équipe. La séparation traditionnelle entre les départements universitaires commençait à
s'estomper, et de nouvelles recherches, plus ambitieuses, étaient entreprises par des
équipes de travail interdisciplinaires.
A peu près à la même époque, de nouvelles orientations faisaient leur apparition dans le
domaine de la santé mentale. Avant l'avènement des tranquillisants, le psychiatre cherchait
surtout à traiter et soigner les principales psychoses, et il avait principalement recours aux
thérapies utilisant l'insuline et les électrochocs. Quand éclata la Seconde Guerre mondiale,
les psychiatres durent tout à coup prendre en charge et soigner des milliers de blessés qui
souffraient de stress d'origine psychologique ou sociale, sous une forme ou une autre. Dans
ces conditions, la psychopathologie classique se révéla de peu d'utilité pour comprendre les
troubles de la personnalité, 012 les psychonévroses et les problèmes psychosomatiques. En
revanche, les hypothèses de la psychiatrie dynamique, qui mettent l'accent sur les
processus intrapsychiques, commençaient à devenir beaucoup plus connues. Mais les
méthodes de traitement psychanalytique se révélaient être trop longues et les officiers
d'infanterie, les chirurgiens de l'armée de l'air, les chefs d'équipage et les psychiatres étaient
soumis à de très fortes pressions pour renvoyer les hommes au service actif. Il fallait
développer de nouvelles méthodes, et l'on s'intéressa particulièrement au fait que le groupe
pouvait grandement aider à la réadaptation des malades neuropsychiatriques. Les
techniques de thérapie de groupe commencèrent à faire partie des moyens utilisés par les
psychiatres.
A l'époque où ce livre fut écrit, il devenait parfaitement clair que l'ère de l'individu avait
pris fin. En dépit de l'épanouissement temporaire de la psychanalyse, les problèmes privés
des gens n'étaient plus au centre des préoccupations. La menace de la destruction nucléaire,
les poussées démographiques, l'horrible spectre des futures famines, la pollution
progressive de l'air et de l'eau, et la lente dégradation des centres urbains, tous ces facteurs
montraient que les anciennes façons d'affronter les problèmes humains étaient inefficaces.
L'homme psychologique était mort et l'homme social avait pris sa place. Cependant, à
l'époque, on ne disposait d'aucune théorie générale ou unifiée qui pût convenablement
représenter et englober l'individu, le groupe et la société dans un même système. Certes, il
y avait des théories qui s'appliquaient d'un côté à de petits groupes et de l'autre à l'ordre
social; mais il manquait un maillon à la chaîne, qui aurait permis de relier l'individu à
l'individu, l'individu au groupe et le groupe à l'ordre social plus vaste.
Cette étape franchie, les développements théoriques dans le domaine de la cybernétique
et des techniques de la communication parvinrent à assurer le rapprochement. En centrant
l'analyse non plus sur la personne ou sur le groupe, mais sur les messages et les circuits de
communication, on réussit à relier différentes entités. Les circuits de communication qui
doivent être étudiés incluent d'habitude, surtout dans les systèmes humains, au moins
deux personnes. En effet, il faut souvent retrouver l'origine du message, et suivre son trajet:
il passe d'une personne à une autre, transite par des groupes et des 013 machines, subit
des transformations jusqu'à ce qu'il atteigne finalement sa destination prévue, où ses effets
en général rétroa-eissent sur la source originelle. Au départ, ce livre avait pour but de
décrire une théorie de la communication, adaptée à la condition humaine, et
particulièrement aux besoins de la psychiatrie.
Près de vingt années se sont écoulées depuis que ce livre a été conçu, et la science
pendant ce temps a progressé à une vitesse foudroyante. La convergence de la physiologie,
de l'écologie et de l'éthologie - disciplines qui étudient les transactions de l'organisme avec