Claude Vivier

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Tu vis par ta musique, Claude Vivier
Notes pour une allocution de
Daniel Turp
Député de Mercier à l’Assemblée nationale du Québec
à l’occasion de la motion conjointe * rendant hommage à Claude Vivier**
Québec
15 avril 2008
L’allocution lue fait foi
Le présent document est affiché sur le site : danielturp.org
Pour tout commentaire: [email protected]
*
Madame Christine St-Pierre, ministre de la Culture, des Communications et d de la Condition féminine,
conjointement avec Monsieur François Benjamin, député de Berthier, et Monsieur Daniel Turp, député de Mercier
présentent la motion suivante : Que l’Assemblée nationale rende hommage au compositeur Claude Vivier pour sa
contribution exceptionnelle à la culture musicale québécoise
**
Voir les notes biographiques de Claude Vivier en annexe des présentes notes.
Monsieur le Président,
« Crois-tu en l’immortalité de l’âme ? ». Telle fut la question, ou était-ce une exclamation !, à laquelle
Claude Vivier, auquel notre Assemblée nationale rend hommage aujourd’hui, en ce jour qui aurait été celui de son
60e anniversaire de naissance, demandait à la musique, à sa musique, de répondre. Peut-être, la musique esquisse-telle une réponse à cette question d’ordre ontologique ? Sans doute, l’œuvre toute entière de Claude Vivier a-t-elle
contribué à donner un commencement de réponse à cette interrogation de nature métaphysique.
Mais, ce à quoi l’on peut croire, et ce dont on peut être fier, c’est en l’immortalité de la musique de Claude
Vivier. La musique de Claude Vivier est un legs au Québec et à l’Humanité, a été entendue aux quatre coins du
monde et continuera d’être entendue par les générations futures. Notre Nation, et son Assemblée nationale, est fière
de Claude Vivier, dont la vie a été abrégée si injustement, dont la mort nous a privée, et nous prive aujourd’hui, de
la puissance créatrice d’un homme qui a marqué l’histoire de notre musique nationale et qui est encore aujourd’hui
une source d’inspiration, par l’universalité de son langage musical, pour les créateurs d’ici et d’ailleurs.
Je tiens à féliciter la Société de musique contemporaine du Québec, et en particulier son directeur
artistique Walter Boudreau et sa directrice générale Pierrette Gingras, de faire vivre Claude Vivier et sa musique en
cette année de commémoration. Et je suis reconnaissant à la SMCQ et à tous ses partenaires, et notamment à la
Fédération des musiciens éducateurs du Québec, au Centre de musique canadienne au Québec et au Conseil
québécoise de la musique, d’avoir cherché à faire connaître l’œuvre de Claude Vivier auprès des élèves des écoles
de toutes les régions du Québec. Merci de vous acquitter d’un devoir de mémoire, de nous inviter à reconnaître
l’immense contribution de Claude Vivier à la vie musicale du Québec et à l’enrichissement du patrimoine
musicale de l’Humanité.
Merci à toi, Claude Vivier, le « Lonely Child ». Merci pour tes Chants, pour Kopernikus. Merci pour
Shiraz, pour Pulau Dewata et pour Jesus erbarme dich qui a été chanté, il y a deux heures, dans l’enceinte du
Palais Montcalm, qui démontrent que la musique, ta musique est un ordre de beauté.
Claude Vivier, la vie continue dans ta musique.
Tu vis par ta musique, Claude Vivier.
Merci.
ANNEXE
Source : http://www.smcq.qc.ca/smcq/doc.f/
Claude Vivier
(Montréal, Québec, 1948 - Paris, France, 1983)
[Notes biographiques]
La musique et la vie de Claude Vivier ont un rapport particulier l’une avec l’autre. Plus on
connaît sa musique, mieux on comprend sa vie; l’inverse est aussi vrai. L’abandon semble à la base de sa
sensibilité artistique et sociale, comme il semble la base des faits qui jalonnent sa vie. Né à Montréal en
avril 1948 de parents inconnus, il n’est adopté par la famille Vivier qu’à l’âge de trois ans; une adoption
tumultueuse qui ne l’empêchera pas de chercher sa mère biologique, dans le monde réel autant que dans
l’imaginaire, une recherche qui reviendra dans les thèmes de ses œuvres (notamment Chants, Lonely
Child, Kopernikus).
À l’adolescence, il fréquente les pensionnats maristes en vue de s’orienter vers la prêtrise. Alors
que son attitude devient dérangeante pour les frères, une nouvelle vocation s’ouvre à lui: la musique. Il
disait avoir été frappé par la musique lors d’une messe de Noël, après quoi son goût pour cette discipline
ira en s’intensifiant. Ses camarades du pensionnat parleront de sa propension à chanter et à jouer du piano,
avec une tendresse mêlée d’une touche d’agacement qui caractérisera plus tard ses relations
interpersonnelles.
