Réseau de Politiques Economiques et Pauvreté (PEP)
Stratégie sectorielle et Pauvreté: cas du Togo
PR-MPIA 10676
RAPPORT FINAL
Par
Akoété Ega AGBODJI
Economiste, Enseignant-Chercheur, Chef d’équipe
FASEG / Université de Lomé (TOGO)
Koffi YOVO
Agroéconomiste, Enseignant-Chercheur
ESA / Université de Lomé (TOGO)
Kodjo ABALO
Enseignant-Chercheur
IUT-Gestion / Université de Lomé (Togo)
Komlan Dodzi AGBODJI
Ingénieur Statisticien Economiste
Commission UEMOA
Ablamba Ahoéfavi JOHNSON
Assistante de recherche
Juin 2009
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Résumé
Un modèle d’équilibre général calculable calibré sur la MCS de 2000 a été élaboré dans le but
d’analyser les effets potentiels de deux stratégies retenues dans le cadre du DSRP sur la distribution
du revenu au Togo. L’analyse de la MCS a permis de mettre en relief l’importance de l’agriculture
vivrière dans la création et la distribution du revenu au Togo. Avec une contribution de 20 pourcent
à la valeur ajoutée, cette branche consacre 67 pourcent de sa valeur ajoutée à la rémunération du
travail informel. Considérant que la pauvreté reste essentiellement rurale avec une incidence de 74,3
pourcent contre 36,8 pourcent en milieu urbain, il est donc justifiable que le Gouvernement fasse de
l’amélioration de la productivité, la création et la distribution de la richesse dans ce milieu, une
priorité nationale. Les effets de l’augmentation de 10 pourcent du capital de l’agriculture vivrière et
de rente se résument comme suit : (i) un accroissement de la valeur ajoutée et de la production, et
une baisse des prix agricoles ; (ii) une hausse de la compétitivité-prix de l’économie ; (iii) une
augmentation de la consommation finale et des exportations nettes, entraînant une expansion du
PIB ; (iv) une augmentation de la rémunération elle du travail informel, fortement utilisé dans le
secteur agricole, et une réduction de celle du travail formel ; et (v) une amélioration du revenu réel et
du bien-être des ménages. Ainsi, cette analyse confirme que l’accroissement des investissements
agricoles, en particulier dans l’agriculture vivrière, pourrait contribuer à l’amélioration de la
distribution du revenu et du bien-être en milieu rural. Par ailleurs, l’augmentation de 10 pourcent du
prix d’exportation des produits de l’agriculture de rente, du textile et des corps gras simulé dans cette
étude laisse apparaître des effets macroéconomique et sectoriel relativement non négligeables et
également une amélioration du bien-être.
Mots clés : Pauvreté, Stratégies gouvernementales, MEGC
JEL classification : I32, I38, C68
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Introduction
Le Togo, pays à façade maritime, d’une superficie de 56.600 km² en forme de corridor entre la
République du Bénin à l’Est et la République du Ghana à l’Ouest, s’étire sur une longueur de près de
700 km entre l’Océan Atlantique au Sud et le Burkina Faso au Nord. Sa population est estimée à 5
500 000 habitants en 2005. Avec un PIB par habitant d’environ 310 dollars EU en 2004, le Togo
fait partie des pays les moins avancés. Au Togo, le taux de croissance du PIB réel est de 4,1 pourcent
(2000-2004). Parmi les trois secteurs d'activité qui sont à l'origine de la création du PIB, deux secteurs
sont dominants ; ce sont le secteur primaire et le secteur tertiaire qui fournissent près de 80 pourcent
du PIB. L’ensemble du secteur primaire contribue pour plus de 40 pourcent environ au produit
intérieur brut. Le secteur primaire est dominé par les productions vivrières à concurrence de plus de
60 pourcent du PIB agricole. La production de produits de rente contribue à hauteur de plus de 12
pourcent avec la production de coton, de caet de cacao. La structure de la production agricole
togolaise est caractérisée par une forte atomicité (exploitations de petites tailles par de petits
producteurs), une faible productivité et des méthodes de production archaïques. Le secteur
secondaire, avec contribution au PIB s’établissant en moyenne à 21,7 pourcent est dominé par les
industries extractives (phosphates et clinker) et les industries agro-alimentaires. En dehors des
secteurs énergétiques et des bâtiments et travaux publics, les autres branches importantes d’activités
sont les textiles, la production de ciments et de produits chimiques, et la transformation du bois. Le
Togo dispose de potentialités en ressources minières variées (fer, chromite, manganèse, phosphate,
calcaire, etc.) dont seuls les phosphates et le calcaire sont actuellement exploités. Quant au secteur
tertiaire, il est à l’origine d’une part importante du PIB (environ 44 pourcent) en raison notamment
de l’importance traditionnelle des opérations de transit à travers le port de Lomé d’part un réseau
routier important vers des pays enclavés situés au nord du Togo.
