Cependant, il est vrai que l’on trouve parfois chez Marx ou Engels - et encore plus
dans le marxisme ultérieur - une tendance à faire du "développement des forces productives"
le principal vecteur du progrès, et une posture peu critique envers la civilisation industrielle,
notamment dans son rapport destructeur à l’environnement. Mais également, l’admiration
trop peu critique de Marx pour l’œuvre "civilisatrice" de la production capitaliste, pour son
instrumentalisation brutale de la nature.
Par contre on trouve aussi chez Marx des textes qui mentionnent explicitement les
ravages provoqués par le capital sur l’environnement naturel comme par exemple le
passage sur l’agriculture capitaliste dans le Capital :
« Ainsi elle détruit et la santé physique de l’ouvrier urbain et la vie
spirituelle du travailleur rural. Chaque pas vers le progrès de l’agriculture
capitaliste, chaque gain de fertilité à court terme, constitue en même temps
un progrès dans les ruines des sources durables de cette fertilité. (…)La
production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du
procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux
sources d’où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur.»
Même chez Engels, qui a si souvent célébré la "maîtrise" et la "domination" humaines
sur la nature, on trouve des écrits qui attirent l’attention, de la façon la plus explicite, sur les
dangers d’une telle attitude, comme par exemple le passage suivant de l’article sur "Le rôle
du travail dans la transformation du singe en homme" (1876) : « Nous ne devons pas nous
vanter trop de nos victoires humaines sur la nature. Pour chacune de ces victoires, la nature
se venge sur nous. Il est vrai que chaque victoire nous donne (...) les résultats attendus,
mais (...) elle a des effets différents, inattendus qui trop souvent annulent le premier. »
Il manque à Marx et Engels une perspective écologique d’ensemble.
Chez les Libertaires Proudhon célèbrera, dans ses écrits, la domestication raisonnée
et l’ordonnancement de la nature par l’Homme, en cela il fut fort proche de Marx. Ni
Bakounine, ni Kropotkine n’aborderont ce sujet.
Il faudra attendre la fin du XIXème siècle et la début du XXème pour que des
penseurs, identifiés comme libertaires ou anarchistes, évoquent réellement le sujet. Le
premier sera Elisé Reclus, en particulier à travers ses fresques paysannes, des récits à
fortes connotations naturalistes. Mais c’est à partir de la fin des années ’70, que des
libertaires joueront un rôle essentiel au sein de la gauche révolutionnaire, en étant bien
souvent parmi les fondateurs des mouvements écologistes.
La crise écologique, comme résultat de l’action humaine sur la nature, a atteint un
point où la survie de l’humanité est potentiellement en question. L’intérêt économique d’une
petite minorité commande, d’une part l’apparition accélérée de nouvelles formes de
production sans évaluation préalable de leurs conséquences écologiques, et d’autre part le
maintien de techniques de fabrication pourtant reconnues comme nuisibles.