Chapitre 4 : La théorie monétaire de J.M.Keynes
SECTION 1 : La rupture avec l’école néoclassique, la théorie générale de
l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936).
Jusqu’à la théorie générale, Keynes a été un économiste néoclassique. Keynes
estime que la théorie néoclassique/la théorie quantitative sont incapables de
rendre compte de la crise de 1929. Il remet ainsi en cause la monnaie neutre et
la loi de SAY qui empêche l’apparition de crises générales.
§1 : L’introduction de l’incertitude
En 1921 F.KNIGHT publie « Risk, Incertainty and profit » dans lequel il
introduit la différence entre le risque et l’incertitude.
Dans une situation de risque il est possible de calculer la probabilité
d’apparition d’un événement, de la calculer de 2 manières :
- soit parce que le phénomène étudié suit une loi de probabilité
parfaitement connue
- soit le calcule repose sur des fréquences observées c'est-à-dire que des
phénomènes similaires ont eu lieu dans le passé.
Dans ces 2 cas la probabilité est dite objective car elle ne dépend pas des
aprioris, des espoirs ou des phantasmes de celui qui fait le calcul.
Dans une situation d’incertitude il est impossible de calculer une telle
probabilité objective concernant la survenance d’un phénomène futur parce que
soit le phénomène ne suit pas un phénomène mathématique connu soit parce que
le phénomène ne suit pas une évolution similaire dans le passé.
Pour Knight gérer des situations d’incertitudes sont des qualités particulières,
il est donc normal de rémunérer l’entrepreneur ce qui justifie le profit.
Les analyses de Knight vont être reprises par Keynes qui va approfondir
l’analyse en montrant que s’il n’est pas possible de calculer des probabilités
objectives il sera toujours possible de calculer des probabilités subjectives.
Une probabilité subjective est un degré de croyance dans lequel il est
raisonnable d’investir une action compte tenu d’un ensemble d’informations
détenu par l’agent au moment où il formule ce degré de croyance. Ces
probabilités sont subjectives car elles dépendent des connaissances, des
informations possédées par l’agent or tous les agents n’ont pas accès aux mêmes
informations donc ils vont avoir des probabilités différentes. Dans l’univers
néoclassique l’information est un bien libre et gratuit c'est-à-dire que tous les
agents économiques sont informés de la même façon donc ils vont former des
probabilités subjectives identiques. Mais Keynes se rapproche de la réalité.
Ces probabilités subjectives ne donnent pas lieu nécessairement à une mesure
cardinale mais elles n’ont le plus souvent qu’une signification ordinale. Une
probabilité cardinale est celle qui peut avoir un chiffre sûr. Une valeur ordinale
est celle où l’on peut définir un ordre. L’approche subjective des probabilités
nécessite de distinguer 2 dimensions :
- la formulation d’une estimation compte tenu des informations personnelles
- la validité que l’agent économique accorde à sa propre estimation. C’est le
degré de confiance à la probabilité qu’il vient de définir.
Keynes introduit la prise de conscience par l’agent économique qu’il peut se
tromper. Le degré de confiance que l’agent attache à une probabilité subjective
sera d’autant plus élevé que son calcule subjectif sera partagé par d’autres
agents. On introduit ici les conventions (=croyance partagée). Cette probabilité
subjective est éminemment instable car à tout moment peuvent arriver de
nouvelles informations qui détruisent le calcule précédent ou encore à tout
moment la convention peut être dénoncée ce qui amène à réviser sa propre
probabilité subjective.
Pour Keynes la crise de 1929 est due essentiellement à l’insuffisance des
investissements des entreprises or un entrepreneur décide d’investir en
comparant du coût financier de l’investissement parfaitement connu et le
rendement attendu qui lui n’est non seulement pas connu mais ne renvoie pas à
une situation de risque mais à une situation d’incertitude. Ceci est d’autant plus
vrai dans des produits totalement nouveaux. En conséquence on peut faire des
calcules d’estimation subjective pour voir dans quel branche il faut investir. Le
comportement d’investissement est ainsi instable, les entreprises peuvent donc
brutalement cesser l’investissement.
