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ECONOMIE ET
SECURITE
171 ESCEW 06 F bis
Original : anglais
Assemblée parlementaire de l’OTAN
SOUS-COMMISSION SUR LA COOPERATION ET LA
CONVERGENCE ECONOMIQUES EST-OUEST
LA PERIODE DE TRANSITION EN UKRAINE
RAPPORT
MARGUS HANSON (ESTONIE)
RAPPORTEUR
Secrétariat international
novembre 2006
Les documents de l’AP-OTAN sont disponibles sur son site internet, http://www.nato-pa.int
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i
TABLE DES MATIERES
I.
INTRODUCTION ......................................................................................................... 1
II.
LES DÉVELOPPEMENTS POLITIQUES : CHANGEMENT DE GOUVERNEMENT
ET DIMENSION ENERGETIQUE ............................................................................... 2
III.
L’ÉCONOMIE............................................................................................................... 6
IV.
LES PRIVATISATIONS ............................................................................................... 9
V.
LES ÉCHANGES COMMERCIAUX ET LA PLACE DE L’UKRAINE DANS LA
DIVISION MONDIALE DU TRAVAIL......................................................................... 11
VI.
LES RELATIONS DE L’UKRAINE AVEC L’EUROPE ............................................... 13
VII.
LES RELATIONS DE L’UKRAINE AVEC LES ÉTATS-UNIS, LE CANADA ET
L’OTAN ..................................................................................................................... 17
VIII. LES RELATIONS DE L’UKRAINE AVEC LA RUSSIE ET LE PROBLÈME DE
L’ÉNERGIE ............................................................................................................... 19
IX.
CONCLUSIONS ........................................................................................................ 20
X.
BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................... 24
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I.
1
INTRODUCTION
1.
Bismarck aurait dit un jour de l’Italie de l’après Risorgimento qu’elle ne constituait guère plus
qu’une « expression géographique », impliquant par là que l’identité nationale de cette nouvelle
puissance européenne s’avérait quelque peu suspecte. Il y a des moments où la Russie et l’Occident
semblent utiliser des termes relativement similaires pour qualifier l’Ukraine. Il est un fait que l’échec
des efforts déployés par l’Ukraine de l’après-sécession en vue d’initier une transition véritablement
démocratique et orientée vers le marché a semblé confirmer le bien-fondé de ce point de vue plutôt
dédaigneux. Au cours de la première décennie de l’expérience nationale post-soviétique de l’Ukraine,
l’Occident semble avoir davantage manifesté un intérêt de pure forme pour sa vocation européenne
que cherché à la renforcer. Jusqu’à récemment encore, l’Occident n’avait jamais envisagé l’Ukraine
comme un partenaire potentiel, tandis que nombreux étaient ceux qui, en Russie, ne s’étaient jamais
résignés à une véritable indépendance ukrainienne. La « Révolution orange » et ses pénibles
retombées forcent toutefois de nombreuses personnes à revoir leurs suppositions de longue date sur
ce pays.
2.
Si les politiciens occidentaux ne semblent pas avoir accordé beaucoup d’attention aux
événements survenus en Ukraine au cours de la décennie écoulée, il apparaît aujourd’hui d’une façon
générale que les enjeux de la transition dans ce pays sont plutôt élevés. La « Révolution orange » de
l’année dernière a d’ailleurs confirmé l’existence d’une véritable impulsion démocratique en Ukraine,
impulsion qui avait certainement été présente au cours des premières années de la transition, sans
jamais avoir pu s’exprimer pleinement.
3.
Bien que les Etats d’Europe centrale se soient vu offrir la perspective d’une adhésion à l’UE et à
l’OTAN en récompense de leurs réformes diligentes pour parvenir à la démocratie et à l’économie de
marché, aucune offre sérieuse de ce type n’avait été faite à l’Ukraine après sa déclaration
d’indépendance, rendant ainsi sa transition d’autant plus difficile. Ces réticences à considérer
l’Ukraine comme un membre potentiel de la communauté occidentale et européenne des nations
tendaient à renforcer la position de ceux qui, en Ukraine, éprouvaient de fortes suspicions à l’encontre
de l’Occident. Ceci ne semblait que justifier le scepticisme occidental. Après une décennie
d’indépendance, les réformateurs libéraux démocratiques n’avaient que bien peu de réalisations à
inscrire à leur actif et une situation malsaine élargissait définitivement le fossé entre les aspirations
démocratiques de nombreux Ukrainiens et la réalité de la vie quotidienne.
4.
Qui plus est, nombreux sont ceux qui, en Occident, ont longtemps refusé de reconnaître les
enjeux stratégiques de l’évolution démocratique en Ukraine. Celle-ci constitue un grand pays
potentiellement prospère, en raison de ses richesses naturelles, de son emplacement stratégique et
du bon niveau d’éducation de sa population. A certains égards, il s’agit davantage d’un pays mal
développé que sous-développé. Si elle était plus fermement installée dans le club des nations
démocratiques, l’Ukraine pourrait devenir une source essentielle de stabilité en Europe orientale et
véritablement contribuer à la prospérité et au bien-être de l’Europe dans son ensemble. Une Ukraine
faible, non démocratique et économiquement chancelante poserait cependant une série de dilemmes
susceptibles de saper la stabilité régionale. Il n’est guère surprenant que des pays comme la
Pologne, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, qui ont connu un considérable succès dans
l’orchestration de leur propre transition économique et politique au sein d’un cadre euro-atlantique,
éprouvent un intérêt particulier pour la transition ukrainienne. Ils demandent instamment à leurs
partenaires européens de davantage s’engager vis-à-vis de l’Ukraine et en ont fait une priorité de
leurs politiques étrangères respectives.
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2
5.
Les préoccupations des voisins occidentaux et septentrionaux de l’Ukraine ne sont pas sans
objet. D’aucuns prétendent qu’une Ukraine démocratique et indépendante pourrait aller jusqu’à
contribuer à déterminer l’évolution démocratique de la Russie elle-même (Rihard Piks), tandis qu’une
Ukraine affaiblie représenterait un vide stratégique au cœur de l’Europe. Certains pourraient même
l’envisager comme une invitation permanente à une renaissance d’une sorte de grand empire russe,
caractérisé par une orientation nettement non démocratique. Selon les argumentations, une Ukraine
forte et démocratique contribuerait à étouffer toute tentation revancharde en Russie et pourrait
constituer un modèle pour d’autres anciennes Républiques soviétiques en crise, incluant la Moldova
et le Bélarus, nettement non démocratique. Elle créerait une nouvelle zone de dynamisme
économique en Europe orientale, dont les réussites auraient de superbes retombées en termes
politiques, économiques et stratégiques. Il apparaît donc que les enjeux de la transition démocratique
de l’Ukraine sont très importants.
II.
LES DEVELOPPEMENTS POLITIQUES : CHANGEMENT DE GOUVERNEMENT ET
DIMENSION ENERGETIQUE
6.
L’évolution politique post-soviétique de l’Ukraine s’est avérée lente et douloureuse. Les
premières années d’indépendance ont été marquées par le rôle de premier plan joué par les anciens
apparatchiks soviétiques et la persistance de structures gouvernementales, de pratiques et d’attitudes
typiques d'une certaine élite antithétiques avec la mise en place d’une démocratie moderne.
L'enthousiasme des gouvernements occidentaux pour l’élection de Leonid Koutchma, a rapidement
décliné face à la persistance de pratiques douteuses dans un pays qui était auparavant une
démocratie. Ces pratiques incluaient une corruption omniprésente, des forces de sécurité non
contrôlées et le recours à l’intimidation, voire à la violence, contre les opposants au gouvernement. En
2000, Transparency International présentait l’Ukraine comme l’un des pays les plus corrompus au
monde, la classant en 88e place sur une liste de 90 Etats. (Woronowycz) En dépit de cela, en 2004
et 2005, Freedom House accordait à la démocratie ukrainienne une note de 4,5 sur une échelle de
1 à 7, où 1 est la meilleure note. (Soloneko) Dans son dernier rapport, il affirmait que c’était la
société la plus libre de l’ex-Union soviétique, hormis les Etats baltes, et que les tendances allaient
dans le bon sens, tant du point de vue politique que des libertés civiles. (http://www.eng.forua.com/news/2006/09/08/140347.html)
7.
Il est clair que la « Révolution orange » a marqué un changement radical dans la vie politique
en Ukraine et une percée fondamentale de la démocratie. L’administration Youshenko arrivée au
pouvoir après ces événements a proposé un nouvel ordre du jour étendu, focalisé sur la stabilisation
macroéconomique, la transition institutionnelle, ainsi qu’une plus grande intégration à l’UE et au
marché mondial. (Tiffin) Au cours de l’année écoulée, l’on a constaté une nette amélioration des
droits de l’homme, de la liberté des médias et une ouverture générale de la société, en dépit d’une
instabilité persistante au sein de la coalition, de problèmes de corruption persistants, de l’échec des
efforts du gouvernement en vue d’entamer un agenda de transition et aux revers électoraux subis par
la coalition lors du récent suffrage.
8.
La « Révolution orange » a également inauguré un changement marquant dans la politique
étrangère de l’Ukraine. Cela est apparu rapidement dans les relations de plus en plus amicales de
l’Ukraine avec l’UE et l’Amérique du Nord, l’intensification des tensions avec la Russie et l’affirmation
sans ambiguïté de dirigeants politiques concernant leur engagement envers une intégration pleine et
entière aux institutions euro-atlantiques - des objectifs dont le précédent gouvernement ukrainien
avait déjà fait part en 2002. Le fait que ces changements soient intervenus à un moment où la
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démocratie russe semble s’affaiblir pourrait devenir une source plus grave de tensions dans les
années à venir, mais il a, de toute évidence, renforcé les enjeux.
9.
En dépit de tous les développements positifs résultant d’une société civile qui exigeait
résolument une responsabilité démocratique, l’année écoulée ne peut absolument pas être
considérée comme marquée par la constance politique. La situation est d’ailleurs loin d’être stable. A
l’été 2005, le président Youshenko a démis de ses fonctions de Premier ministre son ancienne alliée
Yuliya Tymoshenko, en raison de sa mauvaise gestion de l’économie et du sentiment que nombre de
ses alliés cherchaient à acquérir les ressources précédemment contrôlées par les partisans de
Koutchma, par le biais d’une re-privatisation. (Kaminiski, 20 décembre 2005) Tymoshenko avait
effectivement remis en question de nombreuses privatisations du gouvernement précédent, une
tactique certes compréhensible sur le plan émotionnel, mais qui avait néanmoins eu l’effet d’une
douche froide pour les investisseurs, tout en divisant la coalition au pouvoir. Tymoschenko avait
promis de revoir plus de 3 000 privatisations et il n’existait tout simplement aucune loi cohérente pour
réguler le processus. (Rapport de visite de l’AP-OTAN – Varsovie, Pologne, 27-28 avril 2006). Le
nouveau gouvernement de Yuriy Yekhanurov a, par la suite, veillé à fortement rassurer un monde des
affaires quelque peu abasourdi. Mais, dès le début, les jours de l’équipe de Yekhanurov étaient
comptés. Les élections du printemps 2006 ont finalement ramené les opposants à la « Révolution
orange » au pouvoir, mais dans des conditions qui prévoient que, au moins sur le papier, les principes
démocratiques de cette révolution seront préservés. Il reste toutefois à voir dans quelle mesure cela
sera effectivement le cas.
10.
