Histoire contemporaine de France. La France du 19ème siècle

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Histoire contemporaine de France.
La France du 19ème siècle.
Introduction :
- octobre 1813 : le 1er empire est la veille de s’effondrer pour des raisons militaires sous les
coups de la coalition européenne que Napoléon 1er a réussi à dresser contre la France. Cette
coalition européenne comprend l’Autriche, la Prusse, l’Angleterre et la Russie.
L’empereur sent que sa fin politique est proche. Il déclare en octobre 1813 : « après moi la
révolution ou plutôt les idées qui l’ont faite reprendront leur cours, ce sera comme un livre
dont on ôtera le signet en recommençant la lecture à la page où on l’avait laissée. »
Cet aveu sonne comme un constat d’échec : en 1799, quand il avait prit le pouvoir, Bonaparte
avait déclaré aux français : « la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencé, elle
est finie. »
En 1813, il se rend compte qu’il n’a pas tenu sa promesse, que son régime ne s’est pas
profondément implanté, et que le calme politique que la France a connu pendant 15 ans est le
résultat de l’autoritarisme : la poigne de fer. Ce calme n’est qu’illusion.
La prophétie s’est révélée exacte, puisqu’entre 1814 et 1875, la France a été le théâtre de
révolutions, d’insurrections et de troubles répétés.
- en 1830 : révolutions.
- février et juin 1848 : révolutions.
- en 1851 : coup d’Etat sanglant.
- mars 1871 : nouvelle révolution : la Commune de Paris.
- la France du 19ème siècle : pays incapable de trouver une stabilité politique. La France
expérimente deux monarchies constitutionnelles : la Restauration de 1814 à 1830. Et la
monarchie de juillet de 1830 à 1848. Le pays enchaîne sur la 2ème république (de 1848 à 1851).
Puis c’est le deuxième empire (de 1852 à 1870). Ensuite entre 1870 et 1875, la France hésite
entre une Monarchie ou une république. Finalement c’est la troisième république qui
l’emporte en 1875 (république parfaitement républicaine en 1879 alors que les républicains
gagnent les élections.) C’est seulement après la troisième république que la France trouve une
relative stabilité institutionnelle.
Le cycle constitutionnel de 1814 à 1870 rappelle celui qu’on a connu entre 1789 et 1804 :
monarchie constitutionnelle, puis république, puis empire. On peut considérer que la France
refait sa grande révolution, elle met plus longtemps, et c’est moins violent.
Cette instabilité politique est un lien direct avec la révolution de 1789 et l’Empire.
De 1789 à 1804, sont les années qui lèguent un héritage très riche, complexe et parfois
contradictoire. Cet héritage fascine les français du 19ème siècle. « Tyrannie des souvenirs
révolutionnaires » qui s’applique sur le responsable politique comme sur le citoyen. De
nombreux écrits apparaissent, écrits politiques, historiques consacrés à la Révolution. Et les
auteurs sont les grands noms de la classe politique du 19èmes siècle : GUIZOT. THIERS.
TOCQUEVILLE. LAMARTINE. BLANC. Les souvenirs révolutionnaires sont omniprésents.
L’héritage révolutionnaire va diviser les Français. Cet héritage dresse une carte politique de la
France : il existe un clivage majeur entre ceux qui rejettent la révolution et ceux qui
l’admettent.
Ceux qui rejettent la révolution : ce sont les nostalgiques de l’Ancien régime, des
monarchiques restés fidèles aux Bourbons. On les appelle les ULTRAS, ou légitimiste. Ils
sont progressivement minoritaires.
Ceux qui acceptent la révolution : cette catégorie n’est pas homogène. Elle est divisée en deux
courants qui se rattachent chacun à une des périodes de la révolution. Il y a les admirateurs de
1789 attachés au libéralisme (les libéraux). Et qui ne seraient pas contre une monarchie à
condition qu’elle soit modérée, limitée et qu’elle garantisse l’égalité de tous devant la loi.
Mais ils ne veulent pas de démocratie, ils pensent que ce serait trop précipité.
A côté des libéraux, il y a les nostalgiques de 1792, c'est-à-dire des années républicaines et du
projet politique que cette période a pu porter à travers la constitution du 24 juin 1793
(constitution de l’an 1). Rappelons que cette constitution ne fut jamais appliquée, mais qu’elle
était l’idée d’une parfaite démocratie politique, voir même une démocratie sociale.
En gros, à l’intérieur même de la catégorie de personnes qui acceptent la révolution, il y en a
qui serait pour une démocratie absolue, et d’autres pour une monarchie limitée.
Il y a aussi les nostalgiques de la période napoléonienne. Nostalgiques de l’idée de grandeur
de la France.
Ainsi, on voit bien que l’accord est impossible à trouver, entre les partisans de l’ancien régime
et les partisans de la révolution. Toute inclinaison trop forte vers l’ancien régime amènerait
une révolution.
A partir de 1830, il faut trouver une entente entre les héritiers de la révolution. Ça prendra 45
ans pour avoir une république modérée et conservatrice.
Pour les libéraux, la république évoque un cauchemar : tribunaux révolutionnaires,
guillotines… pourtant ils vont progressivement se convertir à la démocratie. Ils considèrent
que cette dernière ne peut être qu’un passage.
Ils ne refont pas la révolution à l’identique, le contexte économique et social a changé, il est
en pleine transformation. En 1789, la France est principalement paysanne. En 1840, la France
connaît son véritable et durable décollage économique. Industrialisation du pays en 1840.
L’entrée de la France dans l’âge industriel s’accompagne de la naissance d’une classe
ouvrière qui va poser de nouveaux défis sociaux et politiques, complètement neufs.
Conséquences politiques de la classe ouvrière : cette classe ouvrière alimente une peur sociale
dans le camp des possédants. C’est la peur sociale qui faire naitre le second empire.
Chapitre 1 : la restauration : 1814-1830.
Ou l’impossible synthèse de l’ancien régime et de la révolution.
La défaite de Napoléon 1er en mars 1814 et son abdication le 6 avril vont ramener les
Bourbons en France après 25 ans d’exil.
La monarchie qui semblait avoir été bannie du pays (après l’exécution de louis 16), la royauté
est en train d’effectuer son grand retour. Le problème majeur pour tout le monde (français,
bourbons, puissances étrangères) est de savoir quel type de monarchie doit être restaurée.
Cette France de 1814 aspire à la paix mais la majorité des habitants sont attachés à quelques
points emblématiques révolutionnaires et surtout à l’égalité.
Les bourbons qui reviennent en France ne peuvent pas nier cette évidence. S’ils veulent
vraiment réimplanter la monarchie en France, ils devront composer avec la société française
née de la révolution et de l’empire.
En 1814, un homme va être chargé de relever le défi, bien qu’il n’est à priori pas le mieux
armé : cet homme c’est le frère cadet de louis 16 : le Comte de Provence dont le nom de règne
est louis 18.
En 1814, louis 18 est déjà âgé, malade, impotent, et impuissant, ainsi il ne pourra pas avoir
d’enfant. A son décès c’est futur Charles 10 qui hérite de la couronne.
Pendant 25 ans, louis 18 a été le chef de la contre révolution.
En juin 1795, la mort du dauphin est connue. Le comte de Provence se proclame louis 18 et
fait connaître son projet politique : « la déclaration de Verone. ».
Ce projet est contre révolutionnaire, il comprend : la restauration monarchique, la
condamnation des régicides (honneur à louis 16, son frère, bien qu’ils ne s’aimaient pas.)
Louis 18 est un pur produit de l’ancien régime qui a pour mission d’enraciner la monarchie en
France, en acceptant l’héritage révolutionnaire sur certains points. C’est une tâche difficile.
Louis 18 réagit intelligemment, ses 10années de règne sont marquées par la modération d’un
monarque qui a compris qu’il ne fallait pas être le roi de deux peuples.
En 1824, c’est son frère cadet qui lui succède : le comte d’Artois dont le nom de règne est
Charles 10.
Charles 10 est un roi partisan, il n’est pas modérateur. Il s’incline nettement vers la
restauration de l’ancien régime. Il déclenchera contre lui une nouvelle révolution en juillet
1830 : la révolution des trois glorieuses des 27, 28, 29 juillet 1830. Cette révolution marque la
fin de la restauration, et plus largement la fin de la monarchie dynastique et légitime.
Section 1 : le règne de louis 18.
1814-1824 : la recherche d’un compromis.
Ce règne voit la mise en place des institutions politiques qui durent jusqu’en 1830 et même un
peu au-delà, car la charte de 1830 n’est jamais que celle de 1814 modifiée.
Ce règne commence en mai 1814. Il n’est pas exempt de vices. Série d’erreurs politiques qui
vont entrainer la nostalgie de la révolution et de l’empire.
Napoléon 1er le comprend très bien, il s’évade de l’ile d’Elbe et fait son retour en France en
mars 1815. Napoléon oblige louis 18 à reprendre le chemin de l’exil pour 3 mois, période des
cent jours (de mars 1815 à juin 1815).
En juin 1815 commence la seconde restauration, et louis 18 montre qu’il a tiré les leçons de
ses erreurs, il va orienter le régime vers davantage de libertés publiques, et cherche à
gouverner avec modération.
Sous section 1 : la 1ère restauration.
Mars 1814 à mars 1815.
En mai 1814 : le retour des Bourbons n’avait rien d’une évidence, il n’était pas souhaité à
l’unanimité, ni par les français, ni par les puissances étrangères.
Louis 18 le sait et il est conscient de la fragilité de sa situation politique. Il doit alors donner
des gages de bonne volonté aux français et aux puissances européennes. Le seul souhait de la
coalition européenne : la France doit se tenir tranquille.
Pour rassurer les uns et les autres, louis 18 promulgue les lois de juin 1814, un nouveau texte
constitutionnel : la charte de 1814. Ce texte restaure une monarchie non absolue et qui tolère
des concessions fondamentales à l’esprit de la révolution.
§1 : les conditions politiques du retour des Bourbons :
Comment le retour des bourbons s’est il effectué ?
Le 31 mars 1814 marque la fin de la campagne de France : défaite de Napoléon, les troupes
étrangères entrent dans Paris.
Le 6 avril 1814, Napoléon 1er abdique en faveur de son fils, le roi de Rome, à Fontainebleau.
Le 6 avril 1814, le Sénat (institution chérie de Napoléon 1er) prononce la déchéance de
l’empereur et fait explicitement appel aux bourbons. Ce sont les institutions françaises qui
réclament le retour des bourbons.
Pourquoi le Sénat a cette attitude ?
On n’ignore pas que l’opinion publique est lassée de l’Empire, et ce en raison des guerres, et
du fait que l’Empire est devenu synonyme de pressions fiscales. De plus l’empire est une
circonscription militaire très lourde. Et les libertés publiques disparaissent avec Fouché.
La Bourgeoisie en particulier, a vu avec une certaine satisfaction la victoire de la paix.
La Noblesse impériale veut conserver ses titres, avantages et biens dont elle est pourvue. Elle
préfère alors la restauration des Bourbons à un nouvel épisode révolutionnaire.
L’élite pense que les Bourbons c’est encore la moins pire des solutions. Donc c’est un accord
fragile, on n’est pas enthousiaste, mais faute de mieux.
Du coté de la coalition européenne, les puissances étrangères sont partagées :
L’Autriche aurait aimé une régence confiée à l’impératrice.
Les trois autres ne sont pas d’accord.
Le Tsar est peu convaincu par les Bourbons, il les trouve obtus.
Les anglais sont plus partisans pour les bourbons, mais ne veulent pas se mouiller pour les
rétablir.
La coalition n’est pas arrêtée sur une décision, donc c’est le vœu du peuple français qui va
l’emporter. Maurice de Talleyrand, ministre des affaires étrangères, le sait. Talleyrand avait
pris contact avec les monarchistes français en mars.
Le 1er avril, il avait mis sur pieds un gouvernement provisoire composé de ses amis et d’un
royaliste : l’abbé de Montesquiu. Talleyrand se pose en interlocuteur de la coalition, il
comprend qu’elle n’a pas d’idée arrêtée, ainsi il joue avec le Sénat pour préparer une
constitution d’esprit libéral dont les dispositions seraient imposées au nouveau roi.
Le 6 avril 1814, le Sénat vote à l’unanimité cette constitution.
Le sénat appelle Louis Stanislas Xavier, comte de Provence (c'est-à-dire futur louis 18), à
monter sur le trône à condition qu’il accepte préalablement ce contrat passé avec la nation que
représente la constitution sénatoriale. La tentative du sénat n’aboutit pas. Louis 18 dit qu’il a
déjà tous les droits du monarque. Louis 18 s’arrête à saint Ouen et prononce la déclaration du
2 mai 1814, dans laquelle il se dit prêt à faire des concessions à la condition qu’elles viennent
de lui et qu’elles soient faite par lui. Il assurait les français qu’il doterait la France d’un
régime représentatif.
Le roi (louis 18) a tenu parole comme en témoigne la nouvelle constitution donnée aux
Français le 4 juin 1814.
§2 : la charte du 4 juin 1814.
Ce texte a été élaboré en à peine un mois, puisqu’il devait entrer en application avant que les
différents souverains de la coalition quitte paris. Leur départ était prévu pour le 5 juin.
Ce texte constitutionnel prend délibérément le nom de charte. Et le choix de ce vocable n’est
pas innocent.
« Charte » : évoque les droits et libertés que les seigneurs du moyen âge avaient pu concéder
aux habitants des villes du 13ème siècle.
Louis 18 préfère le mot charte à celui de constitution. Car le mot constitution renvoie au
vocable révolutionnaire. Le mot charte permet de s’inscrire dans une tradition antérieure à la
révolution. Une tradition propre à la monarchie. Monarchie qui a su d’elle-même limiter ses
droits et pouvoirs.
La charte de 1814 est octroyée, c'est-à-dire donnée par le roi, de son propre mouvement, de sa
seule volonté. Ce n’est pas un contrat avec la nation.
En dépit des apparences, ce texte est un compromis.
Il s’organise en 3 volets : un préambule, un titre 1er : « le droit public des français »
(acceptation pure et simple de l’héritage révolutionnaire en matière de droits individuels), le
texte constitutionnel proprement dit.
A) le préambule de la charte :
Il est destiné aux monarchistes et à leur faire comprendre et admettre les concessions que le
roi s’apprête à faire.
C’est un texte très long, bourré de références historiques plus ou moins fantaisistes qui
s’efforce d’instaurer une fiction : celle de la continuité de la monarchie.
Tout est présenté comme si la révolution n’avait jamais existée.
Louis 18 règne déjà depuis 19 ans, il vient d’être rappelé après une longue absence. « La
divine providence » rappelle que « la monarchie n’a jamais cessée d’exister », mais alors
pourquoi faut-il faire des concessions ? Louis 18 doit justifier les concessions, et ce n’est pas
une tâche évidente. Il trouve une solution dans la réinvention de l’ancien régime. Il justifie les
concessions en s’appuyant sur une tradition monarchique imaginaire, inventée pour les
besoins.
On remonte alors à la monarchie carolingienne et capétienne. Louis 18 retrouve des cas dans
lesquels les rois ont parfaitement toléré face à eux des assemblées représentatives de la nation.
Tout pouvoir émane du roi, seul le roi a la faculté de limiter son pouvoir. Puisque l’histoire
offre des précédents, louis 18 estime qu’il ne rompt pas avec la tradition monarchique, il la
perpétue, la renouvelle. Véritable gymnastique intellectuelle. Imaginaire poussé à l’extrême.
B) titre 1 : la droit public des français, ou l’acceptation de l’héritage révolutionnaire.
Louis 18 sait que si les Français peuvent tolérer une monarchie, ils ne supporteront pas une
négation trop radicale des droits individuels proclamés en 1789.
Le titre 1 n’est ni plus ni moins qu’une déclaration des droits de l’homme qui n’ose pas dire
son nom.
Articles 1, 2, et 3 : égalité civile devant la loi. Cette égalité englobe l’égalité devant les
emplois publics. Autrement dit pas de rétablissement des privilèges.
Les noblesses de l’ancien régime et de l’empire continuent à exister mais ce ne sont que des
honneurs dont on précise qu’il n’implique aucune exemption de charges et devoirs vis-à-vis
de la société. On ne rétablit pas les privilèges fiscaux. On rappelle les droits de sureté (art 4),
la non rétroactivité de la loi pénale, et le principe de la légalité des peines. La liberté
religieuse est reconnue, mais l’article 6 dit que le catholicisme est la religion de l’Etat.
Article 8 : liberté d’opinion : avec un correctif très prudent, cette liberté est subordonnée aux
lois qui doivent réprimer les abus.
Article 9 : toutes les propriétés sans exceptions, la vente des biens du clergé, les ventes des
biens de la noblesse émigrée, sont confirmées.
Article 11 : recommande l’oubli de tous les votes émis jusqu’à la révolution. En particulier, le
vote de janvier 1793 qui a condamné louis 16 à mort. Louis 18 renonce à exercer des
représailles à l’égard des anciens conventionnels régicides.
C) le texte constitutionnel : entre influence anglaise et gouvernement des notables.
La charte de 1814 instaure des institutions représentatives inspirées du modèle anglais que
louis 18 a eu le loisir d’observer et d’admirer lors de son exil.
Un roi, deux chambres (la chambre des députés, et la chambre des pairs). Pour la première
fois, le parlement est véritablement bicaméral.
