Année 2013 / 2014
Français 1ère ESL OE3-S4Le théâtre- texte et représentation
Fiche signalétique d'Antigone :
La pièce est composée sous sa forme quasi-définitive en 1942, et reçoit à ce moment l'aval de la censure
hitlérienne.
Elle n'est jouée la première fois que deux ans après, le 4 février 1944, au théâtre de l'Atelier à Paris, sans
doute à cause de difficultés financières.
Après une interruption des représentations en août 1944, due aux combats pour la libération de Paris, elles
reprennent normalement.
Antigone sera ensuite à nouveau représenté à Paris en 1947, 1949 et 1950 mais aussi dès mai 1944 à
Bruxelles, en 1945 à Rome, et en 1949 à Londres.
Le contexte historique :
Antigone est une pièce des années noires, lorsque la France connaît la défaite face aux armées nazies et elle
tombe sous l'Occupation. Nous étudierons d'une part l'Occupation : la situation générale et ensuite la
radicalisation du régime de Vichy et d'autre part les origines historiques de la pièce.
En 1942, Jean Anouilh réside à Paris, qui est occupée par les Allemands depuis la débâcle de 1940 et
l'Armistice.
La République a été abolie et remplacée par l'État français, sous la direction du maréchal Pétain. La
France est alors découpée en plusieurs régions : une zone libre au Sud, sous l'administration du régime de
Vichy, une zone occupée au Nord, sous la coupe des Allemands, une zone d'administration allemande
directe pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais, rattachés à la Belgique, une zone annexée au
Reich : l'Alsace-Lorraine et enfin, une zone d'occupation italienne dans le Sud-Est (Savoie).
Refusant l'Armistice et le gouvernement de Vichy, le général Charles de Gaulle lance un appel aux
Français le 18 juin 1940 depuis Londres et il regroupe ainsi autour de lui les Forces françaises libres
(F.F.L.).
C'est le début de la Résistance. Le 23 septembre 1941, un "Comité national français" a été constitué, c'est
une première étape vers un gouvernement en exil. En métropole, la Résistance s'organise, tout d'abord de
façon indépendante et sporadique (qui se produit occasionnellement), puis en se rapprochant de de Gaulle
sous la forme de réseaux, comme Combat.
En 1942, le mouvement a déjà pris une certaine ampleur qui se manifeste par des actes de sabotage et des
attentats contre des Allemands et des collaborateurs ; l'armée d'occupation réplique par des représailles
massives et sanglantes.
L'année 1942, marque un tournant décisif dans cette période. Les rapports de force se sont modifiés, car les
États-Unis viennent de déclarer la guerre à l'Allemagne. En France, le 19 avril 1942, Pierre Laval revient
au pouvoir après une éclipse d'un an et demi et accentue la collaboration avec Hitler. Dans un discours
radiodiffusé le 22 juin 1942, il déclare fermement : "Je souhaite la victoire de l'Allemagne" et il crée le
Service du travail obligatoire (S.T.O.) pour l'aider en envoyant des ouvriers dans leurs usines de guerre.
La rafle du Vél. d'Hiv. le 16 juillet 1942 envoie des milliers de juifs, via Drancy, dans les camps de
concentration de d'extermination.
Ce n'est qu'en 1944 que nazis et collaborateurs subissent de véritables revers. Le Cominational de la
Résistance (C.N.R.), institué le 15 mai 1943, fédère les différentes branches de la lutte antinazie et prépare
l'après-guerre. Le 6 juin 1944, le débarquement des Alliés en Normandie déclenche l'insurrection des
maquis en France et organise la reconquête du territoire français. Paris se soulève avant le moment prévu et
se libère seul fin août 1944.
Avant même que la guerre ne soit terminée, l'épuration se met en place : de nombreux sympathisants du
régime de Vichy sont jetés en prison et condamnés, certains sont exécutés, parfois sans procès ; les milieux
culturels (journalistes, écrivains et acteurs) ne sont pas épargnés. C'est dans ce climat troublé que de Gaulle
regagne la France et en assure dans un premier temps le gouvernement.