Des différends énergétiques avec la Russie ont contribué à saper davantage la stabilité
politique de l’Ukraine en creusant les dissensions internes. Les armes politiques étaient déjà bien
fourbies pour la campagne de ce printemps, lorsque le gouvernement fit savoir qu’il cédait aux
exigences russes de doublement du prix du gaz importé. Aux termes d’un accord conclu en 2001,
Gazprom avait accepté de vendre des quantités importantes de gaz naturel à l’Ukraine au prix de
50 dollars par millier de mètres cubes, en échange de ristournes sur les droits facturés par l’Ukraine
pour l’utilisation des gazoducs alimentant l’Europe occidentale. Quatre-vingt pour cent des
exportations de gaz russe vers l’Europe occidentale passent par les gazoducs ukrainiens. En
décembre 2005, Gazprom a soudain exigé que le prix du gaz soit porté à 160 dollars, puis à
230 dollars, tout en menaçant également de cesser d’approvisionner l’Ukraine le 1er janvier 2006 si
celle-ci n’acceptait pas ces conditions. (White, 19 décembre 2005) Aux termes du compromis final,
l’Ukraine devait acheter du gaz russe (et d’Asie centrale) à 95 dollars par 1 000 mètres cubes en
moyenne à la société d’import-export de droit suisse RosUkEnergo, qui appartient pour moitié à
Gazprom. Gazprom pour sa part devait vendre du gaz russe à RosUkEnergo pour 230 dollars, mais
la société fournira également à l’Ukraine du gaz beaucoup moins cher en provenance du
Turkménistan.
11. L’accord final prévoit une augmentation de 30 % du prix du gaz pour les ménages ukrainiens et
permet une nouvelle augmentation cette année par la Russie, en position de monopole. (Myers,
13 mai 2006) Il confère également un monopole pour la fourniture du gaz à une mystérieuse société
d’import-export, RosUkEnergo, dont l’actionnaire occulte Dmytro Firtash est accusé d’entretenir des
liens avec l’un des criminels les plus notoires d’Ukraine, Symon Mogilevich, poursuivi aux Etats-Unis
pour racket, fraudes boursières, blanchiment d’argent et d’autres chefs d’inculpation encore.
(Tom Warner, « Under scrutiny : how the trader at the centre of Ukraine’s gas dispute faces questions
about his past », Financial Times, 14 juillet 2006)
12. Inutile de dire que l’opinion publique a réagi par la consternation face à l’accord passé par le
gouvernement avec Gazprom l’année dernière et que celui-ci a certainement constitué un facteur de
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l’impopularité croissante de l’équipe dirigeante à la veille des élections. L’une des critiques les plus
virulentes émanait du sein même de la Coalition orange. Yulia Tymoschenko en a profité pour
prendre ses distances avec ses anciens alliés du parti Notre Ukraine, tandis que les forces pro-russes
ont expliqué qu’elles auraient été mieux placées pour négocier un accord équitable avec leurs amis à
Moscou. Quoiqu’il en soit, peu après que les conditions du contrat eussent été divulguées, le
parlement a destitué le gouvernement de Yuriy Yekhanurov, invoquant une trahison des intérêts
ukrainiens. Le gouvernement démis a cependant accepté un mandat de trois mois jusqu’aux élections
de mars.
13. Cette crise politique naissante s’expliquait en fait beaucoup plus par la proximité des prochaines
élections que par le prix du gaz. L’Ukraine n’avait en effet pratiquement aucun moyen de pression lors
de ses pourparlers avec la Russie. Il se pourrait d’ailleurs fort bien qu’il faille trouver la raison des
exigences de la Russie non seulement dans la volonté d’accroître ses revenus en alignant le prix de
son gaz sur celui du marché mondial – une ambition assurément légitime dans la mesure où elle ne
violait pas les précédents accords –, mais également dans le désir de soutenir certaines forces
politiques plus favorables aux intérêts russes prétendant, comme signalé plus haut, être mieux
placées pour renégocier le prix du gaz avec leurs amis russes. (Buckley, Warner) Certaines de ces
forces ont pu exploiter la déception de l’opinion publique face à la hausse soudaine de prix pour en
retirer un avantage politique. Les tensions entre la Russie et l’Ukraine ont une dimension nationale
évidente dans un pays dont 67 % de la population est ukrainophone et 24 % seulement russophone.
(OSCE)
14. Ce drame politique s’est déroulé alors que d’importants amendements constitutionnels entraient
en vigueur en Ukraine. Le nouvel ordre constitutionnel supprime certains pouvoirs nationaux autrefois
dévolus au président pour les accorder au parlement. (Le président conserve des prérogatives
importantes en matière de politique étrangère et de politique défense.) Il consolide donc la position
du Premier ministre, ce qui a manifestement eu pour effet d’accroître les enjeux lors des élections de
mars dernier. La société ukrainienne est désormais confrontée à une situation dans laquelle le
candidat malheureux des élections présidentielles de l’année dernière, Victor Yanukovych, a été
choisi pour diriger le gouvernement et ses pouvoirs rivaliseront avec ceux du président, pour ne pas
dire qu’ils les dépasseront, ce qui engendre un changement politique à la fois important et surprenant.
15. Depuis le 1er janvier 2006, le gouvernement est responsable devant le parlement plutôt
qu’envers le président. L’Ukraine s’aligne ainsi sur les normes constitutionnelles d’un certain nombre
d’Etats d’Europe centrale, mais ce changement soudain a semé une certaine confusion
institutionnelle et modifié presque instantanément la dynamique de la « Révolution orange » comme
on l’a appelée.
16. Ces changements constitutionnels signifiaient que les enjeux des élections de mars étaient
terriblement importants, en particulier dans un pays aussi clairement divisé entre les forces souhaitant
une plus grande intégration à l’Occident et une réforme économique plutôt radicale et celles
considérant la Russie comme le principal interlocuteur de l’Ukraine et comme un modèle politique,
social et économique potentiel. Sans aucun doute, pour certains industriels, la bataille politique portait
également sur les avantages à tirer du pouvoir politique. Le patronat joue d’ailleurs son rôle dans le
renforcement des antagonismes au sein d’une société politiquement et économiquement divisée, tout
en demeurant fragile.
17. Les résultats initiaux des élections de mars ont abouti à une impasse politique, mais la façon
dont elles se sont déroulées permet de conclure à un renforcement des institutions démocratiques
dans le pays. Tous les partis ont semblé accepter les règles du jeu et les observateurs étrangers ont
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fait état d’un processus de vote propre et ouvert. Il s’agit-là d’un signe d’espoir, auquel on assiste
d’ailleurs dans d’autres pays de l’Europe ex-communiste. C’est ainsi, par exemple, que l’éviction des
forces non démocratiques dans des pays tels que la Slovaquie et la Croatie a non seulement entraîné
l’avènement de gouvernements plus démocratiques, mais également celui de groupes d’opposition à
encore plus démocratiques, même si certains de ces groupes étaient jadis associés à des forces
autoritaires. En Ukraine, le risque réside dans l’instabilité potentielle de la nouvelle majorité au pouvoir
et dans la possibilité toujours bien réelle que certains groupes soient tentés de revenir sur les
avancées démocratiques de l’année écoulée.
18. Le résultat des élections est, d’ailleurs, révélateur de ces profondes dissensions. Comme il
fallait s’y attendre, aucune coalition manifestement victorieuse n’en a résulté. Le Parti des Régions
de Viktor Yanukovych s’est adjugé 186 des 450 sièges au Parlement, tandis que le groupe de
Tymoshenko en a récolté 129. Notre Ukraine de M. Yushchenko ne s’est classé que troisième, avec
seulement 86 sièges. Quatre mois d’incertitude et de tourmente politiques ont résulté des manœuvres
des coalitions concurrentes pour constituer une majorité viable. La coalition vacillante entre Notre
Ukraine, le bloc de Tymoschenko et les socialistes s’est écroulée en juillet. Le fait pour le parti
socialiste dirigé par Oleksandr Moroz d’accepter d’abandonner la Coalition orange et de se joindre à
une coalition avec le Parti des Régions de Yanukovych et le parti communiste a permis de sortir de
l’impasse. Aucune option légale ne restait au Président, qui a accepté de confier à M. Yanukovych la
tâche de former le nouveau gouvernement. (Kramer, 3 août 2006) Début août enfin, le parlement
ukrainien a approuvé la nomination de M. Yanukovych au poste de Premier ministre, avec l’appui de
273 des 296 députés présents. Cette majorité était confortable, même si – signe menaçant peut-être
– 154 parlementaires, dont beaucoup du parti de Tymoshenko, ont boycotté la séance. M. Moroz a
été élu président de la Rada.
19. Le choix de Yanukovych pour diriger le nouveau gouvernement marque le retour plutôt
improbable d’une figure qui, de l’avis de certains, avait cherché à truquer les élections présidentielles
de 2004 en sa faveur, sentiment d’ailleurs à l’origine de la « Révolution orange ». Cette nomination
constitue un important revers pour les dirigeants de la « Révolution orange » mais beaucoup
d’analystes indépendants sont d’avis que les perspectives sont loin d’être aussi sombres que certains
peuvent le penser.
20. En premier lieu, l’une des caractéristiques d’une démocratie solide réside dans son aptitude à
gérer l’alternance du pouvoir. La formation d’un gouvernement a certes exigé quatre longs mois, mais
ceux qui formaient une coalition d’opposition constituent désormais un gouvernement, dans le cadre
d’une alliance explicite avec les socialistes qui ont abandonné le groupe orange, et dans celui d’une
alliance tacite avec le dirigeant de la « Révolution orange », le président Yushchenko. S’adressant au
parlement juste avant le suffrage, M. Yanukovych a fait remarquer que les parlementaires
s’apprêtaient à voter sur « l’unification dans les faits de deux équipes, campées sur les rives
opposées du Dniepr depuis deux ans ». Le président a émis des remarques similaires, pour justifier
son soutien au nouveau gouvernement. (Myers, 5 août 2006) De ce point de vue, le nouveau
gouvernement pourrait parvenir à réduire certaines des fractures les plus profondes qui marquent la
culture politique de l’Ukraine, jusque récemment responsables de l’instabilité croissante et de la
paralysie politique.
21. En fait, l’Ukraine n’aurait pas toléré une poursuite de la stase politique. Le processus de prise
de décisions à Kiev s’était arrêté et l’appareil d’Etat ne fonctionnait tout simplement plus. Avec un
gouvernement en place contraint de cohabiter avec un président de l’opposition, l’Ukraine pourrait, au
moins, connaître une période de stabilité. Le gouvernement et le président sont bien placés pour
établir des ponts dans un pays fortement divisé et cela pourrait créer une base commune pour des
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réformes. Tout ordre du jour sera probablement moins ambitieux que l’auraient souhaité de nombreux
tenants de la « Révolution orange », mais ces derniers pourraient puiser un réconfort dans le fait que
le nouveau Premier ministre a accepté, en théorie du moins, que l’Ukraine continue à rechercher
l’établissement de liens plus étroits avec l’Occident. M. Yanukovych représente également un groupe
d’industriels de l’Est qui sont – et c’est le moins qu’on puisse dire – soucieux d’élargir leurs propres
marchés. Cet élément pourrait constituer la base d’une poursuite de la réforme du marché. (Peel)
22. L’accord auquel le président et le nouveau Premier ministre sont parvenus prévoit également la
poursuite de la coopération avec l’OTAN. M. Yanukovych, dont la campagne a parfois adopté un ton
anti-OTAN, a déclaré qu’il voulait que la décision finale fasse l’objet d’un référendum. Face à
l’antipathie de l’opinion publique à l’encontre de l’Alliance, un tel référendum, s’il est organisé dans
l’environnement actuel, sera certainement négatif. Les défenseurs de l’OTAN sont cependant d’avis
que cela pourrait changer si l’opinion publique était mieux informée du rôle et de la fonction de
l’Alliance. Certains doutent cependant ouvertement que le nouveau gouvernement accepte un débat,
même informé. Le ton de M. Yanukovych se modifie toutefois et il laisse entendre que son
gouvernement doit informer la société et s’engager dans davantage de projets conjoints avec l’OTAN.