Dans ce régime représentatif, le roi détient l’ensemble des pouvoirs. Seuls les notables
peuvent être représentants, c'est-à-dire les grands propriétaires fonciers et la grande
bourgeoisie.
1) l’exécutif royal et ses ministres :
La charte ne dit pas un mot sur la légitimité du roi, ce qui confirme que la souveraineté n’est
pas nationale. C’est un retour à la souveraineté monarchique.
En revanche, la charte organise les pouvoirs du roi d’une manière très claire, et en ce sens, il
n’y a pas de retour à l’ancien régime.
Le roi de la charte de 1814 n’est pas effacé. Il est le chef suprême de l’Etat. La puissance de
l’exécutif lui appartient à lui seul.
Il est le chef des armées. Il déclare la guerre, ratifie les traités, il nomme aux emplois
militaires et dispose du pouvoir réglementaire. Il peut aussi légiférer par voie d’ordonnance
quand la sureté de l’Etat lui parait menacée. Il détient un droit de dissolution de la chambre
basse et participe activement à la fonction législative. Il a l’initiative des lois. Les chambres
ont seulement le droit de supplier le roi. Il promulgue les lois.
Le roi est assisté par des ministres qu’il nomme en toute liberté. Ils sont responsables
pénalement, mais pas politiquement (les chambres ne peuvent pas les renverser).
En 1815, un pas vers le régime parlementaire va être accompli. L’ordonnance du 9 juillet1815
mentionne l’existence du cabinet ministériel. C’est un organe distinct de la personne du
monarque et qui peut tenir des réunions sous la direction d’un chef qui prend le nom de
président du conseil.
2) le législatif, ou l’influence anglaise et ses limites.
La ressemblance avec le Parlement anglais est évidente. Le législatif français est divisé en
deux chambres : une chambre haute nommée la chambre des pairs, une chambre basse d’élus
nommés la chambre des députés et les départements.
Le Parlement français de 1814 n'est pas vraiment en mesure de limiter la prérogative royale.
Les pairs sont nommés par le roi en nombre illimité, soit à titre héréditaire, soit à titre viagère.
Cela présente de nombreux avantages pour le roi, cette nomination permet au roi de faire
comme pair de France, d’anciens monarchistes, d'anciens partisans. La nomination en nombre
illimité permet de contrôler la majorité de la chambre haute.
La chambre des députés et des départements est ne chambre peu bavarde. Les députés sont
élus pour cinq ans. Ils sont renouvelés par cinquième tous les ans. Mais aucun mot sur le
mode de scrutin dans la charte, elle renvoie à une voie ordinaire, ceci présente un avantage car
on peut modifier librement le mode de scrutin. Cette chambre élue est la concession de Louis
18 à la révolution. La révolution a exalté le principe représentatif.
La loi électorale est fixée durablement en 1817 avec la loi LAINE.
La chambre des députés comprend 258 députés élus au suffrage censitaire :
- pour être électeur : 500 F d'impôt, âge minimum 30 ans.
- pour être éligible : 1000 F d'impôt, âge minimum de 40 ans.
En 1817, le corps électoral n’est composé que de 100 000 personnes. Et le nombre d'éligibles
s'élève à 15 000 seulement. C'est peu quand on considère que la France compte 30 millions
d'habitants.
Le corps censitaire : « le pays légal » est très éloigné du pays réel. De plus, compte tenu de la
place que prenait la contribution financière dans la fiscalité directe, ça avantageait les grands
propriétaires fonciers : on est en présence d'un électorat conservateur.
Ces deux chambres ont des attributions restreintes, elles n'ont pas de véritable autonomie,
elles sont convoquées par le roi, ajournée par le roi, elles ne peuvent pas se réunir de plein
droit.
Attribution des chambres : elles n'ont pas vraiment initiative législative, elles n'ont pas de
véritable pouvoir amendement (pour être retenu, un amendement doit avoir été accepté par le
roi).
La chambre des députés a la faculté de prendre des adresses : ce sont des discours de la
chambre en réponse au discours du trône par lequel le roi ouvrait la session parlementaire.
L'adresse est une pratique de l'ancien régime. Les grands corps de l'État pouvaient s'adresser
directement au roi. À partir de 1821, les députés utilisent l'adresse pour critiquer l'action
gouvernementale.
Le principal pouvoir des chambres : c'est le vote du budget (article 47 de la charte) : volonté
de rupture avec l'ancien régime. Cette revendication est satisfaite dans la charte : la chambre
des députés au reçoit les propositions d'impôt et ce n'est qu'une fois que la chambre basse a
voté les impôts que les propositions peuvent être appliqués par les pairs.
L'article 48 précise que le budget d'être consenti par les deux chambres.
La loi du 25 mars 1817 instaure le grand principe de spécialité budgétaire : ce principe permet
de détailler le budget par ministère et d'instaurer une certaine transparence. C'est un principe
neuf puisqu'avant le budget était voté en bloc. Ce principe permet de discuter les orientations
du gouvernement (on voit ce que fait le gouvernement). Ce budget est un moyen de contrôle
du gouvernement. Les deux chambres possédaient un moyen de pression : elle pouvait refuser
l'adoption du budget, autrement dit paralyser l'action gouvernementale.
Le système institutionnel de 1814 renvoie à régime parlementaire encore très embryonnaire. Il
y a des éléments du régime : séparation souple du pouvoir (cependant très déséquilibrée au
profit du roi qui a l'initiative des lois et le droit de dissolution). En revanche, il manque
beaucoup de choses, il faudrait l'équilibre dans l'initiative législative et que le gouvernement
soit responsable devant la chambre basse (en contrepartie du droit de dissolution).
La pratique institutionnelle devait s’orienter vers une lecture parlementaire des institutions.
En 1814, il faut mettre en place les pouvoirs crées par la charte. Le roi a décidé de ne pas
procéder immédiatement aux élections législatives, c'est le corps législatif impérial qui a tenu
lieu de chambre des députés. Les élections législatives auraient dû avoir lieu en 1815, mais le
plan de Louis 18 a été contrarié par le retour inopiné de Napoléon 1er.
§3 : des maladresses des débuts de règne à l'épopée des 100 jours.
Louis 18 a évité une erreur politique majeure : céder à la tentation de rester sous l'ancien
régime, mais il va accumuler des erreurs politiques mineures, qui très vite ont fait craindre le
pire à la masse des Français attachés à la révolution. Cette inquiétude qu'il a semée, un
homme va tenter d'en profiter, il s'agit bien sûr de Napoléon premier.
A) la nostalgie de l'ancien régime :
La première mesure alarmante pour les Français attachés à la révolution date du 13 septembre
1814 : la chambre des députés vote la restitution, aux anciens propriétaires, de tous les biens
nationaux qui n'ont pas été vendus. Le ministre laisse entendre que malgré les promesses de la
charte, on pourrait décider l'annulation des ventes opérées par la révolution. Dans les premiers
mois de règne, la famille royale multiplie les cérémonies à la mémoire de ses malheurs du
passé, en mémoire de Louis XVI, ces cérémonies ont un caractère expiatoire. La famille des
Bourbons est présentée comme victime d'une mauvaise révolution que la France veut expier à
grands renforts de procession. Le régime rend à l’Eglise son statut : alliance du trône et de
l’autel. La famille royale demande à la France d'expier la révolution, signe de la nostalgie de
l'ancien régime. Ces cérémonies vont exacerber les souvenirs de la révolution, et de la
grandeur napoléonienne. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que Napoléon ait reçu un
accueil assez chaleureux en mars 1815 quand il a débarqué à nouveau en France.
B) l'épisode des 100 jours :
Depuis son abdication, Napoléon avait été conduit sur l’ile d’Elbe où il n'était pas très bien
surveillé. Il tente de reprendre le pouvoir le 1 mars 1815, il débarque en Provence avec une
petite troupe de fidèles. Dans le Midi, l'accueil est froid (le Midi est une ancienne terre royale),
mais plus il progresse au le nord, mieux il est accueilli par les populations. Le 20 mars, il
arrive à Paris. Le 19, Louis XVIII avait refait ses bagages et était parti en Belgique où il
s'exile. Napoléon a parfaitement compris qu'il fallait, pour retrouver son pouvoir, utiliser la
persuasion. Il se dit prêt à s'engager dans une voie libérale. Il s'engage à dôter la France d’un
régime représentatif : « acte additionnel aux constitutions de l'empire ». Cette nouvelle
constitution est rédigée par Benjamin constant (on l’appelle la constitution benjamine). La
nouvelle constitution est soumise à référendum. On doit procéder à des élections législatives.
La participation électorale est faible, les Français s’abstiennent aux deux élections.
De mars 1815 à juin 1815, le climat est irréel. Les Français ne croient pas au fait que Louis
XVIII est encore en exile, on sait que ce n'est qu'un passage. Les puissances étrangères sont
décidées à ce que cet épisode se termine rapidement. Elles ne croient pas dans les déclarations
pacifistes que Napoléon multiplie. Le 18 juin 1815 : bataille de Waterloo, la période des 100
jours est finie. Les Anglais gardent Napoléon captif à Sainte-Hélène.
Bilan des 100 jours : le bilan est lourd pour la France, car les alliés après Waterloo ne veulent
plus ménager la susceptibilité française. En 1815, un sort sévère est réservé à la France, elle
perd tout le bénéfice territorial des conquêtes révolutionnaires et impériales, ses frontières
sont ramenées à 1789. Le pays a subi une occupation partielle qui dure jusqu'en 1818, la
France doit entretenir l’armée d'occupation et elle doit payer une indemnité de guerre d'un
montant de 700 millions payables en cinq ans.
Problèmes de politique intérieure : est-ce que l'on remet Louis XVIII sur le trône une
deuxième fois ? La Russie est clairement hostile, et préconise une solution : avoir recours à la
branche cadette des Bourbons : la famille d'Orléans qui lui paraît beaucoup plus apte à
gouverner la France post-révolutionnaire. L’Angleterre est fermement décidée à remettre
Louis XVIII sur le trône. En France, deux hommes travaillent au retour de Louis XVIII :
Talleyrand et Fouché, c'est un tandem improbable. Louis 18 fini par rentrer à Paris le 15
juillet 1815, et il doit accepter sur les ordres de la coalition, de former un gouvernement la tête
duquel on trouve le tandem Talleyrand Fouché (c’est le vice appuyé sur le bras du crime). La
seconde restauration commence.
Sous section 2 : la seconde restauration de Louis 18 : 1815 à 1824.
Cette seconde restauration débute dans des conditions beaucoup plus difficiles que la
première. En 1815, Louis XVIII est clairement un roi imposé par l'étranger aux yeux de
l'opinion. À l'intérieur même du pays, la situation politique est délicate. Le roi est confronté
successivement une droite royaliste plus radicale que lui-même (les ultra) et une gauche
héritière de la révolution qui est en train de renaître de ses centres. Pris entre ces deux feux, le
régime des Louis XVIII oscille entre libéralisme (1815 à 1820) et réactions (1820 à 1824).
§1 : la phase libérale : 1815 à 1820.
La première mesure prise par le gouvernement Talleyrand Fouché a été la dissolution de la
chambre élue pendant les 100 jours, et l’élection d’une nouvelle chambre des députés. Cette
chambre des députés élue en août 1815 est composée à 90 % de royaliste convaincu : les ultra.
Louis 18 a qualifié cette chambre d’introuvable, elle était incroyable, inespérée. Cette
chambre va lui posé beaucoup de problèmes. Pour lui, elle a un seul avantage : se débarrasser
de Talleyrand et Fouché. En remplacement, il nomme un royaliste modérée : le duc de
Richelieu jusqu'en décembre 1818 à la tête du gouvernement. Ça n'empêche pas le roi et
Richelieu d'être constamment soumis à la surenchère des ultra.
Les députés exigent que l'on donne une base légale à la vague de terreur blanche qui a déferlé
dans plusieurs régions, en particulier dans le Midi. La terreur blanche : vague de règlements
de comptes avec assassinat perpétrés par des royalistes sur les personnes susceptibles d'être
fidèle à Napoléon. Ces revendications ont été satisfaites partiellement. Louis 18 fait des
concessions aux ultras (suppression de divorce). Louis 18 s’inquiète des excès des ultra, il
prend une décision capitale en septembre 1816 : la dissolution de la chambre introuvable dans
l’espoir que les électeurs désigneront le chambre plus conforme à ses vœux : une chambre
royaliste modérée.
Le roi obtient satisfaction. En octobre 1816, il obtient une chambre constituée de royaliste
modérés : les constitutionnels. En décembre 1818, il remplace Richelieu par Descazes (en
réalité bonapartiste, mais Louis 18 n’en à rien à faire). La chambre élue en 1816 adopte
certains nombre de texte : la loi « Lainé » et diverses lois d'esprit libéral. La loi militaire du 12
mars 1818 de « Gouvion saint Cyr » : cette loi organise la carrière dans l'armée et fixe le
principe que l'entrée dans la carrière militaire repose sur le mérite individuel (la méritocratie
est l'essence même de la révolution). Les ultra hurlent, car pour eux la carrière militaire est de
naissance noble. En 1819 deux autres textes : loi de « Serre », loi sur la presse. Dans le sens
une liberté de la presse, retrouvée pleinement puisque les journaux devaient simplement
déposer une déclaration indiquant le nom du propriétaire et verser en cautionnement. Pas de
censure, pas besoin d'autorisation préalable. Cette loi définissait de façon très stricte les
notions de crimes et délits de presse. Les journalistes comparaissent devant la cour d’assise
composée d'un jury. Cette période libérale prend fin en 1820 pour deux raisons :
-les résultats électoraux : il y a des élections chaque année, ce renouvellement partiel de la
chambre montre qu'en dépit du suffrage censitaire, la gauche libérale regagne du terrain
chaque année. Le roi et le gouvernement trouve ça inquiétant.
- le 13 février 1820, un ouvrier (Louvel) assassine à la sortie de l'opéra, le Duc de Béry (neveu
de Louis XVIII et dernier espoir de continuité monarchique en France). Mais la duchesse de
Berry était enceinte, d’Henri comte de Chambord, duc de Bordeaux (prétendant à la couronne
de 1810). Le geste de Louvel ne sert à rien. Ça ramène les ultras au pouvoir.
§2 : le raidissement des années 1820 à 1824.
Les quatre dernières années du règne de Louis 18 sont marquées par des initiatives à l'esprit
nettement révolutionnaire. Louis 18 doit envoyer Decases et rappelle le duc de Richelieu
(février 1820). Richelieu apparaît très vite comme trop modéré. Louis XVIII le renvoi en
décembre 1821 et le remplace par un personnage beaucoup plus proches des ultras : le compte
de Villèle (7 ans de pouvoir, jusqu'en 1828, il est un lien entre le règne de Louis XVIII et de
Charles X.)
A) des mesures qui attestent du coup de barre à droite :
Réforme de la loi électorale le 12 juillet 1820 : loi du double vote : cette loi fait passer le
nombre de députés de 258 à 430. Les 258 premiers députés continuaient à être élus dans les
conditions censitaires fixées par la loi Lainé. Les 172 députés supplémentaires devaient être
élus par le quart des électeurs les plus imposés du département. Ces électeurs devaient former
un collège et voter une seconde fois. But du texte : renforcer le pouvoir électoral des grands
propriétaires terriens et l'élection de 1820 montre que l'objectif a été atteint : sur 430 députés,
il n'y a pas que 80 libéraux. La réaction doit ensuite toucher la presse. La censure est rétablie
en 1820 et en 1822 un nouveau texte de loi sur la presse vient restaurer l'autorisation
gouvernementale préalable. Et qui enlève la précision en matière de délits de presse. On voit
qu'après plusieurs procès, un journal peut être interdit. Villèle veut consolider la chambre en
prenant des mesures :
- le mandat des députés est porté de cinq à sept ans
- suppression des renouvellements partiels et instauration d'un renouvellement intégral tous
les sept ans.
Première étape : 24 décembre 1823, le roi prononce la dissolution de la chambre. On voit
l'élection générale en 1824 : triomphe pour la droite ultra royaliste. Il n'y a pas que 19 libéraux
sur 430 députés. Louis XVIII qualifie cette chambre de retrouvée, et elle a voté sans difficulté
les mesures voulues pas Villèles. La majorité venait de s'assurer de sept ans de tranquillité. Le
16 septembre 1824 : Louis XVIII meurt et laisse sur le trône son frère Charles X : un roi ultra
monte sur le trône, avec une chambre et un gouvernement ultra. La réaction pouvait vraiment
commencer.
Section 2 : le règne de Charles 10 : 1824 à 1830.
Louis XVIII avait eu l'intelligence de ne pas être le roi de deux peuples. Et par sa pratique des
institutions, il avait donné une impulsion nettement parlementaire au régime. À chaque conflit
entre la chambre et le gouvernement, il avait tranché soit avec droit de dissolution, soit en
s’inclinant devant la volonté de la chambre, c'est-à-dire en renvoyant le gouvernement lorsque
le gouvernement n'avait pas la confiance des députés. Ces deux attitudes politiques
institutionnelles vont disparaître avec la mort de Louis XVIII. Son frère n'a pas les mêmes
intentions. Charles X serait-il idiot ou désespéré ?, Charles X s’affiche comme un monarque
absolutiste et dévot (proches de l’Eglise). En réalité, Charles X est le chef des ultras, il n'aura
jamais l’attitude d'un chef d'État. Il est un chef partisan et mène une politique ostensiblement
réactionnaire. Laquelle aura pour effet de ressouder contre lui la France héritière de la
révolution. La flambée révolutionnaire repart de plus belle à l'été 1830. En juillet 1830, le roi
décide de s'affranchir totalement des contraintes que lui imposait la charte. Le roi était sorti de
la charte. Le peuple sortait dans la rue et renversait définitivement la monarchie légitime.
