Introduction La Banque de France a été créée en 1800. Il s`agit d

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Introduction
La Banque de France a été créée en 1800. Il s’agit d’une société par actions dont le projet est
de restructurer le système financier français. C’est une banque privée dont le but est de faire des
bénéfices. [Napoléon la voulait privée, car si elle avait été publique, elle aurait bien vite fait faillite :
l’Etat a toujours besoin d’argent, et ne peut pas être à la fois celui qui prête et celui qui rembourse]
Son capital est formé par les actions des plus grandes familles, d’où l’appellation des 200 familles.
[Ces 200 familles sont en fait les 200 plus gros actionnaires. C’est une garantie de la pérennité : les
grandes familles n’achèteraient pas d’actions si elles n’avaient aucune chance d’en tirer des bénéfices.]
La Banque a trois fonctions essentielles : elle fait des avances de trésorerie à l’Etat (qui dépense
toujours avant d’encaisser), ce sont les Bons du Trésor ; elle fixe le taux d’escompte (qui concerne les
entreprises) ; elle émet des billets qui doivent être garantis, et qui obligent donc la Banque à inspirer
confiance. Bien que de telles notions économiques soient nécessaires pour comprendre la Banque de
France, c’est ici une approche historique qui nous intéresse. Celle que Napoléon appelait « ma
banque » a bien souvent eu à traiter avec l’Etat. Cela amène ainsi à s’interroger sur les relations plus
ou moins étroites et compliquées entre la Banque de France et l’Etat. Est-ce une relation de
dépendance ou d’indépendance ? Jusqu’au 2nd Empire, la Banque de France et l’Etat entretiennent des
relations d’intérêt concessionnelles. Mais sous la IIIème République, les relations de bonne entente se
dégradent, jusqu’à ce que la 2nde guerre mondiale amène la Banque de France vers sa nationalisation.
I. Jusqu’au 2nd Empire, des relations d’intérêt – 1814-1870
A/ Le privilège de l’émission
• 1803 [14 avril] : le privilège d’être la banque émettrice de Paris est accordé à la Banque de France.
Elle est désormais seule habilitée à émettre de la monnaie à Paris. Mais en contrepartie, un gouverneur
sera nommé par le chef d’Etat au Conseil Général de la Banque. Napoléon désirait en effet faire de la
Banque de France sa banque.
• 1840 : le privilège est prorogé et étendu aux villes où la Banque possède des succursales grâce à la
loi de Thiers. Mais en échange, la banque doit publier une situation moyenne chaque trimestre ainsi
que des résultats tous les semestres. De plus, une clause permettant de retirer le privilège jusqu’en
1855 est ajoutée, alors que le privilège était normalement prévu pour durer jusqu’en 1867.
• 1857 [9 juin] : le privilège est à nouveau prolongé, jusqu’en 1897. Mais en contrepartie, la Banque
s’engage à acheter des rentes à un cours avantageux pour l’Etat avec la quasi-totalité de son capital.
• Au final, la prorogation est avantageuse pour les deux partis. Elle permet notamment à l’Etat de
demander l’établissement d’une succursale de la Banque dans chaque département en 1867.
B/ La Banque de France se rend indispensable
Thiers même fait l’éloge de la Banque : « Elle a puissamment contribué à sauver [la France] à
cette époque » (vers 1830).
• La Banque joue à la fois le rôle de caissier de l’Etat (avec les comptes courants, les avances…) et de
banquier de l’Etat (escomptes extraordinaires).
• 1852 : premières relations d’importance avec un traité et un décret-loi. La Banque admet un
étalement du remboursement de la dette de l’Etat, et en échange, l’Etat annule la clause concernant la
possibilité d’annuler le privilège en 1855. Ce sont les premières réelles relations concessionnelles
entre la Banque et l’Etat.
• Ces relations lui valent cependant des accusations, comme celle d’une complicité avec le régime. La
Banque est accusée d’avoir soutenu le coup d’Etat du 2 décembre 1851 par l’octroi d’un crédit dans
des formes contraires aux traités. Cependant, d’après certaines sources (comme Alain Plessis), ces
accusations sont injustifiées.
C/ L’influence de l’Etat
• 1814-1820 : tentative de dégager la Banque de l’emprise de l’Etat avec notamment l’action du
gouverneur en poste, Laffitte. Mais c’est un échec.
• 1848 : l’Etat est favorable à la fusion de la Banque avec les petites banques de toute la France qui
n’avaient alors plus d’activité. La Banque de France en profite pour les absorber, et son privilège est
alors étendu à tout le pays.
• Selon Plessis, l’Etat aurait même poussé la Banque de France à venir en aide aux chemins de fer,
alors en difficulté, en 1857.
► La Banque est alors indépendante, mais en étroite relation avec l’Etat. Elle rend des services à
l’Etat, mais pas sans contrepartie.