C'est à un acte de résistance qu'Anouilh doit l'idée de travailler sur le personnage d'Antigone. En août
1942, un jeune résistant, Paul Collette, tire sur un groupe de dirigeants collaborationnistes au cours d'un
meeting de la Légion des volontaires français (L.V.F.) à Versailles, il blesse Pierre Laval et Marcel Déat.
Le jeune homme n'appartient à aucun réseau de résistance, à aucun mouvement politique ; son geste est
isolé, son efficacité douteuse. La gratuité de son action, son caractère à la fois héroïque et vain frappent
Anouilh, pour qui un tel geste possède en lui l'essence même du tragique. Nourri de culture classique, il
songe alors à une pièce de Sophocle, qui pour un esprit moderne évoque la résistance d'un individu face
à l'État. Il la traduit, la retravaille et en donne une version toute personnelle.
La nouvelle Antigone est donc issue d'une union anachronique, celle d'un texte vieux de 2400 ans et d'un
événement contemporain.
Dissertations
Antigone est l'un des personnages les plus célèbres du théâtre antique : déjà, en 442 av. J.-C., dans la
pièce de Sophocle, elle incarne l'obéissance à des lois divines et morales, qui transcendent la justice
humaine. Antigone a ainsi inspiré de nombreux auteurs dramatiques. En 1944, sous l'occupation
allemande, Jean Anouilh fait d'elle une figure de la résistance à l'oppression.
SUJET 1: COMMENT ANOUILH PARVIENT-IL A RENOUVELER LE THEME ? QUELS SONT LES
DIFFERENTS PROCEDES DRAMATIQUES MIS EN ŒUVRE ?
I. Le sujet
Le sujet de la pièce et son déroulement sont fidèles à la tragédie de Sophocle.
La scène se passe à Thèbes. Les deux fils d'Œdipe, Étéocle et Polynice, se sont entre-tués sous les murs de
la ville. Le roi Créon a ordonné de n'enterrer qu'Étéocle, laissant sans sépulture celui qu'il considère comme
traître, Polynice (ce qui, selon les Anciens, condamne son âme à errer éternellement). Quiconque
enfreindra la loi sera puni de mort. La sœur d'Étéocle et de Polynice, Antigone, ose braver l'interdit et
défier Créon : elle accomplit à deux reprises les rites funéraires. Découverte, elle est condamnée à mort,
malgré l'intervention de son fiancé, Hémon, fils de Créon. Elle se pend dans la caverne où elle est
emmurée, et Hémon se suicide sur son corps.
II. Les thèmes
1. Le duel entre morale et politique
Le thème principal de la pièce est l'opposition entre les lois de la société, justifiées par l'ordre et le
pouvoir, et une loi non écrite, celle des obligations dues aux morts et à la famille.
L'interdiction formulée par Créon n'est pas despotique mais politique. Étéocle et Polynice
étaient« deux larrons en foire qui se trompaient l'un l'autre en nous trompant et qui se sont égorgés comme
deux petits voyous qu'ils étaient, pour un règlement de comptes ».
Pour que l'ordre règne dans Thèbes, après cette révolution manquée, il faut rassembler les esprits. Créon
s'en explique ainsi : « il s'est trouvé que j'ai eu besoin de faire un héros de l'un d'eux […]. J'ai fait ramasser
un des corps, le moins abîmé des deux, pour mes funérailles nationales, et j'ai donné l'ordre de laisser
pourrir l'autre où il était. » Ainsi, le maintien de l'ordre implique le calcul, le mensonge et le cynisme.
• La règle à laquelle obéit Antigone, cependant, est supérieure au décret pris par le roi. C'est une obligation
intérieure, indépendante des circonstances. Elle affirme la liberté de la conscience : « Je suis pour vous
dire non et pour mourir. »
2. Le pouvoir
Anouilh n'exalte pas la fonction politique. Selon lui, le pouvoir ne relève pas de l'ambition, c'est un
métier : « Ce n'est même pas une aventure, c'est un métier pour tous les jours et pas toujours drôle, comme
tous les métiers. Mais puisque je suis là pour le faire, je vais le faire », dit Créon à Antigone.
