1
4. Lames minces
4.1. Observations
Franges d’interférences observées en lumière blanche sur des films de savon tenus inclinés
(figure 10.a)
début de l’existence du film.
L’épaisseur en bas du film est
trop grande pour l’apparition de
franges colorées
(figure 10.b)
L’épaisseur du film diminue par
gravité, les couleurs des franges
évoluent, les franges rose/vert
glissent vers le bas.
(figure 10.c)
Apparition d’une frange noire au
sommet, juste avant l’éclatement
du film
Fig 11.a : principe du dispositif
dit des « anneaux de Newton ».
une lentille de grande distance
focale est pressée contre une
lame de verre horizontale.
Fig 11.b : Anneaux par réflexion
(lampe à vapeur de Sodium et
dispositif pré-monté de la figure
11.c ci-dessous). Notez l’anneau
central noir
Figure 12 :
franges d’interférences observées
sous éclairage artificiel lorsque
deux lames de microscopes sont
pressées l’une contre l’autre à
l’aide d’un stylo
4.2 Interprétation : lames minces et franges d’égales épaisseur
Le dénominateur commun aux trois dispositifs précédents est qu’ils constituent tous des lames
minces. Les lames minces sont de minces couches transparentes, d’épaisseur de l’ordre du
micron, et d’indice optique n2, emprisonnées entre deux milieux transparents d’indices n1 et n3
(figure 13 ci-dessous)
Ex.1 : Films de savon : n1 = n3 = 1 (air) et n2 = 1,34 (eau + savon)
Ex.2 : lames de microscopes et anneaux de Newton: n1 = n3 = 1,5 (verre) et n2 = 1 (air)
N.B. Les flaques d’huile observées parfois sur la chaussée constituent également des lames minces
2
et montrent des irisations en forme « d’anneaux ». Il en est de même des minces couches d’oxyde
qui produisent des irisations à la surface des métaux
La couleur des lames minces a constitué un sujet d’étude pendant des siècles, et de nombreux
savants, tels Robert Hooke et Isaac Newton au 17ième siècle ont tenté d’en donner une interprétation.
Ainsi, Newton étudia en détail le dispositif (qui porte son nom) des anneaux de Newton. Il établit
qu’en lumière blanche, les teintes des anneaux depuis l’anneau central s’étalaient en une échelle
périodique appelée échelle des teintes de Newton. Il remarqua que l’échelle de teinte des anneaux
observés par transmission était complémentaire de
celle des anneaux observés par réflexion. Puis,
s’appuyant sur son concept révolutionnaire de lumière
hétérogène, Newton réalisa une série d’expériences
quantitatives en lumière monochromatique sur ce
même dispositif, et réussit à démontrer que le rayon
des anneaux croissait en racine carrée de leur rang k,
ce qui pour l’époque était remarquable. Cependant, s’il
avait bien compris que le phénomène observé était lié
à des réflexions décalées sur les faces supérieure et
inférieure de la lame, sa théorie corpusculaire l’amena
vers des difficultés d’interprétation insurmontables.
Avec son principe d’interférence, l’anglais Thomas
Young fut le premier, au début du 19ième siècle, à donner une explication satisfaisante des couleurs
des lames minces, confortant ainsi la théorie ondulatoire de la lumière. Utilisant les mesures très
précises de Newton sur le dispositif des anneaux, il détermina pour la première fois également la
longueur d’ondes des radiations du domaine visible.
Sur la figure 13 ci-dessus, des ondes lumineuses, représentées par le rayon Ri, sont incidentes sur
une lame mince à faces parallèles, d’épaisseur L et d’indice optique n2. Les rayons R1 et R2
représentent les ondes lumineuses qui ont été réfléchies par la face avant et par la face arrière de la
lame. Les deux rayons réfléchis possèdent la même direction de propagation (démontrer
pourquoi !), et vont donc interférer à l’infini. L’état d’éclairement observé dépend alors de leur
différence de phase.