§1 : la politique réactionnaire de Charles X :
« Pas de concession », c'est ce qui a perdu Louis 16.
Politique de restauration : pas de gouvernement l'anglaise : « je n'ai rien appris, mais je n'ai
rien appris ». On voit trois gouvernements successifs :
- le gouvernement Villèle jusqu'en 1828
- le gouvernement Martignac de juillet 28 à août 1829
- le gouvernement Polignac de août 1829 à juillet 1830.
Cette politique a une conséquence majeure : la renaissance du parti libéral et son triomphe
électoral à partir de 1820 dans les institutions, les deux Frances sont face-à-face. Le bras de
fer pouvait comment.
A) la fin du ministère Villèles : 1824 à 1828.
Multiples lois, projet de loi qui témoignent du désir de Charles X de restaurer une société de
type de l'ancien régime (société privilégiant l'aristocratie traditionnelle et le clergé) c'est
pourquoi on verra deux types de lois : des lois aristocratiques et des lois cléricales.
Lois aristocratiques : loi d’avril 1825 « du milliard des immigrés », cette loi cherche à
indemniser les immigrés dont les biens avait été confisquée pendant la révolution. Cette
mesure est combattue par les libéraux (on estime que l'on fait payer au pays d'avoir fait la
révolution) et aussi combattue par les ultras (qui sont plus radicaux, ils veulent la restitution.)
Le gouvernement opte pour cette loi modérée.
Autres lois aristocratiques : projet de loi sur le droit des ainesses. Cette loi est restée à l’état de
projet car elle était rejetée par les pairs bien qu'adopté par les députés.
Le droit de l’ainesse : privilège noble qui permet d’avantager l’ainé des garçons. Ce privilège
avait été aboli par la révolution avec le principe de l'égalité des successibles. Charles X veut
restaurer le droit d’ainesse pour établir les grandes familles et les grandes fortunes. La
chambre des députés rejette, composé de nombreux anciens hauts fonctionnaires de l'empire
qui sont des défenseurs acharnés de l’égalité.
Les lois cléricales : Charles X était clairement déterminé à augmenter le rôle de l’Eglise dans
l’Etat. Il se fait sacrer le 29 mai 1825 à Reims, en renouant avec la cérémonie du sacre
classique : ça a bien fait rire les français, Béranger : « le sacre de Charles le simple ».
L'opinion rigole mais en même temps c’est inquiétant. La bourgeoisie n’aime pas trop ce qui
est trop religieux, l'inquiétude grandit avec des textes de 1825 :
- le sacrilège les églises : c'est un texte qui punissait de mort, le vol des vases sacrés contenant
les hosties. On punissait de la peine du parricide la profanation des hosties. C'était une
réaction à retardement motivée par la déchristianisation. (1793).
- Loi sur les congrégations de femmes : qui autorise le roi par simple ordonnance à créer et à
reconnaître les congrégations religieuses de femmes.
Parallèlement aux dispositions législatives, le gouvernement, par biais administratifs replace
l’enseignement primaire et supérieur sous contrôle de l'église. (Ministre des cultes attachés à
instruction publique). L'État soutient ostensiblement l'église dans des campagnes de mission.
Rechristianiser la France et faire expier la révolution. Les campagnes de mission, ça énerve la
population qui le fera savoir avec l'élection de 1827.
B) la progression électorale du parti libéral :
En 1826, Villèle est sans cesse au but de l'opposition libérale et à la surenchère des ultras
jamais satisfaits. Il a tenté de faire taire les libéraux en proposant une nouvelle loi sur la
presse, encore plus sévère qu'en 1822. Loi de haine et de vengeance (en contradiction avec la
loi de justice et d'amour) adoptée par les députés, rejetée par les pairs. Paris illumine. Paris est
explosif. Puis, le 6 novembre 1827, il fait nommer 76 nouveaux pairs par le roi. Il suggère au
roi de dissoudre la chambre des députés. Les élections ont lieu en novembre 1827. En dépit de
la loi du double vote, les libéraux obtiennent 180 sièges, les royalistes modérées 180 sièges
aussi, et les ultras seulement 70. Les ultras sont désormais minoritaires. Mais il démissionne
en janvier 1828, et il est remplacé par Martignac (royaliste modéré) pour qui la situation est
intenable. Il quitte le gouvernement en août 1829. Charles X révèle ses intentions véritables, il
appelle en remplacement de Martignac, un ultra : le prince Jules de Polignac.
§2 : le ministère Polignac, ou le suicide de la monarchie légitime.
Le prince Polignac est une incarnation de la contre-révolution. Il est le fils d’une favorite de
Marie-Antoinette, il est un ancien immigré et il a comploté contre Napoléon Ier.
La Bourdonnaye : ministre de l'intérieur : jacobin blanc parce qu'il faisait partie parmi ceux
des plus acharnés contre tous les soutiens Napoléon. Il réclame la terreur blanche.
Bourmont : un ancien Chouan rallié à Napoléon, (vendéen royaliste), il fait ça pour mieux
trahir Napoléon. C'est un gouvernement marqué à droite alors qu’à la chambre les ultras sont
minoritaires. C'est un gouvernement formé sans tenir compte de la majorité parlementaire.
Répudiation du jeu parlementaire. La chambre n'a pas apprécié. Elle le fait savoir le 2 mars
1830 lors de l'ouverture de la session parlementaire avec le discours du trône, et en réponse la
chambre prend une adresse. L'adresse du 2 mars 1830 est votée à la majorité. Ce texte
rappelle au roi que « la charte fait du concours des vues politiques de votre gouvernement
avec les vœux de votre peuple, la condition de la marche régulière des affaires publiques. Sir
notre dévouement nous condamne à vous dire ce que ce concours n'existe pas. » Devant cette
fronde parlementaire, le roi a deux possibilités : soit il changeait de gouvernement, soit il
dissout la chambre et fait trancher le conflit par les électeurs. Il retient la seconde solution, la
chambre est dissoute le 16 mai 1830. Les 23 juin et 3 juillet 1830 il y a de nouvelles élections
qui sont un véritable désastre pour le roi, il a 274 opposants. Charles X ne s’est pas incliné, il
estime que les circonstances justifient qu'il prenne des mesures exceptionnelles, le 25 juillet il
fait usage du fameux article 14 la charte qui lui permettait de prendre des ordonnances pour la
sûreté de l'État et l'exécution des lois. Le 25 juillet il prend 4 ordonnances (mesure de salut
public pour la monarchie) :
- modification de la liberté de la presse : la censure est rétablie, il faut une autorisation
préalable du gouvernement pour publier un périodique.
.- dissolution de la chambre qui vient d’être élue et qui ne s'est pas encore réunie.
- modification de la loi électorale : on estime que la patente n'entrerait pas en ligne de compte
dans le calcul du cens électoral. Les patentés sont des commerçants et industriels (idées
libérales.)
- convocation des collèges électoraux pour le mois de septembre. Le 26 juillet, au mépris des
interdictions, la plupart des journaux persistent à paraître et font appel à la manifestation. Les
parisiens entendent cet appel, ils y répondent. En trois jours, ils dressent les barricades et les
27 et 28 et 29 juillet, les trois glorieuses : insurrection victorieuse. Charles X décide
d'abdiquer en faveur de son petit-fils Henri comte de Chambord. Dès le 29 juillet il part en
Angleterre définitivement. La France n’a plus d'institutions, et tente une expérience nouvelle :
l'expérience la monarchie de juillet, monarchie nationale et contractuelle.
Chapitre 2 : la monarchie de juillet ou l’impossible enracinement d’une monarchie
nationale : 1830 à 1848.
En 1830, une monarchie succède à une autre monarchie, mais il n'y a pas de véritable
continuité, il y a un abîme entre la monarchie de la restauration et la monarchie de juillet. La
monarchie de la restauration était légitime, aristocratique et clérical à certains égards. Elle
avait un parfum d'ancien régime. La monarchie de juillet est bourgeoise, et elle mérite
l’appellation de monarchie constitutionnelle. En 1830, la légitimité du roi est nationale et
contractuelle. La souveraineté est clairement nationale. Il faut savoir qu'en réalité, ce régime
s’est mis en place grâce à la détermination des députés libéraux qui souhaitaient éviter la
proclamation de la république. Le duc d'Orléans, Louis-Philippe, à qui on offre le trône, a été
l’instrument de cet avortement de la république. Ce régime est créé pour court-circuiter la
république. Les députés ont fait une erreur d’appréciation, il voulait un roi qui règne mais ne
gouverne pas. Un roi décoratif. Ils se sont trompés sur Louis-Philippe, ce personnage
apparemment inoffensif, qu'on avait qualifié de roi bourgeois. Louis-Philippe a autant de sang
capétien, et se révélait être un roi autoritaire, qui aime le pouvoir et l’exercice de ce pouvoir.
L'autoritarisme de Louis-Philippe pèse. Ce qui explique l’échec final, c’est que ce régime est
une illusion.
Ce régime est tout à fait conforme à l'idéal révolutionnaire à première vue.
C'est une monarchie nationale, contractuelle, limitée. En réalité ce régime est beaucoup plus
conçu par la bourgeoisie libérale pour le bénéfice exclusif de la bourgeoisie libérale, en réalité
c'est une oligarchie, prêt à toute magouille pour se maintenir en place. Ce régime corrompu
qui a perdu tout contact profond avec le pays, et le suffrage censitaire a occulté pour la classe
politique, cette évidence : Louis-Philippe n'avait pas de légitimité. C'est un régime qui n'a pas
de racines profondes. Il tombera à la première révolution, en trois jours,18 ans plus tard. Ce
régime est très important pour le régime parlementaire.
Section 1 : avènement d’une monarchie libérale, nationale, contractuelle.
En juillet 1830, il n'était pas évident que l'on n'allait passer d'une monarchie à une autre. Dès
le 28 juillet 1830, les parisiens qui se sont rendus dans la rue aspiraient à une république. Les
députés libéraux sont beaucoup plus terrifiés par cette aspiration républicaine. Pour eux la
république est une menace. Les députés libéraux vont donc habilement manipuler pour
substituer à la menace de la république un régime politique plus conforme à leurs aspirations.
§1 : les trois glorieuses ou la république escamotée.
En 1830, c'est une société parisienne unanime, toutes catégories sociales confondues qui se
trouve dans la rue contre la monarchie légitime. Pour les insurgés des classes populaires, la
seule solution de rechange qu'il réclame, c'est une république. Solution inadmissible pour la
bourgeoisie libérale qui va élaborer très vite une solution de rechange plus acceptable et plus
confortable pour elle. Les députés de la chambre théoriquement dissoute intrigue pour que le
pouvoir soit confié au duc d'Orléans Louis-Philippe. Cette candidature est défendue par
Adolphe Thiers. La famille d'Orléans appartient à la famille royale (cousin des Bourbons),
cette famille a participé activement à la révolution, le père du duc d'Orléans actuel avait été
élu à convention avec le surnom de Philippe égalité (cousin de Louis XVI, il a tué son cousin).
Philippe égalité est guillotiné à son tour. Il est une victime de cette abominable terreur. LouisPhilippe avait un CV parfait pour être le roi de France post-révolutionnaire, il émigre en 1793.
Il est parfait, ni étranger à la révolution, ni trop pour près. On lui envoie Adolphe Thiers qui
allait lui proposer le trône. Mais en 1830 avant de lui proposer le trône on lui propose le titre
de lieutenant général du royaume, c'est un titre qu’on donnait à la personne qui assurait une
sorte d'intérim lorsque de le roi en titre était empêché d'exercer le pouvoir, généralement
partie en opérations militaires étrangers.
Le 31 juillet, Louis-Philippe et les députés du bureau rédigent une proclamation des étudiants
de Paris et s'engagent à respecter les principes de la charte. Ce même 31 juillet, on tente
l'expérience, Louis-Philippe se rend à l'hôtel de Ville de Paris, accueilli par la commission
municipale et par La Fayette. La Fayette est drapé dans le drapeau tricolore, il apparaît sur le
balcon de l'hôtel de ville accompagnée de Louis-Philippe et sert dans ses bras le nouveau roi :
c'est une sorte d'intronisation. L’accueil parisien est relativement chaleureux. Il fallait faire du
lieutenant le roi des Français.
§2 : de Louis-Philippe d'Orléans a Louis-Philippe roi des Français.
La transformation de lieutenant roi des Français s’est faite en deux temps. Le 3 août 1830,
Louis-Philippe prend la parole devant la chambre des députés, il rappelle son passé
révolutionnaire, il critique violemment l'article 14 la charte, et il assure la chambre de son
côté pour rétablir l'ordre menacé par la république. Le 7 août, la chambre vote une déclaration
par 219 voix contre 33. Cette déclaration du 7 août est un texte essentiel qui dresse les cadres
essentiels du nouveau régime, la chambre des députés expose qu’elle la seule déléguée
légitime de la souveraineté nationale. En conséquence, elle seule peut parler au nom de la
nation, et parlant au nom de la nation elle déclare que le trône est vacant en fait et en droit. En
fait oui il est vacant. En droit on peut en discuter. Charles X a abdiqué, mais c’est interdit par
les lois fondamentales du royaume. La chambre est décidée à écarter l’héritier légitime, et
conclut que l'intérêt universel et pressant du peuple français appel au trône Louis-Philippe
d'Orléans. Elle précise que Louis-Philippe d'Orléans deviendra roi des Français après avoir
prêté serment à la charte révisée. Cette déclaration du 7 août établie les termes du pacte
constitutionnel entre le futur roi et la nation représentée par la chambre des députés. Le fait
qu'il s'agisse du roi des Français montre qu'on est passée à une souveraineté nationale. Cette
déclaration est adoptée sans enthousiasme par la chambre des pairs. Le 9 août 1830 : c'est en
quelque sorte la signature du contrat. Louis Philippe se présente devant la chambre des
députés qui lui fait la lecture de la déclaration du 7 août. Louis-Philippe jurerait être fidèle à la
constitution et accepte le titre de roi des Français. Ce n'est qu'après le serment qu'il monte sur
le trône. C'est la chambre qui le fait roi. Sacre laïque : l'onction parlementaire remplaçant
l’onction délivrée par l'archevêque.
§3 : la charte de 1830 : point de départ de la tradition parlementaire française :
On n’a pas le temps, il faut faire vite. On s'est contenté de modifier la charte de 1814 et on lui
apportera quelques modifications plus tardives en 1831. Les modifications se regroupent en
trois catégories :
- on supprime tout ce qui pouvait encore évoquer l'ancien régime.
- on crée les conditions du développement du régime parlementaire.
- on accentue la tonalité libérale des institutions.
A) l'élimination des dernières traces de l'ancien régime : tout ce qui pouvait, dans la charte
de 1814, heurté la sensibilité révolutionnaire est gommée du texte. Disparaît la mention de
l'octroi de la charte : pacte constitutionnel. Disparaît le préambule de la charte de 1814, car il
est jugé blessant pour la dignité nationale. La religion catholique est définie comme la religion
de la majorité des Français (souvenirs du concordat napoléonien de 1801). On modifie l'article
14. Toute référence à la sûreté de l'État disparaît. On précise que les ordonnances prises par le
roi seront prises pour l'exécution des lois et qu'elles ne pourront ni suspendre les lois ni
dispenser de leur exécution. Le roi est empêché de nuire. En 1831, on supprimera la dernière
trace aristocratique qui subsistait, c'est-à-dire le caractère héréditaire de la Paierie. La paierie
sera désormais viagère. Le roi verra sa liberté de nomination restreinte. La loi va créer des
catégories de personnes susceptibles d’être nommées en fonction des pairs.
B) orientation parlementaire des institutions :
Dès 1830, un pas est accompli vers davantage de parlementarisme. Mesure qui cherche à
rééquilibrer les pouvoirs, notamment en instaurant une initiative législative également
partagée entre le roi et les chambres. Lesquelles possèdent désormais en droit d'amendement
libéré de deux tout avalement du roi. La chambre des députés acquiert davantage d’autonomie.
Le président de la chambre est désormais élu. En revanche, sur une des questions essentielles,
la responsabilité du gouvernement et devant la chambre basse, la charte ne dit toujours rien.
En droit, la responsabilité du gouvernement est mise sous silence jusqu'en 1946. Le principe
de la responsabilité du gouvernement est pourtant une évidence pratique : « le gouvernement
doit avoir la confiance des chambres ». Il n'est pas inscrit, mais il est respecté. Pendant la
monarchie de juillet, on développe différentes techniques classiques du régime parlementaire.
À partir de 1831 : on développe la pratique de l'interpellation qui permet aux chambres de
questionner les ministres sur les objets les plus divers. On admet que cette interpellation
puisse se clôturer par un ordre du jour motivé, c'est-à-dire par un blâme adressé au
gouvernement (vote de défiance). Le gouvernement va développé la pratique de la question de
confiance. Le gouvernement met lui-même en jeu sa responsabilité. La charte a en droit
ouvert au parlementarisme mais bien plus en fait.
C) les mesures libérales :
- liberté de la presse est solennellement proclamée la charte précise que la censure ne pourra
pas être établie.