(Forum, www.eng.for-ua.com/news/2006/09/06140938.html) Le parlement a récemment voté une loi
qui permet des manœuvres militaires conjointes sur le territoire ukrainien en collaboration avec
l’Alliance. (Olearchyk) Jusqu’à présent, le gouvernement semble faire preuve de pragmatisme dans
son approche de la question.
23. Le nouveau gouvernement est également désireux d’améliorer les relations avec la Russie. Le
président russe Vladimir Poutine a fait une entorse au protocole en invitant M. Yanukovych à se
joindre aux chefs d’Etat de la communauté économique eurasienne pour une réunion au sommet à
Sochi, alors que M. Yanukovych n’est pas le chef d’Etat ukrainien. M. Yanukovych pour sa part a
promis de mettre un terme aux ponctions illégales effectuées sur les gazoducs russes acheminant du
gaz destiné à l’exportation, une pratique entraînant le courroux de Moscou et exposant l’Europe
occidentale à des représailles russes, comme cela a été le cas en décembre dernier.
24. Parmi les autres questions controversées auxquelles le gouvernement devra apporter des
solutions dans les mois à venir, figurent l’adhésion à l’OMC, la privatisation des firmes publiques, ainsi
que la propriété et la vente des terres agricoles. Tous ces points divisent profondément la classe
politique depuis quelques mois et le nouveau gouvernement devra manœuvrer avec délicatesse pour
faire progresser le débat.
III.
L’ECONOMIE
25. L’Ukraine est souvent considérée comme une économie offrant un grand potentiel, mais ne
répondant pas aux espoirs placés en elle. Elle peut apporter une main-d’œuvre qualifiée, bien formée
et relativement peu onéreuse, mais peu productive ; elle possède une incontestable richesse en
matières premières et elle se trouve à un carrefour stratégiquement important, en bordure de la
Russie, de la mer Noire et de l’Europe centrale et méridionale. Ses terres arables extraordinairement
fertiles pourraient théoriquement servir de « grenier » pour l’Europe, si celle-ci venait à ouvrir son
marché aux céréales ukrainiennes et si les agriculteurs ukrainiens avaient accès aux capitaux
d’investissement et au savoir-faire, tout en étant encouragés à adopter les meilleures pratiques par
une politique gouvernementale, ce qui représente une longue liste de « si ».
26. Il existe, naturellement, une série d’entraves à l’exploitation des multiples potentialités de
l’Ukraine. La plupart d’entre elles sont liées à des problèmes institutionnels et de réglementations
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évidents depuis les premières années de la transition du pays. L’Ukraine est handicapée par
l’absence d’institutions fortes capables de consolider l’économie de marché, telles que la primauté du
droit, la sécurisation des droits de propriété, des contrats ayant force de loi et un Etat transparent,
apte à remplir de manière judicieuse des fonctions de médiateur face aux conflits d’intérêts. Un
rapport récent de la Banque mondiale indique que l’Ukraine est loin de parvenir à une efficacité
maximale, en grande partie en raison de déficiences dans ces domaines. Ces problèmes sont plus
graves pour les pays de la CEI que pour ceux d’Europe centrale et les Etats baltes. Tout au long des
années 90, l’Ukraine a éprouvé de grandes difficultés à remplacer l’ancien modèle de planification
centralisée par des alternatives basées sur le marché. Une trop grande partie de l’activité
économique était focalisée sur des initiatives plus fructueuses que productives. En dépit de l’afflux de
fonds d’investissement, la production de l’Ukraine a enregistré une diminution jusqu’en 2000. (Tiffin)
Depuis lors, sa croissance peut être liée à un accroissement de compétitivité, au lancement de
réformes plus solides, au redressement économique de son principal partenaire commercial (la
Russie) et à la hausse de la demande asiatique pour son acier et d’autres produits de base.
27. Le déclin de l’économie de l’Ukraine s’est arrêté en 1999. Une reprise économique de cinq ans
a suivi, au cours de laquelle la croissance a atteint 8,4 % en moyenne, même si – bien sûr – cette
croissance est partie d’un bas niveau, après des années de perte de vitesse économique. (Blanke) Le
gouvernement, d’abord placé sous le leadership de M. Youshenko, a entamé une sérieuse série de
réformes macro- et microéconomiques générales qui ont contribué à stimuler cette croissance.
(Karatnycky) Bien que M. Youshenko ait été évincé en 2001, la croissance s’est accélérée sous le
gouvernement de M. Yanukovych qui lui a succédé. En 2004, le taux de croissance a atteint deux
chiffres, avant de s’effondrer en 2005, en raison des incertitudes politiques consécutives à la
« Révolution orange », du désir explicite du nouveau gouvernement de renationaliser les firmes
récemment privatisées et de certaines politiques de gestion des prix qui ont envoyé des signaux
discordants à l’économie. (Tarasyuk)
28. Les conditions macroéconomiques ont également été relativement stables au cours de cette
période, avec une inflation sous contrôle, jusqu’en 2002 du moins. Depuis, l’on constate un certain
degré de volatilité des prix, dû en partie à la forte demande extérieure, aux politiques fiscales moins
rigides et aux trop nombreux objectifs monétaires poursuivis par la Banque centrale, en dépit de son
nombre limité d’outils. Les pressions croissantes sur la monnaie nationale au cours de l’année
écoulée peuvent être attribuées aux hausses du prix du gaz et à la baisse des prix mondiaux de
l’acier, un produit de base qui représente 40 % des revenus de l’Ukraine à l’exportation. Le
gouvernement Yanukovych sera confronté à des pressions en faveur d’un accroissement des
dépenses d’investissement et devra, en conséquence, prendre plusieurs décisions budgétaires
difficiles. La privatisation et les prêts étrangers contribueront à générer une partie des fonds
nécessaires, mais il convient encore d’apporter de l’ordre dans l’édifice fiscal ukrainien. (The
Economist Intelligence Unit Limited, janvier 2006)
29. Comme suggéré plus haut, l’introduction d’une série de réformes économiques a
manifestement joué un rôle déterminant dans le rétablissement de la croissance économique. Ces
réformes de première génération ont mis fin au système de paiement par troc et aux arriérés dans le
secteur de l’énergie qui avaient grandement facilité les pratiques de corruption commerciale au cœur
même de l’Etat. (Karatnycky) Elles ont encouragé un minimum de transparence financière et entraîné
une répartition plus efficace des ressources. Capitaux et main-d’œuvre sont désormais alloués à des
facteurs de production plus efficaces, même si l’approche graduelle et partielle des réformes par
l’Ukraine ralentit ce processus essentiel de réaffectation. Des privatisations « arrangées », qui pour
certaines n’ont pratiquement constitué qu’une cession des ressources, ont toujours empêché le
secteur privé d’apporter une contribution plus substantielle aux gains de productivité. (Brown et Earle)
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D’autres études démontrent que l’Ukraine a connu la plus forte chute de productivité moyenne de la
main-d’œuvre de tous les pays en transition, en raison de la détérioration de l’efficacité et de la
sous-utilisation massive des capacités existantes. L’une de ces études, qui couvre les années
1992-2000, révèle que les sociétés privées ukrainiennes sont, en moyenne, non seulement plus
efficientes que les entreprises d’Etat, mais qu’elles fonctionnent également plus efficacement que les
sociétés avec une participation étrangère. Les sociétés étrangères qui déploient leurs activités en
Ukraine paient effectivement un coût élevé lorsqu’elles ne possèdent pas une connaissance
suffisante des particularités locales dans un environnement économique aussi opaque. Les
entreprises ne disposant pas de ces connaissances sont sans doute confrontées à de formidables
obstacles, en raison d’une bureaucratie excessive et des pratiques de corruption. (Zelenyuk)
30. Le gouvernement Tymoshenko aux commandes de l’Etat après la « Révolution orange » avait
promis de s’appuyer sur les réformes introduites d’une manière quelque peu hésitantes aux cours des
cinq années précédentes. Mais il fait preuve d’une lenteur excessive et les historiens ne retiendront
sans doute de lui que les nombreuses occasions ratées qu’il aurait pu mettre à profit pour introduire
un changement structurel. Dans son rapport « Doing Business 2006 », la Banque mondiale classe
l’Ukraine à la 124e place sur 155 pays quant au climat dans lequel les affaires s’effectuent, soit bien
loin de la Russie, de la Moldova, du Kirghizstan et du Kazakhstan. Ses meilleurs résultats se situent
dans les domaines de la mise en application des contrats, de l’accès au crédit et des échanges
commerciaux. Les cotations de l’Ukraine sont particulièrement basses en matière d’enregistrement de
la propriété et de protection des investisseurs. La réglementation fiscale de l’Ukraine reste parmi les
plus complexes et les firmes ukrainiennes consacrent en moyenne 2 185 heures à simplement remplir
des formulaires pour se conformer aux lois et réglementations fiscales en vigueur.
(http://www.doingbusiness.org)
31. La persistance de réseaux apparentés à des clans dans les secteurs public et privé de régions
telles que celle de Donetsk constitue également une barrière au processus de transition. Le fait que le
parti du nouveau Premier ministre, Viktor Yanukovych, soit un acteur essentiel du complexe
politico-industriel de Donetsk, atteste la persistance et la puissance de ces structures et pourrait
constituer en soi un frein aux réformes. Des réseaux personnalisés, qui relient les secteurs régionaux
à intégration verticale du charbon, de l’électricité, de l’acier et financier aux gouvernements régional et
national, sont loin de constituer un environnement idéal pour édifier un marché plus transparent et
plus concurrentiel. Des firmes telles que System Capital Management, qui appartient en grande partie
à Rinat Akhmetov, l’un des plus riches hommes d’affaires de Donetsk et un solide partisan de
Yanukovych, opèrent de manière sous-optimale, en recherchant une foule d’activités lucratives – de
telles sociétés ont profité systématiquement de privatisations occultes et du dépouillement des
ressources. Reste à savoir si ces sociétés seront exposées aux rigueurs de la concurrence ouverte et
feront l’objet d’une enquête selon les normes de comptabilité internationales au cours des prochaines
années. La persistance de ces structures et de ces pratiques a pour effet de priver le peuple
ukrainien des revenus fiscaux qu'il mérite et d’un secteur privé plus efficient et plus compétitif.
(Zimmer) Mais la preuve viendra du terrain. Les nouveaux dirigeants de l’Ukraine peuvent assurer la
stabilité, la prévisibilité et la transparence en ouvrant les marchés et en exerçant une réelle
surveillance de ces groupes industriels et financiers. Les structures actuelles n’aideront pas les
sociétés industrielles ukrainiennes à résister à une concurrence internationale à long terme.
32. L’excédent actuel de la balance des comptes courants de l’Ukraine se réduit régulièrement
depuis le niveau record de 6,804 milliards de dollars enregistré en 2004. La balance commerciale est
d’ailleurs devenue déficitaire en 2005, en raison de l’augmentation des rémunérations et du déclin des
ventes d’acier, qui ont eu un impact négatif sur les échanges commerciaux et l’appréciation de la
monnaie. La banque centrale a autorisé l’appréciation de la hrvina pour juguler l’inflation, maix cela a
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naturellement entraîné une augmentation des prix des produits ukrainiens destinés à l’exportation.
(Rapport de secrétariat de l’AP-OTAN) Au cours du troisième trimestre 2005, la balance des comptes
courants a enregistré un déficit de 200 millions de dollars et cette dégradation est certainement due
au doublement du prix du gaz. L’augmentation des investissements intérieurs escomptée cet hiver
pourrait exercer une pression supplémentaire sur les comptes courants au cours des deux prochaines
années, même si le rapatriement des rémunérations des travailleurs ukrainiens et les droits perçus
pour l’utilisation des gazoducs apporteront une compensation partielle, en soutenant l’excédent du
secteur des services. Les secteurs de l’acier et des matières premières exercent de fortes pressions
en vue d’une dévaluation de la monnaie. Cela soutiendrait les exportations mais pourrait également
déclencher des pressions inflationnistes.
