motricité foetale

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I-
Conduite motrice, soi et connaissance.
1- Motricité cellulaire et embryogenèse : la mobilité constitutive de la vie et des formes.
Le corps humain, ses organes, ses cellules est le lieu incessant de multiples mouvements.
Continuellement se déplacent des liquides,des cellules, des ions, des protéines.
Au sein même de la cellule, les mouvements engagés dans le traffic intra cellulaire ou dans la
mise en place des compartiments membraneux ou encore dans la ségrégation des chromosomes
impliquent des moteurs moléculaires spécialisés et des parties motrices constituées de différentes
protéïnes. C est aussi ce genre de module élémentaire qui sert de base aux structures contractiles des
cellules amiboïdes et des muscles, ainsi qu’aux structures vibratiles des flagelles et des cils permettant
notamment à des bactéries de se déplacer.
Les structures spécialisées dans la production de mouvement, comme la myofibrille du muscle
ou le flagelle du spermatozoïde, sont de véritables automates moléculaires. Les procaryotes, bactéries
minuscules soumises de manière violente à l'agitation thermique du milieu sont capables de se diriger
vers des sources de nourriture ou d'éviter des conditions d'environnement adverses, à une vitesse
considérable, pour leur taille. Le plus souvent, elles le font en utilisant des flagelles, qui fonctionnent
comme une hélice de bateau. « Dans la bactérie intestinale Escherichia coli, par exemple, chaque
flagelle est un filament rigide de 14 millièmes de micromètres de diamètre et de 10 micromètres de
longueur, qui tourne à la vitesse incroyable de quelque 200 tours par seconde grâce à un petit moteur
rotatif inséré dans la membrane et la paroi de la cellule. Les différents flagelles coopèrent pour
produire un mouvement rectiligne de la bactérie, en formant une tresse unique compatible avec la
forme en hélice droite des flagelles et avec leur rotation individuelle1. Un tel mouvement dure de
l'ordre de la seconde, après quoi la cellule change brutalement, et au hasard, de direction en pivotant
sur place, grâce à une inversion du sens de rotation des flagelles, qui est incompatible avec le maintien
d'une organisation des flagelles en une tresse unique produisant une traction. Une modification de la
fréquence des changements de direction de la bactérie provoquée par les signaux de l'environnement
auxquels elle est sensible lui permet de se diriger. (source : M Bornens, M Piel Encyclopædia
Universalis 2006)
Il existe bien des mouvements intra cellulaires dont les principaux modes de locomotion sont
la nage et la reptation qui sont aussi les premiers modes de locomotion dans l’évolution des espèces.
Ces mouvements intra cellulaires permettent des mouvements cellulaires.
De très nombreuses espèces unicellulaires eucaryotes se déplacent ainsi grâce à des ciliatures ou à des
appareils flagellaires soit par mouvement flagellaire (spermatozoïde) soit par déplacement sur une
surface. Lorsque certaines cellules migrent dans le corps d'un animal, durant le développement de
1
On retrouve ici la contrainte géométrique du mouvement humain !
1
l'embryon ou dans l'organisme adulte, elles le font en glissant ou en rampant sur la surface des autres
cellules ou sur la matrice extracellulaire.
Dans les tissus de l'organisme adulte, la majorité des cellules ne se déplacent pas et l'essentiel
de leurs mouvements concerne les mouvements intracellulaires.Cependant la plupart des cellules des
tissus animaux, lorsqu'elles sont dissociées et maintenues en culture, sont capables de locomotion.
D’autre part de nombreuses cellules sont capables de se déplacer dans l'organisme adulte, capacité
fondamentale physiologiquement. Les cellules du sang2, et toutes les cellules des lignées blanches, qui
participent à la défense immunitaire de l'organisme et à sa protection contre les infections ainsi qu'à
l'élimination des cellules mortes sont douées de mobilité. Les cellules macrophages ou les cellules
neutrophiles, sont capables de migrer très rapidement vers un point d'infection, une blessure ou une
cellule morte. Les cellules fibroblastiques du tissu conjonctif qui soutient les organes et servent entre
autres à réparer les lésions sont capables de locomotion.