- abaissement de l'âge de la majorité électorale. On passe de 30 à 25 ans. Abaissement de
l’âge d’éligibilité, de 40 à 30 ans.
- 1831 : le cens électoral est abaissé de 300 à 200 F pour les électeurs et de 1000 à 500 F pour
les éligibles.
- on supprime la loi du double vote.
- le corps électoral connaît une progression notable, on a désormais 170 000 électeurs au lieu
de 88 000. Le nombre d’électeurs continue à progresser numériquement pendant la monarchie
de juillet. En 1846, on a 246 000 électeurs : progression qui ne doit rien à la législation. Il n'y
a pas eu d’abaissement légal des conditions censitaires. Ça tient en un enrichissement général
du pays. En 1846, le pays subit une crise économique : le nombreux d’électeur cessera
d’augmenter.
Section 2 : la vie politique sous la monarchie de juillet.
Le régime de juillet 1830 va mettre dix ans avant de trouver une certaine stabilité. Dès sa
naissance, ce régime est contesté par la gauche (républicains) et par la droite (partisans
Bourbons « les ultras royalistes » ou « légitimistes ».)
En 1840, ce régime semble trouver une stabilité qui est en fait totalement artificielle, elle
résulte de pratiques politiques tortueuses, malhonnêtes.
Manipulation du corps électoral. Cette stabilité ne correspond pas un apaisement politique du
pays car elle est en dehors de la réalité. Le caractère artificiel va voler en éclats lorsque la
crise économique va frapper en plein fouet la France en 1846. Ce pays n'est ni apaisé, ni
satisfait. Il faut arrêter de se voiler la face.
§1 : les acteurs de la vie politique :
Le premier acteur : le roi. Il a 57 ans en 1830, c'est un homme conscient de sa valeur réelle.
C'est un personnage jaloux de son autorité. Rusé, manipulateur, sous apparence de simplicité
et de bonhomie. Louis-Philippe veut gouverner et imprimer d'une marque personnelle à la
politique de ses ministres.
L'échiquier politique est complexe, la France n'a pas de partis politiques structurés. On a des
courants aux contours pas très nets. Courant au sein desquels les questions de personnes ont
autant d’importance que les opinions proprement dit :
- courant pro dynastique qui soutient le régime.
- courant anti dynastique qui refuse toute légitimité à la monarchie de juillet.
Le courant dynastique ou orléaniste ne forme pas du tout en groupe soudé et homogène. Il
recouvre deux tendances parfaitement antagonistes :
- le parti de la résistance : les immobilistes. Courant pour lequel la charte de 1830 est un point
d'arrivée. Il n'est pas question de modifier quoique ce soit : les leaders de ce courant sont
Perrier, Guizot.
- le parti du mouvement : il considère que la charte est un point de départ pour accéder à plus
long terme à une monarchie intégralement parlementaire et surtout à une monarchie rendue
progressivement démocratique. Il milite en faveur d'une réforme des institutions et d'une
réforme électorale, allant dans le sens élargissement du corps électoral. Les leaders sont
Thiers, Barrot Odilon, Tocqueville.
Première force politique : les légitimistes ne reconnaîtront jamais la légitimité de la
monarchie : avocat Berryer.
Deuxième force politique : le parti républicain, représentation parlementaire faible compte
tenu des conditions censitaires. Ce parti républicain exerce une influence réelle sur le pays par
le biais de la presse tant que les lois le permettront, tout comme le parti orléaniste il n'est pas
soudé, il a il y a deux tendances républicaines :
- les républicains qui veulent une république démocratique.
- les républicains qui veulent aller au-delà, avec une république démocratique et sociale.
À la faveur du développement économique, on constate une misère ouvrière sordide. Certains
républicains vont intégrer dans leur programme des considérations sociales inédites, ils
s'inspirent des idées socialistes utopiques du XIXe siècle. On voit apparaître le droit à la
dignité, le droit au travail, la reconnaissance des associations ouvrières pour défendre les
intérêts protégés, le mutualisme. Les représentants de ce courant sont Louis Blanc, Armand
Carrel, et Auguste Blanchi. En revanche, soucieux d'instaurer comme démocratie politique
une république : Ledru, Rollin, Aragon. C'est une opposition dynamique.
§2 : instabilité politique : 1830 à 1840.
Après les journées de juillet 1830, il n'est pas facile de canaliser les énergies révolutionnaires,
de faire entrer le fleuve de la révolution dans son lit. Charles X a réveillé la passion
révolutionnaire qui ne veut pas se calmer. La monarchie a mis à fin à une crise institutionnelle,
elle n'a pas mis fin à une crise politique profonde. Le pays continu à s'agiter. Le roi va faire
semblant d'hésiter entre la partie de la résistance et le parti du mouvement, sa préférence ira
très vite au parti de l'ordre et de l'immobilisme. On a le premier ministre avait une existence
très brève : Laffitte (novembre 1830 à mai 1831). Il fait partie du ministère du mouvement qui
a posé quelques jalons démocratiques importants dont la loi du 21 mars 1830 sur
l'organisation municipale, cette loi rend les conseils municipaux à nouveau électifs. Les
maires et les adjoints restent nommés mais ils doivent être pris dans le conseil municipal élu.
Élection locale est intéressante, les électeurs sont beaucoup plus nombreux au niveau
municipal : un million de Français peuvent désormais participer aux élections municipales.
Cette loi réintroduit la politique au plan local. On voit apparaître un régime municipal de droit
commun, sauf pour deux villes que l'on juge trop dangereuse Paris et Lyon.
Nouvelle loi, celle de juin 1833, initiées par le gouvernement Laffitte sera votée après sa
chute. Cette loi étend le principe électif aux membres des conseils généraux du département.
L'assemblée départementale n’obtiendra pas d'importants transferts de compétences.
Décentralisation très limitée mais au moins le préfet a pour interlocuteur une assemblée élue.
Le gouvernement Laffitte ne s'est pas montré très résolu à employer la méthode forte face à
l'agitation politique qui continue à secouer le pays. Ce gouvernement est contraint à la
démission en mars 1831. Le successeur de Laffitte et Casimir Perrier qui appartient à une
grande dynastie bourgeoisie industrielle : le château de Visilles. Perrier va mener une
politique de répression pour désamorcer toutes les velléités révolutionnaires : épuration,
multiplication des procès de presse, loi du 10 avril 1830 va très vite servir, elle réprime très
sévèrement les attroupements. L’élan de Perrier va être stoppé en 1832 par une calamité :
l'épidémie de choléra dont Perrier est victime le 16 mai 1832 à la suite de laquelle il meurt.
Louis Philippe en profite pour gouverner seul jusqu'en octobre. Il a fort à faire face à des
adversaires à droite comme à gauche qui cherchent à déstabiliser le régime. Les légitimistes
via la duchesse de Berry essaient de soulever la Vendée. L'opération tourne court, les
légitimistes sont poursuivis. Arrestations massives contre les légitimistes.
Les républicains de juin 1832 réussissent à soulever plusieurs quartiers parisiens. LouisPhilippe réagit sans pitié, il envoie l'armée, l'insurrection parisienne est écartée le 6 juin dans
un bain de sang. Paris est placée sous un état de sieste. Les agitateurs républicains sont jugés
par les juridictions militaires. Pour autant, l'agitation républicaine ne désarme pas, elle
continue à se manifester jusqu'en 1835. Cette agitation républicaine s'organise dans la
clandestinité : « la société secrète » ou « la charbonnerie » ou encore « la société des droits de
l'homme et des citoyens ». Les républicains ont toujours une presse très active à laquelle le
gouvernement fait des procès à répétition, ce qui fait donner encore plus d'idéaux républicains.
Le gouvernement entreprit de neutraliser les républicains en prenant un texte de loi sur les
associations et qui visait les sociétés de moins de 20 personnes. Ce texte met le feu aux
poudres à Paris et à Lyon en 1834. Daumier est un dessinateur célèbre il a réalisé : « le
massacre de la rue Transnonain » 13 avril et 14 avril 1834 à Paris.
A Lyon : seconde insurrection des canuts en avril 1834. Le point de départ de ses
insurrections : problèmes sociaux, grève des ouvriers, grève générale pendant huit jours,
arrestations des meneurs, procès... En quelques heures, 6000 insurgés réclament le droit
d'association : le slogan est « associations, résistance, courage ». Le gouvernement répond en
envoyant l'armée : on effectuait un nettoyage, 300 hommes sont exécutés,500 sont blessés,
une centaine sont arrêtés. En 1835, a lieu à un procès devant la chambre des pairs érigée en
cour de justice : 121 hommes condamnés.
Jules Faure est un avocat célèbre qui les aide.
En 1835, le gouvernement va avoir une occasion de s'en débarrasser. Le 28 juillet 1835, alors
qu'il était en train d'inspecter la garde nationale sur le boulevard du temple, Louis Philippe
réchappe à un attentat à la bombe organisée par un certain Fieschi. 18 hommes sont morts
mais pas le roi. Fieschi est un aventurier, et il a des complices connus comme agitateurs
républicains. Emotion populaire, terrorisme qui justifie la violation des droits et libertés
fondamentales.
On durcit la législation et Thiers convoque les chambres en session extraordinaire et leur fait
adopter une série de loi : « les lois de septembre 1835 » la principale victime est la liberté de
la presse.
On réorganise les cours d'assises. On interdit les associations... Ces lois ont parfaitement
atteint leur objectif, le parti républicain est anéanti, contraint en silence. Le parti républicain
perd Armand Carrel qui se fait tuer en duel en 1836.
En 1835 et 1836, le régime réussi à se débarrasser des républicains, si le régime semble
affermi, il n'a pas trouvé encore sa stabilité gouvernementale. En réalité, il y a un jeu de
chaises musicales, toujours à peu près les mêmes hommes politiques qui à tour de rôle les
fauteuils ministériels et se déchirent dans des querelles de personnages que le roi prend un
malin plaisir à envenimer.
En 1840, on sort de l'instabilité avec le gouvernement Soult-Guizot : longévité exceptionnelle,
il faudrait une révolution en 1848 pour en venir à bout.
§3 : la pétrification du régime : 1840 à 1847.
Le ministère Soult-Guizot est en réalité le triomphe du parti la résistance. Ce ministère durera
jusqu'en 1847. À cette date, il sera remplacé par un ministère Guizot (François Guizot est un
historien à qui l'on doit des travaux sur la révolution française...).
Guizot et Louis-Philippe mettent 10 ans avant de se trouver : c'est une décennie conflictuelle
parce que les deux hommes sont très susceptibles. Mais une fois les susceptibilités passées, le
tandem Louis-Philippe Guizot va devenir un tandem inséparable, indissociable. cette relation
fusionnelle va avoir des inconvénients : elle fausse le jeu car ce dernier suppose un élément
fixe à la tête de l'État (chef d'État) et un élément mobile (chef du gouvernement : président du
conseil). Or, dès 1840, cette mobilité disparaît totalement car le gouvernement et le chef du
gouvernement font en sorte d'avoir l'appui d’une majorité de plus en plus large au sein de la
chambre basse. Guizot a une obsession : la fixité des institutions, la stabilité institutionnelle à
n'importe quel prix et par n'importe quel moyen (magouille, complots électoraux). En faisant
cela, Guizot se rend compte qu'il discrédite le régime parce que la politique de la monarchie
de juillet offre à l'opinion publique le visage constant d'un personnel politique sans idées, sans
projet, uniquement préoccupé de bénéfices personnels.
Recherchant à tout prix la stabilité institutionnelle, Guizot va, très logiquement, refuser de
manière systématique, toutes les réformes que le parti du mouvement propose, lequel réclame
la réforme institutionnelle et réforme électorale.
- la réforme institutionnelle : renvoie à la corruption du régime : elle pointe du doigt une
pratique dont la monarchie de juillet a abusé à partir de 1840. Cette pratique consistait pour le
gouvernement à soutenir des fonctionnaires comme candidat à la députation. Une fois élus ses
députés fonctionnaires n'avaient pas de véritable liberté d'opinion car ils étaient
hiérarchiquement dépendant du gouvernement. Pour ménager leurs avancements et leur
carrière, ils s’alignaient de façon servile sur les orientations gouvernementales : la réforme
veut instaurer une incompatibilité entre le mandat présidentiel et l'État de fonctionnaires.
- la réforme électorale consiste à l'abaissement du cens pour les électeurs (de 200 à 100 F,) ce
qui aurait doublé le corps électoral (500 000 électeurs). Cette proposition déposée 17 fois
entre 1830 et 1847 à toujours reçu une réponse négative : « enrichissez vous ! ». Pour le roi et
Guizot, seul l'enrichissement économique peut permettre d'accroître le corps électoral. Cette
formule résume le régime, à savoir oligarchique, coupé de la population. Au final, ce régime
est en décalage avec le reste.
Bien que Guizot ait gagné les élections législatives en 1840, les Français supportent mal la
monarchie de juillet. Celui politique étrangère aurait pu faire aimer la monarchie de juillet par
les Français. Or, durant ce règne, il n'y a qu’une seule entente militaire : les conquêtes de
l'Algérie sont passés inaperçues dans l'opinion publique. Décembre, 1840, Louis-Philippe fait
rapatriés les cendres de Napoléon, ce qui réactive la légende napoléonienne.
Conclusion : ce régime qui ne fait plus rêver va s’écrouler au moment où la majorité à la
chambre basse est plus confortable pour le gouvernement.
Section 3 : la chute de la monarchie de juillet :
À la fin de ce régime, il y a un point positif : le bilan économique. Ce bilan économique est
favorisé par une heureuse conjoncture économique. Au cours des années 1840 et 1846, le
gouvernement a organisé le soutien de l'État au développement industriel du pays : cela est
manifeste en matière de travaux publics (construction du premier réseau de chemin de fer
Français). La loi du 11 juin 1842 prévoit la construction d'un réseau en étoile dont le centre
est Paris. À l'époque, on crée des grandes lignes. Cette loi met à la charge de l'État la
construction des voies et l'indemnisation des propriétaires. Les compagnies de chemin de fer
prennent à bail l’exploitation (poser les rails, fournir le matériel, assurer l'entretien). Les
conceptions de la monarchie de juillet sont les conceptions d'un capitalisme industriel
encouragé par l'État et financé par l'État : (emprunt, fiscalité indirecte, droits de douane très
élevés pour un pays traditionnellement protectionniste). Ces capitalismes industriels sont aussi
liés au secteur bancaire. Ce système favorise aussi la collision des intérêts économiques et
politiques (les corruptions.) Ceci fonctionne tant que la conjoncture économique se porte bien,
mais en 1846 la France connaît une crise économique qui déclenche le processus
révolutionnaire qui balaiera le régime en trois jours
.§1 : la crise économique de 1846 : catalyseur de la crise politique.
La France des années 1847 un pays seulement en voie d’industrialisation. Dans ces années-là
l'économie reste largement fragile, tributaire des conditions climatiques. En 1846, cette année
est très pluvieuse, ce qui entraîne de très mauvaises récoltes céréalières et augmentent
spectaculairement le prix du blé. Cette catastrophe touche la paysannerie. Mais, par ricochet,
la crise agricole va contaminer l'activité industrielle (augmentation du prix des matières
premières d’où l’appauvrissement de la population. La population ne consomme plus d'objets
fabriqués car son pouvoir d'achat a diminué). Cette chute de demande frappe aussi l'industrie
en plein développement : le textile. Avec une baisse de la demande, cette industrie s'écroule
totalement entraînant la hausse du nombre de chômeurs (en 1846 : 29 000 industriels contre
67 000 habitants Lillois). La crise continue à se répercuter : crise financière. Au final, tous les
secteurs finissent par être touchés. La bourgeoisie possédante commence à s'inquiéter car les
ouvriers, mis au chômage, commencent à revendiquer : certains mois d'ordre circulent
(blocage des prix), attaque sur les champs de blé ou sur les riches propriétaires. La situation
de 1846 comprend des paysans ouvriers appauvris, une classe possédante effrayée et un
gouvernement qui ne fait rien. Il se borne à allouer des subventions aux bureaux des
bienfaisances mais n’établit aucune stratégie pour sortir de la crise. C'est à ce moment-là que
la fusion Louis-Philippe Guizot va connaître des conséquences politiques graves car on
critique le gouvernement, on critique le roi et donc le système politique lui-même. La cote de
popularité du régime tombe dans les profondeurs en 1847 : 2 grands scandales vont confirmer
l'étendue du complot caractérisant le régime de juillet :
- affaire : Teste Cubière : Teste, ancien ministre des travaux publics et pair de France en 1847,
s’est fait acheter dans une affaire de concessions minières.
- affaire de Choiseul Praslin : respectable pair de France qui tombe amoureux de la
gouvernante de ses enfants et qui décide de tuer sa femme pour vivre tranquillement sa
passion amoureuse. Ce duc, mis aux arrêts à son domicile en profite pour se suicider : il existe
des faveurs pour certaines personnes.
Conclusion : ces deux scandales enlève le peu de confiance qui pouvait exister en faveur du
régime. La crise politique va pouvoir déboucher sur une crise révolutionnaire.
§2 : de la crise politique et institutionnelle à l’explosion révolutionnaire de février 1848 :
en 1847, le parti du mouvement s'obstine à essayer, encore et encore de faire bouger le régime
par des voies légales : il continue à réclamer à la chambre basse la double réforme
institutionnelle et électorale. Comme d'habitude, le roi et Guizot refusent obstinément.
