporter un exemple de cette compréhension plus approfondie qu’a permis, selon moi,
cet apprentissage des droits et principes démocratiques à travers l’étude d’une dictature. Je
prendrais seulement un exemple d’une CRP portant sur la question : faut-il interdire les sites
internet qui prônent l’anorexie comme un mode de vie valable? (sites webs dits « pro ana » Les
sessions précédentes, le problème que j’avais rencontré était que les étudiants ne voyaient pas ou
ne comprenaient pas a priori quelles personnes pouvaient être contre l’interdiction de tels sites, à
part, bien sûr, les pro ana elles-mêmes. Ils ne comprenaient pas non plus au nom de quel
argument pouvait-on laisser ces sites ouverts à tous. L’idée de la liberté d’expression, souvent, ne
leur venait pas à l’esprit. Par conséquent, le problème éthique lié à la liberté d’expression qui
consiste en ceci : doit-on limiter la liberté d’expression (pour limiter la diffusion des positions
extrémistes)? avait du mal à émerger dans le débat. Avoir fait au préalable un tel exercice sur les
droits et principes de la démocratie, même si cela ne fait pas automatiquement, permet de
soulever ce problème beaucoup plus vite et la discussion s’est considérablement enrichie. Un
cours ensuite sur les libertariens est mieux compris et ces derniers sont moins vus comme des
monstres immoraux.
Deuxièmement, un exercice en petits groupes a apporté je crois un éclaircissement sur la
séparation des pouvoirs qu’un tableau sur les institutions n’avait jamais produit. Je leur ai
demandé de répondre à la question suivante : imaginez que votre député est aussi votre juge,
Voir la présentation de Hugo Doyer sur les Communautés de recherches philosophiques, Le lab de philo, hiver
2011.