L’organisme jusqu’à l’intérieur des cellules est mouvement et un mouvement qui est une motricité
puisqu’il suppose source d’énergie pour produire des forces et conversion de cette énergie chimique en
un travail mécanique grâce à un moteur agissant sur un support. Et c’est parce qu’il y a mouvement
intra cellulaire et cellulaire qu’il y a maintien de la santé et qu’il y a mouvement du corps lui-même.
Bien plus, c’est parce qu’il y a mouvement des cellules qu’il y a constitution des formes dans
l’embryogenèse.
Les processus morphogénétiques ne peuvent se limiter à la croissance des tissus par division
des cellules à partir de l'œuf, mais imposent aussi de très importants remaniements des cellules.
C’est à travers des mouvements complexes des feuillets cellulaires, qui glissent les uns sur les
autres, que se mettent en place des grands types de tissus. En plus de ces mouvements d'ensemble
s'ajoute la migration de cellules individuelles vers des destinations lointaines précises où elles feront
souche. Les gènes ne sont que des conditions nécessaires à la topobiologie ( JM Edelmann, 1992, p
89-99). Ils régissent la production de molécules morphogénétiques qui vont contrôler les mouvements
cellulaires et l’adhérence entre cellules.
« le véritable moteur du développement ce sont les cellules elles-mêmes, qui se déplacent, qui
meurent de façon imprévisible, se divisent et libèrent des signaux inductifs ou morphogènes ». et c’est
parce que des groupes de cellules vont constituer un site topologique que d’autres vont pouvoir venir
s’accrocher et compléter la forme. Les cellules doivent- acquérir la capacité de se mouvoir alors que
leur environnement doit leur fournir l'espace, le support et, dans certains cas, la direction à suivre. Très
souvent, l'environnement sera aussi responsable de leur localisation finale (T Jan Paul, EU 2006).C’est
2
Par ex, dans la drépanocytose, également appelée aussi hémoglobinose S, cette dernière a une
mobilité diminuée. Il est intéressant de noter d’autre part que la circulation sanguine ne dépend pas
que du cœur mais aussi de la motricité de l’hémoglobine, - elle prend appui sur les parois des
capillaires pour se déplacer- et sans doute aussi de l’action et de la forme des vaisseaux créant des
mouvements spiralaires (cf Schauberger, 2005 déjà cité dans la 1ère partie)
2
ainsi qu’à la suite de divisions cellulaires formant le blastoderme, les cellules situées de part et d’autre
de la ligne médiane, dans la partie postérieure se détachent et migrent à travers la portion centrale
(gouttièreprimitive) de celui-ci pour se retrouver sous le blastoderme et former par adhérence une
couche appelée le mésoderme. A l’issue de ce processus appelé gastrulation vont se constituer 3
couches distinctes, l’ectoderme, le mésoderme et l’endoderme à l’image fractale du mille feuille
fabriqué par un boulanger. L’induction embryonnaire (passage de signaux d’une couche à une autre,
ici du mésoderme à l’ectoderme) va déterminer pour les cellules du centre de l’ectoderme la naissance
de la plaque neurale qui formera le tube neural et par la suite le système nerveux. Les cellules hors des
frontières de la plaque donneront naissance à la peau.
Le mésoderme donnera les os, la musculature et les viscères et l'endoderme les muqueuses digestives
et respiratoires
C’est par migration cellulaire que vont se constituer les organes, y compris ceux du cerveau.
C’est grâce à la structure motile, ou cône de croissance, se trouvant à l'extrémité de l'axone et migrant
à l'aide de lamellipodes et de filopodes que va se prolonger un axone jusqu’à la périphérie et aux
muscles en particulier, muscles qui se contractent grâce au déplacement des filaments d’actine et de
myosine et au petit moteur qui crée des ponts et les fait glisser l’un sur l’autre.
Cependant ce processus est relativement stochastique donnant lieu à des variations
interdividuelles même entre 2 vrais jumeaux. Il est topobiologique et « intrinsèquement dynamique,
plastique, variable au niveau cellulaire » (p 100). La déficience de mouvement cellulaire conduit à des
malformations fœtales de même qu’une hypermobilité cellulaire fait proliférer des cellules
cancéreuses.
Ainsi il existe une motricité cellulaire et intra cellulaire propre au vivant3, une motricité
sensorimotrice adaptatrice au regard de l’évolution qui est nécessaire à la production de formes mais
aussi à celle d’un cerveau pensant tout comme elle est nécessaire à la motricité globale de l’organisme.