33. L’Allemagne est actuellement le premier investisseur en Ukraine, alors que les investissements
de la Russie sont étonnamment très réduits, du moins d’après les statistiques officielles. Chypre et les
îles Vierges sont également des investisseurs importants, ce qui reflète le taux de recyclage de
l’argent provenant de l’économie grise en Ukraine. Les marchés gris et noir pourraient ainsi
représenter jusqu’à 40 % du PIB. L’argent russe est probablement réparti sur ces comptes gris et
noirs, ce qui peut expliquer pourquoi les chiffres officiels semblent étonnamment peu élevés. (Rapport
de secrétariat de l’AP-OTAN)
34. Bien d’autres problèmes structurels demeurent et entravent le développement économique de
l’Ukraine. La corruption demeure endémique et impose une charge très élevée au monde des
affaires ukrainien. Le système légal et judiciaire de l’Ukraine demeure peu fiable ; le pays a besoin de
transparence légale et de systèmes de tribunaux fiables. Leur absence affaiblit la mise en application
des contrats, sape les droits de propriété et préoccupe considérablement les investisseurs. La police
et les services secrets pèsent en outre lourdement sur le climat des affaires en Ukraine, tandis que la
perception fiscale demeure arbitraire et hautement inefficace, ce qui suscite des incertitudes nuisibles
aux investissements. Tout cela constitue un formidable obstacle à la création des entreprises qui
seront nécessaires au soutien d’un véritable décollage économique national.
35. Le gouvernement qui a suivi la « Révolution orange » avait commencé à s’attaquer à certains
problèmes avant que l’incertitude politique et la campagne électorale ne viennent geler le processus
de réforme. Il avait ainsi fait une priorité de la réforme des secteurs de la police et de la sécurité. Ces
réformes, associées aux plans de privatisation transparents promis, ont amélioré les relations avec
l’UE. Des progrès dans les négociations pour l’adhésion à l’OMC avaient commencé à rassurer les
investisseurs étrangers, qui apprécient grandement la stabilité et la transparence. A la suite des
négociations en cours, l’Ukraine avait commencé à aligner ses règles commerciales sur les standards
de l’OMC, bien qu’il reste du travail à accomplir dans des domaines tels que les normes, les droits de
propriété intellectuelle et les subventions à l’agriculture. L’Etat doit également renforcer son aptitude à
résoudre les problèmes commerciaux au niveau des différents ministères et organismes
gouvernementaux, tout en veillant à la mise en œuvre intégrale de l’ensemble de lois relatives aux
activités commerciales adoptées récemment. L’Ukraine devra également procéder à des
améliorations administratives et institutionnelles, pour pouvoir bénéficier du genre d’accès au marché
que lui apportera son adhésion à l’OMC. (Transition, juillet-septembre 2005)
IV.
LES PRIVATISATIONS
36. Le gouvernement arrivé au pouvoir après la « Révolution orange » était tout à fait déterminé à
se débarrasser de l’héritage de l’ère Koutchma. Les privatisations entreprises à l’époque de
Koutchma se caractérisaient par un manque de transparence et, dans un certain nombre de cas
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notoires, par un copinage extraordinairement flagrant et une corruption incontestable. Une telle
situation n’était certes pas exclusive à l’Ukraine, des problèmes similaires étant évidents dans un
certain nombre de pays de la CEI. Dans le cas de l’Ukraine, les privatisations dans les secteurs de la
métallurgie, de la chimie et de la production d’énergie ont été pour le moins très suspectes. Le désir
de corriger les erreurs du passé s’avérait donc marqué et parfaitement justifiable pour de nombreuses
raisons.
37. Le problème résidait cependant dans le fait que, en remettant en question un large éventail de
privatisations, le gouvernement Tymoshenko a provoqué un degré alarmant d’incertitude dans
l’économie et une crise de confiance relative aux droits de propriété. Cette situation est
particulièrement dangereuse dans une économie en transition. La crise de confiance des
investisseurs qui en a résulté constitue peut-être la raison la plus importante pour laquelle le taux de
croissance de l’Ukraine est passé de 12 % en 2004 à 3 % en 2005. Si privatiser dans de mauvaises
conditions est extrêmement déplorable, chercher à revenir en arrière peut avoir des conséquences
pires encore. Cela incite en effet l’ensemble du secteur privé à douter des bases légales sur
lesquelles reposent ses activités. (Aslund, Beyond Transition, juillet-septembre 2005) Dans un climat
aussi incertain, les investisseurs se contentent de ne prendre aucune décision jusqu’à ce qu’ils soient
sûrs qu’une remise en question de la propriété privée n’est pas à l’ordre du jour. Pour compliquer
encore la situation, en sa qualité de Premier ministre, Yulia Tymoshenko, dont les tendances
populistes sont bien connues, ne s’est pas contentée de remettre en question toute une série de
privatisations, mais a également lancé des attaques ad hominem contre des secteurs essentiels du
monde des affaires. Certains analystes y ont vu une stratégie pour renationaliser des firmes et les
revendre à des capitaines d’industrie proches de Tymoshenko, ce qui ne constitue certainement pas
le genre de message qu’un gouvernement ostensiblement réformateur est désireux de projeter. Les
effets sur le climat des affaires étaient prévisibles et inopportuns.
38. Associé à l’absence d’un système judiciaire solide, le débat de l’après-« Révolution orange » sur
les privatisations a fortement freiné les investissements l’année dernière. Les investisseurs se sont
contentés d’engranger des liquidités et d’attendre que le climat se modifie. Cette situation a constitué
l’une des raisons du limogeage de Tymoshenko par Yushchenko. Le nouveau gouvernement a alors
décidé de se limiter à la seule renationalisation et revente inconditionnelles d’une entreprise
sidérurgique ayant été cédée au mépris flagrant des règles légales et à des conditions nuisant
manifestement aux intérêts de l’Ukraine. Ce même gouvernement a également déclaré que des
négociations se poursuivraient sur la renégociation plus limitée des montants acquittés pour certaines
ressources publiques vendues à des prix scandaleusement bas, tout en promettant qu’il n’y aurait pas
d’autres reprivatisations en tant que telles. (Economist Intelligence Unit Limited, janvier 2006) De
nombreux analystes considèrent en fait que la revente de l’entreprise sidérurgique Kryvorizhstal à
Mittal constitue une grande réussite. Elle s’est non seulement déroulée dans un climat d’ouverture et
de transparence, mais a de surcroît rapporté 4,8 milliards de dollars à l’Etat.
39. La communauté des investisseurs a salué la manière dont Kryvorizhstal a été revendue par le
gouvernement, la considérant dans l’ensemble comme équitable et intégralement ouverte à la
participation internationale. Il se pourrait donc que le cas de Kryvorizhstal établisse un précédent
important. L’Ukraine possède encore d’importantes ressources à privatiser dans les secteurs de
l’énergie, des télécommunications et des infrastructures. Si ces ressources peuvent être cédées de la
même manière transparente que Kryvorizhstal, le pays sera en mesure de compenser en partie les
privatisations plutôt douteuses effectuées par les gouvernements précédents. La manière dont le
nouveau gouvernement relèvera ce défi sera donc essentielle pour la transition du pays. Nul doute
que les nouvelles privatisations feront l’objet d’un examen minutieux, tant au niveau intérieur
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qu’international, et qu’elles seront considérées comme un test révélateur pour le gouvernement
Yanukovych.
40. L’un des effets secondaires préoccupants de l’attaque de l’année dernière contre des secteurs
de l’activité économique est que le monde des affaires s’intéresse désormais de près à la vie
politique. Lors d’une conférence organisée au Parlement européen, l’économiste suédois réputé
Anders Aslund a récemment attiré l’attention sur des rumeurs insistantes lors de la préparation des
élections du printemps dernier, rumeurs suivant lesquelles le coût d’un siège assuré au parlement
atteindrait cinq millions de dollars. Il a expliqué que le débat sur la reprivatisation de l’année dernière
a directement poussé les dirigeants du monde des affaires à s’intéresser à la politique, afin de
défendre tout simplement leurs intérêts en matière de propriété. Il n’est pas surprenant que, en
Ukraine, les dépenses de campagne électorale soient énormes et très opaques. Il est inquiétant que
le monde des affaires se sente contraint de participer directement à la politique électorale pour
défendre ses intérêts. Lors des élections de l’année passée, les Ukrainiens avaient dépensé cent fois
plus par habitant que n’en dépensent les Américains pour leurs propres élections. (Aslund,
Conférence du Parti populaire européen)
41. Il est, d’autre part, important de prendre conscience que le Parti des Régions de
Viktor Yanukovych n’est pas nécessairement un parti étatiste. Il représente d’importants intérêts
commerciaux en Ukraine orientale et centrale, largement en concurrence directe avec des firmes
russes. Le nouveau gouvernement s’est engagé à apporter son aide au monde des affaires et Mykola
Azarov, le nouveau vice-Premier ministre, a annoncé qu’un de ses objectifs gouvernementaux serait
de faire passer l’impôt sur les sociétés de 25 à 20 % et la TVA de 20 à 18 % en 2008. Il a également
fait part de projets de dévaluation de la devise, actuellement alignée sur le dollar suivant un taux de 5
pour 1. Une telle dévaluation aiderait les aciéries de l’Est du pays, fortement dépendantes des
exportations et principale source de devises étrangères pour l’économie ukrainienne. Cela pourrait
toutefois alimenter l’inflation. M. Azarov a également promis un réexamen de la flambée des prix du
gaz, de l’électricité et des tarifs ferroviaires décidés au début de cette année. Il n’appartient
cependant pas à Kiev de fixer les prix de l’énergie. (Olearchyk)
V.
LES ECHANGES COMMERCIAUX ET LA PLACE DE L’UKRAINE DANS LA
DIVISION MONDIALE DU TRAVAIL
42. L’on constate une tendance, parmi certains détracteurs de la mondialisation, à considérer
l’essor de la Chine comme une évolution incontestablement négative pour les pays en développement
et en transition, mais cette opinion n’est pas corroborée par les données économiques. C’est ainsi,
par exemple, que l’Ukraine vend d’énormes quantités d’acier à la Chine. Qui plus est, s’il est vrai que
de nombreuses firmes textiles des pays en développement se sont délocalisées en Asie, l’Ukraine
enregistre une progression du nombre d’usines textiles étrangères présentes sur son territoire en
raison du coût relativement faible de sa main-d’œuvre, des compétences élevées de celle-ci et de la
proximité de marchés clefs. Bref, l’Ukraine a commencé à se creuser une niche dans la division
mondiale du travail. Elle serait toutefois beaucoup mieux préparée à exploiter les opportunités que
présentent ces marchés si son processus de réformes internes s’accélérait.
43. Une étude récente du Center for European Policy Studies (CEPS) révèle que l’Ukraine ne
connaîtra pas de croissance économique soutenue avant d’être plus pleinement intégrée à l’économie
mondiale grâce à l’adoption d’un large éventail des meilleures pratiques. Cela exigera une réforme
beaucoup plus profonde de ses systèmes de gouvernance et une rupture avec les pratiques de
corruption du passé. Si la corruption et la mauvaise gouvernance du pays persistent, elles pourraient,
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bien plus que sa structure tarifaire et son taux de change, constituer les entraves les plus importantes
aux ambitions commerciales internationales de l’Ukraine. (Emerson)
44. C’est ainsi, par exemple, que le système douanier ukrainien est depuis longtemps dominé par la
corruption : une situation qui impose d’énormes coûts aux exportateurs et aux importateurs. Cette
situation devra changer pour que l’Ukraine puisse pleinement exploiter les opportunités offertes par le
commerce mondial et cela exigera un soutien extérieur, ainsi que la volonté interne d’entreprendre les
réformes qui s’imposent. Le CEPS suggère que la Commission européenne lie futures concessions
commerciales et réformes tangibles dans des domaines tels que la gouvernance des entreprises et le
respect des droits des actionnaires minoritaires. Cela renforcera le poids des réformateurs intérieurs
qui cherchent à moderniser l’économie.
