ECONOMIE ET
SECURITE
172 ESCTER 06 F bis
Original : anglais
Assemblée parlementaire de lOTAN
SOUS-COMMISSION SUR LES RELATIONS
ECONOMIQUES TRANSATLANTIQUES
DEFI POSE PAR LE DEVELOPPEMENT DE LA CHINE
RAPPORT
PETRAS AUSTREVICIUS (LITUANIE)
JOHN BOOZMAN (ETATS-UNIS)
CORAPPORTEURS
Secrétariat international novembre 2006
Les documents de l’Assemblée sont disponibles sur son site web, http://www.nato-pa.int
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TABLE DES MATIERES
I. INTRODUCTION ....................................................................................................................... 1
II. LE DEVELOPPEMENT RURAL : REDECOUVERTE D’UNE PRIORITE POUR BEIJING ........ 2
III. LE REGIME FONCIER, LA VIE RURALE ET LE SYSTEME AGRICOLE ................................. 6
IV. LA DEMOGRAPHIE, LA MIGRATION INTERNE ET LES SOINS DE SANTE DANS LA
CHINE RURALE ....................................................................................................................... 8
V. L’ACCROISSEMENT DU MECONTENTEMENT ET DES MANIFESTATIONS DANS LES
CAMPAGNES......................................................................................................................... 10
VI. LES INVESTISSEMENTS ETRANGERS ET LE DEVELOPPEMENT ..................................... 12
VII. LES BESOINS ENERGETIQUES DE LA CHINE .................................................................... 14
VIII. LES RELATIONS DE LA CHINE AVEC LE MONDE EN DEVELOPPEMENT ET LA
COMMUNAUTE INTERNATIONALE DES DONATEURS ...................................................... 16
IX. CONCLUSIONS ...................................................................................................................... 20
X. BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................... 24
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I. INTRODUCTION
1. Il peut sembler paradoxal de considérer la Chine contemporaine comme un pays en
développement. Après tout, ce pays de 1,4 milliardS d’habitants présente un cycle commercial qui
modèle littéralement les conditions macroéconomiques dans le monde entier. Sa croissance durant
les deux dernières décennies a atteint en moyenne 9,5 % par an, l’une des transformations
économiques les plus soutenues et les plus rapides jamais enregistrées au cours de ces 50 dernières
années. (Etude économique de la Chine 2005, OCDE) La demande de la Chine pour toutes sortes
de matières premières est colossale et ce pays est devenu un "fixeur de prix" pour une quantité de
produits qui vont de l’acier à l’énergie. La Chine se dote d’une gigantesque armée, de plus en plus
sophistiquée, pour laquelle le gouvernement dépense des milliards de dollars en nouveaux
équipements déployés avec adresse pour soutenir sa diplomatie de manière emphatique ; son corps
diplomatique s’active dans le monde entier ; ses villes côtières prospèrent manifestement. Comment
peut-on dès lors concevoir la Chine comme un pays en développement ?
2. Pour donner les premiers éléments de réponse à cette question, il convient de bien prendre
conscience de l’énormité de la Chine, tant du point de vue géographique que démographique. La
majeure partie du pays est ainsi éloignée des villes côtières trépidantes, qui ont littéralement ouvert la
Chine au monde et ce, même si une importante migration interne, la demande pour les produits de
base et un gouvernement central puissant continuent à assurer la liaison entre les régions. Le fossé
entre les revenus en Chine orientale, centrale et occidentale est important et continue à se creuser. Si
le nombre de millionnaires s’accroît dans les cités de l’est, les témoignages attestent que la grande
majorité des Chinois vivant dans l’Ouest doit lutter pour subsister. La Banque mondiale estime que
plus de 100 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté et que 18 % des pauvres du monde
entier se trouvent au sein des frontières de la Chine. (Mémorandum de la Banque internationale pour
la reconstruction et le développement BIRD) Parallèlement, le développement explosif de la Chine
permet à des millions de personnes de sortir de la pauvreté - à un rythme étonnant - ce qui offre
d’une certaine manière un modèle pour de nombreux pays pauvres. Manifestement, la nouvelle Chine
foisonne donc de contradictions, aptes à dérouter des observateurs pourtant convaincus qu’ils étaient
parvenus à la comprendre.