La constitution de la forme et donc ses caractéristiques mécaniques sont proprement affectées
par cette motricité cellulaire de même que la forme elle-même, donne un but à cette motricité. Cette
motricité constitue un ancrage à une conduite motrice ultérieure mais sans doute aussi à la motricité du
fœtus lui-même et de l’être humain par la suite. Comment ne pas penser que les cellules ont gardé une
mémoire morphologique de leurs migrations, voir une mémoire de leur mouvement ? Comment ne pas
imaginer que les mouvements natatoires et reptatoires sont encore présents au sein des cellules du
corps et font parti d’un plan profond de la conduite motrice, plan correspondant à une subjectivité de
1er niveau incarnée et inscrite en la chair du corps comme du cerveau ?
3
Le vivant prend ici une dimension étendue assez surprenante puisque certaines algues vertes
unicellulaires, fuient la lumière en fonction de l'intensité de celle-ci grâce à un appareil bi-flagellaire
dont elles peuvent, comme à volonté, modifier le battement en faisant varier plusieurs paramètres tels
que la forme, l'orientation ou la symétrie (M Bornens, M Piel ; Encyclopædia Universalis 2006).
3
De même que les événements de l’embryogenèse doivent être coordonnés dans l’espace et
synchronisés dans le temps, les mouvements intra cellulaire et les mouvements cellulaires
fonctionnent sur des rythmes particuliers laissant supposer que la motricité cellulaire est aussi soumise
à des rythmes tout comme la motricité de l’organisme. Ces rythmes sont fortement corrélés avec les
rythmes circadiens mais sont parfois plus courts (aux environs d’une heure). Comme on a constaté que
des parties du cerveau correspondant à un comportement avaient des rythmes semblables, il est tentant
de penser que cette conduite motrice primaire est régie par des rythmes qui pourraient bien dans une
approche dynamique constituer des variables de contrôle. Se pose alors la question de savoir d’où
viennent ces rythmes biologiques, qui, s’ils correspondent sans doute à des phénomènes électriques
mais aussi électromagnétiques et magnétiques sont corrélés avec les rythmes du soleil et sans doute du
cosmos.
2- Motricité fœtale, réflexes archaïques et motricité du bébé.
a- La motricité fœtale : déjà une conduite motrice.
Au cours la vie intra-utérine, le fœtus présente, initialement, une activité motrice désordonnée,
phasique et cyclique qui se coordonne peu à peu (O Walusinski, 2003). Cette activité alterne avec des
phases de repos et de détente rythmées par le baillement, véritable activité motrice complète. Le
baillement étant corrélé avec l'activation et le recrutement des neurotrophines, il est activitédépendant avec le développement du mésencéphale, du tronc cérébral et la formation réticulée,
structure activatrice générale de l’éveil. Il participe aussi à la régulation du tonus axiale par l’étirement
de la nuque et à la détente du fœtus comme du bébé ou de l’adulte. Ce mécanisme de co-évolution « a
clairement été identifié comme un des processus affectant la maturation précoce neurocomportementale des systèmes sensoriels et moteurs( O Walusinski, 2003)
Comme il est associé au comportements de succion- déglutition, à la ventilation, au sommeil et à
l’éveil, O Walusinski postule qu’il joue un rôle primordial pour préparer le bébé à respirer et à se
nourrir après la naissance.
Par sa relation avec le bien être, avec les rythmes, avec le développement cérébral, le baillement
s’inscrit en la chair du corps par ses fonctions musculaires et en la chair du cerveau.
Dès la huitième semaine d'aménorrhée, Le petit être qui pèse environ 1 gramme fait de
véritables sauts avec rotation (sauts périlleux). le foetus va être animé de certains mouvements, tels
que des ondulations de l'axe vertébral (enroulements / déroulements), des déglutitions (accompagnées
de flexions de la tête) ; mouvements qui vont ensuite diffuser vers les membres et devenir perceptibles
par la mère vers la 16ème semaine. Il développe surtout des mouvements globaux (GMs)
Les GMs mobilisent toutes les parties du corps. Leur durée varie entre quelques secondes et plusieurs
minutes. Ils sont caractérisés par un ordre variable des mouvements de la tête, du tronc, des bras et des
jambes. L’intensité, la force et la vitesse des mouvements sont également variables (M Hadders-Algra,
4
2003). La plupart des mouvements de flexion et d’extension des membres supérieurs et inférieurs se
complexifie dans la mesure où des rotations s’ajoutent aux mouvements qui produisent d’abord
seulement les changements de direction du mouvement (Prechtl, 1990).