Il existe des périodes au cours desquelles les agents économiques sont
incapables de se mettre d’accord sur une convention partagée. Il y a une
incertitude si grande que les probabilités subjectives sur un événement
divergent. Dans de telles situations il devient raisonnable de ne rien décider
c'est-à-dire de suspendre tout choix d’investissement qui pourrait par la suite
s’avérer erroné. En conséquence pendant ces périodes il faut donner à son
patrimoine la forme qui engage le moins, celle qui laisse le plus de choix ouverts
dans l’avenir, cette forme c’est bien sûr la monnaie parce que c’est elle qui a la
liquidité maximum.
Pour Keynes il devient rationnel de détenir son patrimoine sous forme
monétaire dans des périodes de forte incertitude au cours desquelles les
conventions son rompues. D’autre part la monnaie permet également d’annuler le
coût que supporterait l’agent en cas d’erreur de choix patrimoniaux.
La thèse des néoclassiques est d’affirmer que les erreurs de choix peuvent
être corrigés sans coûts alors que pour Keynes les erreurs peuvent être corrigés
mais cette correction implique un coût plus ou moins élevé qui dépend de 2
éléments :
- y a-t-il ou non un marché de l’occasion pour l’actif prit en compte
- l’actif est-il très spécifique ou peu spécifique
§2 : La viscosité des prix nominaux à court terme
Dans la théorie générale Keynes rejette l’hypothèse d’une parfaite flexibilité
des prix nominaux à la hausse comme à la baisse. Pour Fisher il pouvait se passer
une dizaine d’année. Mais néanmoins chez Keynes certains prix nominaux sont au
minimum visqueux voir totalement rigides à court terme et en particulier
visqueux ou rigides à la baisse. En cas d’augmentation de la masse monétaire les
prix nominaux ne vont pas varier tous au même rythme mais en conséquence les
prix relatifs vont se déformer.
Cette rigidité ou cette viscosité doit être précisée à 2 niveaux :
- La viscosité voir la rigidité des prix nominaux est surtout vérifiée en cas
de baisse des prix car la flexibilité en cas de hausse est généralement
acceptée par les agents économiques. Il se peut que les agents
économiques n’acceptent pas la hausse simultanée de tous les prix
nominaux c’est ce qu’on appelle l’inflation.
- La rigidité à la baisse des prix nominaux est extrêmement importante et
lourde de conséquence pour 2 prix nominaux particuliers : d’une part les
salaires nominaux et d’autre part les taux d’intérêts nominaux.
§3 : L’introduction d’un salaire monétaire : l’illusion monétaire des agents
Pour Keynes, l’offre de travail des salariés n’est pas fonction du salaire réel
mais au contraire fonction du salaire nominal. Du coup il y a bien une forme
d’illusion monétaire. Ceci est fondamental chez Keynes car cela permet
d’introduire le concept de chômage involontaire. Pour Keynes il y a chômage
involontaire si en cas de hausse du prix des biens de consommation pour un
niveau donné des salaires nominaux l’offre de travail des salariés s’établit à un
niveau supérieur à ce qu’il était avant la hausse du prix des biens de
consommation.
Salaire nominal initial en To = Wo ; indice des prix des biens de consommation
Po -> salaire initial : Wo/Po
En T1 ; ΔP > 0 -> P1 > 0 et W1 = Wo -> salaire réel en T1 = W1/P1 = Wo/P1 <
Wo/Po
Pourquoi les salariés raisonnent-ils en termes de salaires nominaux et non pas
réels ? Si les salariés raisonnent de cette façon c’est qu’ils n’ont pas accès aux
informations qui leurs permettraient de raisonner en termes de pouvoir d’achat.
Chez Keynes l’information n’est pas un bien libre et gratuit.
A l’équilibre le salaire réel W/P = F’L(L ;K) la productivité marginale du travail
Avec Y = F(K,L)
La connaissance de la productivité marginale du travail requiert 2 informations :
- le niveau de production actuel et futur de l’entreprise (Y)
- la connaissance du niveau de stock de capital (K)
Les salariés ne peuvent donc pas calculer la productivité marginale du travail, ils
ne peuvent donc pas raisonner en termes de salaire réel.