3. Naturellement, une partie du problème intellectuel réside dans le fait que la Chine constitue une
"cible mouvante". Le rythme des changements économiques et sociaux y est stupéfiant et si des
millions de Chinois ont échappé à la pauvreté grâce à la rapidité de la croissance, ce n’est pas le cas
de millions d’autres. En soi, cette situation a d’importantes conséquences, car elle modifie
fondamentalement la dynamique de la société chinoise et remet en question l’un des préceptes
supposés de l’idéologie propre au régime au pouvoir. La disparité de la richesse a toujours été une
réalité en Chine, même à l’époque la plus noire de la Révolution culturelle, mais la Chine
contemporaine se caractérise par un fossé extraordinaire entre les nantis et les pauvres. En Chine, le
coefficient de Gini, qui mesure les disparités de revenus à l’aide d’une échelle qui va de 0 (parfaite
égalité) à 1 (parfaite inégalité), était déjà passé de 0,3 à l’époque maoïste à 0,5 en 2002. (Dreyer) Il
s’agit-d’un niveau de disparité qui, pour beaucoup d’observateurs, expose la Chine à un danger de
grave instabilité sociale. Il n’est pas surprenant que cette division socio-économique suscite des
tensions idéologiques au sein du parti et parmi les intellectuels chinois.
4. Cette inégalité présente manifestement aussi une dimension géographique. Les niveaux de
revenus et les infrastructures matérielles et sociales varient largement entre les zones rurales et
urbaines, ainsi qu’entre les régions côtières et intérieures. Dans des régions telles que la
Mandchourie, dont l’économie est dominée par les entreprises d’Etat vieillissantes de ce que l’on
appelle la "ceinture rouillée", les travailleurs subissent des licenciements massifs. Des millions de
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travailleurs ruraux et d’agriculteurs chinois connaissent une situation pire encore et nombre d’entre
eux, dans l’ouest de la Chine, continuent à vivre de revenus de subsistance. Cette dispari
conditionne en fin de compte la politique intérieure de la Chine, ainsi que sa politique étrangère et
c’est précisément la raison pour laquelle, cette année, la Commission a choisi d’analyser la situation
en détail.
II. LE DEVELOPPEMENT RURAL : REDECOUVERTE D’UNE PRIORITE POUR
BEIJING
5. Le gouvernement chinois est parfaitement conscient des formidables défis que pose le
développement. Ching Li, expert siégeant au gouvernement chinois, fait remarquer dans une étude
récente des 22 dirigeants les plus proches du président Hu Jintao, que ceux-ci ont tous débuté leur
carrière dans la politique rurale et qu’ils ont donc une connaissance viscérale des conditions qui
prévalent au-delà des villes trépidantes de la côte orientale de la Chine.
6. Il n’est donc pas surprenant que la nouvelle élite au pouvoir en Chine semble se focaliser de
plus en plus sur le développement de l’hinterland. Le Premier ministre chinois Wen Jiabao l’a placé
au centre de son discours devant le Congrès national du peuple en mars dernier. Au cours de cette
allocution largement commentée, Wen Jiabao a demandé un accroissement de 14,2 % des dépenses
destinées aux régions rurales pour les porter à 42 milliards de dollars, tout en promettant neuf années
d’éducation gratuite et obligatoire pour chaque enfant de ces régions et l’abolition de ce qui constitue,
de fait, une ancienne taxe sur l’agriculture. Si cette dernière décision est mise en œuvre, elle pourrait
épargner aux agriculteurs jusqu’à 15 milliards de dollars par an. Wen Jiabao s’est également engagé
à multiplier par sept les dépenses liées à l’assurance santé pour les populations rurales, à procéder à
de nouveaux investissements pour les systèmes de contrôle des inondations, la purification de l’eau,
la construction de routes et d’autres infrastructures, ainsi qu’à augmenter de 14,5 % le budget
consacré aux sans-emploi. (Browne) M. Jiabao a en outre promis d’accroître les subventions
octroyées pour la culture des céréales, d’allouer 20 milliards de yuans pour améliorer le réseau très
dégradé d’hôpitaux ruraux et de doubler la contribution du gouvernement aux plans d’assurance
santé individuels. Bien que la sécurité alimentaire demeure l’une des premières priorités, le soutien
des revenus des agriculteurs et les préoccupations en matière d’environnement suscitent une
attention croissante. (Exposé de l’OCDE à l’AP-OTAN, février 2006)
7. Les dirigeants chinois ont baptisé cette initiative les "Nouvelles campagnes socialistes" et
promis qu’elle aura un impact rapide et profond sur la Chine rurale. Les nouvelles politiques du
gouvernement permettent déjà de soulager en partie la pauvreté dans certaines régions, mais
certains économistes redoutent que cette approche étatique nourrisse également une dépendance
face à l’aide, sans fournir le contexte microéconomique pour une croissance économique plus durable
à long terme. Liu Fuyuan, expert en développement du gouvernement, explique que "le seul moyen
de sortir de l’impasse ne consiste pas à subventionner les agriculteurs, mais à s’assurer qu’il y en ait
moins". (McGregor) Le nouveau leadership ne privilégie pas toujours explicitement les solutions de
marché pour résoudre les défis liés à la pauvreté et s’est cemment lancé dans une campagne
massive pour refamiliariser les cadres du parti avec les principes essentiels du marxisme. La situation
est toutefois très complexe et pleine de contradictions ; la gestion de l’économie chinoise est de plus
en plus libérale, de même à de nombreux égards que certaines parties de l’économie rurale.