Dès in-utéro, le mouvement axial d'enroulement sera au service de la relation main / tête (et plus
spécifiquement main / bouche), alors que le mouvement axial de déroulement sera au service de la
relation pied / tête (action de repousser, réflexe tonique postural engageant la CV.) La qualité de cette
motilité spontanée, principalement la qualité du « mouvement global » (general movement, GM)
reflète de manière précise l’état fonctionnel du système nerveux du fœtus et du nouveau-né (Prechtl,
1990 cité M Hadders-Algra , 2003). Les mouvements du fœtus sont nécessaires à la maturation neurofonctionnelle de la motricité et participent au développement d'autres organes comme les poumons.
On sait de longue date que la fréquence et l'amplitude des mouvements actifs sont liées au bien-être
fœtal. (M Hadders-Algra , 2003).montrant par là dès la vie intra- utérine une interaction forte entre
affectivité et motricité et que ici encore la motricité du fœtus s’inscrit dans la chair du cerveau
Les comportements observés au cours de la vie intra-utérine comme la respiration, le bâillement
et d'autres ont un continuum avec ceux observés après la naissance et participent de la neurogénèse
anatomo-fonctionnelle (O Walusinski.) .
Tous les mouvements qu'un nouveau-né est capable d'exécuter ont été rodés au cours de vie
fœtale et perdurent toute l'existence (MJ Braun, 2003-2004). Ils sont déjà une affectivité vécue et
inscrite dans la chair de l’embryon comme dans celle de son cerveau en évolution.
b- Une conduite motrice primaire affectivement et développementalement nécessaire
Ainsi, l’enfant naît déjà avec une motricité réflexe archaïque4 qu’il va perdre. Mais, Le bébé
est pourtant tout de suite, dès le moment même de sa naissance, orienté rudimentairement, et il
s’adapte avant même d’être complètement sorti du sein maternel (ibidem). Les actions du nouveau-né
humain, pendant le premier mois, consistent en stéréotypes – actions structurées adaptables, mais
implicites, inconscientes, involontaires, et non transcendables... quoique interruptibles. Les
gigotements sont axiaux, les mouvements corporels se manifestant aux articulations de l’épaule et de
la hanche, et non du coude, poignet, phalanges. Les mouvements sont globaux, rotatoires, non dirigés,
non individualisés.
4
On a dénombré plus de 70 réflexes archaïques Ex : réflexe de préhension où le nouveau-né serre un
doigt placé dans la paume de sa main. le réflexe de Moro : le réflexe de Moro est déclenché d'habitude
par un mouvement soudain de la tête vers l'arrière mais il peut aussi être activé par un changement
soudain de lumière, ou un bruit fort. L'enfant réagit en ouvrant les bras et en prenant une brusque
inspiration, puis il rapproche les bras l'un de l'autre comme s'il voulait attraper ou embrasser quelque
chose. le réflexe tonique labyrinthique (RTL), le bébé rentre la tête ou la renverse en arrière, fléchit ou
croise les bras, étend ou redresse les jambes, permet au bébé de tenir à plat ventre en relevant la tête. le
réflexe tonique symétrique du cou (RTSC) associe extension des bras et flexion des jambes au même
moment (source : http://www.primarymovement.org/fr/index.html; McPhillips M, Sheehy N, 2004)
5
Ils sont indissociables de l’état affectif du nouveau-né, augmentant en fonction de la stimulation
(qu’elle soit appétitive ou aversive), en une boucle ouverte « cathartique ». C’est une motricité
essentiellement sous corticale qui « opèrent davantage à la manière de ces mêmes circuits chez les
espèces primitives » mais qui est déjà intelligente puisque le bébé est capable d’interrompre sa succion
ou ses mouvements en fonction d’événements particuliers. (MJ Braun, 2003) . Pendant une brève
période de quelques semaines, elle jouera un rôle critique dans la niche écologique humaine en
assurant l’établissement rapide du lien mère- enfant. C’est cette motricité archaïque qui va provoquer
le touché de la mère qui interprète ces mouvements comme des appels et construire une possibilité de
monde touchant- touché bien avant la projection étudiée par M Merleau Ponty. En rencontrant le corps
