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est pratiquement moribond, en raison des importantes réductions des dépenses de santé publique
décidées par le gouvernement central et de l’incapacité des autorités locales à prendre le relais. Dans
les campagnes, près de 90 % des coûts des soins de santé sont supportés par les patients
eux-mêmes. En Chine, les problèmes de santé sont devenus la cause principale des faillites
personnelles. Le pays a accompli de gigantesques progrès dans l’éducation des jeunes, mais la
Chine rurale n’enregistre pas les mêmes avancées que ses régions plus développées. Entre-temps,
la Chine est confrontée au plan écologique à une véritable urgence ayant des implications mondiales.
9. La focalisation du nouveau leadership sur la Chine rurale présente un contraste marqué avec
l’attitude du précédent gouvernement de Jiang Zemin, qui était fortement technocrate et enraciné sur
Shanghai, tout en réorientant la Chine vers l’économie mondiale. Certains considèrent également que
les nouvelles initiatives de développement du gouvernement s’expliquent non seulement par une
préoccupation véritable pour le sort de la gigantesque population paysanne chinoise, mais également
comme une tentative de réaffirmer le contrôle du parti sur une société qui revendique de manière
croissante un certain degré d’autonomie. Certains économistes chinois et occidentaux redoutent dès
lors que cet intérêt rhétorique pour les problèmes de pauvreté ralentisse le retrait d’un Etat qui
demeure omniprésent, ce qui pourrait, à terme, exacerber plutôt que remédier aux graves problèmes
de pauvreté continuant à se poser en Chine.
10. Il existe des raisons expliquant pourquoi des responsables souhaitent régner sur certaines
facettes du capitalisme sauvage de la Chine. Le président Hu Jintao demande aussi un équilibre
accru entre la consommation et les investissements, un renforcement des efforts dans la lutte contre
la corruption, des modèles de développement plus soucieux de l’environnement et un certain degré
de justice sociale dans une société ayant adopté une mentalité de croissance à tout prix. Les
dirigeants chinois invoquent désormais la notion de "société harmonieuse", établissant un équilibre
entre, d’une part, la croissance et, de l’autre, l’équité sociale et la protection de l’environnement.
Wen Jibao a annoncé que le gouvernement espère ramener la croissance à 8 % cette année, contre
9,9 % l’année dernière, bien que rien ne laisse augurer un quelconque ralentissement de l’économie.
Le gouvernement renforce également les dépenses militaires de 15 % en les portant à 35,1 milliards
de dollars, soit la plus importante augmentation en quatre ans. Le déficit budgétaire projeté pour 2006
s’établira à 36,7 milliards de dollars. (Browne) Tout cela marque un net changement dans les
priorités, surtout par rapport aux vues du leadership précédent.
11. Cette réorientation contient cependant aussi une certaine logique économique. Les dirigeants
chinois craignent que l’économie nationale ne dépende exagérément des marchés à l’exportation –
une prédilection mercantile à l’origine d’un surinvestissement omniprésent dans certains secteurs
moteurs. Ils considèrent qu’un meilleur équilibre peut être atteint en stimulant la demande intérieure et
en passant à des secteurs moins gourmands en énergie et plus technologiques. L’accroissement des
revenus des 800 millions de Chinois vivant dans les campagnes stimulerait la demande intérieure,
tout en allégeant une partie de la charge pesant sur le secteur de l’exportation.
12. Le leadership chinois considère également le développement rural en termes de sécurité. Cela
contribue certainement à ses efforts pour écraser les mouvements séparatistes potentiels dans des
régions telles que le Xinjiang, dans l’extrême ouest. Bien que possédant des gisements de charbon,
de pétrole et de gaz naturel dont l’ampleur est encore inconnue, cette vaste région musulmane
bordant les Républiques d’Asie centrale est pauvre et abrite des éléments séparatistes. En réponse,
le gouvernement a envoyé des forces sécuritaires, désormais omniprésentes dans la région. Via sa
politique de "Ruée vers l’ouest" initiée voici cinq ans, l’Etat encourage la migration massive de Chinois
Hans dans la région, par le biais de nombreux projets d’infrastructure, de crédits bancaires plus
accessibles, d'avantages fiscaux et d’approbations simplifiées des projets de développement foncier.