Malgré la mise en œuvre de différentes politiques et réformes économiques, notamment les plans
quinquennaux à compter de 1966 et les programmes d’ajustement structurel au début des années 80,
l’économie togolaise connaît depuis les vingt dernières années une situation extrêmement fragile avec
de très faibles performances économiques. Il en a résulté une aggravation de la pauvreté. Au Togo,
une première estimation du profil de la pauvreté monétaire a été réalisée par la Banque mondiale en
1998 à partir des données de l’Enquête Budget-Consommation de 1989 actualisées. Selon cette
étude, la pauvreté a touché environ 35,3 pourcent de la population en 1998 contre 32,3 pourcent en
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1989 (PNUD, 2004). Le phénomène de pauvreté se fait surtout ressentir en milieu rural notamment
dans la partie septentrionale du pays, à savoir : les régions de la Kara et des Savanes le
pourcentage des pauvres se situe respectivement à 57 pourcent et 69 pourcent. Dans une étude
récente, il a été révélé que l’incidence de la pauvreté a augmenté (Ministère de l’Economie, 2007). En
effet, les résultats de l’enquête ménage de 2006 indiquent que la proportion de ménages pauvres est
de 47,3 pourcent dont 12,9 pourcent d’extrêmement pauvres. La pauvreté est restée essentiellement
rurale avec une incidence de 60,8 pourcent contre 24,2 pourcent en milieu urbain. En outre,
l’incidence de pauvreté est particulièrement forte et variable dans les cinq régions. Les pauvres se
concentrent particulièrement dans les régions des Savanes (81,2 pourcent de ménages pauvres),
région Centrale (65,1 pourcent), région de la Kara (62,7 pourcent), région Maritime (53,9 pourcent)
et région des Plateaux (43,2 pourcent). Selon les branches d’activité des chefs de ménage, l'incidence
de pauvreté est la plus forte dans les ménages dont le chef travaille principalement dans l'Agriculture,
l'Elevage ou la Pêche (79,1 pourcent) soit 68,9 pourcent des pauvres.
L’analyse du marché du travail met en évidence l’existence de déséquilibre sur le marché du travail.
Un aspect important de ce dernier est caractérisé par le déclin de la capacité d’absorption de l’emploi
à la décélération de la croissance économique conjugué avec la hausse du taux de croissance
annuel de la population active. Dans l’ensemble, le taux de chômage est de l’ordre de 6,8 pourcent
mais avec une percée au niveau des jeunes de 15 à 24 ans il est très élevé avec un chiffre de 10,6
pourcent. Le taux de chômage en général ou celui des jeunes est nettement plus fort en milieu urbain
il se chiffre à 14,3 pourcent et celui des jeunes à 21,4 pourcent. En milieu rural, le taux de
chômage n’est que de 2,9 pourcent et celui des jeunes n’est que 5,4 pourcent.