C’est à l’âge de 18 ans que les autorités du séminaire font comprendre à Vivier que son «manque
de maturité» l’empêchera de continuer son chemin vers le sacerdoce. Il entreprend donc en 1967 des
études au Conservatoire de Montréal auprès du compositeur Gilles Tremblay et du pianiste Irving Heller.
Ses premières œuvres datent de cette époque, parmi lesquelles Prolifération pour ondes Martenot, piano et
percussion démontre sans doute la meilleure maîtrise du langage compositionnel, dans un style
structuraliste cependant, qu’il abandonnera à mesure que se formera sa personnalité sensible.
Diplômé du Conservatoire en 1971, il obtiendra des bourses du Conseil des Arts du Canada pour
se perfectionner en Europe. C’est dans ces circonstances qu’il étudiera l’électroacoustique à l’Institut de
Sonologie d’Utrecht auprès de Gottfried-Michael Koening, pour ensuite séjourner à Cologne sous la
tutelle de Karlheinz Stockhausen en composition et Hans Ulrich Humpert en électroacoustique. Vivier
dira de cette période qu’elle était des plus marquantes, et en l’observant avec recul, on ne peut que
confirmer cette impression. Alors que l’influence directe des techniques compositionnelles de
Stockhausen se fait sentir par endroits dans son langage musical, d’autres aspects de la personnalité
artistique de Vivier se développent en parallèle de sa formation. En résulte l’apprentissage de la langue
allemande, qui jalonnera par la suite les textes de ses œuvres vocales, mais aussi la composition de Chants
(1973) pour sept voix de femmes, où l’on retrouve en germe les thèmes centraux de ses œuvres: l’enfance,
le rituel, le rêve, la mort, la recherche de la mère, etc. De cette œuvre, commande du Ministère de la
culture de France, il dira d’ailleurs «cette œuvre représente pour moi le moment premier de mon existence
de compositeur».
Le retour à Montréal en 1974 marque le début d’une certaine reconnaissance, lancée par la
création de Lettura di Dante par la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ). La réception
inégale de cette œuvre dans la presse écrite pousse également Vivier à intervenir pour la défense des
compositeurs en général, alors qu’il prenait déjà la plume depuis 1973 pour revendiquer un certain statut
pour l’artiste contemporain. Les années qui précèdent son séjour prolongé en Asie sont jalonnées de
commandes d’institutions aussi prestigieuses que le Concours de musique du Canada, la SMCQ et
l’Orchestre national des jeunes du Canada.
Du voyage en Asie et au Proche-Orient en 1976-1977, on retient particulièrement son séjour dans
l’île de Bali, où il s’établira assez longtemps pour s’imprégner de la langue, des rituels et de la musique,
en tant qu’instrumentiste dans un ensemble de gamelan. Les œuvres comme Shiraz, Et je reverrai cette
ville étrange et Pulau Dewata portent les marques les plus claires de cette influence.
Toujours en quête d’un meilleur statut pour l’art contemporain, Vivier co-fonde des Événements
du Neuf en 1978, aux côtés des compositeurs José Evangelista et John Rea et de la pianiste et chef
d’orchestre Lorraine Vaillancourt. Cette société de concert avait pour mandat de faire entendre les
diverses facettes de la musique contemporaine, devenant un lieu privilégié pour la création. Il reçoit
également des commandes d’ensembles et organismes plus établis comme l’Orchestre symphonique de
Montréal (OSM) (Orion, 1979), l’orchestre de chambre de Radio-Canada à Vancouver (Lonely Child,
1980) et de la société Radio-Canada pour le prix Italia (Wo bist du Licht!, 1982). Il voit également se
réaliser en 1980 la création de son opéra Kopernikus au Monument-National et le Conseil canadien de la
musique lui octroie le titre de compositeur de l’année en 1981.
À nouveau boursier du Conseil des arts du Canada, il part pour Paris en 1982 où il s’atèle à la
composition d’un opéra sur la mort de Tchaïkovsky, dont il ne pourra terminer que Trois airs pour un
opéra imaginaire. Il meurt tragiquement dans son appartement parisien en mars 1983, laissant inachevée
l’œuvre prophétique Crois-tu en l’immortalité de l’âme? Sa musique obtient depuis un grand succès sur
disque et au concert, tant au Canada qu’à l’étranger, faisant foi de l’universalité de son langage, pourtant
si personnel et singulier.
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