Puisque la voie légale est une impasse, les partisans de ce régime (parti du mouvement plus
une partie des républicains) décident d’en appeler à l’opinion publique. L'idée est de
sensibiliser l'opinion publique pour qu'elle fasse pression sur le gouvernement. Pour cela, on
va contourner la loi : rien n’interdisant de se réunir dans des lieux privés afin de partager un
repas commun (banquet). Au cours de ces banquets, on porte des toasts qui étaient des
discours politiques camouflés. Le banquet inaugural situé à Paris le 9 juillet 1847 a rassemblé
1200 personnes. On va organiser 50 autres banquets dans toute la France entre juillet et
décembre 1847 (22 000 personnes regroupées). Exemple : on porte des toasts à la fin de la
corruption, la réforme électorale, à la fin de la misère par le travail, à la classe ouvrière et
même au suffrage universel. Cette campagne de banquet a donné des résultats mitigés dans
l'opinion publique. Mais de son côté, Guizot refuse toujours de faire des concessions.
L'opposition, désemparée, décide de tenir à banquet de clôture le 22 février 1848 à Paris. Mais
Banot, qui a eu l'initiative de ce banquet, va être très vite dépassé par des éléments plus
radicaux qui appellent à la manifestation le 22 février 1848. Devant cet appel à la
manifestation, le gouvernement prend peur et décide interdire la tenue de ce banquet. En dépit
de l'interdiction, les manifestants se regroupent le 22 février 1848 (ouvriers et étudiants). Dès
le 23 février 1848, les barricades s'élèvent dans Paris.
A ce moment-là, Louis-Philippe comprend que son trône vacille. Il renvoie Guizot et appelle
pour former un nouveau gouvernement, un des leaders du parti en mouvement, le comte de
Molé. Le régime avait peut-être sa chance de se maintenir. Mais cela n'a pas été le cas en
raison d'un accident fortuit. Le 23 février 1848, les parisiens, ravi d'avoir renversé Guizot, se
massent sous ses fenêtres. Mais, l'armée prend peur devant cette manifestation et tire sur la
foule (50 morts). Cette fusillade Capucines transforme cette émeute en révolution. Dans la
nuit du 23 au 24 février 1848, les cadavres des victimes de la fusillade sont promenés dans
Paris ce qui va avoir un effet immédiat : des barricades s'élèvent. Au matin du 24 février,
Paris est couvert de barricades. Le roi n'a plus de ministère. Face à cela, Molé s’est et Banot et
Thiers refusent le poste. À midi, le palais des Tuileries est pris d'assaut avec des mots d'ordre :
abdication et république. Louis Philippe s’exécute : il abdique le 24 février en faveur de son
petit-fils : le compte de Paris (enfants en bas âge). Comme Charles X Louis-Philippe prend le
chemin de l'exil vers l'Angleterre. Il est obligé de se déguiser en bourgeois normand dans la
charrette d'un paysan pour rejoindre l'Angleterre. Au soir du 24 février 1848, le vide
institutionnel est total. Mais contrairement à 1830, on ne perd pas de temps pour proclamer la
république.
Chapitre 3 : la deuxième république (1848 à 1851) ou l’impossible démocratie sociale.
La deuxième république est née en février 1848 dans un climat d'euphorie collective, d'unions
nationales spectaculaires (même le clergé bénit la république). Cette république de 1848 était
totalement inespérée : personne ne l’avait vu se profiler.
Dans un premier temps très bref, elle va faire l'unanimité. L'esprit de 1848 est en phase avec
le romantisme du XIXe siècle (humanisme, spiritualité,...). Cet esprit de 1848 est instauré une
mer de bonheur, de paix et de fraternité (en 1848, fraternité fait son entrée dans la devise
nationale) : on veut réconcilier les classes que la monarchie de juillet avait contribués à
dresser les unes contre les autres. Mais, le bon rêve de 1848 tourne très vite au cauchemar. Ce
sentiment d'unité retrouvée était factice. Très vite, les forces politiques traditionnelles
conservatrices ont repris de la vigueur : ce sont les républicains du lendemain (converti depuis
peu aux idées républicaines) contrairement aux républicains de la veille.
Le rêve se fracasse dès juin 1848. En juin 1848, Paris est une nouvelle fois le théâtre d'une
révolution : c'est une révolution ouvrière en lien direct avec la misère et le chômage. Ces
journées de juin 1848 ont un impact considérable sur la destinée la république mais aussi sur
les rapports que la classe ouvrière entretiendra de l'idée républicaine pour plusieurs décennies.
C'est la première révolution sociale avec des mots d'ordres sociaux : elle révèle la peur sociale
des possédants. Ces journées ont été réprimées avec une férocité très violente que l'on
retrouvera dans la commune. Elles vont ainsi favoriser le retour des conservateurs au pouvoir
et contribuer à la résurrection d'une force politique devenue marginale depuis 1815 : le
bonapartiste (comme en 1799, la peur de l'anarchie conduit la France à se jeter dans les bras
d’un homme providentiel). En décembre 1848, avec l'élection à la présidence de la république
de Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de l'empereur défunt, commence la fin de la deuxième
république. Le prince président ne cachera pas sa volonté de restaurer en l’empire : il
patientera quand même 3 ans avant de le faire.
Conclusion : la deuxième république est une démocratie largement prématurée : elle devient
très vite un régime discrédité qui tire sur les ouvriers sans rassurer pour autant les possédants.
Cependant, la deuxième république a légué aux générations et aux régime futur un principe
fondamental qui ne sera jamais remis en question en France : le suffrage universel comme
source unique de légitimité politique.
Section 1 : de février à juin 1848, la trahison des espoirs populaires :
La révolution de février 1848 et politique car elle conduit à un changement considérable de
régime : on substitue une république à une monarchie. Mais dans l’esprit de beaucoup de ceux
qui ont fait la révolution de 1848, elle doit aussi être une révolution sociale. C’est le problème
fondateur de cette république : il y a des attentes énormes placées sur ce régime. Mais le
gouvernement provisoire mis en place le soir même du 24 février 1848, puis après lui,
l’assemblée constituante élue au suffrage universel masculin le 4 mai 1848 n'ont pas pris de
mesures sociales significatives et refusent toutes mesures sociales significatives. Paris
s’embrase une seconde fois au moi de juin 1848.
§1 : le gouvernement provisoire de la république et ses réalisations (24 février au 4 mai
1848).
Ce gouvernement s’est mis en place le 24 février 1848 dans la précipitation et l’improvisation
la plus complète : cette république surprend tout le monde. Ce gouvernement provisoire se
met en place à l'hôtel de Ville de Paris et écarte ainsi toute idée de régence étant donné que
Louis-Philippe a abdiqué en faveur de son petit-fils. La composition de ce gouvernement
provisoire est intéressante parce qu'elle annonce les tensions qui ne vont pas manquer de
diviser les Français dans les semaines suivantes.
A) la composition du gouvernement provisoire :
Ce gouvernement provisoire est le résultat de deux tendances qui ont trouvé temporairement
un terrain d'entente dans la soirée du 24 février 1848.
- une tendance libérale : ce sont des libéraux récemment convertis à l'idée républicaine qui
viennent majoritairement de la chambre des députés. Ils veulent une démocratie politique.
Toutefois il faut nuancer : au sein de ce gouvernement, il y a des personnages hostiles aux
idées sociales et d'autres qui le sont (les libéraux-démocrates).
- une tendance république sociale : ils veulent une démocratie politique et sociale. Ces
socialistes de 1848 dits « socialistes utopiques » ne veulent pas bouleverser de fond en comble
la société. Ils veulent la repenser en fonction d'un concept nouveau : la justice sociale. Ce sont
des utopistes puisqu'ils veulent un système non bâti sur l’observation des réalités sociales
mais sur une vision idéalisée de la société future.
Ces deux tendances sont représentées par 11 hommes :
- 7 pour la tendance libérale hostile :Dupont de l’Ecue du conseil des 500, Arago (astronome),
Marie et Crémieux (2 avocats), Garnier Pagès (banquier), Mauast (journaliste au national),
Lamartine.
- 2 pour la tendance libérale démocrate : Ledru Rollin et Flocan.
- 2 pour les tendances républicaines socialistes : Louis Blanc et Albert.
Juridiquement, les onze membres du gouvernement provisoire forment collégialement le
pouvoir souverain. Par ailleurs, ce gouvernement provisoire est aussi une équipe ministérielle
mais de manière illégale. En 1848, on dote certains membres du gouvernement de
responsabilités ministérielles alors que l’on en refuse d’autres car jugés trop à gauche (Flocan,
Blanc, Albert) ou trop vieux (Dupont de l’Eure). On fait donc appel à des membres extérieurs
au gouvernement provisoire pour leur donner des responsabilités ministérielles.
Sont ministres parmi les membres du gouvernement provisoire :
Lamartine aux affaires étrangères.
Crémieu à la justice.
Arago à la marine.
Ledru rollin à l’intérieur.
Garnier Pagès aux finances.
Sont ministres en dehors du gouvernement provisoire :
Carnot à l’instruction publique.
Schœlcher comme sous secrétaire d’Etat à la marine.
Point faible : ce gouvernement est dépourvu d’homogénéité politique. La gauche n’y a qu’un
strapontin, elle n’a aucun moyen d’action car elle n’a pas de porte feuille ministériel. Elle ne
peut donc pas répondre aux attentes populaires.
Conclusion : toutes les déceptions qui vont s’accumuler sont inscrites en filigrane dans la
composition du gouvernement. Sans surprise, ce gouvernement va montrer très vite qu’il veut
bien une république démocratique mais en aucun cas une démocratie sociale.
B) les mesures politiques prises par le gouvernement provisoire :
La première mesure prise par le gouvernement provisoire a été prise dès le 24 février 1848,
c’est la proclamation de la République. Il n’est pas question de se faire avoir une seconde fois
comme en 1830. Toutefois cette proclamation est particulière : la république est proclamée
sous condition de l’approbation populaire et nationale, c'est-à-dire ratifiée par le pays.
La révolution de 1848 est une révolution parisienne. Le gouvernement provisoire ne veut pas
imposer la république au pays tout entier parce que la capitale le réclame.
Cette attitude nouvelle s’explique par l’observation de la grande révolution : il faut fonder une
république sans faire les erreurs de 1793. le modèle présidentiel à l’esprit du gouvernement
est les girondins car ils ont toujours dénoncé le poids politique de Paris sur le cours de la
révolution. Pour eux, il faut ramener Paris à son 85ème rang d’influence, c'est-à-dire, un
département parmi les autres. Paris ne peut plus engager la France toute entière. Il n’y aura de
république que si la France entière le souhaite.
Dès le 24 février 1848, on annonce qu’une consultation électorale nationale aura lieu au
suffrage universel masculin. Le 2 mars 1848, le gouvernement adopte à l’unanimité le
principe de suffrage universel masculin (décret du 5 mars 1848 qui officialise ce principe).
Les modalités pour les électeurs comme pour les éligible sont très souples. Il faut avoir 21 ans
pour être électeur, 25 ans pour être éligible et résider en France depuis au moins 6 mois.
A elle seule, cette mesure est une révolution : le corps électoral passe de 240000 électeurs à 9,
3 millions. La France est le premier pays d’Europe à avoir pris une mesure démocratique de
cette ampleur.
Conformément à la proclamation du 24 février 1848, le gouvernement annonce que les
élections auront lieu au mois d’avril. Ces premières élections ont pour objet l’élection d’une
assemblée constituante.
Très vite, d’autres mesures symboliques sont prises.
Exemples :
- 4 mars 1848 : une commission présidée par Schœlcher reçoit pour mission de préparer le
décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies. Chose faite avec le décret du 28 avril
1848 : l’esclavage est aboli et condamné comme attentat contre la dignité humaine et une
violation du dogme républicain : liberté, égalité, fraternité.
- proclamation de la liberté de réunion ce qui entraîne une multiplication des clubs politiques
(145 clubs sont crées à Paris entre février et juin 1848).
- liberté totale de la presse.
- abolition de la peine de mort en matière politique (il n’y a plus de guillotines, plus de terreur,
plus de tribunaux révolutionnaires.)
Toujours dans le même ordre d’idée (rassurer), Lamartine multiplie les déclarations
rassurantes à l’égard des puissances européennes car la république n’est plus conquérante
mais pacifiste. Mais en 1848, l’europe entière est en révolution : ce qui émerge en 1848 est
appelé « le printemps des peuples », car des inspirations d’indépendance nationale se
manifestent à travers l’Europe. En 1848, c’est l’Europe toute entière qui bouge. C’est
pourquoi la révolution française de 1848 ne déclenche aucune panique chez les puissances
européennes.
En revanche, le gouvernement provisoire va être beaucoup moins généreux en matière sociale.
C) la frilosité des mesures sociales :
La question sociale a été posée au gouvernement dès le 25 février 1848 : le gouvernement
reçoit des pétitions qui lui réclament ce qu’ils appelaient l’organisation immédiate du travail
(système d’indemnités pour les retraites et les maladies). Très embarrassé, le gouvernement
cherche à gagner du temps et sans dire non, il donne de grandes déclarations à cette délégation
qui ne l’engage en rien ; il veut bien garantir l’existence de l’ouvrier par le travail. Le
gouvernement reconnaît la légitimité des associations de secours mutuel. Mais cela s’arrête là :
Louis Blanc avait un projet ambitieux pour venir en aide à la population ouvrière au chômage.
Ce projet qu’il ne peut pas réaliser est la transformation des ateliers traditionnels de charité en
ateliers sociaux.
Louis Blanc voulait modifier le système en instaurant l’atelier social.
La période de crise économique montre qu’il y a une défaillance. L’Etat devait encourager les
ouvriers à prendre en main eux-mêmes, secteurs par secteurs, l’activité économique en créant
des coopératives de production.
Les ouvriers devaient se substituer à leur patron. Une telle solution porte atteinte à la propriété
privée. Le gouvernement provisoire la très vite jugée inadmissible. Le gouvernement
provisoire s'en tient aux ateliers de charité qui rebaptise ateliers nationaux. Les ateliers
nationaux sont créés dès le 26 février, ils sont confiés à l'avocat Marie (Hostile
à Louis blanc). Ces déceptions que représentent les ateliers nationaux pour les ouvriers, était
suivi d'une autre déception le 28 février. Le 28 février une manifestation déferle sur l'hôtel de
ville avec pour revendications : la création d'un ministère du travail dont l'objet est purement
social. Le gouvernement refuse catégoriquement la création d'un ministère du travail. Il a
consenti à créer une commission du gouvernement pour les travailleurs dont la présidence est
confiée à Louis Blanc, onl’ installe au palais du Luxembourg. (Le cadre doit faire passer la
pilule, cette commission n'a aucun pouvoir, elle a seulement rôle consultatif.) Au final, les
ouvriers obtiendront qu'une seule mesure concrète : le décret qui fixe la durée maximale du
travail quotidien en usine à 12 heures en province et à 10 heures à Paris. Les concessions
sociales sont inexistantes. La question sociale va être momentanément occultée, elle va passé
au second plan, car la grande affaire : c'est l'élection de l'assemblée constituante.
D) l'élection de la constituante :
Cette élection avait été prévue initialement pour le 9 avril 1848, car on voulait légaliser le plus
rapidement possible l'avènement de la république. Toutefois les socialistes et républicains
avancés souhaitaient que cette élection soit repoussée, car on appréhendait ce premier vote au
suffrage universel, dans la mesure où les citoyens n'avaient aucune éducation politique, ils
s'attendaient à une défaite électorale les concernant. (On se dit que le vote sera conservateur.)
Ils font pression pour obtenir un report de l'élection : premières manifestations du 17 mars
1848 : le gouvernement cède en partie, les élections sont reportées au 23 avril. Seconde
manifestations du 16 avril 1848 : le gouvernement est ferme, il maintient la date du 23 avril,
le gouvernement est conscient que s'il cède trop souvent, ça ravira les révolutions. Les
élections ont lieu le 23 et 24 avril 1848 au suffrage universel. Taux de participation record,
80 % des électeurs, c'est-à-dire 7 835 000. C'est un vote processuel, il y a beaucoup d'émotion,
d'enthousiasme...Le résultat est clair : sur 880 députés, on compte 500 républicains modérés
(très hostiles aux réformes sociales),280 députés venus de l’Orlénanisme (officiellement
converti à la république), et 100 républicains avancés (de gauche). C'est une défaite électorale
pour les républicains socialistes. Conformément à la promesse du 24 février, le gouvernement
provisoire démissionne le jour de la première réunion de la constituante c'est-à-dire le 4 mai
1848. La première mesure de la constituante a été de proclamer officiellement la république.
À partir du 4 mai, le régime légal c'est l'assemblée constituante. Cette constituante désigne
une commission exécutive de cinq membres. Sont élus membres de cette commission : Arago,
Garnier, Pagès, Marie, Lamartine, Ledru Rollin.
Louis blanc est battu : défaite. La constituante est cohérente avec la majorité. On conseve le
système qui avait prévalu entre septembre et mai, on a des personnages extérieurs qui
exercent des fonctions ministérielles, dont un : le général Cavaignac désigné comme ministre
de la guerre. Ce nouveau gouvernement légal va hériter évidemment des problèmes de
l’ancien gouvernement (gouvernement provisoire) et d'une question sociale qui devient
explosive à partir de mai 1848.
§2 : l'explosion sociale de juin 1848 ou le divorce entre la république et le monde ouvrier.