45. Mais le protectionnisme occidental constitue lui aussi un problème. C’est ainsi, par exemple,
que les politiques commerciales de l’UE tendent à restreindre l’accès au marché pour les secteurs
dits sensibles dans lesquels l’Ukraine est la plus concurrentielle. Les exportations ukrainiennes de
produits agricoles, de textiles, d’acier et de produits chimiques font toutes l’objet de sévères
restrictions de la part de l’UE. Les récentes mesures antidumping de l’UE ont un impact
particulièrement douloureux sur les exportations ukrainiennes d’acier et de produits chimiques. En
compensation, l’Ukraine a commencé à se frayer une voie non négligeable vers de nouveaux
marchés en Asie et au Moyen-Orient. Bien que ces percées soient les bienvenues, il semble
particulièrement injuste pour l’Ukraine d’être exclue de l’un de ses marchés les plus naturels :
l’Europe. Un accès plus généreux aux marchés européens sera essentiel pour une transition réussie
en Ukraine. Son adhésion à l’OMC devrait représenter l’occasion d’adopter des mesures de ce type.
(Aslund, Conférence du parti populaire européen)
46. L’Ukraine bénéficie d’une industrie lourde florissante en raison de matières premières bon
marché, de coûts salariaux peu élevés et de marges confortables à l’exportation. Mais le pays a
également besoin de relever fortement la qualité des services intérieurs et du secteur financier si elle
veut améliorer ses perspectives à long terme. Cela exigera non seulement une réforme fondamentale
de sa réglementation, mais également une volonté accrue d’ouvrir ces secteurs à la participation et à
la concurrence internationales. La réforme bancaire est déjà en cours et, l’automne dernier, la banque
autrichienne Raiffeisenbank a fait l’acquisition de la deuxième banque ukrainienne en importance. Il
convient de souligner ici que plusieurs des pays en transition qui enregistrent les plus grands succès,
tels que la Hongrie, ont rapidement abandonné l’idée de défendre leurs banques nationales contre un
rachat par des intérêts étrangers. La présence de grandes banques étrangères a eu pour
conséquence de réduire la tendance d’octroyer des capitaux à des fins politiques ou clientélistes, tout
en augmentant l’ensemble des capitaux disponibles. Une telle internationalisation du secteur bancaire
ukrainien contribuerait inévitablement à isoler le processus d’attribution des capitaux provenant
d’importants intérêts acquis qui ont dominé l’économie ukrainienne au cours de la décennie écoulée.
Elle placerait également la politique d’attribution des prêts sur une base de nature plus économique,
tout en augmentant l’ensemble des capitaux disponibles nécessaires au financement de la
transformation de l’économie nationale. La réforme dans ce domaine constituera un test décisif pour
le nouveau gouvernement.
47. La réforme du marché du travail est également essentielle. Des études récentes démontrent par
exemple la persistance d’un grave fossé entre les sexes, notamment dans les tranches de
rémunération les plus élevées où les hommes gagnent 45 à 50 % de plus que les femmes, bien que
l’écart se soit rétréci depuis 1991. C’est ainsi, par exemple, que des lois sur les rémunérations
minimales ont réduit les différentiels de salaires entre les sexes au bas de l’échelle de rémunération.
Les statistiques permettent de penser que la discrimination pourrait être pire dans le secteur public
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que dans le secteur privé. (Ganguli et Terrel) Des études démontrent également que les Ukrainiens
plus âgés et les femmes éprouvent plus de difficultés à trouver un emploi et qu’ils sont plus souvent
licenciés pour des raisons économiques. (Kupets) Les privatisations ont fait diminuer les pertes
d’emplois et divisé par deux les taux de renvoi et de démission, tout en réduisant les niveaux
salariaux d’environ 5 %, en particulier dans les firmes contrôlées par les travailleurs (où ceux-ci
auraient accepté des réductions salariales à la place de licenciements). Les travailleurs hautement
qualifiés et célibataires, ainsi que ceux qui travaillent dans de grandes entreprises, sont ceux qui
bénéficient le plus des privatisations. (Lehman et Terrel)
VI.
LES RELATIONS DE L’UKRAINE AVEC L’EUROPE
48. L’Union européenne est appelée à jouer un rôle important dans toute transition réussie de
l’Ukraine. Comme nous l’expliquons dans l’introduction du présent rapport, l’Union européenne ne
focalise systématiquement son attention sur ce pays que depuis peu. Cela s’explique en partie par le
fait que l’Ukraine connaissait tant de problèmes et que ses structures démocratiques et de marché
étaient tellement faibles qu’il était auparavant très difficile de l’imaginer comme un futur membre
potentiel méritant une attention particulière. Qui plus est, au cours de la décennie écoulée, l’UE s’est
d’ailleurs beaucoup plus intéressée à la consolidation de la transition en Europe centrale, en ouvrant
la voie à la première, puis à la deuxième et à la troisième vague d’adhésions, puis en gérant les
changements soudains entraînés par ces adhésions au sein de l’Union elle-même. Ce processus est
loin d’être terminé, en particulier lorsque l’on considère le rejet par la France et les Pays-Bas du projet
de constitution européenne. Une stratégie d’intégration pour l’Ukraine n’est tout simplement pas à
l’ordre du jour.
49. La situation pourrait cependant changer. En premier lieu, l’affirmation spontanée et massive des
droits démocratiques dans les rues de Kiev et d’autres grandes villes en décembre 2004 semble
placer plus fermement l’Ukraine dans la famille des pays démocratiques. Cette affirmation a démontré
la profondeur des aspirations démocratiques de la société civile ukrainienne. Les gigantesques
manifestations de la population en faveur de la démocratie ont étonné de nombreux observateurs en
Occident. La « Révolution orange » a ainsi constitué un appel des masses à l’édification d’une société
démocratique, régie par le droit et non pas par les caprices d’une « élite ». De la sorte, elle a fait
savoir à l’Occident que le peuple ukrainien, ou – du moins – une partie substantielle des Ukrainiens,
partageait pleinement les valeurs occidentales et était donc prêt à propulser la société dans une
direction qui transformerait cette impulsion en un nouveau cadre politique.
50. La « Révolution orange » a donc représenté un tournant essentiel pour les nouvelles relations
de l’UE avec l’Ukraine. Au cours de l’année écoulée, des efforts concertés se sont manifestés pour
promouvoir la relation UE-Ukraine et ce, en dépit de l’instabilité politique persistante dans le pays et
de la constatation qu’il reste beaucoup à faire pour résoudre les très graves problèmes de l’Ukraine.
Quelques jalons importants sont à signaler : la désignation de l’Ukraine, par l’UE, en tant qu’économie
de marché, les progrès de la législation antidumping, les efforts pour simplifier les règles en matière
de visas et la progression de l’étude de faisabilité d’un accord de libre-échange. (Communiqué de
presse du Conseil européen) Les Ukrainiens militent également en faveur d’une approche
européenne plus unifiée de l’énergie, qui impliquerait leur pays dans les délibérations.
51. Des problèmes continuent toutefois à se poser. Parmi les pays membres la question persiste
sur l’attitude que l’Europe devrait adopter en fin de compte. Le rejet par la France et les Pays-Bas du
projet de constitution européenne constitue d’ailleurs un important revers pour de futurs candidats. Le
résultat de ces référendums place l’Europe dans une espèce d’impasse et suscite des doutes quant à
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son aptitude politique à absorber de nouveaux membres. Pour l’Ukraine, les obstacles politiques à
son adhésion pourraient aujourd’hui s’avérer plus décourageants encore que les obstacles
économiques et l’Europe adopte manifestement une attitude d’attente face au gouvernement de
Victor Yanukovych avant d’envisager un approfondissement de ses relations. Il va de soi que l’inverse
est tout aussi vrai et le nouveau gouvernement doit encore clarifier totalement ses ambitions en
matière de relations avec l’UE.
52. Certains s’interrogent d’ailleurs en Europe sur l’opportunité de tout simplement envisager
l’adhésion de la Turquie ou de l’Ukraine. Les opposants à l’idée de l’adhésion de l’Ukraine font valoir
le caractère instable et divisé de sa démocratie, la corruption généralisée, le faible niveau de son
économie et sa taille importante, susceptible de poser des problèmes, même si des avancées étaient
réalisées dans d’autres domaines. Des voix importantes et persistantes se font toutefois entendre en
Europe pour faire valoir que ces problèmes ne feront que s’aggraver si l’Ukraine ne bénéficie pas de
véritables opportunités au sein de la nouvelle Europe élargie. La Pologne et les pays baltes sont les
partisans les plus francs de cette attitude, mais leurs arguments ne sont peut-être pas entendus,
surtout à la suite des tumultueux événements politiques de cet été. (Rapport du secrétariat de
l’AP-OTAN)
53. Le dilemme pour l’Europe est qu’elle a tout intérêt à promouvoir de sérieuses réformes en
Ukraine. Son propre acquis a joué un rôle essentiel dans la transition d’autres ex-pays communistes.
Des dirigeants d’Europe centrale ont utilisé la perspective concrète de l’adhésion pour astreindre ses
systèmes politiques à entreprendre une série de réformes difficiles. Cette tactique a donné
d’excellents résultats dans la plupart des cas.
54. Ces derniers temps, les relations de l’UE avec l’Ukraine ont été basées sur l’Accord de
partenariat et de coopération (APC), entré en vigueur en 1998 et supposé conclu pour une période de
dix ans, renouvelable avec le consentement des parties. L’APC fournit un cadre pour le dialogue
politique et définit des objectifs communs en matière d’échanges commerciaux et d’investissements,
de développement durable, de coopération économique, sociale, financière, civile, scientifique et
culturelle, tout en soutenant la consolidation de la démocratie ukrainienne. Cet accord devrait aider
l’Ukraine à se rapprocher du cadre légal de l’UE et à préparer son adhésion à l’OMC. La structure
prévoit des sommets annuels bilatéraux impliquant le président de l’UE et celui de l’Ukraine, ainsi que
le président de la Commission européenne et le Haut représentant de l’UE. Elle prévoit également
des réunions annuelles au niveau des ministres/commissaires, des comités de coopération impliquant
de hauts fonctionnaires et toute une série de sous-commissions traitant des échanges commerciaux
et des investissements, des affaires économiques et sociales, de la politique des entreprises, de
l’énergie et des transports, de l’environnement, de la coopération frontalière, de la justice et de la
sécurité, de la science et de la technologie, de la culture et de l’éducation, entre autres. Depuis 1991,
l’aide de l’UE à l’Ukraine a totalisé plus de 2 milliards d’euros, couvrant le programme TACIS, la
sécurité nucléaire, la coopération transfrontalière, l’assistance humanitaire et l’assistance
macroéconomique, notamment.
55. Le dialogue politique couvre les menaces pour la sécurité telles que le terrorisme, le
désarmement et la non-prolifération, les questions régionales et internationales, ainsi que la
démocratie et les droits de l’homme. L’UE parle d’initier les consultations sur un Accord renforcé
entre l’Union et l’Ukraine, afin de remplacer l’APC une fois atteintes les priorités établies par le Plan
d’action. L’organisation d’élections libres constituait un préalable avant que l’UE puisse envisager
d’entamer ces discussions. Les pourparlers sur un tel accord sont également conditionnés par
l’adhésion de l’Ukraine à l’OMC. (http://ec.europa.eu)
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56. L’UE considère l’Ukraine comme un « pays partenaire prioritaire » dans le cadre de la Politique
européenne de voisinage (PEV) et a entériné un Plan d’action conjoint UE-Ukraine en février 2005.
