DEA de sciences cognitives

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Christophe Chomant
Compléments de réflexion
Si nous devions construire un robot soumis aux conditions de survie d’un
animal…
Si nous déconnections les capacités de mémoire d’un individu…
Une essence hybride du temps ?
Proposition de schéma de procédures de production des idées temporelles
Shéma de conditions de production des représentations temporelles et
croyances réalistes du sens commun
Trois questions fondamentales et indépendantes dans l’éclairage du
temps
Nécessité d’une permanente dialectique entre hypothèse théorique et
expérience ordinaire
Le mystère du mouvement
Inventaire de quelques sujets possibles de recherche en aval du mémoire
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Si nous devions construire un robot soumis aux conditions de survie
d’un animal…
Si nous avions à construire un robot qui doive se déplacer dans l’espace
pour coïncider spatialement, et de façon alternative, avec différentes cibles
elles-mêmes en mouvement dans l’espace, comment procéderions-nous ?
Nous devrions équiper ce robot :
1°) de systèmes perceptifs qui soient les plus complets possibles, en
mesure d’enregistrer des images, des sons, des odeurs ;
2°) d’une capacité de stockage, de mémorisation à long terme de ces
informations perçues ;
3°) d’une capacité de manipulation et de comparaison des données
stockées avec des perceptions directes du monde réel, c’est-à-dire en
somme une « mémoire de travail ».
Or, sur la base d’un tel équipement, il est fort à parier que notre robot
construira des valeurs ou des représentations analogues à celles que les
humains désignent comme étant « temporelles » (« heure, durée, passé,
futur… »).
Il semble donc que devoir coïncider spatialement avec d’autres mobiles
en mouvement dans l’espace induise la construction de notions
temporelles. Il est donc possible que ces notions puisent leur origine, leur
nécessité, dans la condition animale de devoir conceptualiser ses propres
mouvements, ainsi que les mouvements et positions de la nourriture, des
partenaires sexuels et des prédateurs.
Sur la base de l’expérience menée avec notre robot, on peut proposer que
le « temps » consiste en un ensemble de valeurs numériques et de
représentations abstraites qui expriment des relations entre les propriétés
spatiales et dynamiques de différents mobiles en mouvement dans le
monde, dont le sujet lui-même, ces représentations étant construites sur la
base d’informations mémorisées et/ou perçues directement.
Il est possible que les représentations temporelles aient comme
spécificité de se rapporter non pas à des phénomènes ou des propriétés du
monde, mais à des relations mathématiques établies de façon implicite par
la cognition entre des propriétés d’événements du monde.
Si nous déconnections les capacités de mémoire d’un individu…
Si nous déconnections chez un individu ses fonctions de mémoire de
travail et de mémoire à long terme, le temps n’existerait plus à ses yeux. Il
n’y aurait plus, de son point de vue, que de la matière en mouvement dans
un présent permanent. Ce n’est donc que de cela que le monde est peuplé
hors de la cognition : de la matière en mouvement. Le monde réel ne
contient pas de temps. Si le temps disparaît lorsqu’on déconnecte certaines
fonctions cognitives – non pas perceptives mais de stockage et de
mémorisation, de traitement cognitif – c’est que le temps n’a pas de réalité
dans le monde ; c’est qu’il est une production des systèmes cognitifs.
Le temps n’est pas un phénomène du monde perçu en aval des systèmes
perceptifs, mais une construction produite en aval de traitements cognitifs
d’informations perçues.
Et si l’humain a la conviction que le temps appartient au monde, c’est
parce que sa cognition manipule et compare en permanence des données
mémorisées et qu’elle produit donc en permanence des idées temporelles,
même lorsque la conscience ne prête pas attention aux événements du
monde.
Une essence hybride du temps ?
Il est possible d’envisager que le temps ne soit pas ou extra-mental ou
intra-mental mais quelque chose qui résulte d’une combinaison de
propriétés extra et intra-mentales. En ce sens, le postulat d’une essence
ultra-cognitiviste du temps pourrait être considérée comme excessive,
partielle. L’essence du temps pourrait être considérée comme étant hybride,
intra et extra-mentale.
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Il s’agirait alors d’essayer d’identifier et formuler les différentes
combinaisons de phénomènes intra et extra-mentaux qui génèrent les
différentes notions temporelles dans l’esprit de l’être humain.
Un mémoire de 50 pages ne semblait pas suffire à la formulation de ces
combinaisons hybrides.
Il reste qu’une telle proposition d’essence hybride de temps pose
question : peut-on notamment accorder une appartenance (même partielle)
du temps au monde extra-mental au motif que la construction des idées
temporelles se nourrit en partie de propriétés d’événements du monde
extra-mental ? Toute construction mentale n’est-elle pas nécessairement
nourrie, peu ou prou, de propriétés d’événements extra-mentaux ? En
découle-t-il que tout phénomène cognitif appartient au moins en partie au
monde extra-mental ? Non.
En conséquence, l’appartenance – même partielle – du temps au monde
extra-mental, au motif que cet ensemble d’idées est partiellement nourri de
propriétés extra-mentales, n’est pas avérée.