• Il y faut cependant un certain courage : « Pour dire oui, il faut suer et retrousser ses manches, empoigner
la vie à pleines mains et s'en mettre jusqu'au coude ».Pragmatique, Créon se contente de joies
modestes : « la vie c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu'on tient bien
dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison ».
3. L'intransigeance de la pureté
• À cette figure d'homme âgé, upar le pouvoir, s'oppose celle d'une adolescente intransigeante, quirefuse
les compromis et les « bonheurs de cuisinier » auxquels Créon a consenti en acceptant la
couronne : « Quelles pauvretés faudra t-il qu'elle fasse elle aussi, jour après jour, pour arracher avec ses
dents son petit lambeau de bonheur ? »
Antigone est prête à mourir pour ne pas sacrifier son idéal à la réalité : « Je veux être sûre de tout
aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite ou mourir. »
4. Le conflit des générations
Créon est un adulte lucide, qui assume ses responsabilités, et qui, en consentant par nécessité à devenir
roi, aliène sa liberté aux exigences du pouvoir. Antigone et Hémon sont des adolescents. Antigone refuse
le temps qui use les sentiments et conduit à accepter des compromis : « Moi, je veux tout, tout de suite, et
que ce soit entier ou alors je refuse ! »
De la même façon, Hémon refuse la leçon de son père : « Chacun de nous a un jour, plus ou moins triste,
plus ou moins lointain, il doit accepter d'être un homme. » Antigone et Hémon tout deux refusent
finalement la vie.
Le petit page qui accompagne Créon représente la génération suivante, dans son innocence. Créon tire pour
lui la leçon : « Il faudrait ne jamais devenir grand. »
III. Les personnages
1. Antigone
Antigone n'est pas belle (« la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux
dans la famille ») mais représente l'intransigeance et la pureté. Elle risque la mort en transgressant la loi
pour son frère, qui pourtant ne l'aimait pas.
Quand Créon lui révèle les coulisses politiques du drame, elle choisit la mort, non plus pour honorer son
frère, mais pour ne pas pactiser avec la médiocrité : « Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! ».
Elle affronte avec violence le roi, son oncle (le frère de sa mère Jocaste), et revendique sa liberté : « Moi, je
ne suis pas obligée de faire ce que je ne voudrais pas ! » Elle a l'orgueil d'Œdipe.
En même temps, elle reste enfant : elle est affectueuse et tendre (envers sa sœur Ismène et sa nourrice).
Au moment de mourir, elle est prise par la peur : « je ne sais plus pourquoi je meurs ».
2. Créon
« C'est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. » Il assume le
pouvoir, après la mort d'Œdipe et de ses deux fils, avec courage, et sans illusions. Il tente de sauver
Antigone : pour cela, il lui révèle les coulisses sordides du drame. Il comprend cependant que ses efforts
sont vains ; les exigences du pouvoir l'emportant même sur le désespoir de son fils : « Je suis le maître
avant la loi. Plus après. ». Il finit complètement seul, son fils puis sa femme, Eurydice, s'étant suicidés. Il
poursuit néanmoins son ouvrage : « Ils disent que c'est une sale besogne, mais si on ne la fait pas, qui la
fera ? »
3. Les autres personnages
Ismène « est bien plus belle qu'Antigone » : elle est « éblouissante ». Elle se dit elle-même « plus
pondérée » qu'Antigone. Elle réfléchit. Quelle que soit son affection pour son frère, elle ne se sent pas le
courage de braver l'interdiction. Elle accepte sa faiblesse de femme et s'incline devant le pouvoir de Créon.