Ces journées révolutionnaires de juin sont l’aboutissement d'un processus qui a commencé
dès le 15 mai 1848 : dégradation irréversible des relations entre le peuple ouvriers parisien et
l'assemblée constituante. Le détonateur de la révolution de juin 1148 étant le 21 juin :
l'annonce de la fermeture des ateliers nationaux.
A) l'engrenage insurrectionnel :
Le 15 mai 1848 : premier incident : une belle manifestation de 150 000 personnes converge
vers l'assemblée constituante, son mot d’ordre officiel est le soutien aux démocrates polonais
opprimés. Ce mot d’ordre est en réalité un prétexte pour mobiliser les foules contre toute
menace de politique rétrogarde par l'assemblée constituante. Démonstration de force
populaire pour mettre un terme à l'assemblée. La manifestation ne tarde pas à s’en prendre à
l'assemblée elle-même qui est envahie par les manifestants. On ne sait pas trop ce que voulait
les leaders, la constituante réagit avec beaucoup de fermeté, elle fait arrêter les leaders de la
gauche républicaine : Albert, Blanchi, Raspail, Barbes, la plupart d'entre eux sont
emprisonnés. Louis Blanc y échappe cependant. La constituante fait fermer tous les clubs qui
s'étaient multipliés depuis février et dissout la commission du Luxembourg. Les classes
populaires n'ont rien à attendre de la constituante. Le divorce se creuse. On a dit le détonateur
est la fermeture des ateliers nationaux. L'assemblée veut cette fermeture depuis le 5 mai 1848.
La constituante a peur. L'annonce de la création des ateliers nationaux en février avait attiré
une masse considérable de chômeurs venus de Province. Cette concentration de gens sans
travail dans Paris est considérée comme dangereuse. Le 25 juin, la décision est prise de fermer
les ateliers nationaux sans l’annoncer trop brutalement. C’est une fermeture qui n'ose pas dire
son nom. La commission exécutive ordonne que tous les ouvriers de 18 à 25 ans ayant
appartenu de ces ateliers nationaux doivent partir à l'armée. Les autres, plus vieux ou plus
jeunes, sont expédiés en province pour y poursuivre des travaux d’intérêts généraux. Les
ouvriers comprennent qu'on est en train de fermer les ateliers, le 22 juin, une délégation
d'ouvriers tente en vain d'obtenir une audience avec la commission exécutive. La commission
refuse de rencontrer les ouvriers. Le 23 juin, 400 barricades se sont élevées dans l'est de Paris.
Cette insurrection n'a pas de chef, ni même d'objectifs définis. C'est l'insurrection de la misère
du désespoir, ce sont des gens qui n'ont rien à perdre. Le 23 juin à midi les combats
commencent. Le 24 juin, la constituante proclamait l'état de siège, tous les pouvoirs sont
transférés aux militaires, donc au général Cavaignac, lequel est chargé d'écraser l'insurrection,
il le fera les 24, 25 et 26 juin. Trois jours suffisent. Les troupes régulières reçoivent le soutien
de la bourgeoisie provinciale qui débarque par trains entiers à Paris, armes à la main pour
s’enrôler dans la garde nationale pour écraser la révolution sociale qui se profile. Le 26 juin le
faubourg Saint-Antoine se rend, Cavaignac triomphe, l’ordre l'a emporté sur l'anarchie. (Le
faubourg Saint-Antoine est le lieu de tradition révolutionnaire.)
- 5000 morts pour les insurgés
-1500 morts de l'autre côté,
- 2500 arrestations,
- 11 000 condamnations de prison ou déportations en Algérie pour assurer le peuplement.
Cette insurrection et la répression font peser très lourdement sur les destinées du nouveau
régime.
B) conséquences politiques des journées de juin 1848 :
épisode de guerre civile qui va laisser des deux côtés des souvenirs longs et difficiles à effacer.
Du côté ouvrier, il n'y aura plus de soutien à la république, non seulement elle est incapable
de prendre des mesures sociales, mais en plus elle les a tué, ils seront les grands absents des
barricades qui se lèveront en décembre 1851 pour lutter au coup d'état de Bonaparte. Du côté
de la bourgeoisie, on est traumatisé. Les barbares sont dans nos faubourgs. La peur sociale a
atteint des sommets. La conviction que le péril social est éminent conduit la bourgeoisie à
n'avoir qu'une préoccupation : le maintien de l'ordre. Après juin 1848, la majeure partie de la
France est prête à se jeter dans les bras d'un homme providentiel à condition que cet homme
lui promette ordre et autorité. Du 24 juin au 20 décembre 1848 : l'ordre est incarné par
Cavaignac (républicain. Cavaignac prend le titre du président du conseil des ministres. Il va
faire son possible pour assurer la France des possédants, il supprime la liberté de réunion, il
s'en prend à la liberté de la presse, cependant il n’ose pas toucher au suffrage universel. Il n'en
a pas fait suffisamment pour être rassurant. Le 20 décembre a lieu l'élection présidentielle,
Cavaignac devra laisser le pouvoir au nouvel élu de la nation : Louis Napoléon Bonaparte
(c'est une enseigne commerciale et publicitaire).
Section 2 : la lente agonie de la seconde république.
En juin 1848, il est évident que l'esprit de février 1848 est mort et enterré. Mais il reste quand
même un cadre politique républicain et ce cadre est consacré officiellement par la constitution
adoptée le 4 novembre 1848. Cependant, les élections présidentielles d'abord, les législatives
ensuite montrent bien que le régime n’a de républicain que le nom.
En effet, dans cette seconde république, le président Louis Napoléon Bonaparte est peut-être
bonapartiste (il est surtout tout et n'importe quoi), mais surtout pas républicain, c'est un
aventurier. L'assemblée élue en 1849 est clairement monarchiste orléaniste. Le président de la
république et de l'assemblée vont cohabiter plutôt mal que bien pendant deux ans. Le
président attendant patiemment que l'assemblée lui fournisse un prétexte pour la réalisation
d'un coup d'état. Chose faite avec la loi qui voulait remettre en question le suffrage universel
masculin. Au nom de la défense du suffrage universel, Louis Napoléon Bonaparte qui en est
l'enfant fait d'un coup d'état.
§1 la constitution du 4 novembre 1848 :
Constitution au carrefour des expériences constitutionnelles françaises.
Premier rappel : c'est assemblé constituante dans l'esprit du gouvernement provisoire, elle
obéissait à un retour à la plus pure tradition révolutionnaire française. Depuis 1789, la France
a eu beaucoup de constitution. Mais jusqu'en 1795, elles étaient réalisées autoritairement. En
1848, on renoue avec un travail constituant collectif soumis à une procédure. Le débat
constitutionnel est très riche.
La constituante élabore la constitution après juin 1848, les événements de juin ont très
lourdement pesé sur les orientations constitutionnelles. C'est une constitution qui va être en
rupture avec les traditions constitutionnelles révolutionnaires, notamment sur la question de
l'exécutif. De 1789 à 1795, les constitutions se sont méfiées de l'exécutif par peur de la
réémergence d'un régime monarchique ou la peur d'une dictature (référence à Robespierre).
Après juin 1848, la situation est différente, la peur de la révolution sociale est plus forte que la
peur du pouvoir autoritaire d’un seul homme. Ce sont des républicains tiraillés par de
multiples angoisses qui rédige cette constitution et qui font le choix d'un exécutif puissant
symboliquement, c'est-à-dire unique, un président de la république élu au suffrage universel
direct, néanmoins placée sous le contrôle de l'assemblée. Ce système est totalement
incohérent.
A) les droits et devoirs des citoyens en 1848.
Ces droits et devoirs, il faut les chercher dans le préambule mais aussi dans le chapitre deux.
Le préambule est court, il comprend huit articles. Il n'y a pas de référence explicite au droit
naturel. « La république reconnaît des droits et devoirs antérieurs et supérieurs aux lois
positives » c’est un droit naturel sans le dire. Le préambule précise que le gouvernement est
de forme républicaine. La république doit conduire « sans commotion dans la voie du progrès
et de la civilisation à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumière et de bien-être ». La
devise la république « liberté, égalité, fraternité ». La république pour base : la famille, travail,
la propriété et l'ordre public. Le travail est coincé entre la famille, la propriété et l'ordre public.
Il est très limité. La constitution a renoncé à proclamer un quelconque droit du travail. Les
ambitions de la république à l'automne 1848 sont plus modestes. Elle s'engage à procurer aux
nécessiteux du travail dans la limite de ses ressources.
Le chapitre 2 développe un peu plus les droits. Il concerne les grandes décisions du
gouvernement provisoire, c'est-à-dire l'abolition de la peine de mort politique et de l'esclavage.
Il rappelle les libertés classiques : liberté religieuse, liberté de pensée, liberté du travail et de
l'industrie (modestie des ambitions : favoriser et encourager le travail). Le grand droit est
l’égale admission de tous aux emplois publics et l’inviolabilité des propriétés privées.
Les devoirs sont au nombre de trois :
-payer ses impôts, la république a de très gros problèmes budgétaires.
-aimer et défendre au prix de leur vie la république.
-concourir au bien commun en s'entraînant fraternellement les uns les autres. Il faut avouer
que c'est un peu surréaliste après les évènements de juin.
B) organisation des pouvoirs :
Quand on étudie l'organisation des pouvoirs, deux choses sont importantes : la nature de la
souveraineté, la séparation des pouvoirs.
La souveraineté : à première vue, elle est populaire (article premier du chapitre Ier : « la
souveraineté réside dans l'universalité des citoyens français ».).
Mais aux articles 34 et 35, il y a quelques correctifs : il est très clairement dit que les députés
ne peuvent pas recevoir de mandats impératifs, donc le régime est représentatif, autrement dit :
« souveraineté nationale dont les inconvénients sont corrigées et atténués par le suffrage
universel ».
La constitution du 4 novembre fait référence explicitement à la séparation des pouvoirs. C'est
la première condition d'un gouvernement libre. Cette séparation est bizarre, elle est
relativement souple et très déséquilibrée au profit du législatif.
1) le retour à législatif monocaméral et tout-puissant :
Monocaméralisme ou bicaméralisme ? On a beaucoup discuté. En septembre 1848, comme en
septembre 1789, on a invoqué en faveur du bicaméralisme, un exemple étranger, le modèle
américain (très à la mode, car c’est une république, et son succès est dû à l'ouvrage « de la
démocratie en Amérique » de Tocqueville de 1835). Les partisans du bicaméralisme ont
l’expérience de 1895 (constitution de l’an trois). L'exigence d'avoir un législatif fort a balayé
les tentatives d'instaurer un système bicaméral, on revient à l'orthodoxie révolutionnaire : le
monocaméralisme. Une assemblée législative : 755 députés élus au suffrage universel direct.
Durée de trois ans avec renouvellement intégral tous les trois ans. La constitution interdit les
députés fonctionnaires, elle prévoit aussi des indemnités parlementaires pour les députés.
L'assemblée est toute puissante, elle est permanente, il n’y pas de sessions, elle peut se réunir
de plein droit, elle ne dépend en rien de l’exécutif. Par la plus pure tradition révolutionnaire,
cette assemblé dispose pleinement du pouvoir législatif. Et en plus, elle doit surveiller le
pouvoir exécutif.
2) un exécutif subordonné :
Les constituants étaient convaincus après le mois de juin qu'il fallait instaurer une unité de
direction. Un chef de l'État unique qui puisse agir rapidement face aux menaces
révolutionnaires. Dans le même temps il faut que cet exécutif ne puisse pas incliner au
pouvoir personnel à la monarchique ou à l’Empire. Il faut que cet exécutif soit enfermé dans
un cercle étroit de compétences dont il ne puisse pas échapper. Donc un chef de l'État sous
surveillance de l'assemblée. Ces tiraillements et impératifs sont contradictoires. La solution
retenue : un président de la république élu au suffrage universel pour une durée de quatre ans.
Un débat s'ensuit sur suffrage universel direct ou suffrage universel indirect. Les partisans du
suffrage universel indirect : un jeune député Jules Grevy a un raisonnent constitutionnel.
Puisqu'on a rejeté le bicaméralisme, ça veut dire qu'on a rejeté l'idée de l'équilibre et de la
balance du pouvoir. Alors il faut être logique, aller jusqu'au bout de cette logique, aller vers
un système de soumission claire de l'exécutif au législatif. Donc la désignation du président
par l'assemblée serait cohérente. Si on élit un président au suffrage universel direct, on envoie
un message comme quoi on veut rééquilibrer les pouvoirs. On va créer un antagonisme sans
solution honorable entre les deux pouvoirs. Il y a d'autres partisans du suffrage universel
indirect pour des raisons non constitutionnelles mais pour des précautions politiques : quel est
l’Homme qui va sortir de l’urne ? Le suffrage universel direct mettrait la république en danger.
Les partisans de suffrage universel direct objectent que toutes les garanties étaient prises
contre la tentation du pouvoir personnel, puisque le président n'était pas immédiatement
rééligible, il fallait que s’écoule un mandat présidentiel de quatre ans. Les pouvoirs du
président pendant son mandat a été délimité et bien contrôlé. Les pouvoirs du président sont
réels en matière législative comme exécutif.
En matière législative : le président peut présenter des projets de loi. Mais pas
personnellement mais par l'intermédiaire de ses ministres. Cette initiative législative est
contrôlée par le conseil d'État dont les membres sont élus par l'assemblée nationale tous les
6ans. Le président ne pouvait pas s'opposer à la promulgation d'une loi, il avait un délai d'un
mois pour promulguer. S'il ne promulguait pas, le président de l'assemblée nationale pouvait
se substituer à lui. Le président la république ne pouvait pas dissoudre l’assemblée nationale.
La dissolution était qualifiée de crime de haute trahison. Le président qui enfreindrait cette
interdiction serait de plein droit déchu de ses fonctions, les citoyens seraient tenus de lui
refuser obéissance (article 68 qui va devenir fameux en décembre 1851, car c'est sur la base
de cet article que va s'organiser la résistance). Cet article 68 avait été rajouté in extremis avant
le vote de la constitution. On avait peur du coup d'état présidentiel.
En matière exécutive : on soumet le président à contrôle :
-assurer l'exécution des lois, mais il ne dispose pas librement du pouvoir réglementaire. Le
pouvoir réglementaire est partagé avec le conseil d'État.
-le président la république ne contrôle pas parfaitement les agents du pouvoir exécutif. La
révocation des agents du pouvoir exécutif est largement subordonnée à l'avis du conseil d'État,
jusqu'au droit de grâce (il faut un accord et un contrôle du conseil d'État).
-le président de la république est libre de choisir ses ministres, en tout cas, les personnes de
ses ministres, car le nombre des ministres et leurs attributions sont fixées par le pouvoir
législatif.
-en matière internationale, même politique contrôle. Le président de la république signe les
traités, mais les traités ne deviennent définitifs que s'ils sont approuvés par l'assemblée
nationale. Le président ne peut pas déclarer la guerre sans consentement de l'assemblée
nationale. S'il veille à la défense de l’État, il ne peut pas prendre la tête de l'armée.
Ce président de la république est à la tête d'un gouvernement dont on ne sait rien à lire la
constitution quant au gouvernement. La seule mention : c’est la responsabilité pénale des
ministres, mais toujours rien sur leur éventuelle responsabilité politique. Tout dépend de la
lecture de la constitution et de l'homme élu.
§2 : Mise en place des institutions :
Conformément au calendrier de l'assemblée constituante, la mise en place et s’est faite en
deux temps. Élection présidentielle en décembre 1848, élections législatives en mai 1849.
A) élection du prince Louis Napoléon Bonaparte :
Date prévue : 10 et 11 décembre 1848. Cinq candidats :
- Cavaignac : ancien ministre de la Guerre, républicain modéré, conservateur social.
- Ledru Rollin et Lamartine : ils représentent les illusions perdues de 1848.
- Raspail : victimes de juin 1848, gauchiste.
- Louis Napoléon Bonaparte : neveu de Napoléon Ier. Fils de Louis Bonaparte qui avait été roi
des hollandais, de la reine Hortense de Beauharnais, elle même fille de Joséphine
Beauharnais. En 1848, il y a 40 ans. Il a passé l'essentiel de sa vie en exil, principalement en
suisse alémanique et en prison. En prison, parce que depuis son adolescence, son objectif est
de conquérir la France, il s'est déjà essayé deux fois : en 1835, il a tenté de soulever la
garnison de Strasbourg, le jeune homme est arrêté, Louis-Philippe l’avait ridiculisé. En 1835,
il s’en tire à bon compte. La reine Hortense, sa mère, est encore en vie, et elle va plaider la
cause de son fils à Louis Philippe. On l'envoie aux USA. Puis il rentre en Europe. Il remet ça
en 1840. Folle équipée de Boulogne, il débarque d'Angleterre avec des fidèles et essaie de
soulever garnison de Boulogne. Il y a quelques morts. Il est arrêté, la reine Hortense morte, il
est traduit devant la haute cour et il est condamné dans la forteresse de Ham dans la Somme, il
y passe 6 ans avant de réussir à s'évader en 1846. Son évasion est ridicule, le Fort d’Ham est
en travaux, il sort déguisé en maçon. (le maçon s’appelait Painglet, mais on le surnomme
Badinguet.) Et Louis Napoléon Bonaparte repart en Angleterre. En réalité, c'est la
proclamation de la république qui lui permet de rentrer en France. Il profite de l’élection
présidentielle à l'assemblée constituante en juin 1848. Ses débuts à la constituante sont
tellement modestes, qu'il a endormi la méfiance des républicains. Il a un physique blême, il
est timide, il a l'air malade, il a l’air insignifiant, du moins ils parait ainsi. Cependant, certains
s’en méfient. Ce quasi inconnu va capitaliser sur sa personne l’héritage de la légende
napoléonienne qui n'a pas cessé de prospérer depuis la mort de l'empereur. Pendant son exil et
la prison, il avait publié des ouvrages qui montrent son goût pour l'ordre et l'autorité mais
aussi des brochures qui attestent des préoccupations sociales sincères. Il va montrer son
influence du socialisme utopique et du sens humaniste. « De l'extinction du paupérisme » :
Louis Bonaparte a de tout pour tout le monde. Il est le premier à définir cette stratégie
électorale éclectique à laquelle auront recours après lui tous les partisans d'un pouvoir fort,
l'inspiration nationale et populiste.