de la mère le bébé va se construire le touchant et progressivement l’interaction touchant- touché grâce
à la motricité. De plus, Les circuits corticaux primitifs impliqués pourraient servir de support pour la
transition du nouveau-né, de la phase « acorticale » à la phase « corticale », d’autant que seules les
aires somesthésiques corticales sont stimulés pendant cette période. Parmi les néocortices, ce sont les
cortices somesthésique et motrice primaires qui contribuent probablement les premières au
comportement « explicite » du nourrisson. La modularisation du cerveau à cette période semble être
un candidat important comme support de la représentation explicite . (MJ Braun, 2003)
Ces réflexes archaïques ne sont pas des survivances inutiles de la phylogenèse. Même si le
système des réflexes archaïques doit être inhibé ou transformé au cours de la première année pour
permettre l’apparition d’un système secondaire de réflexes dits posturaux, ils sont nécessaires à
l'orientation du nouveau-né dans l'espace, pour l’acquisition de la marche à 4 pattes, pour le
développement oculomoteur … « Les mouvements précoces du foetus et du nouveau-né, qui étaient
auparavant vus comme le résultat passif du câblage neuronal en train de se constituer, sont maintenant
envisagés comme interactifs, c'est-à-dire ayant un effet réciproque sur la structure et le fonctionnement
du système nerveux central (Prechtl HFR, 1984, cité par McPhillips M, Sheehy N, 2004).Ce seraient
les essais et la répétition des mouvements réflexes archaïques qui joueraient un rôle dans le processus
d'inhibition.
La motricité fœtale a bien une fonction importante aussi bien in utéro que ex utéro. Une
fonction qui est d’abord motrice mais aussi affective et cognitive.
“il nous faut repenser l’immaturité neuromotrice du nouveau-né non comme un handicap mais
comme la condition fondamentale et nécessaire pour que s’établissent les articulations précoces corpspsyché (B Suzanne, R Ouvray, 1999). Il détient notamment un système d’analyse sensorielle fondée
sur la répartition du tonus dans son corps qui lui donne la possibilité de classer ses expériences vitales
en bonnes ou mauvaises ainsi qu’une motricité lui permettant de satisfaire ses besoins essentiels et
d’entrer en relation avec la mère.
La motricité du bébé n’est pas une immaturité puisqu’elle permet à la fois l’attachement à la
mère, la satisfaction des besoins, un début d’exploration et d’orientation dans son monde et prépare la
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motricité ultérieure « l’immaturité serait un état précoce prépsychique , précommunicationnel et
présymbolique » Le nouveau né fait preuve d’une cognition motrice qui est affective et qui est déjà
une conduite.
Cette motricité va se transformer notamment à partie de la posture et de sa tonicité dans l’interaction
avec l’environnement en particulier maternel dans une dialectique motrice- psychique qui donne toute
sa place à la motricité sans relation de subordination de l’un par rapport à l’autre et sans équivalence
du moteur et du psychique. C’est bien elle qui va servir au développement moteur ultérieur comme à
l’assise psychique du sujet.
Pendant les trois premiers mois de sa vie, la posture symétrique prévalente correspond à
l’enroulement foetal . Toute posture d’extension pendant cette période est soit une posture de stress,
soit une posture liée à une lésion cérébrale.
Comme l’enfant n’a pas le contrôle de sa tête et de son buste en position médiane, cette posture de
base est un état instable qui varie en fonction des réponses posturales et de la motricité affectée du
parent qui peut câliner, bercer ou mal soutenir et surstimuler.
l’intégration de l’enroulement prépare celle du redressement dans une alternance de mouvements
d’ouverture et de fermeture du corps correspondant au stade « homologue »avec des: mouvements
associés / symétriques du haut ou du bas du corps (deux bras ensemble / deux jambes ensemble) qui
durera jusqu’à l’âge de la préhension main bouche.