Sur la base des éléments de diagnostic ci-dessus et de l’évolution récente de l’économie, il apparaît
clairement que la situation de la pauvreté est très préoccupante au Togo. C'est dans ce contexte que
le Gouvernement a décidé de repenser sa stratégie de développement en la focalisant sur une
approche globale de réduction de la pauvreté. Bien que cette approche tire son origine de
l'expérience passée en matière de développement, elle s'inscrit également dans un contexte
international marqué par une prise de conscience accrue relative à la progression inquiétante de la
pauvreté et à une coalition mondiale pour l'enrayer. C’est ainsi qu’en 2004, le Gouvernement a
adopté son Document Intérimaire de Stratégie de Réduction de la Pauvreté
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(DISRP) (Ministère de
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Le DSRP étant en cours d’élaboration suite à la réalisation de l’Enquête Ménages en 2006.
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l’économie, 2004). Les orientations stratégiques contenues dans le DISRP visent à arrêter l'expansion
du phénomène de pauvreté et à améliorer l'accès équitable des populations aux services sociaux de
base
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. Les grandes orientations reposent sur les 4 axes suivants : (i) accélération de la croissance
économique dans une optique de réduction de la pauvreté ; (ii) développement des secteurs sociaux,
des ressources humaines et de l’emploi ; (iii) gestion durable des ressources naturelles et de
l’environnement ; (iv) promotion de la bonne gouvernance.
En effet, les nombreuses politiques de veloppement économique et social mises en œuvre dans le
cadre de la lutte contre la pauvre ont montleurs limites étant donla complexité du phénomène de
pauvreté à savoir qu’elle n’est seulement pas d’ordre monétaire mais aussi multidimensionnelle
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. Les
causes de la pauvreté étant multiformes et diverses, il est reconnu aujourd’hui que pour lutter
efficacement contre la pauvreté, il y a lieu de prendre en compte plusieurs dimensions économiques et
sociales qui interagissent dans un ensemble global. D’où la nécessité de mieux décrire et analyser les
interrelations qui se développent à l’inrieur d’un ensemble global et qui peuvent accroître ou limiter les
effets sur la pauvreté de toute mesure de politiques économiques de l’Etat. Dans le contexte actuel de la
mise en place des stratégies visant àduire la pauvreté, il apparaît impérieux d’ores et de simuler les
effets de politiques économiques envisageables compte tenu des engagements de l’Etat (cas du DISRP)
et de l’évolution favorable des cours des matières premières agricoles. Plus particulièrement, quelles sont
les incidences potentielles des nouvelles mesures de politiques économiques en faveur de l’agriculture
sur le revenu des ménages ? Quels sont les effets potentiels d’une hausse des cours des produits de rente
sur la distribution de revenus des ménages au Togo ?
Bien que très peu de travaux ont permis d’appcier le phénomène de pauvreté au Togo en recourant
aux approches monétaire (Banque mondiale, 1996 et PNUD, 2000) et non monétaire (Lawson-Body et
al, 2007), il n’existe pas de travaux destinés à apprécier, en utilisant une approche d’équilibre général, les
effets de politiques économiques sur la pauvreté des ménages ou sur la redistribution des revenus des
ménages. L’intérêt de la présente étude est de simuler différentes politiques économiques de l’Etat
togolais en vue de mesurer leurs effets potentiels sur la pauvreté en ral et sur la redistribution de
revenus des ménages en particulier.
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Les objectifs chiffrés seront précisés au moment de l’élaboration du DSRP final.
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L’une des dernières mesures économiques a été l’implantation de la zone franche industrielle d’exportation. Si cette
mesure a permis la création d’emplois, en procédant à une analyse en équilibre général, il a été trouvé que son impact
sur la valeur ajoutée, l’emploi et sur le revenu des ménages est resté très insignifiant. Ce qui n’est pas de nature à
entraîner une réduction significative de la pauvreté.
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