Celui-ci prévoit l’établissement de relations de plus en plus étroites entre l’Ukraine et l’UE, en vue
d’une intégration économique graduelle et d’une coopération politique approfondie. Il inclut également
des éléments figurant parmi les priorités stratégiques de l’Union, parmi lesquelles une politique de
réadmission des nationaux expulsés de l’UE et des consultations sur le transport aérien longue
distance nécessaire pour conférer une capacité de projection des forces à la Politique européenne de
sécurité et de défense. (Smith) Il prévoit une aide de l’UE dans tout un éventail de domaines, dont
l’établissement de l’Etat de droit, la coopération régionale avec des pays tels que la Moldova, une
collaboration approfondie en matière de politique de sécurité, un degré plus élevé d’intégration
économique et des échanges approfondis sur les questions de justice et de visa. Nombre de ces
questions ont été abordées lors du sommet UE-Ukraine de l’automne 2005, une réunion qualifiée par
la Commission de « sommet avec l’Ukraine le plus réussi à ce jour ». (Lleskela) Le Programme
TACIS fournit un cadre à l’assistance technique de soutien au renforcement de la démocratie et à la
transition vers une économie de marché. L’Instrument européen de voisinage et de partenariat (ENPI)
remplacera en 2007 le programme TACIS et plusieurs autres programmes bilatéraux. L’assistance
couvrira un plus large éventail d’instruments, parmi lesquels le jumelage de bureaux publics
ukrainiens avec des administrations d’Etats membres afin de promouvoir l’acquis communautaire.
L’échange d’informations sur la législation du marché unique sera également amplifié et englobera
des ateliers, des séminaires et des visites d’étude à l’UE et à des Etats membres. (Pour plus de
détails sur les relations de l’UE avec l’Ukraine, voir http://ec.eucopa.eu
57. La Politique européenne de voisinage regroupe seize autres Etats, pour la plupart considérés
comme des candidats hautement improbables à l’adhésion dans un avenir prévisible. Ils incluent la
Moldova et le Bélarus, plusieurs pays sud-méditerranéens et les Républiques du Caucase. Bien que
le cadre du voisinage soit manifestement multilatéral, la relation entre l’Ukraine et l’Union est
bilatérale. L’objectif de la politique de voisinage exprimé par l’ancien président de la Commission
Romano Prodi en 2003 consistait à offrir « tout sauf des institutions » aux voisins. (Smith) A un autre
moment, M. Prodi a toutefois affirmé que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE était aussi peu probable que
celle de la Nouvelle-Zélande. (Aslund, European Affairs) Cette restriction est d’importance.
58. Le message émanant de Kiev dans la foulée de la « Révolution orange » consistait à dire que
l’Europe doit passer de son approche de voisinage à une véritable politique d’intégration pour
l’Ukraine. Le gouvernement de celle-ci est beaucoup plus pro-européen que ses prédécesseurs. Ses
dirigeants déplorent publiquement que d’aucuns en Europe soient encore réticents à considérer leur
pays comme une véritable nation européenne et ne lui accordent pas le même traitement que celui
octroyé à d’autres pays d’Europe orientale et des Balkans. Certains, au Parlement européen, ont
émis des réflexions similaires. Le gouvernement a également indiqué que l’Ukraine devrait
approfondir sa relation avec l’UE, une opinion que partage également le Parti des régions de
Yanukovych.
59. La Commission a par ailleurs clairement déclaré qu’une fois que l’Ukraine aura adhéré à l’OMC,
elle entamera avec elle des pourparlers en vue de développer des relations commerciales plus
ouvertes. A l’automne 2005, elle a reconnu que l’Ukraine repose pour l’essentiel sur une économie de
marché. Cette reconnaissance était non seulement nécessaire à l’approfondissement des relations de
l’Ukraine avec l’Union, mais elle constituait également un préalable à son adhésion à l’OMC. L’UE
constitue désormais le principal partenaire commercial de l’Ukraine et représente environ 35 % du
total des échanges commerciaux ukrainiens, échanges qui ne représentent toutefois que 1 % du
commerce de l’UE. Ces échanges commerciaux s’effectuent sur la base du principe de la « nation la
plus favorisée », sauf dans le secteur de l’acier, régi par une série de mesures distinctes. L’APC
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anticipe la création d’une future zone de libre-échange entre l’UE et l’Ukraine, mais les négociations à
ce sujet ne débuteront que lorsque l’Ukraine aura adhéré à l’OMC. (Pour plus de détails sur les
relations de l’UE avec l’Ukraine, voir http://ec.europa.eu)
60. L’UE et l’Ukraine présentent des préoccupations et des intérêts communs en matière d’énergie
et de transport. La Commission reconnaît que l’Ukraine joue un rôle vital dans le réseau de
distribution énergétique européen et elle a indiqué qu’une intégration plus grande encore est
nécessaire dans ce domaine. En novembre 2005, les 25 Etats membres, les deux pays candidats et
25 autres voisins ont entériné un Protocole d’accord pour la construction d’une série de réseaux de
transport. L’Ukraine est considérée comme essentielle pour ces réseaux et pourrait recueillir
d’importants investissements pour des projets conçus pour faciliter, à terme, la circulation des
personnes et des biens dans l’Europe entière. Des plans prévoient l’amélioration des mesures de
contrôle aux frontières et des systèmes douaniers, l’introduction de nouveaux systèmes pour la
gestion du fret international, l’harmonisation des documents et une plus grande interopérabilité
maritime et aérienne.
61. Dans le domaine de l’énergie, les enjeux pourraient s’avérer plus élevés encore. Les Etats
membres de l’UE importent actuellement 50 % de leur énergie de pays non-membres alors que 80 %
du gaz russe consommé par l’UE transite par l’Ukraine. L’oléoduc RISPA traversant l’Ukraine fournira
à l’Europe des quantités importantes de pétrole et des plans importants prévoient le transit de pétrole
destiné à l’Europe par le port ukrainien d’Odessa. Un Protocole d’accord sur l’énergie a été signé lors
du Sommet UE-Ukraine en décembre 2005. Il établit une stratégie conjointe pour l’intégration
progressive du marché ukrainien de l’énergie à celui de l’UE. La feuille de route couvre l’amélioration
des normes de sécurité et de protection de l’environnement dans le secteur du charbon, l’intégration
des marchés de l’électricité et du gaz, la sécurité nucléaire et la sécurité en matière de fourniture et
de transit des hydrocarbures. Il prévoit également la conclusion d’accords en matière d’efficacité
énergétique, d’énergies renouvelables et de changements climatiques. (http://ec.europa.eu)
62. Les relations en matière d’énergie présentent également une dimension nucléaire, puisque l’UE
est depuis longtemps engagée dans le démantèlement de la centrale de Tchernobyl. L’EURATOM a
consenti toute une série de prêts au pays. Il est assurément de l’intérêt de l’UE d’encourager la
sécurité nucléaire en Ukraine. C’est pourquoi elle participe activement à sa promotion. (De Palacio)
Le Protocole d’accord signé en novembre 2005 inclut des calendriers pour l’établissement de normes
de sécurité renforcées en Ukraine, ainsi qu’une plus grande intégration des marchés gaziers et
l’amélioration des normes environnementales dans le secteur du charbon.
63. La coopération UE-Ukraine sur les questions de sécurité s’est aussi nettement améliorée.
L’Ukraine joue un rôle extraordinairement positif dans la promotion du dialogue international sur la
Moldova et participe à des missions de la PESD en Bosnie et dans l'ex-République yougoslave de
Macédoine*.
64. La Commission laisse entendre que, tant que le processus de réformes sera en marche, les
possibilités de renforcement de ces relations bilatérales seront améliorées. Avant les élections qui se
sont déroulées récemment, les deux parties semblaient déterminées à ce que les réformes en
Ukraine ne se déroulent plus sans un important soutien européen.
65. Ceci étant, il existe plusieurs incertitudes quant à la future orientation de l’Europe, incertitudes
qui pourraient entraver la capacité de partenariat de l’Union avec l’Ukraine. A elles seules, les
*
La Turquie reconnaît la République de Macédoine sous son nom constitutionnel
171 ESCEW 06 F bis
17
sérieuses limites budgétaires constituent un obstacle à l’approfondissement des relations. La
lassitude des sociétés européennes face à l’élargissement et l’euro-scepticisme en Ukraine
constituent, incontestablement, des contraintes majeures pour cette relation. Signalons enfin le
problème de la « déviation commerciale ». L’UE s’est élargie jusqu’à atteindre les frontières de
l’Ukraine, mais cela restreint sans nul doute l’accès de ce pays exclu à certains marchés frontaliers,
désormais protégés par le Tarif extérieur commun. Face à ce type de problème, les moyens de
pression de l’Ukraine sont très limités. Enfin, l’attitude et les ambitions du nouveau gouvernement
doivent être clairement formulées si l’on veut enregistrer des progrès dans la relation UE-Ukraine au
cours des prochains mois
VII. LES RELATIONS DE L’UKRAINE AVEC LES ETATS-UNIS, LE CANADA ET L’OTAN
66. Les Etats-Unis défendent ardemment la souveraineté et la démocratie ukrainiennes, mais les
relations de Washington avec le régime Koutchma s’étaient fortement détériorées au cours des
dernières années. Les responsables américains étaient particulièrement mécontents du haut niveau
de corruption criminelle et tout laissait à penser que cette corruption importante était non seulement
tolérée mais surtout facilitée par les plus hauts échelons de l’Etat. Pavlo Lazarenko, un politicien
proche de Koutchma, a par exemple été reconnu coupable, par une cour fédérale de grande instance
américaine, de fraude, conspiration de blanchiment d’argent et transport de biens volés en 1994. il
purge actuellement une peine de 9 ans dans une prison américaine. L’administration Bush nuançait
toutefois son attitude en raison du consentement octroyé par Leonid Koutchma à l’envoi de troupes
ukrainiennes en Iraq, le principal intérêt sécuritaire des Etats-Unis depuis quelques années. Les
responsables américains n’ont cependant pas hésité à exprimer leur désapprobation face à la
tactique hautement discutable ayant présidé aux élections de l’automne 2005. L’administration Bush
s’est ensuite ralliée à la « Révolution orange » et a salué la victoire finale de Viktor Yuschenko, alors
que celui-ci avait promis au cours de sa campagne de retirer les troupes ukrainiennes d’Iraq. Elle a
également pris fait et cause pour le principe de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et l’établissement du
Plan d’action pour l’adhésion, afin de la préparer à cette adhésion, mais cela n’a pas encore été
entériné par le Conseil de l’OTAN. (Karatnycky) L’administration Bush a réagi calmement au choix de
Victor Yanukovych comme Premier ministre et, à l’instar de la majeure partie de l’Europe, semble
avoir adopté une attitude attentiste.
67. Les Etats-Unis ne cessent d’intensifier leur aide à l’Ukraine pour l’aider à combattre la
corruption et soutenir l’effort général de mise en place d’un Etat de droit dans le pays. Ils ont
également proposé leur soutien pour lutter contre la prolifération des armes et le trafic des êtres
humains. Comme l’UE, les Etats-unis ont accordé à l’Ukraine le statut d’économie de marché – ce qui
revêt une importance capitale en vue de l’adhésion du pays à l’OMC. En février 2006, les Etats-Unis
et l’Ukraine ont achevé leurs négociations bilatérales sur les questions d’accès au marché, une
nouvelle étape visant à permettre à l’Ukraine d’adhérer à l’OMC. Les responsables américains ont
récompensé les efforts de l’Ukraine en vue d’améliorer l’application et la protection des droits sur la
propriété privée, en la réintégrant dans le Système généralisé de préférences (SGP), dont elle était
exclue depuis trois ans.
68. Bien que les Etats-Unis constituent l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Ukraine en
dehors des Nouveaux Etats indépendants (NEI) et de l’Union européenne, leurs échanges avec ce
pays sont marginaux (0,06 % des échanges commerciaux internationaux des Etats-Unis en 2004, à la
93e place sur la liste du chiffre d’affaires commercial global pour la même année). Depuis trois ans
toutefois, les Etats-Unis enregistrent un accroissement soutenu de leurs exportations vers l’Ukraine
(qui sont passées de 177,9 millions de dollars en 2000 à 763,6 millions de dollars en 2004). En 2004,
171 ESCEW 06 F bis
les exportations ukrainiennes
(http://www.ukraineinfo.us/)
18
vers
les
Etats-Unis
ont
totalisé
1,5
milliards
de
dollars.