Une telle discussion pourrait constituer un sujet de recherche.
Proposition de schéma de procédures de production des idées
temporelles
Illustrons par un schéma les hypothèses émises plus haut sur les
circonstances de production des idées temporelles :
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Cognition
Monde
Mobile A
doté de propriétés
spatiales
Mobile B
doté de propriétés
spatiales
Perception
Procédures implicites
Perception de
ces propriétés
Calcul d’un rapport
mathématique entre les
propriétés spatiales de A et B
Perception de
ces propriétés
‘Conscience’
Expression de notions
‘temporelles’
Production d’une
représentation
Shéma de conditions de production des représentations temporelles
et croyances réalistes du sens commun
Différents éléments de réflexion peuvent nous suggérer le schéma
suivant d’explication possible des croyances temporalistes réalistes.
Les représentations temporelles ne se rapportent
pas à des événements du monde mais à des
relations mathématiques entre des propriétés
d’événements du monde.
L’être humain considère spontanément
que le temps est un phénomène
appartenant au monde extra-mental.
La production des représentations temporelles a
lieu entre les systèmes perceptifs et la conscience.
La production des représentations temporelles est
permanente et automatique.
Il ne s’agit que d’une suggestion, mais elle peut constituer une piste
plausible.
Trois questions fondamentales et indépendantes dans l’éclairage du
temps
Trois questions essentielles et indépendantes, relevant de différents
domaines et démarches disciplinaires, semblent devoir être interrogées
conjointement pour l’éclairage de la question du temps :
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Pourquoi et comment se
construisent les idées
temporelles dans le cerveau ?
(neurosciences, psychologie
cognitive, évolutionnisme…)
Quels phénomènes (extra ou
intra-mentaux) suscitent les
idées temporelles ?
(ontologie, linguistique…)
Pourquoi l’esprit humain considère-til spontanément le temps comme un
phénomène extra-mental ?
(anthropologie des croyances,
psychologie cognitive…)
Aucune des questions ne semble pouvoir s’éclairer sans le traitement des
autres ; elles s’éclairent mutuellement.
Nécessité d’une permanente dialectique entre hypothèse théorique et
expérience ordinaire
Un autre problème se pose :
- Si l’on s’en tient à l’expérience directe des sensations temporelles
(durée, passé, futur, heure…), on manque de hauteur et de recul pour
mettre en œuvre une approche lucide de la question ;
- Mais inversement, si on se focalise et se cantonne sur des réflexions
purement analytiques et logiques, on perd contact avec l’expérience et on
risque de bâtir des modèles qui n’ont pas de relation avec la réalité.
C’est une faiblesse qu’on peut observer par exemple chez McTaggart,
qui construit une dénégation complètement analytique du temps, qui est
finalement peu convaincante pour le lecteur parce qu’elle ne se rattache pas
à l’expérience personnelle.
Les interrogations d’Aristote, Saint Augustin et Kant semblent plus
convaincantes, parce qu’elles ne perdent pas contact avec l’expérience de
tout un chacun (ce pourquoi précisément ces philosophes sont des
« classiques »).
Les modalités d’exposition et de démonstration sont fondamentales en
philosophie, qui doivent consister en une savante dialectique entre
élévation théorique et référence à l’expérience ordinaire.
On rejoint d’ailleurs ici la question de la nécessité de garder en tête le
point de vue du sens commun, tant au niveau des sources d’analyse que de
la formulation des hypothèses.
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Le mystère du mouvement
Un mystère au moins aussi épais que celui du temps est celui du
mouvement. Comment un objet immobile peut-il se mettre en mouvement ?
Comment un organisme peut-il créer du mouvement ? En quoi consiste
« l’énergie » ? Du mouvement peut-il naître du non-mouvement ? Toute
forme d’énergie ou de force n’est-elle pas (nécessairement ?) matière en
mouvement, à un niveau subatomique que nous ne percevons pas
forcément, ce dans le cadre d’une conservation générale du mouvement, de
l’énergie et de la matière ?
Inventaire de quelques sujets possibles de recherche en aval du
mémoire
- Comment formuler les idées temporelles du sens commun en des
termes cognitivistes ?
- Les débats sur l’essence du temps dans la philosophie contemporaine
anglo-saxonne1
- Le temps peut-il être considéré comme d’essence hybride ?
- Modèles alternatifs globalistes d’horloge interne et perspectives ultracognitivistes du temps
- Limites et problèmes d’un ultra-cognitivisme temporel
- Comment penser l’élasticité relativiste dans le cadre d’une approche
ultra-cognitiviste du temps ?
- Sous quelles conditions un robot serait-il amené à construire des
représentations temporelles ?
- Origine des idées temporelles et condition animale
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La revue The Monist, qu’on peut difficilement accuse de dualisme, prépare pour 2005 un numéro sur les
« voyages dans le temps ». Ceci suggère que la philosophie anglo-saxonne actuelle demeure influencée par les
physiques newtonienne et relativiste temporalistes-réalistes, et se situe loin d’une approche cognitiviste des idées
temporelles.
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