§4 : L’introduction d’une demande spéculative de monnaie
Selon Keynes dans la théorie générale, la demande de monnaie répond à 3
motifs qu’il appel les motifs psychologiques et commerciaux de la liquidité :
le motif de revenu et motif professionnel
Il trouve son origine dans la nécessité pour un ménage ou pour une entreprise
de combler l’intervalle de temps entre l’encaissement et le décaissement des
revenus. Ce motif n’est pas nouveau et est tout à fait admis par les
néoclassiques, il ne fait que renvoyer à la monnaie comme instrument d’échange.
De plus Keynes admet que ce premier motif dépend du revenu, il en est même
proportionnel. L1 = f(Y) ≈ aY
le motif de précaution
Le motif de précaution répond à 3 besoins :
- faire face à une dépense soudaine/imprévue
- profiter d’occasion non prévue d’achats avantageux
- faire face à une obligation future libellée en monnaie
Ce motif est fonction du revenu et dépend également des institutions sociales
et financières qui vont permettre de faire face aux 3 besoins précédents sans
encaisses de précaution.
D’où L1 = (motif de revenu + motif de précaution) = f(Y) aY
le motif de spéculation
La rupture de Keynes se situe au niveau de ce motif. Ce motif de spéculation
est fonction des anticipations des agents économiques, anticipations sur
l’évolution future des taux d’intérêts à long terme. Keynes introduit le temps et
par conséquent le risque.
Il existe une relation inverse entre la variation du taux d’intérêt à long terme
et la variation du prix d’une obligation.
Exemple :
Période initiale TO : Emission d’obligation -> valeur facial 1000 euros ; i=4% ;
échéance 25 ans. -> Intérêt 40 euros par ans.
Période T1 : Nouvelle Emission d’obligations même si ce n’est pas la même
entreprise -> valeur faciale 750 euros, i=3,50%, échéance 25 ans.
Dans les 2 cas, on pose que le niveau de risque est le même. Un investisseur qui
se situe en T1 a le choix entre acheter des nouvelles obligations soit des
obligations anciennes sur le marché secondaire. A quel prix achètera-t-il
l’ancienne obligation ?
Soit Y le prix de l’obligation ancienne en T1, il faut que Y 3,5% = 40 euros d’où
Y= (40x100) / 3,5 = 1148,86 euros. Comme ca dans les 2 cas, le rendement sera
de 3,5%. En fait le prix de l’ancienne obligation va augmenter pour qu’il soit
indifférent de choisir l’ancienne ou la nouvelle obligation.
Le taux d’intérêt a baissé alors le prix de l’obligation augmente
Resituons-nous en To. On anticipe que le taux d’intérêt va augmenter, on
n’achète pas parce qu’on s’expose à une moins-value (un prix de revente inférieur
au prix d’achat) qui risque d’être supérieur aux intérêts perçus par l’obligation. Il
choisira d’acheter ces obligations s’il n’anticipe pas une hausse future du taux
d’intérêt. Plus exactement il n’anticipe pas une hausse du taux d’intérêt telle que
celle-ci provoquerait une moins value sur la valeur du titre supérieure aux
intérêts auxquels donne droit l’achat de ce titre.
En To : Emission d’obligation valeur faciale = 1000 euros ; i =4% échéance 25ans
La moins value « tolérable » en T1 = 40 euros. Le prix minimum acceptable en T1
= 1000 40 = 960.
On doit calculer i de T1 tel que 960xi%=40 i = 40,960 x 1/100 = 4,16667%
L’opérateur acceptera d’acheter si le titre qu’on lui propose s’il anticipe que le
taux d’intérêt n’aura pas augmenter de 16,67 points de base.
Un investisseur qui anticipe une hausse du taux d’intérêt conservera son
portefeuille financier sous forme monétaire. S’il possède des obligations il
cherchera à les vendre avant que ces craintes de hausse du taux d’intérêt ne se
soient matérialisées. En conséquence, le portefeuille financier de l’agent prendra
uniquement la forme de monnaie.
On introduit ensuite 3 éléments supplémentaires :
- Plus le taux d’intérêt initial est faible est plus la crainte de son
augmentation future est fréquente.
- Plus le taux d’intérêt initial est faible et plus la probabilité pour qu’il
diminue est faible. En effet à un moment donné pour une conjoncture
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