Résultats à élection présidentiels : Louis Napoléon Bonaparte l'emporte de loin, il recueillait
5,5 millions des voix, c'est-à-dire 74 % des suffrages exprimés.
Cavaignac remporte 1 450 000.
Lamartine remporte 18 000, c'est une défaite totale.
Crasse pareille remporte 37 000, l'extrême gauche n'est pas morte.
Louis Napoléon Bonaparte bénéficie du soutien de républicains du lendemain mais aussi des
voix du monde ouvrier (monde ouvrier qui fait payer la facture politique de juin 1848 aux
républicains modérés).
Le 20 décembre : Louis Napoléon Bonaparte prête serment à la constitution, s'installe à
l'Élysée en attendant l'élection de l'assemblée législative.
B) les élections législatives : 13 et 14 mai 1849 :
Particularisme des élections législatives : elles sont marquées par une participation en chute
libre : 40 % d'abstentions. Ces élections consacrent la déroute des républicains modérés, car
ils ont été lâchés par les ouvriers qui ont voté à l'extrême gauche, et par la bourgeoisie qui a
rejoint le parti de l'ordre. Il y a des 75 républicains modérés et aucun nom de février 1848.
Tous ceux qui s'étaient présentés sont battus. En revanche l’extrême gauche obtient 200
députés. Et tout le reste (c'est-à-dire 450 députés) sont de la droite du parti de l'ordre.
Cependant ce parti de l'ordre n'a aucune cohésion. On va y retrouver des orléanistes, des
légitimistes, et une poignée de bonapartistes. La droite triomphe. Mais en réalité la droite
s'inquiète énormément de la percée électorale spectaculaire de l'extrême gauche. On voit
apparaître un affrontement droite/ gauche. La droite s'inquiète, et elle a raison. Se produit un
enracinement électoral qui va se confirmer dans les années suivantes. Tendance lourde.
L'extrême gauche est constitué des ouvriers de Paris , de Lyon, elle est constituée aussi des
habitants de la vallée du Rhône et du Massif central, et du sud de l'Auvergne. Le parti de
l'ordre n’est pas rassuré. Le parti de l'ordre craint une nouvelle flambée révolutionnaire, la
peur sociale n’est pas prête de retomber. C'est dans ce climat d'inquiétude que les institutions
vont commencer à fonctionner avec d'un côté : un prince qui rêve de restauration impériale et
de l'autre côté une assemblée qui commence à espérer une restauration monarchique et qui
pour y parvenir va travailler une fusion entre des légitimistes et les orléanistes (on essaie de
trouver un terrain d'entente).
§3 : l'anéantissement de la république :
A peine, l’assemblée est entrée en fonctions le 28 mai 1849, que commence le bras de fer
entre le législatif et l’exécutif. Ce 28 mai, Louis Napoléon Bonaparte adresse une
communication à l'assemblée (sans avertir ses ministres), dans laquelle il fait part de son
intention de diriger lui-même les affaires du pays et de ne tenir aucun compte des contraintes
imposées par la constitution. Jusqu'en décembre : c'est une série de passe d'armes entre
l'assemblée et Louis Napoléon Bonaparte. Dans la déclaration du 31 octobre 1849 Louis
Napoléon Bonaparte annonce sa décision de choisir ses ministres en toute liberté, c'est-à-dire
en dehors de la majorité de l'assemblée. Il n'y aura pas de lecture parlementaire de la
constitution. Napoléon Bonaparte va plus loin, il prétend exclure l'assemblée de tout contrôle
sur l'exécutif, il veut enfermer l'assemblée dans le seul travail législatif, et enfin il conclut le
message par une déclaration très claire de ses intentions : il dit que la France lui a donné sa
confiance, elle s'est remise entre les mains de l'élu du 10 décembre. « Élu du 10 décembre » :
c'est une mise en avant de son investiture populaire. Il est élu par l'ensemble du peuple
français, légitimité particulière qui résulte du suffrage universel. Il met cette légitimité en
avant : « le nom de Bonaparte est à lui seul un programme, il veut dire à l’intérieur : ordre,
autorité, religion, bien-être du peuple et à l'extérieur : dignité nationale ». C'est cette politique
qu'il veut faire triompher, implicitement cela annonce d'un coup d'état. En 1850, l'assemblée
va lui faciliter la tâche, elle adopte des textes de loi pour le moins conservateur,, voire pour le
second texte parfaitement réactionnaire. Le second texte : c'est la loi électorale du 31 mai
1850 qui va servir de prétexte à la réalisation du coup d'état.
A) la loi Falloux du 15 mars 1850 :
C’est une loi qui remet en question le monopole napoléonien instauré en matière
d'enseignement au profit de l'État. Ce monopole n'avait jamais été parfait mais il était très
strict en matière d'enseignement secondaire. Au XIXe siècle, l'enseignement secondaire
permet d’accéder aux plus hautes fonctions. Peur de la révolution sociale : la bourgeoisie
française (Voltairienne, croyante mais non pratiquante) a peur, pour préserver ses enfants des
idées sociales révolutionnaires, elle est allée confier aux institutions catholiques dans
lesquelles elle voit une garantie de respect de l'ordre social établi. Pour parvenir à ce résultat,
il fallait permettre le développement de l'enseignement religieux. C'est ce que fait la loi
Falloux. Elle proclame la liberté de l'enseignement secondaire sans restriction pour les
congrégations, avec la possibilité pour les communes et les départements de subventionner les
établissements libres. Cette loi cherche à instaurer un contrôle de l'église sur l'instruction
publique tout entière. On le voit dans la composition des conseils universitaires, dans lesquels
une place prépondérante est laissée aux Evêques et archevêques. L'inspection de l'école
publique repose désormais sur le clergé catholique. On confie aux curés la surveillance de
l'école. On parle de l'armée des curés : ils devaient avoir les moyens de lutter contre la
propagation des idées socialistes. Louis Napoléon Bonaparte n'a pas désapprouvé très
clairement cette loi. Il a en tête le coup d'état, dont il faut se rallier à la hiérarchie catholique.
Encouragés dans cette voie, l'assemblée continue, elle commet au mois de mai, le faux pas
décisif qui déclenche le coup d'état.
B) la loi électorale du 31 mai 1850 :
Pourquoi cette loi ?
Parce qu'il y a eu des élections législatives partielles qui ont été très favorables à l'extrême
gauche.
Élection d’Eugène SUE (républicain avancé), cela jette la panique. L'assemblée prend peur et
décide de faire barrage à la progression de la gauche radicale. Elle prend cette loi qui mutile le
suffrage universel par des biais détournés. C'est une loi qui multiplie les causes d'échéances
électorales, on veut supprimer le droit de vote. Cette loi avait exigé de l'électeur une
domiciliation de trois ans dans la même commune, exception faite pour les fonctionnaires et
les ministres du culte. Le but de cette restriction est de priver du droit de vote ceux qui sont
obligés de se déplacer pour travailler, c'est-à-dire les éléments instables de la population (les
saisonniers, Métayers, les ouvriers...), c'est une masse populaire perméable aux idées
socialistes : « la ville multitude » : ce sont 300 000 électeurs qui se trouvent privés du droit de
vote. Le prince Louis-Napoléon Bonaparte va se servir de cette loi pour renverser la
république.
C) la marche du coup d'état :
Depuis décembre 1848, les esprits clairvoyants étaient convaincus que Louis Napoléon
Bonaparte ne ferait pas gentiment un mandat présidentiel de quatre ans, pour retourner à sa
vie privée au bout de quatre ans. Louis Napoléon Bonaparte ne voudra jamais lâcher le
pouvoir. Louis Napoléon Bonaparte a essayé de se maintenir d'une matière légale, il a
demandé une révision de la constitution pour supprimer l'interdiction du renouvellement du
mandat. En juin 1851, l'assemblée refuse la révision de la constitution. Le coup d'état est
imminent au mois d'août 1851, on l’attend, et pourtant Louis Napoléon Bonaparte va
repousser le coup d'état à la date symbolique du 2 décembre (le 2 décembre représente la
victoire d'Austerlitz et l'anniversaire du sacre de Napoléon Ier). Fin septembre 1851 : Louis
Napoléon Bonaparte a dénoncé la loi électorale qu'il qualifie de loi inique, il demande
l’abrogation de ce texte. Le 13 novembre 1851 : à 355 voix contre 348, l'assemblée se déclare
en faveur du maintien des textes.
Trois semaines plus tard, le président de la république en tire toutes les conséquences. Au
matin du 2 décembre, quatre décrets sont publiés, qui prononcent notamment la dissolution du
conseil d'État et de l'assemblée nationale (violation de la constitution : le président de la
république ne peut pas dissoudre l'assemblée nationale, ceci constituant un crime de haute
trahison). En plus des décrets, il lance un appel au peuple (tradition romaine), texte dans
lequel il justifie ces mesures au nom de la défense de la république (comme l’ont fait
Napoléon Ier et Auguste). Louis Napoléon Bonaparte se pose comme sauveur de la
république, le restaurateur de la république. Il annonce le rétablissement du suffrage universel
et immédiatement l'organisation d'un plébiscite. La question posée aux Français : « le peuple
français veut le maintien de l'autorité de Louis-Napoléon Bonaparte et lui délègue les
pouvoirs nécessaires pour établir une constitution » et réponse par oui ou non. Il précise
quand même les cinq bases du futur texte :
- un chef élu et responsable nommé pour 10 ans
- des ministres dépendants du pouvoir exécutif, refus du parlementarisme
- un conseil d'État rétablis sur le modèle napoléonien d'origine
- un corps législatif réduit à la discussion et au vote de la loi
- une seconde assemblée qui détiendra le pouvoir conservateur, c'est-à-dire un Sénat.
Tout simplement, il propose aux Français le retour à l’an huit.
Ce qui est étonnant, c'est que la résistance au coup d'état est doublement originale :
- résistance plus provinciale que parisienne.
- une résistance qui s'appuie sur la constitution de 1848 (notamment sur l'article 68 de la
constitution, au nom de cet article les Français s'opposant coup d'état).
Déclaration de l'état de siège dans 32 départements. Politique répressive : 26 000 arrestations
en quelques jours. On voit apparaître des juridictions d'exception : « les commissions
répressives ». Ces commissions sont composées d'un juge, un préfet, et d'un général de guerre.
La procédure est expéditive. Les condamnations se composent de déportation en Algérie ou à
Cayenne, tous les grands républicains sont condamnés à l'exil. Il y a eu des bavures et ça
traumatismes Napoléon Bonaparte. Louis Napoléon Bonaparte a des remords d’avoir fait
couler le sang le 2 décembre. Il a raté son coup d'état. Contrairement à Napoléon Ier le 18
brumaire. Et pourtant la répression n'a pas choqué les contemporains.
Résultats du plébiscite les 20 et 21 décembre 1851 :
- 7 439 000 pour le oui
- 640 000 pour le non
- un million s’abstienne.
Louis-Napoléon Bonaparte détient par le plébiscite, tous les pouvoirs pour rédiger une
nouvelle constitution.
Ce coup d'état est un concentré de bonapartisme, de philosophie politique bonapartiste : la
constitution n'est pas un absolu. Le suffrage universel est au-dessus de la constitution, et la
confiance manifestée directement par le peuple est la seule source de légitimité : c'est ce que
l'on appelle le césarisme démocratique. Un chef détient sa légitimité du suffrage universel
direct.
Chapitre 4 : le second empire ou l'expérience du césarisme démocratique :
Jusqu’en 1830, la vie politique française avait été dominée par un fantôme. Le fantôme de
l'ancien régime. L'enjeu avait été de réaliser la synthèse entre l'ancien régime et la révolution.
Depuis 1830 et surtout depuis 1848, la victoire des idées révolutionnaires sur l'ancien régime
paraissait désormais acquise. A partir de 1848, l'enjeu est différent : ce qui est en question,
c’est l'apprentissage par les Français de ce qui avait été une promesse de la révolution de 1789
et surtout une promesse de la révolution de 1893, c'est-à-dire l'apprentissage de la démocratie
avec cette chose, cet instrument bizarre qu’est le suffrage universel. Le suffrage universel,
c'est un instrument terrible, c'est une force qui va seule. C'est un cheval sauvage sur lequel il
faut faire du rodéo. Ça se passe rarement comme on voudrait. En 1851, il est clair que les
débuts de cet apprentissage ne sont pas heureux. Les Français ont montré comment ils en ont
fait usage pour supprimer toute la liberté. Ils ont donné tous les pouvoirs à un seul homme. La
démocratie peut conduire, si les circonstances s'y prêtent, à la dictature légale d'un homme. La
grande leçon de 1851 qui va obséder les démocrates Français.
Dans le même temps, cette dictature née du suffrage universel ne pouvait pas prendre le
risque politiquement très élevé de répudier le suffrage universel.
La situation de Louis Napoléon Bonaparte : il fait un coup d'état au nom du suffrage
universel, pour défendre le suffrage universel. Cela veut dire qu’il s'interdit de rejeter le
suffrage universel ou de trafiquer outrageusement comme l'avait fait Napoléon Ier avec le
système des listes de confiance.
La faiblesse de la construction de Louis-Napoléon Bonaparte : il est contraint de maintenir un
vrai droit à l'élection. Il va essayer de domestiquer le suffrage universel.
Le maintien du suffrage universel : ce maintien est susceptible de se retourner contre le chef
élu. (Pour peu que le contexte change, pour peu que la peur sociale se calme, pour peu que le
César impérial fasse des erreurs). Ce régime commence comme une démocratie autoritaire
pour se transformer en 70 sous les traits d'un régime quasi parlementaire. Évolution qui tient à
chaque fois en un changement de contexte, au suffrage universel et aux erreurs de LouisNapoléon Bonaparte.
Section 1 : du principat napoléonien à l’Empire autoritaire. De 1851 à 1860.
« Le principat » : c'est une période transitoire entre la fin de la république et l'empire. Il s’est
passé un an entre le coup d'état du 2 décembre et le rétablissement officiel de l’Empire en
1852. Après le triomphe électoral du plébiscite de décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte
mettait en œuvre son programme institutionnel. La rédaction de la constitution se fait de
manière autoritaire. C'est une commission de cinq membres qui la rédigent : PERSIGNY
(bonapartiste +++), ROUHER (orléaniste) et TROPLONG (juriste).
Il n'y a pas de débat, pas de discussion. La constitution qui est promulguée le 14 janvier 1852
est courte, elle comprend 58 articles, c'est le décalque de la constitution de l’an 8 avec
quelques petits aménagements. Comme en l'an huit, on est dans une république officiellement.
Il suffira d'un simple changement de titre du chef de l'État pour passer à l'empire. La
différence avec l’an 8, on n’attend pas quatre ans pour passer à l’Empire, on attend à peine 10
mois. L'empire est rétabli dès novembre 1852 avec à sa tête Louis-Napoléon Bonaparte
devenu Napoléon III. Le problème de Napoléon III : sa légitimité est moins héréditaire
qu’électorale. Il est le fils du suffrage universel, avant d'être le neveu de l'empereur. Le fils du
suffrage universel va devoir préserver ce mode d'élection, qu’il va quand même s'efforcer de
canaliser par divers moyens.
§1 : La constitution du 14 janvier 1852 :
Elle est accompagnée de la proclamation du 14 janvier 1852 : « le modèle retenu est
ouvertement le modèle de l’an 8 ». Le chef de l'État dit « notre société actuelle n'est pas autre
chose que la France régénérée par la révolution de 1789 et organisée par l'empereur... puisque
la France ne marche depuis 50 ans qu’en vertu de l'organisation administrative, militaire,
religieuses, judiciaire, financière du consulat et de l'empire, pourquoi n’adopterions-nous pas
aussi les institutions politiques de cette époque ? ». Dans cette logique, le chef de l'État
devient la pièce maîtresse des institutions à laquelle tous les autres corps de l'État sont
subordonnés. Dans cette constitution, seul le chef de l'État est responsable devant les Français,
les pouvoirs constitués ne sont que les moyens mis à sa disposition pour qu'il exerce une
action politique sans limites, sans contrepoids, sans entraves.
A) le chef de l'État :
Article 2 de la constitution : « le gouvernement de la république est confié pour 10 ans au
prince Louis-Napoléon Bonaparte, président actuel de la république ». Comme en l’an 8, le
chef de l'État est désigné nommément par la constitution elle-même. À la différence avec l'an
huit, la constitution ne dit rien sur ce qu’il se passe au bout de 10 ans. Rien n'est prévu pour le
renouvellement. Ça montre bien que cette constitution est provisoire, on n’attendra pas 10 ans.