Les postures assymétriques qui se développe avec le redressement vers le 6è mois sont plus
organisées. Grâce aux débuts de rotations, elles autorisent l’orientation vers le dehors . Elle libèrent la
tête et permettent d’introduire à l’intérieur du corps des zones de rencontre toniques différenciées.
Le bébé expérimente des postures (2 postures par mn en moyenne !), établit des relations entre elles,
élargit ses connaissances sensorielles, vit la situation en fonction d’elles. Elles assurent des fonctions
de soutien, de maintien, de redressement et d’équilibration mai s aussi d’étayage de la psyché. Toute la
motricité primaire va fonder et organiser les postures plus matures et la motricité ultérieure.
Le stade « homolatéral »-mouvements associés / symétriques côtés droit ou gauche (bras droit et
jambe droite ou id. à gauche) va pouvoir se dérouler et durer jusqu’au début du retournement et au
ramper.
Ainsi, même si Le “mouvement fondamental” mis en évidence par S.Piret et M.M.Béziers
(1975) est déterminé génétiquement, c’est un schème de base englobant en un tout “les données de la
perception extérieure ainsi que les impressions internes de nature affective, kinesthésique”. Il se
présente comme un rapport spatio-temporel et dynamique entre différents éléments propres à la
motricité (os, muscles, articulations) dans lequel deux parties corporelles s’opposent dans leurs
mouvements, dynamique d’où naît le rapprochement des deux parties concernées. Toute la dynamique
motrice est basée sur l’assemblage et la coordination de tels couples de torsion-flexion à différents
niveaux d’organisation du corps. Ces schèmes se coordonnent progressivement jusqu’à la synthèse du
6è mois et représentent le paradigme du mouvement humain. C’est par eux que le bébé va apprendre la
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distance, le mouvement nécessaire de l’autre pour combler cette distance, le temps d’attente mesuré à
l’aulne des besoins et donc une 1er subjectivité corporelle qui est motrice.
C’est d’ailleurs par eux qu’il va apprendre le temps puisque ces mouvements sont corrélés au
développement du cervelet, véritable neuronale » (Rosenbaum, 1983 cité par MJ Braun, 2004). et des
noyaux gris véritables structures temporelles (Lalonde & Hannequin, 2001, cite ibidem).
De multiples mouvements vont naître entre les grandes postures horizontales et les postures verticales,
les postures intermédiaires vont se développer et se complexifier. Ces mouvements vont mettre en jeu
les articulations intermédiaires, genoux et coudes, articulations qui sont des éléments de transition et
de structuration du corps par leur position médiane entre la périphérie du corps et l’axe, entre le dehors
et le dedans (.B Suzanne, R Ouvray, 1999). Ils vont mettre en jeu les articulations de la colonne.
Le stade « controlatéral »- mouvements associés / symétriques haut du corps (bras) d'un côté avec bas
du corps (jambe) côté opposé (fonctionnement croisé) va pouvoir s’épanouir et déboucher sur la
marche à 4 pattes.
Avec les mouvements intermédiaires, l’enfant a à sa disposition tout un arsenal moteur qui favorise le
croisement entre les deux moitiés du corps, entre le monde externe et le monde interne, qui constitue
l’axe du corps et permet l’intégration du tronc par diffusion de la tension des extrémités et des
membres vers le centre du corps.
Trois systèmes président à la fonction intégrative:de cette motricité primaire
1-le système endogène neurologique : l’axe s’intègre selon la poussée tonique proximo-distale et
céphalo-caudale , du dedans vers le dehors et de haut en bas.
2- le système relationnel: de la périphérie vers l’axe, de la main vers la colonne vertébrale, du dehors
vers le dedans, de l’autre vers soi. Et de bas en haut , des pieds vers la tête (pousser -explorer avec les
pieds).
3- le système mécanique: tous les mouvements d’enroulement ont une composante de rotation:
l’exercice libre de la motricité s’exerce de gauche à droite ,de droite à gauche, de haut en bas et de bas
en haut .
L’enfant se sert des contraintes physiques comme éléments constituants dans la structuration de sa
motricité. Il se sert également des contraintes relationnelles pour les assimiler et en faire des éléments
à son service dans la construction de sa personne. La différenciation des mouvements plus spécialisés
reste subordonnée au développement et à la complexité croissante de la réaction. La motricité apparaît
de plus en plus comme une émergence dépendante de facteurs multiples.