Hémon a préféré Antigone à la belle Ismène, vers qui tout le portait. Il l'aime et veut la sauver, en
intercédant auprès de son père, et sans connaître les vraies raisons du choix d'Antigone. Il partage son sort
par désespoir d'amour : « Crois-tu que je pourrai vivre, moi, sans elle ? »
• Antigone prend congé de la nourrice comme elle se sépare d'Hémon et d'Ismène, avant d'affronter Créon.
En disant adieu à la nourrice, Antigone perd sa dernière protection et le dernier lien avec son enfance : « Je
tiens ta douce main rugueuse qui sauve de tout… Peut-être qu'elle va me sauver encore. »
Les gardes sont étrangers à l'univers de la tragédie : « Eux, tout ça, cela leur est égal ; c'est pas leurs
oignons. Ils continuent à jouer aux cartes. » Ils représentent la force aveugle et la bêtise.
IV. Les procédés dramatiques
1. La structure de la pièce
• La pièce se déroule de façon continue, sans interruption : elle n'est pas divisée en actes, ce qui maintient
la tension dramatique.
Elle est encadrée par deux interventions du chœur (joué par un seul personnage), qui, dans le prologue,
présente les personnages et annonce le drame, puis qui commente le dénouement.
Le chœur tente également de sauver Antigone et annonce à Créon la mort de sa femme, Eurydice. Il joue
donc un rôle d'intermédiaire entre les spectateurs et les personnages. Il renseigne et commente.
2. La transposition
Jean Anouilh a conservé tous les éléments de la tragédie grecque : drame, lieux, personnages, mais l'a
transposée à notre époque.
Il a ainsi modernisé les fonctions et le mode de vie : les gardes ont des grades et des statuts comparables à
ceux des soldats d'aujourd'hui ; la reine tricote pour les pauvres ; les princes ont des voitures et une vie
mondaine ; la nourrice prépare du café et des tartines grillées, etc.
• Anouilh le le tragique et le familier. Ce contraste est particulièrement sensible dans les conversations
d'Antigone et de sa nourrice : « Allons, ma vieille bonne pomme rouge. Tu sais quand je te frottais pour
que tu brilles ? »
Dans la tragédie antique, le destin, supérieur aux dieux eux-mêmes, frappe les hommes. Chez Sophocle,
Créon, qui s'obstine dans sa décision, est coupable de démesure et se retrouve seul. Jean Anouilh supprime
le caractère sacré de la tragédie. Antigone incarne la jeunesse et son intransigeance et montre que
l'homme reste libre de se révolter contre l'injustice, de lui résister.
V. Qui est Jean Anouilh ?
Jean Anouilh est à Bordeaux en 1910, d'un père tailleur et d'une mère pianiste. Ses parents s'installent
à Paris où il fait ses études. Son goût pour le théâtre sveille très tôt. Il fait deux rencontres décisives : celle
de Jean Giraudoux et celle de Jean Cocteau, qui lui font découvrir le théâtre poétique.
Il classe lui-même ses œuvres selon leur tonalité, en « pièces roses », « pièces
noires » (Antigone),« pièces brillantes, grinçantes, costumées, baroques, secrètes », etc.
SUJET 2: LE RÔLE DE L’OBJET AU THEÂTRE
Objet essentiel pour le comédien de l’Antiquité, le masque permettait au spectateur d’identifier le
personnage joué et de voir de quel registre il s’agissait (tragique ou comique). En revanche, certains
accessoires du décor, dans les pièces classiques par exemple, ne servent apparemment qu’à remplir
l’espace scénique afin de créer l’illusion théâtrale.
Au théâtre, l’objet est-il accessoire, utile ou indispensable ? A-t-il trait au décor, au personnage ou à
l’action ?
[problématique] En somme, quel est le rôle de l’objet au théâtre ?
[plan] L’objet au théâtre apporte d’abord des indications sur le cadre ou les personnages. C’est aussi un
élément en lien avec le personnage qui peut avoir un rôle par rapport à lui. Il se peut enfin qu’il ait un rôle
déterminant dans l’action.
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