Cependant, plutôt que d’utiliser comme dans les dispositifs à division du front d’onde deux régions
séparées du front d’onde primaire pour obtenir deux ondes secondaires de même amplitude, le front
d’onde incident est ici globalement divisé en amplitude par le processus de réflexion/réfraction,
générant deux rayons R1 et R2 d’amplitudes différentes. Comme l’énergie récupérée à chaque
réflexion est faible, on peut ne considérer que les deux premiers rayons réfléchis dans l’étude des
interférences, même si en réalité un nombre infini de rayons réfléchis parallèles y contribuent.
De tels dispositifs interférentiels sont dits à division d’amplitude et s’opposent aux dispositifs à
division du front d’onde. Ils permettent d’observer des franges d’interférence beaucoup plus
lumineuses, avec une source de lumière étendue
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L’usage possible de sources étendues de
lumière est lié au fait que les deux rayons qui se coupent sur la rétine de l’œil de l’observateur
par exemple sont issus du même rayon primaire.
2
Les couches minces naturelles, telles les films de savon ne possèdent pas en fait une épaisseur
constante, sinon, on n’observerait pas une succession de franges de couleurs différentes. Il en est de
1
à condition en contrepartie de les observer sur un lieu « bien précis » dit de localisation : les interférences ne sont alors
plus non localisées comme dans les dispositifs des fentes d’Young ou des miroirs de Fresnel.
2
Remarque : une lumière blanche tombant sur une lame épaisse rencontrera les mêmes phénomènes de division
d’amplitude, mais ne produira pas d’interférences. Pour qu’il y ait interférence, le critère de cohérence temporelle
impose que la différence de marche n’excède pas une valeur critique dépendant de la pureté spectrale de la source. En
lumière blanche, les couches minces possèderont une épaisseur de l’ordre de la longueur d’onde, soit une fraction de
micron. Ce fait était bien connu de Newton. Par contre, pour une lumière laser de grande cohérence, une vitre constitue
encore une « lame mince ».
1
R
i
R
3
même des « anneaux de Newton » mais cette fois pour des raisons conceptuelles
(figure 11.a ci-dessus). Elles produisent donc une figure d’interférence qui dépend de cette
épaisseur variable. Là où l’épaisseur de la couche est exactement ce qu’il faut pour que, par
exemple des « rayons roses » R1 et R2 se coupent constructivement (déphasage de , différence de
marche de ), la couche paraît rose (cf figure 10). Le système de franges d’égale épaisseur réalise
alors un véritable relevé « bathymétrique » de la lame via l’équivalence épaisseur ↔ couleur. A
chaque couleur de frange correspond une épaisseur bien précise.
Sur la figure 10.c agrandie ci-dessus, qui correspond au stade le plus évolué du film de savon (juste
avant son éclatement), on observe de haut en bas, et par ordre d’épaisseur croissante, une frange
noire, puis bleue, puis jaune/orangée, puis rouge, puis pourpre, puis bleue, puis verte, puis jaune,
puis pourpre/rose, puis bleue, puis verte. A partir de ce moment là, on n’observe plus qu’une
alternance de franges roses et vertes, de plus en plus délavées, et la film devient blanc tout en bas,
lorsque l’épaisseur devient importante.
3
L’état d’interférence, constructif ou destructif, ne dépend pas seulement de la différence de marche
géométrique entre R1 et R2, mais aussi d’éventuels déphasages supplémentaires provenant des
différences d’indices optiques entre l’indice n2 de la couche et les indices n1 et n3 des milieux
extérieurs. Ainsi, dans le cas des films de savons, observés par réflexion, il y aura un déphasage de
lors de la réflexion sur la face avant (n2 = 1,34 > n1 = 1) et aucun déphasage lors de la réflexion
sur la face arrière (n2 = 1,34 > n3 = 1). Il y aura donc un déphasage supplémentaire résultant de .