C’est ainsi que la motricité dépend de l’environnement et le constitue dans une intrication complète du
moteur et de l’affectif qui ont une fonction cognitive de connaissance de soi, des autres, de l ’espace et
surtout d’adaptation.
C’est la motricité qui va construire l’axe de l’imaginaire dans la distance entre la mère et son bébé-, et
l‘axe de la symbolisation- par la reconnaissance d’une différence qui fait lien.
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Non seulement la motricité construit l’espace et le corps, l’autre et le soi et étai le psychisme du bébé
dans cette relation dialectique de rapprochement et de séparation médiée par la qualité corporelle
tonique, motrice de l’autre mais elle est une affection du corps de l’un et de l’autre, une inscription
posturale et tonique en la chair du monde du bébé et elle est une préfiguration motrice de l’imaginaire
et du symbolisme. Ces schèmes de base vont donner naissance aux schèmes sensori-moteurs d’où
pourra émerger la possibilité de penser. L'empreinte des trois stades d'évolution pourra, plus tard,
rester plus ou moins marquée dans la typologie du mouvement, quant à son déploiement dans les
différents plans de l'espace. Les schèmes de base ne disparaissent pas complètement et restent présents
en chacun, ne serait que par la tonicité qui s’est inscrite dans le corps et la mobilité qu’elle a ou non
permise, conditionnant d’abord les habiletés fondamentales qui vont y faire suite et la motricité plus
développée.
De même que « l’embryologie nous apprend assez clairement que l’ontogenèse cérébrale récapitule la
phylogenèse » (MJ Braun, 2004), il semble que la motricité développée chez le nourrisson rejoue
phylogénétiquement les mouvements des espèces qui nous ont précédées, pour s’en libérer tout en en
gardant une trace en la chair du corps et sans doute en la chair du cerveau. Sans doute par cette
motricité nous ancrons notre imaginaire dans la phylogenèse. Cette motricité conditionne aussi un
juste rapport au monde fait de plus ou moins de décontraction mentale parce que corporelle et de
confiance corporelle, motrice et affective aux autres.
Depuis les baillements et les GMs jusqu’à l’aube des habiletés fondamentales en passant par les
transformations des réflexes archaïques et les postures correspondantes le bébé inscrit en sa chair du
corps une mémoire motrice qui n’est pas nécessairement cérébrale et en la chair du cerveau les
rapports toniques correspondants. Il s’agit bien d’une conduite motrice de 1er niveau, la plus profonde,
qui est en même temps affective mais déjà aussi une cognition puisque permettant l’adaptation au
monde. Il y a là une construction du monde antérieure encore à celle due à la chair du corps de
Merleau Ponty, grâce à une chair du corps et du cerveau qui se construisent en même temps que la
conduite motrice et demeure comme un inconscient moteur au plus profond de l’être. Cette conduite
motrice pourrait bien intégrer la motricité cellulaire comme une dimension de la chair du corps
puisque la motricité dépend aussi des possibilités de mouvements des cellules dans l’embryogenèse
comme de celle des cellules de l’organisme, notamment celles de neurones mais aussi actine-myosine
ou hémoglobine. De là à penser que l’affectif joue sur cette mobilité cellulaire, il y a un pas qui n’est
pas si grand, un pas qui ancre la conduite jusque dans les cellules de l’organisme.
Cette conduite motrice primaire, la plus profonde, de 1er niveau relie la conduite motrice à toutes les
espèces et à l’histoire de l’homme, elle approfondit encore la subjectivité de 1 er niveau définie dans le
chapitre 5. Elle construit une réflexivité motrice par l’interface de l’autre moteur permettant de
circonscrire l’espace du monde et d’y intégrer un temps qui est celui de l’action, la sienne ou celle de
l’attente de l’autre par les émotions non satisfaites.
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La connaissance développée ici n’est pas grâce au corps puisque c’est le corps lui-même qui dans le
même mouvement, ressent, s’affecte et affecte, s’adapte, s’inhibe et se développe dans sa rencontre
avec l’environnement, dans ses couplages structurels organisme- environnement physique et
relationnel. C’est une connaissance par corps qui ne pourra être accessible que par corps en revivant ce
qui s’est joué à ce moment là et se rejoue dans toute conduite au moins motrice.
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