II. Sous la IIIème République, les relations se dégradent – 1870-1935
A/ Des rapports plus conflictuels
• 1870 : premier conflit lors de la guerre. La Banque refuse d’accorder des crédits à l’Etat pour
financer la guerre [les financiers détestent la guerre, c’est très mauvais pour les affaires]. Mais l’Etat
ne l’entend pas comme ça et force la Banque à les lui accorder.
• La Banque souffre de l’inimitié de certains hommes politique, comme Gambetta ou même Proudhon
qui affirmait : « La royauté de l’or est aujourd’hui en France, son palais est la Banque ». Gambetta
nomme un gouverneur républicain à son avantage en 1880. Or, les grandes familles ne sont pas
exactement républicaines…
• 1897 : le privilège est prorogé. Mais en contrepartie, de très nombreuses obligations sont imposées à
la Banque, toutes avantageuses pour l’Etat : c’est la conséquence du refus de 1870. La Banque doit se
soumettre à 6 obligations, comme le versement d’une redevance directe à l’Etat [dont je vous épargne
les savants calculs] qui ne peut toutefois pas être inférieure à 2 millions de francs. L’Etat exige
toujours plus, ce qui réduit les bénéfices de la Banque.
• On peut cependant noter que grâce à l’action de Charles Beslay, la Banque a été préservée du pillage
pendant la Commune.
B/ Pendant la 1ère guerre mondiale, un court redressement
• Jusqu’en 1914, le franc germinal était stable : la Banque remplissait donc parfaitement son rôle.
Cependant, la donne change avec la guerre qui ruine cette stabilité.
• Les concours à l’Etat effectués pendant la guerre le sont gratuitement.
• 1918 : le privilège d’émission est une nouvelle fois prorogé grâce aux bonnes actions effectuées
pendant la guerre.
• Un accord tacite est passé entre l’Etat et la Banque de France pour une politique déflationniste qui
voulait redresser l’économie. Mais cette politique est un échec.
C/ Une gauche défavorable
• Conflit en 1924 à cause de la publication de faux bilans (publiés pour éviter un dépassement du
plafond de la circulation du billet).
• Les français perdent confiance dans le franc : pour rembourser sa dette aux Etats-Unis, la France a
besoin des réparations allemandes, qui ne peuvent pas être payées. De là, nait la légende du « mur
d’argent ».
• La Banque s’oppose plus facilement à des gouvernements de gauche, plus enclins à dépenser. Et la
banque reste une entreprise dont le but est de faire des profits.
• En 1928 toutefois, le franc est de nouveau stabilisé avec le franc Poincaré.
► A partir de là, les relations vont en s’empirant.
III. Jusqu’à la 2nde guerre mondiale – 1936-1945
A/ L’Etat s’impose sur la Banque
• 1936 : le Front Populaire décide de réformer les statuts de la Banque. La raison officielle est de
rendre la Banque plus attentive aux besoins économiques généraux. Mais c’est une fausse excuse, car
il s’agit à la fois d’une politique contre les 200 familles et d’une manœuvre pour que l’Etat puisse
recourir plus facilement aux concours de la Banque.
• On assiste alors à une rupture dans l’organisation de la Banque. Il y avait un équilibre entre forces
politiques (avec le gouverneur nommé par le chef de l’Etat) et forces économiques (avec par exemple
les 200 familles). Mais cet équilibre est désormais brisé, avec une présence accrue des forces
politiques au Conseil Général.
• La Banque ne peut désormais plus opposer qu’une maigre résistance.
B/ La Banque a perdu son indépendance
• 1940 : l’Etat renforce une nouvelle fois son emprise sur la Banque avec la loi du 24 novembre, de la
même façon que précédemment.
• Le commissariat allemand même se sert de la Banque pour imprimer des billets libellés en marks
jusqu’en 1941. La Banque n’a pas le choix, mais cela renforce son discrédit.
• L’Etat couvre la moitié de son déficit en grande partie par les avances de la Banque. Celle-ci n’a plus
rien de ses réserves à cause de la guerre et de l’occupation.
C/ La nationalisation
• A la libération, la Banque est ruinée. Elle ne remplit plus ses différents rôles et n’inspire plus
confiance aux français.
• La Banque est de plus mal vue : elle est officiellement indépendante, et cela ne semble pas
compatible avec le crédit de construction.
• En 1945, il n’y a plus d’autre alternative, la Banque est nationalisée (plus de crédit, plus de réserves).
En échange, toutefois, du privilège d’émission accordé sans limite.
Conclusion
A ses débuts, la Banque de France jouissait d’une relative indépendance, bien que ponctuée de
compromis avec l’Etat. Elle finira nationalisée en 1945, mais aura tout de même réussi à se rendre
nécessaire et indispensable. Elle recouvre de plus son indépendance en 1993, soit une cinquantaine
d’année plus tard. La Banque de France est finalement une société hybride, évoluant à la fois dans la
sphère privée (en tant qu’entreprise qui doit faire des bénéfices) et dans le service public (en tant
qu’entreprise qui émet la monnaie).
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