8. Notons que la pauvreté ne se mesure pas uniquement en termes de revenus. Les indicateurs
relatifs au développement social, à l’éducation, aux soins de santé et à l’environnement sont
également essentiels. Ici aussi, les nouvelles sont mitigées. Dans la Chine rurale, le système sanitaire
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est pratiquement moribond, en raison des importantes réductions des dépenses de santé publique
décidées par le gouvernement central et de l’incapacité des autorités locales à prendre le relais. Dans
les campagnes, près de 90 % des coûts des soins de santé sont supportés par les patients
eux-mêmes. En Chine, les problèmes de santé sont devenus la cause principale des faillites
personnelles. Le pays a accompli de gigantesques progrès dans l’éducation des jeunes, mais la
Chine rurale n’enregistre pas les mêmes avancées que ses régions plus développées. Entre-temps,
la Chine est confrontée au plan écologique à une véritable urgence ayant des implications mondiales.
9. La focalisation du nouveau leadership sur la Chine rurale présente un contraste marqué avec
l’attitude du précédent gouvernement de Jiang Zemin, qui était fortement technocrate et enraciné sur
Shanghai, tout en réorientant la Chine vers l’économie mondiale. Certains considèrent également que
les nouvelles initiatives de développement du gouvernement s’expliquent non seulement par une
préoccupation véritable pour le sort de la gigantesque population paysanne chinoise, mais également
comme une tentative de réaffirmer le contrôle du parti sur une société qui revendique de manière
croissante un certain degré d’autonomie. Certains économistes chinois et occidentaux redoutent dès
lors que cet intérêt rhétorique pour les problèmes de pauvreté ralentisse le retrait d’un Etat qui
demeure omniprésent, ce qui pourrait, à terme, exacerber plutôt que remédier aux graves problèmes
de pauvreté continuant à se poser en Chine.
10. Il existe des raisons expliquant pourquoi des responsables souhaitent régner sur certaines
facettes du capitalisme sauvage de la Chine. Le président Hu Jintao demande aussi un équilibre
accru entre la consommation et les investissements, un renforcement des efforts dans la lutte contre
la corruption, des modèles de développement plus soucieux de l’environnement et un certain deg
de justice sociale dans une société ayant adopté une mentalité de croissance à tout prix. Les
dirigeants chinois invoquent désormais la notion de "société harmonieuse", établissant un équilibre
entre, d’une part, la croissance et, de l’autre, l’équité sociale et la protection de l’environnement.
Wen Jibao a annoncé que le gouvernement espère ramener la croissance à 8 % cette année, contre
9,9 % l’année dernière, bien que rien ne laisse augurer un quelconque ralentissement de l’économie.
Le gouvernement renforce également les dépenses militaires de 15 % en les portant à 35,1 milliards
de dollars, soit la plus importante augmentation en quatre ans. Le déficit budgétaire projeté pour 2006
s’établira à 36,7 milliards de dollars. (Browne) Tout cela marque un net changement dans les
priorités, surtout par rapport aux vues du leadership précédent.
11. Cette réorientation contient cependant aussi une certaine logique économique. Les dirigeants
chinois craignent que l’économie nationale ne dépende exagérément des marchés à l’exportation
une prédilection mercantile à l’origine d’un surinvestissement omniprésent dans certains secteurs
moteurs. Ils considèrent qu’un meilleur équilibre peut être atteint en stimulant la demande intérieure et
en passant à des secteurs moins gourmands en énergie et plus technologiques. L’accroissement des
revenus des 800 millions de Chinois vivant dans les campagnes stimulerait la demande intérieure,
tout en allégeant une partie de la charge pesant sur le secteur de l’exportation.
12. Le leadership chinois considère également le développement rural en termes de sécurité. Cela
contribue certainement à ses efforts pour écraser les mouvements séparatistes potentiels dans des
régions telles que le Xinjiang, dans l’extrême ouest. Bien que possédant des gisements de charbon,
de pétrole et de gaz naturel dont l’ampleur est encore inconnue, cette vaste région musulmane
bordant les Républiques d’Asie centrale est pauvre et abrite des éléments séparatistes. En réponse,
le gouvernement a envoyé des forces sécuritaires, désormais omniprésentes dans la région. Via sa
politique de "Ruée vers l’ouest" initiée voici cinq ans, l’Etat encourage la migration massive de Chinois
Hans dans la région, par le biais de nombreux projets d’infrastructure, de crédits bancaires plus
accessibles, d'avantages fiscaux et d’approbations simplifiées des projets de développement foncier.
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