69. Le Canada compte pour sa part une très importante communauté d’immigrants ukrainiens et
son attitude à l’égard de l’Ukraine est certainement conditionnée par celle des Canadiens de souche
ukrainienne, qui entretiennent des liens étroits avec leur pays d’origine. Mille Canadiens environ ont
servi l’an dernier d’observateurs lors des élections en Ukraine, la moitié d’entre eux étant parrainée
par le gouvernement du Canada. Les investissements canadiens en Ukraine sont importants et se
focalisent en grande partie sur l’énergie et l’industrie de transformation. Les Canadiens sont en outre
très intéressés par le développement du potentiel agricole ukrainien. (Office du commerce et de
l’économie de l’Ukraine au Canada) Les échanges commerciaux entre les deux pays, qui ont totalisé
2 milliards de dollars canadiens en 2004, sont stimulés par les importantes importations canadiennes
de charbon et d’acier ukrainiens. (http://www.international.gc.ca.)
70. Le programme de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) en Ukraine est
l’un des plus importants en Europe orientale. Les projets actuels sont centrés sur la bonne
gouvernance, le développement démocratique et le renforcement de la société civile. Le Canada
constitue également un contributeur important au Fonds pour le sarcophage de Tchernobyl et soutient
le Centre des sciences et de la technologie d’Ukraine, qui offre des emplois non militaires aux anciens
spécialistes des armes stratégiques.
71. L’Ukraine a également intensifié son dialogue avec l’OTAN et, comme nous l’avons déjà dit, un
Plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN est à l’étude et pourrait même être présenté lors du Sommet
de Riga en novembre prochain. Jusqu’aux récentes élections, le gouvernement avait insisté à
plusieurs reprises sur le fait que son objectif consistait à adhérer à l’Alliance et avait promis
d’entreprendre des réformes qui rendraient cette adhésion possible. Au cours de sa campagne,
Viktor Yanukovych a cependant exprimé un certain scepticisme quant à une adhésion à l’OTAN.
Cependant, l’une des conditions imposées par le président Yushchenko au nouveau Premier ministre
est de s’efforcer à « approfondir la coopération » avec l’OTAN et l’Union européenne. En outre,
Boris Tarasyuk et Anatoly Hrytsenko, respectivement ministre des Affaires étrangères et ministre de
la Défense du précédent gouvernement, ont été imposés par le président pour remplir les mêmes
fonctions dans le nouveau gouvernement. Ils sont tous les deux partisans d’un rapprochement de
l’Ukraine avec l’Occident. En septembre, le président Yushchenko a indiqué que l’Ukraine ne
modifierait pas ses priorités en matière de politique étrangère et qu’elle continuerait à rechercher
l’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN. Le Premier ministre Yanukovych s’est ensuite rendu à
Bruxelles, afin d’assister à la 10e session du Comité de coopération UE-Ukraine et à des
consultations au siège de l’OTAN. Bien qu’il ait assuré que l’Ukraine continuerait à briguer son
adhésion entière dans l’UE, il a laissé entendre que l’accession à l’OTAN n’était pas une priorité vu la
perception que l’opinion publique ukrainienne a de l’OTAN actuellement. « Etant donnée la situation
politique en Ukraine actuellement » a-t-il dit, «nous allons devoir faire une pause. » (Bilefsky)
72. Des sondages indiquent que seule une minorité d’Ukrainiens est favorable à une adhésion de
leur pays à l’OTAN. Le ministre des Affaires étrangères, Boris Tarasyuk, et de nombreux dirigeants
de l’opposition sont d’avis qu’aucun référendum ne doit avoir lieu avant 2008, afin qu’un débat
informé puisse avoir lieu. Il va de soi que la Russie est très opposée à l’approfondissement des
relations de Kiev avec l’OTAN et insiste sur le fait que l’adhésion de l’Ukraine poserait de multiples
défis pour la sécurité. On peut s’attendre à ce que la Russie utilise tous les moyens de pression dont
elle dispose pour décourager ou du moins ralentir tout développement dans cette direction. Il va de
soi qu’en fin de compte la décision appartiendra à l’Ukraine.
171 ESCEW 06 F bis
19
VIII. LES RELATIONS DE L’UKRAINE AVEC LA RUSSIE ET LE PROBLEME DE
L’ENERGIE
73. L’année écoulée a été extraordinairement complexe en ce qui concerne les relations entre la
Russie et l’Ukraine. En premier lieu, le gouvernement de Vladimir Poutine avait clairement misé sur la
victoire de Yanukovych aux élections de 2004 et n’a pas tardé à endosser cette victoire malgré une
fraude électorale massive évidente. Lorsque l’opinion publique ukrainienne a commencé à réagir à
cette fraude, la Russie s’est catégoriquement opposée à la décision d’une nouvelle tenue des
élections. Certains groupes à Moscou refusent presque instinctivement de reconnaître la souveraineté
pleine et entière de l’Ukraine, un réflexe qui les conduit à considérer que la Russie dispose d’un droit
de veto sur certaines décisions prises à Kiev. Face à cette prédisposition, l’issue de la « Révolution
orange » a été considérée comme une défaite pure et simple par de nombreux responsables russes
et a ultérieurement suscité la détermination presque obsessionnelle d’empêcher que d’autres
soulèvements démocratiques de ce type surviennent à la périphérie de la Russie – ainsi que, plus
particulièrement, à Moscou. La récente loi russe sur les ONG pourrait être considérée comme la
manifestation des préoccupations profondes des élites de l’Etat russe face à l’impulsion démocratique
en général et aux possibles effets de contagion de la « Révolution orange » ukrainienne.
74. De ce point de vue, la crise gazière de l’année passée entre la Russie et l’Ukraine peut être
considérée comme un mouvement important dans une partie d’échecs diplomatique très complexe,
un mouvement qui associe des différends légitimes sur la fixation des prix à des questions plus
douteuses portant sur l’utilisation du gaz et du pétrole à des fins politiques. Il ne fait aucun doute que
la dépendance de l’Ukraine face à l’énergie russe constitue un talon d’Achille stratégique. Les
dirigeants ukrainiens affirment de longue date que de bonnes relations de travail avec la Russie sont
très importantes à leurs yeux, mais ils ne veulent pas que Moscou leur dicte ses conditions. Cette
position est certainement affaiblie par le fait que la Russie est le fournisseur exclusif de la majeure
partie de l’énergie nécessaire à l’Ukraine. Le document publié récemment par le gouvernement russe
à propos de la Politique Energétique d’ici 2020 indique qu’il faudrait se servir des exportations de
matières premières comme un instrument politique (Rapport du secrétariat). Le problème est
d’autant plus complexe que la Russie a pendant longtemps subventionné le prix du gaz vendu à
l’Ukraine, comme elle le fait encore pour plusieurs autres pays de la CEI. L’Ukraine disposait, elle
aussi, de certains moyens de pression, dans la mesure où plusieurs gazoducs importants alimentant
l’Europe en gaz russe traversent son territoire. La Russie cherche cependant à diversifier ses options
en matière de gazoducs et d’oléoducs. C’est ainsi, par exemple, que le nouveau gazoduc vers
l’Allemagne diminuera sa dépendance face au réseau ukrainien et, par extension, grignotera plus
encore les moyens de pression dont dispose l’Ukraine pour marchander.
75. Cela peut expliquer en partie le contexte dans lequel est survenue l’exigence russe d’obtenir un
prix plus élevé pour le gaz destiné à l’Ukraine. Le fait que cette exigence soit intervenue en pleine
vague de froid en Europe orientale et soit allée de pair avec plusieurs coupures de
l’approvisionnement en gaz n’a pas été assimilé à une coïncidence ni à Kiev, ni dans les capitales
occidentales. Certains analystes l’ont d’ailleurs perçu comme des représailles, une tentative
d’influencer les élections parlementaires et une technique de marchandage peu scrupuleuse, ce qui
n’a d’ailleurs pas manqué de déclencher la sonnette d’alarme dans l’Europe entière, elle-même très
dépendante du gaz russe. Qui plus est, la veille de la crise gazière, la Russie a interdit l’importation
de produits carnés et laitiers en provenance d’Ukraine, tout en imposant des restrictions
commerciales similaires à la Géorgie et à la Moldova. Ici encore, un certain nombre d’analystes
suggère qu’il ne s’agissait pas d’une coïncidence. (Rapport du secrétariat de l’AP-OTAN) Les
défenseurs de l’attitude russe font valoir que la Russie s’est contentée de chercher à obtenir un prix
équitable pour ses précieuses exportations et ils notent que Moscou n’a pas offert de réduire le prix
171 ESCEW 06 F bis
20
du gaz fourni à l’Ukraine alors qu’un gouvernement supposé être davantage pro-russe est désormais
au pouvoir à Kiev. La Russie est aussi légitimement courroucée par les ponctions illégales effectuées
sur les gazoducs qui traversent l’Ukraine.
76. Le problème plus central, dans ce cas-ci, réside peut-être dans le moment choisi pour faire part
de ces nouvelles exigences et dans le fait qu’un accord préalable avait fixé le prix du gaz jusqu’en
2007. Les négociateurs ukrainiens l’ont souligné auprès de leurs interlocuteurs russes, mais en vain.
Un accord a finalement été signé, prévoyant le doublement immédiat du prix du gaz importé et une
division par deux des droits de transit perçus par l’Ukraine. Cet accord a été considéré comme une
défaite pour le gouvernement, a déclenché une crise gouvernementale et a donné à l’opposition un
argument de poids pour sa campagne, qu’elle a judicieusement exploité. Il reste à voir comment le
nouveau gouvernement relèvera ces défis. Les industriels qui soutiennent le Parti des Régions
désirent manifestement un abaissement des prix de l’énergie, car la flambée de ceux-ci réduit leurs
profits. On ignore si M. Yanukovych pourra y parvenir.
IX.
CONCLUSIONS
77. Alors que M. Yanukovych a été qualifié par certains membres du camp orange de candidat
anti-démocratique lors des élections présidentielles de 2004, il constitue désormais le Premier
ministre légitimement choisi du pays. En conséquence, l’Occident se doit d’établir de solides relations
de travail avec lui et son gouvernement. M. Yanukovych a obtenu son poste par le biais d’un
processus équitable, légal et en fin de compte démocratique. Son élection reflète en partie la
frustration de l’opinion publique ukrainienne face aux politiques du précédent gouvernement et le fait
que la croissance économique s’est fortement ralentie, les réformes ont stagné, la coalition
problématique du gouvernement précédent n’est tout simplement pas parvenue à s’entendre sur une
stratégie de transition cohérente, l’Ukraine orientale s’est sentie privée de ses droits et enfin, que la
corruption à l’ancienne s’est poursuivie. Les citoyens ukrainiens ont donc le droit, chèrement acquis,
d’exiger un changement et, paradoxalement, le bénéficiaire de celui-ci est une figure qui semblait
précédemment déterminée à empêcher l’exercice de ce droit. Cette fois cependant, Yanukovych et
ses alliés ont respecté les règles du jeu et mené une campagne réussie. Il s’agit-là d’un signe de
progrès, face auquel il incombe aux gouvernements occidentaux de reconnaître la légitimité du
gouvernement actuel et d’offrir leur soutien à la poursuite du renforcement de la démocratie et à une
saine stratégie de transition.