Tout en haut du film de savon, l’épaisseur est presque nulle, de sorte que la différence de marche
entre les rayons R1 et R2 est presque nulle, et ce, pour toutes les longueurs d’ondes de la lumière
blanche. Il ne reste alors plus comme déphasage que ce facteur , d’où des interférences
destructives pour toutes les longueurs d’ondes, et l’existence d’une frange noire. Il en est de
même de l’existence d’un anneau central noir dans le dispositif des anneaux de Newton observé par
réflexion (figure 11.b).
4.3 Equations de l’interférence dans les pellicules ou lames minces naturelles
On se place dans le cas d’une lame produisant un déphasage supplémentaire de (film de savon où
n2> n1 = n3, ou lame d’air où n2 < n1 = n3) : il s’agit du cas le plus fréquent. On supposera pour
simplifier que les rayons incidents Ri tombent sur la lame sous incidence quasi-normale ≈ 0).
Dans ces conditions, le rayon R2 fait un trajet supplémentaire de 2L dans la couche et parcourt un
chemin optique supplémentaire géo = 2n2L . Le déphasage entre R1 et R2 sera égal à
0
2
00
4
22 Ln
géo
, où = géo + /2 est la différence de marche totale
3
Dans un diagramme chromatique, on peut suivre l’évolution de la couleur de la pellicule de savon avec l’épaisseur.
Lire l’article de Jearl Walker pages 18-21 dans le numéro spécial « La couleur » pour la science, avril 2000
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Pour que les deux ondes réfléchies interfèrent constructivement, il faut que la différence de marche
géométrique dans la couche apporte un déphasage multiple impair de , d’où la condition
d’interférences constructives :
...3,2,1
22
1
22
1
2
2
0
m
m
n
m
Lm
La condition d’interférences destructives est, elle :
 
...2,1,0
22
12
2
0m
m
n
m
Lm
Attention : ces équations ne sont pas universelles et doivent être établies au cas par cas selon
l’existence ou non d’un déphasage supplémentaire de
Remarque : pour un film de savon, si la couche est assez épaisse et dépasse plusieurs longueurs
d’onde, deux longueurs d’onde différentes peuvent avoir leur maxima pour la même épaisseur, d’où
une couleur non pure; Pour des épaisseurs encore plus grandes, beaucoup de longueurs d’onde
différentes peuvent donner lieu à des interférences constructives de sorte que le contraste des
systèmes de franges superposés diminue et que la couleur perçue tend vers le blanc (partie
inférieure du film de savon figure 10.b).
L’une des applications les plus importantes de ces lames minces est le revêtement anti-reflet.
Afin d’éviter les pertes de luminosité par réflexion, la surface des lentilles d’un objectif complexe
d’appareil photo est recouverte d’un mince dépôt solide transparent, calculé pour réaliser la
condition d’interférence destructive dans la partie vert-jaune du spectre visible, d’où l’apparence
bleutée ou violette des lentilles par réflexion.
5. Interféromètre de Michelson
Plusieurs dispositifs interférentiels, appelés interféromètres, produisent des figures d’interférence
de même nature que les lames minces. Ce sont donc des dispositifs à division d’amplitude, pouvant
utiliser des sources étendues de lumière. Le plus important d’entre eux, à la fois d’un point de vue
pratique et historique est l’interféromètre de Michelson, du nom de son concepteur, Albert
Michelson, 1er prix Nobel américain de physique en 1907. L’interféromètre de Michelson est un
dispositif extrêmement précis, permettant d’obtenir des différences de marche très importantes. Très
polyvalent, ses applications vont de l’interférométrie stellaire (développée par Michelson lui-même)
permettant de déterminer la composition spectrale de la lumière émise par les étoiles, au contrôle du
polissage de miroirs plans ou paraboliques ou encore à la mesure très précise de l’épaisseur d’une
lame à faces parallèles.
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