78. Le nouveau gouvernement de l’Ukraine a peut-être un point de vue quelque peu différent de
celui de son prédécesseur à propos de l’OTAN et de l’UE et il peut avoir une autre approche des
réformes économiques. C’est naturellement son droit et les gouvernements occidentaux doivent
s’ajuster en conséquence. Le gouvernement ukrainien démocratiquement élu est le mieux placé pour
juger du degré et du rythme des réformes, et sa capacité souveraine en la matière doit être respectée
par ses voisins. L’opposition ne manquera pas d’exprimer avec force ses opinions à la Rada et cela
ne fera qu’enrichir le débat. Adéquatement menée, cette discussion pourrait améliorer le climat
présidant à la prise de décisions. Le fait qu’un débat animé semble se dérouler en Ukraine constitue,
en soi, une raison de se réjouir. Qui plus est, au moment de la rédaction du présent rapport, le
nouveau gouvernement semble adopter une approche hautement pragmatique et positive dans ses
relations avec l’UE et l’OTAN.
79. L’Ukraine continue à avoir besoin de tout le soutien que l’Occident est en mesure de lui apporter
pour mettre en œuvre une stratégie efficace de transition. Des opportunités tangibles et pas
simplement des mots doivent être offerts au peuple ukrainien. L’apparente indifférence de l’Occident
171 ESCEW 06 F bis
21
face aux tribulations de l’Ukraine a peut-être été l’une des raisons de la brièveté du gouvernement de
la coalition orange. (The Times, 2 août 2006) Au cours de la décennie écoulée, l’UE s’est nettement
focalisée sur les questions d’élargissement et, à de nombreux égards, les défis posés par l’Ukraine
n’ont pas bénéficié du même degré de priorité. Bien que le processus d’élargissement ne soit pas
achevé, l’Europe, en particulier, ne peut se permettre de négliger l’Ukraine, même si elle adopte une
attitude bienveillante. Il ne faudrait pas écarter la possibilité d’une intégration totale de l’Ukraine dans
la vie institutionnelle européenne, même si la réalisation d’un tel objectif exigera des années. Il est
illusoire de croire que l’Ukraine pourra continuer à évoluer dans une direction positive sans qu’au
moins la perspective d’une adhésion à part entière lui soit offerte. (Aslund, European Affairs)
80. Même si l’adhésion de l’Ukraine à l’UE n’est pas susceptible de se produire à court terme,
l’Europe doit encore créer un système d’incitants qui encouragera la société ukrainienne à se rallier à
la logique d’une réforme politique et économique plus profonde. Cet ensemble d’incitants devrait
inclure la perspective de développer un partenariat plus privilégié entre l’Ukraine et l’UE, ainsi qu’un
accès accru aux marchés de l’Union. Le Canada et les Etats-Unis devraient aller dans la même
direction. Des études du FMI autorisent à penser qu’une réforme institutionnelle efficace pourrait
mettre l’Ukraine sur la voie d’une croissance économique rapide au cours de la décennie à venir, une
évolution qui présenterait des avantages économiques et stratégiques manifestes pour l’ensemble de
l’Europe.
81. Soutenir la réforme en refusant l’accès aux marchés n’a aucun sens. Très peu de choses
pourront être accomplies si la production agricole ukrainienne ne peut être écoulée sur ses marchés
naturels occidentaux. A cet égard, il est important de tenir compte du fait que l’arrière-pays ukrainien
est appelé à jouer un rôle important dans la forme finale que revêtira la transition de l’Ukraine et qu’il
pourrait constituer l’élément central de la réussite ou de l’échec de cette transition. Tous les pays
occidentaux devraient, dès que possible, lever ou réduire drastiquement les restrictions aux
importations qui frappent les marchandises les plus concurrentielles produites par l’Ukraine. Mais ils
devraient exiger en retour des normes de réforme élevées et un accès au marché ukrainien.
82. Tant l’Amérique du Nord que l’Union européenne doivent continuer à offrir une assistance
technique très diversifiée à l’Ukraine, afin de l’aider à améliorer son climat légal, administratif et
commercial. A certains égards, les gouvernements américain et canadien s’avèrent particulièrement
efficaces dans ce domaine, mais le travail accompli par l’Europe pour aider les Etats d’Europe
centrale à adopter l’acquis communautaire très complexe et sophistiqué lui permet de disposer de
connaissances hautement spécialisées dans le domaine de la transition économique et
administrative. Ces connaissances doivent être utilisées à bon escient.
83. Les pays alliés devraient entreprendre un effort ambitieux destiné à aider l’Ukraine à assurer la
formation de ses futurs dirigeants. Des bourses universitaires, des programmes d’échange, des
stages et d’autres possibilités de formation, de même que des procédures simplifiées plutôt que
complexifiées pour l’obtention des visas, sont nécessaires pour inculquer aux jeunes dirigeants
ukrainiens davantage de perspectives plus globales et veiller à ce qu’ils possèdent les compétences
de gestion et d’administration nécessaires pour aider l’Ukraine à prospérer. L’UE et ses nouveaux
membres en particulier ont engrangé une quantité énorme de connaissances en matière de stratégies
de transition. Les membres nouveaux et anciens devraient désormais mettre ces connaissances en
pratique dans le cadre d’une stratégie globale destinée à aider l’Ukraine dans sa transition.
Parallèlement, l’OTAN doit continuer à collaborer avec les responsables ukrainiens pour soutenir la
réforme de la défense et la mise en place des conditions d’un contrôle démocratique efficace des
forces armées.
171 ESCEW 06 F bis
22
84. Des initiatives visant à impliquer la Rada dans tous ces efforts sont naturellement essentielles.
Les parlementaires ukrainiens doivent pouvoir disposer facilement de plus d’informations pour
concevoir des lois essentielles, tout comme ils ont besoin de moyens pour superviser efficacement un
exécutif chargé de mettre en œuvre les législations adoptées. Il faut jeter davantage de ponts vers
les parlements et les parlementaires occidentaux. Le soutien à l’établissement de normes applicables
au parlement en matière de conflits d’intérêts, de transparence et de loi électorale s’avérerait aussi
extrêmement utile.
85. De même, un soutien de l’Occident à la formation légale et judiciaire est tout aussi nécessaire.
La primauté du droit ne peut être assurée sans l’établissement d’un système judiciaire autonome,
cohérent et transparent. Il s’agit-là d’une question de formation, mais également de réforme du
système. Dans ce contexte, des mécanismes alternatifs de règlement des différends devraient être
élaborés, afin que la société ne surcharge pas un système judiciaire encore fragile.
86. Le besoin d’un soutien à la poursuite de la réforme financière se fait lui aussi sentir. En la
matière, les institutions internationales de prêt pourront jouer un plus grand rôle une fois qu’elles en
auront reçu le mandat des principaux gouvernements membres. Les Ukrainiens, pour leur part,
devraient être encouragés à ouvrir davantage leur système financier. Cela augmentera l’ensemble
des capitaux disponibles et générera une efficacité et une transparence accrues dans ce secteur.
87. Il est également important que l’Occident ne se contente pas de se focaliser sur l’Ukraine
occidentale et sur Kiev. Il devrait plutôt étendre ses efforts de rapprochement aux régions qui font
preuve de davantage de scepticisme face à une plus grande intégration à la communauté occidentale
des nations. Par ailleurs, il serait opportun d’approfondir le dialogue avec ceux qui font preuve du plus
grand scepticisme à l’égard de l’Occident et qui appartiennent désormais à la majorité au pouvoir.
Des efforts diplomatiques doivent être entrepris pour démontrer que de bonnes relations entre
l’Ukraine et l’Occident ne constituent pas un corollaire nécessaire à de mauvaises relations entre
l’Ukraine et la Russie. Ce genre de jeu à somme nulle est absurde et n’a de sens pour aucune des
parties – que ce soit l’Ukraine, la Russie, l’Europe ou les Etats-Unis.
88. Il va de soi que, sur aucun de ces fronts, des progrès ne seront possibles aussi longtemps que
les dirigeants ukrainiens n’auront pas avancé dans le processus de réforme. Il reste beaucoup à faire
en la matière et les dirigeants politiques risquent de devoir parfois affronter de puissants intérêts
acquis s’ils veulent rendre leur administration moins arbitraire, les dépenses publiques plus
transparentes, et s’ils veulent s’assurer que les règles judiciaires sont fondées sur la loi plutôt que sur
des intérêts partisans. Outre la poursuite de la mise en œuvre de réformes macroéconomiques
fondamentales, il faudra également que l’administration de l’Etat adopte de meilleures pratiques.
L’initiative de Partenariat contre la corruption du Forum économique mondial a ainsi présenté une liste
de mesures possibles, qui demandaient instamment au président Yuschenko de :
-
reprendre sur une liste noire les sociétés reconnues coupables de faits de corruption ;
faire reposer la nomination des fonctionnaires et des magistrats sur le mérite et non sur la
motivation politique ;
augmenter la rémunération des fonctionnaires, afin de réduire les incitants à la corruption ;
passer à un nouveau système régissant les acquisitions publiques, tel qu’un système efficace
en ligne, assurant la gestion transparente du processus d’appel d’offres ;
révéler les rémunérations et les affiliations avec les milieux d’affaires des principaux membres
du gouvernement, juges et législateurs.
171 ESCEW 06 F bis
23
Il s’agit-là d’une liste impressionnante pour tout gouvernement de transition et elle pourrait s’avérer
particulièrement problématique pour les nouveaux dirigeants de l’Ukraine. Les gouvernements et le
secteur privé occidentaux doivent apporter la preuve des avantages liés à la poursuite de ce
programme de réforme et des formidables coûts qui seraient associés à son abandon.
89.
Pour ce qui a trait à l’énergie, l’Ukraine demeurera un pays clef du système d’acheminement
des importations énergétiques de l’Europe et elle restera également confrontée à des vulnérabilités.
L’Ukraine ne dispose, pour l’essentiel, que d’un seul fournisseur de gaz et la majeure partie de son
infrastructure énergétique intérieure appartient à ce fournisseur, parfois de manière très opaque. Il
s’agit-là d’une situation précaire, tant du point de vue économique que politique, car l’Ukraine peut
rapidement être mise à genoux, comme ce fut le cas en décembre 2005. L’Europe est confrontée à
ses propres vulnérabilités dans ce domaine, même si ce n’est pas sur une même échelle. Cette
fragilité de l’Europe est toutefois aggravée par la situation ukrainienne. Un dialogue énergétique
UE-Ukraine pourrait contribuer à remédier à certaines de ces failles, mais des mesures plus
concrètes encore pourraient, à terme, s’avérer nécessaires. Une des possibilités envisageables pour
l’Occident serait de mettre en place une capacité de transfert de pétrole et de gaz en Ukraine si celleci devait être confrontée à une rupture de ses approvisionnements. En d’autres termes, l’Ukraine
devrait être incluse dans tous les efforts systématiques pour améliorer les redondances et la sécurité
globale des réseaux énergétiques européens.
90. Parallèlement, les dirigeants ukrainiens devraient faire preuve d’une certaine retenue et d’un
certain pragmatisme dans l’élaboration de nouveaux modèles de réglementation économique. De
nombreux économistes font par exemple valoir que certains composants de l’acquis de l’UE
impliquent des charges exagérées pour les pays en transition et ne constituent absolument pas des
modèles à suivre. L’on pense en particulier aux politiques fiscale et agricole. L’Ukraine devrait opter
pour des régimes de réglementation allégés, en tenant compte du fait que l’UE se sera probablement
elle-même réformée au moment où l’adhésion ukrainienne sera inscrite à l’ordre du jour. Toute feuille
de route en vue d’une adhésion établie par l’UE avec l’Ukraine devrait prendre en compte cette
dynamique. En d’autres termes, elle devrait reconnaître implicitement que, si l’Ukraine constitue une
cible mobile, il en va de même pour l’Union européenne. Lorsque les deux entités parviendront à un
point de rencontre, elles auront probablement évolué l’une et l’autre de manière importante.
171 ESCEW 06 F bis
X.
24
BIBLIOGRAPHIE
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