La seule hypothèse prise en considération est l’éventuelle mort de Louis-Napoléon Bonaparte :
il est prévu que le Sénat doit convoquer la nation pour faire procéder à une élection, mais le
chef de l'État s'attribue quand même le droit d'influencer ses élections posthumes, puisqu'il
avait le droit de déposer dans les archives du Sénat un acte secret par lequel il pourrait
recommander aux électeurs un citoyen à sa succession (article 17 de la constitution). C'est une
constitution monarchique, dynastiques. Napoléon Bonaparte veut se maintenir à la tête de
l'État. Caractère monarchique : pouvoir d'un seul.
- le chef de l'État a tout le pouvoir exécutif à lui seul, il nomme aux emplois civils et militaires.
Il a un très large pouvoir réglementaire. Il est au commandement des forces armées. Il fait les
traités. Il déclare la guerre. Sans aucune approbation législative (article six).
- la justice est rendue en son nom et non plus au nom du peuple français. Il exerce le droit de
grâce. Il peut proclamer l'état de siège, il doit juste en informer le Sénat.
- il a beaucoup de latitude en matière législative : il est à l'initiative de la loi. Il sanctionne la
loi, il la promulgue (article six). Il a la maîtrise en matière de révision constitutionnelle. Le
Sénat peut proposer des révisions de la constitution. Toute modification des bases la
constitution de 1852 doit être soumise au suffrage universel (article 32), toute modification est
soumise à plébiscite que seul le chef de l'État peut organiser. Pour mener à bien cette vaste
tâche, le président gouverne en utilisant les autres corps de l'État. Article trois de la
constitution : « le président de la république gouverne au moyen des ministres, du conseil
d'État, du Sénat et du corps législatif ».
B) la subordination au président de la république des différents corps de l'État.
Différence avec l'an huit : on n'a pas jugé nécessaire de constituer une deuxième chambre
législative (qu’était le tribunat sous l'an huit).
Pour le reste, l'esprit de l’an 8 est bien présent, les ministres, le Sénat, le conseil d'État, sont
bien les créatures du président, comme elles avaient été celle du premier consul.
Créatures : individus qui dépendent totalement du président et auquel en conséquence on ne
craint pas de donner des pouvoirs importants. La situation du corps législatif est différente, le
corps législatif émane du suffrage universel donc on s'en méfie, on ne sait pas ce qui va sortir
du chapeau, donc on le maintient dans une situation étroitement subordonnée.
1) le conseil d'État : c'est la pièce essentielle du nouveau régime.
En 1852, comme en l’an 8, le conseil d'État est un vrai conseil du gouvernement. Il est
composé de 40 à 50 conseillers nommés par le président, révocables par lui en toute liberté. Il
est présidé par le président de la république, à défaut il y a un vice-président. Le conseil d'État
à deux types d'attributions : des attributions contentieuses, et des attributions normatives très
largement entendues. Il rédige les règlements d’action publique. Mais en plus il intervient de
façon déterminante tout au long de la procédure législative. Tout projet de loi émanant du
chef de l'État doit être soumis au conseil d'État, examiné en section puis en assemblée
générale, avant d'être transmis au corps législatif. De même, tout amendement qui serait
proposé par le corps législatif doit être transmis au conseil d'État avant discussions. Le CE
peut accepter, modifier, refuser les amendements. Le conseil d'État contrôle le corps législatif.
Comme en l’an 8, c'est au conseil d'État qu'il appartient de soutenir au nom du gouvernement
la discussion du projet de loi (en l'an huit : un orateur du gouvernement). Les conseillers
chargés de cette tâche sont désignés par le président de la république. Pourquoi les conseillers
d'État et pas les ministres ? Les ministres n'ont pas le droit d'entrée au corps législatif, ils sont
les auxiliaires du chef de l'État, ils ne dépendent que de lui et la constitution est très claire : ils
ne constituent pas une équipe solidaire. On rejette catégoriquement la tradition parlementaire
qui avait commencé à s'instaurer en 1814.
2) le Sénat :
En 1852, le Sénat ne veut pas être une chambre temporisatrice comme l’avait été la chambre
des pairs de 1814 à 1848. La proclamation qui accompagne la constitution est claire : le Sénat
est dépositaire du pacte fondamental et des libertés compatibles avec la constitution.
Autrement dit, ça renvoie à l'idée qu’il va exercer le contrôle de constitutionnalité. Ce Sénat
correspond à l'idée de SIEYES, il doit être conservateur de la constitution.
- deux catégories de membres : les membres de droit que sont les cardinaux, les maréchaux,
les amiraux. L'église et l'armée sont les piliers de l'ordre social. Les autres membres que sont
les citoyens que le président de la république jugera convenables d'élever à cette dignité.
- nombre de sénateurs : 80 à l'origine, mais il était prévu que l'on puisse élever ce nombre
jusqu'à 150. Il faut toujours se méfier des gens, il faut pouvoir ajouter des éléments de fidélité.
Le Sénat ne peut pas bouger sans le président de la république. Le président de la république
nomme le président du Sénat, le président la république convoque le Sénat, le président la
république décide de la durée des sessions. Les séances du Sénat ne sont pas publiques. Il est
clair que cette institution est contrôlée très strictement.
- attributions larges : le contrôle de constitutionnalité qui en réalité n'a jamais fonctionné, et
un rôle important en matière de révision constitutionnelle.
- le contrôle de constitutionnalité par le Sénat : il était prévu un contrôle a priori et un
contrôle a posteriori. A priori, aucune loi ne peut être promulguée avant d'avoir été soumise
au Sénat. Le Sénat peut s'opposer à la promulgation des lois qui seraient contraires à la
constitution, mais aussi des lois qui portent atteinte à la religion, à la morale, à la liberté de
culte, à la liberté individuelle, à l'égalité devant la loi, à l'inviolabilité de la propriété, et à
l’inamovibilité de la magistrature. C'est une énumération magnifique véritable illusion. Le
Sénat peut s'opposer à la promulgation des lois qui compromettraient à la défense du territoire.
A posteriori (article 29) : le Sénat peut annuler pour inconstitutionnalité, tous les actes qui lui
sont déférés par le gouvernement ou par des pétitions de citoyens.
- la révision constitutionnelle par le Sénat : le Sénat intervient dans la procédure de révision
(article 27). Il règle par senatus consulte tout ce qui n'a pas été prévu par la constitution, et ce
qui est nécessaire à sa bonne marche. Il va réviser les points de détail. Il ne révise pas les
bases. Le Sénat est encore l’autorité chargée de trancher si il existe des controverses en
matière constitutionnelle. Il définit le sens des articles qui donnent lieu à quelques
interprétations différentes. Ce n'est pas nouveau, on copie le senatus consulte et de l’an 10.
Tous les senatus consulte sont soumis à la sanction du président la république et doivent être
promulgués par lui. Le Sénat peut enfin suggérer au chef de l'État « les bases projet de loi d'un
grand intérêt national ».
3) le corps législatif :
Le corps législatif : unique assemblée législative prévue en 1852. C'est une assemblée
restreinte, elle ne compte que 270 députés.
Problème : le corps législatif est issu du suffrage universel direct, cette origine lui donne une
indépendance virtuelle, potentielle. C'est la raison pour laquelle la constitution entreprend de
rabaisser le corps législatif et de le soumettre totalement au président la république.
Abaissement du corps législatif : en dépit de son mode de désignation, le corps législatif n'a
pas la qualité de représentant de la nation. Dans la constitution de 1852, le seul représentant
de la nation est le président de la république. Le corps législatif est composé de députés. En
1852 : « députés » renvoie à l'idée de représentants d’intérêt purement locaux. Le député
représente sa petite circonscription. On modifie le mode de scrutin. On abandonne le scrutin
de liste au profit de scrutin uninominal. Ce choix n'est pas innocent, le scrutin de liste
comprend un vote sur programmes politiques d'envergure nationale. Alors que le scrutin
uninominal correspond au vote pour un individu, on se base sur ses qualités à défendre sa
circonscription. Le mandat de député est long : six ans. Il ne faut pas faire d’élections trop
souvent, ça comporte trop de risques. L'indemnité parlementaire créée en 1848 est supprimée.
La députation redevient inaccessible aux plus modestes. Elle sera à nouveau la chose des
notables locaux. Le corps législatif va se couper de la nation. Les débats parlementaires font
l'objet de règles précises de diffusion : les journaux ne peuvent publier que le procès-verbal
des séances tel qu'il est rédigé par le président du corps législatif. C'est un moyen de contrôler
l’impact sur l'opinion. Le corps législatif n’a aucun pouvoir de pression, aucun moyen de
contrôle. En réalité il a essentiellement une attribution : la discussion et le vote des projets de
lois et des impôts. Il a un droit d'amendement sous contrôle du conseil d'État. Il n'a pas
d'initiative de la loi. Le corps législatif se trouve comme en 1799 : soit il vote, soit il rejette le
projet du président. La différence avec l'an 8 : il est exposé à la possible dissolution décidée
par le président de la république (article 46). Le corps législatif est convoqué, ajourné par le
président la république. Il n'a aucune autonomie. La seule chose qui est sûre : la session doit
durer trois mois. Comme tous les fonctionnaires, et comme sénateurs, les députés doivent
jurer obéissance à la constitution et fidélité au président la république. La distance entre le
principat et l’Empire est réduite. Cette distance est franchie en quelques mois.
§2 : le rétablissement officiel de l’Empire.
« Vous ne savez pas ce qui retarde l'Empire, c'est l'empereur et l'empereur seul » ce que
déclarait Persigny fidèle de Napoléon III au début de 1852. Louis Napoléon Bonaparte fidèle
à son tempérament compliqué, prix de l'humilité, après le coup d'état, en proie à des remords.
Proclamé l'empire rapidement lui paraît dangereux, il craint une nouvelle résistance en un
bain de sang. Il craint aussi la réaction des puissances européennes. Louis Napoléon hésite et
entreprend à partir de l'automne 1852 une grande tournée des provinces pour prendre la
température. Persigny fait que la tournée soit triomphale, dès l'automne la décision est prise
par Louis Napoléon Bonaparte de rétablir l'empire.
Discours du 9 octobre 1852 : « discours de Bordeaux ». L'empereur déclare « l'empire c’est
la paix » destinée à tous. Cela se traduit en des conquêtes territoriales mais intérieures et
économiques. Il insiste sur l'urgence de développer le pays économique en développant le
réseau de communications intérieures du pays (route, ports, chemin de fer). Développement
nécessaire de l’Algérie. C'est un discours sincère. Pour la première fois, la France a un chef
d'État passionné d'économie politique, il a des connaissances autodidactes. C'est l'aspect le
plus positif. Il veut développer les sociétés. Il n'a pas d'objectifs militaires. Le retour à Paris
est triomphal, les Français acclament l'empereur. Cet accueil lève les derniers scrupules de
Napoléon Bonaparte. On va donc réviser la constitution. Puisqu’on touche aux bases de la
constitution. Le Sénat va proposer des modifications, lesquelles doivent être soumises à
référendum. Le 7 novembre, le Sénat propose des modifications. La question posée :
voulaient-ils ou non le rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis
Napoléon Bonaparte ? Le plébiscite eut lieu les 20 et 21 novembre. Les Français répondirent
oui à 7 800 000 et non par 253 145, on compte 2 millions d'abstentionnistes.
2 décembre 1852, proclamation de l'empire.
Un Sénatus consulte vient tirer les conséquences, il a augmenté les pouvoirs du chef de l'État
qui peut présider quand il veut dans le Sénat. Il nomme encore 150 sénateurs supplémentaires.
Le corps législatif est puni, la discussion budgétaire ne s'effectuera plus par chapitre mais par
ministère. (Vote du budget par grands blocs).
En 1852, problème de la succession parce que le Napoléon III n'est pas marié, il n'a pas de
descendance légitime. En novembre 1852, il fait un choix, celui de se réserver la possibilité de
choisir l’héritier dans sa famille. Il règle le problème en se mariant, il épouse une jeune fille
de la noblesse espagnole : Eugénie de Motijo, fille de ceux qui ont soutenu Napoléon 1er lors
de la guerre contre les Espagnols. Ce mariage a lieu en janvier 1852. En 1856, un héritier nait
de cette union, la succession est assurée. À partir de 1856, l'empire semble affermi, Napoléon
III va réaliser une authentique démocratie autoritaire.
§3 : Une démocratie autoritaire :
C’est une démocratie autoritaire parce que tous les pouvoirs vont à Louis Napoléon Bonaparte,
il n'y a pas de libertés publiques fondamentales. Plus de libertés de la presse. Depuis un décret
du 17 février 1152, la presse est repassée sous un système de contrôler étroit. Système des
avertissements donnés par le préfet, trois avertissements entraînent la suspension du journal
pendant deux mois. S'il y avait récidive, la suppression du journal devenait définitive. On met
en place un contrôle de l'opinion publique qui commence à la base, c'est-à-dire à l'école
primaire. Tout le système éducatif fait l'objet d'une surveillance extrême, les emplois dans la
fonction publique sont pourvus par le ministre lui-même qui peut révoquer en toute liberté des
enseignants. Les plus suspects sont les universitaires. Le port de la barbe est interdit de
partout dans la fonction publique. On voit un contrôle facilité par un retour flagrant à la
centralisation administrative qui dès le 25 mars 1152 par décret redevient absolue. Napoléon
III est le souverain le plus despotique d'Europe, mais il l’est grâce et au nom du suffrage
universel donc on ne peut pas l'enlever, donc on va essayer de le contrôler par une série de
mesures :
- décret organique du 2 février 1852, 54 articles. Proclame un scrutin uninominal à deux
tours, le gouvernement s'autorise de définir en toute liberté des circonscriptions électorales
avant chaque élection. Un député pour 35 000 lecteurs.
- pratique des candidatures officielles (Persigny en est l'auteur). Les électeurs sont
inexpérimentés dans le suffrage universel, donc ils ont besoin d'un guide pour pouvoir
discerner quels sont les amis et les ennemis du gouvernement. Les préfets devront soutenir les
candidats qui ont la faveur du gouvernement. Les candidats officiels auront le droit d'avoir
recours aux affiches sur papier blanc. Ces affiches pourront être placardées sur les panneaux
réservés à l'administration, il est interdit de les détruire. Pour contrôler les candidats, on les
place devant le cas de conscience : tout député est contraint à la démission s'il n'a pas prêté le
serment dans les 15 jours qui suivent son élection. Il y a huit opposants dans le corps législatif,
en 1857 il n’en reste plus que cinq. À partir de 1858, ce serment n’est pas exigé de l'élu mais
du candidat à l'élection. Un point faible dans cette stratégie de maîtrise du suffrage universel,
c'est qu'il n'y a pas de véritable parti bonapartiste.
« L'impératrice légitimiste, le prince... Morny est orléaniste, moi-même je suis socialiste et il
n'y a que Persigny qui soit bonapartiste mais il est fou »
Le chef de l'État doit être au-dessus des partis. Il n'y a pas de création du parti bonapartiste. Il
y a création d'une élite qui provient d'horizons divers, composé d'un noyau dur d'organistes
ralliés au régime par peur de la révolution, ce sont les bonapartistes du lendemain.
Avec les députés, ce n'est pas la même chose. Ils restent profondément des libéraux avec un
double attachement : un aux libertés nécessaires, et un au régime parlementaire. La
démocratie ne pouvait donc pas rester autoritaire très longtemps. La révolution est inscrite
dans les gènes, beaucoup d'emprunts des régimes différents.
Déclencheur de la révolution : les conséquences engendrées par la politique extérieure de
l'empereur. Politique internationale parfois hasardeuse.
Section 2 : de la libéralisation progressive à la chute du second empire : 1860/ 1870.
La construction impériale de départ a fait l'objet de trois vagues de réforme qui en 1870 l’ont
transformé en régime parlementaire.
Première série de réforme en 1860. Seconde série de réforme en 1867. Dernière série de
réforme en 1869.
D'un point de vue formel, toutes ces réformes sont prises à l'initiative de Napoléon III. En
réalité, même si Napoléon III est bien conscient que l’empire autoritaire ne pouvait pas durer
toujours, c'est le résultat de circonstances qui le dépassent.
Moment clé, ces circonstances résultant de sa politique internationale lui fait perdre ses
soutiens conservateurs en France et le pousse à chercher un appui sur sa gauche : les libéraux.
Sous section 1 : le despotisme ramolli de la période 1860 à 1866.
9 octobre 1852 à Bordeaux, Louis Napoléon Bonaparte avait déclaré que l'empire était la paix.
En 1854, la France est en guerre. Napoléon a un souvenir de l'épopée impériale, comme
beaucoup de Français, une détestation des traités, mais il y a chez Napoléon qui est
cosmopolite, un sentiment de sympathie pour les peuples européens opprimés. Napoléon parle
quatre langues étrangères.
Principe de nationalité : Napoléon III a compris que l'époque des grandes conquêtes
territoriales était révolue, en revanche il entend se poser en libérateur des jeunes nations
opprimées et à rassembler des nations européennes. Il veut une Europe des jeunes nationalités.
Discours de 1863 : « de tout mon cœur, je souhaite qu'un jour vienne où les grands... Qui
divisent les gouvernements et les peuples pourront être réglé dans la paix devant un tribunal
européen ».
Pensée jadis utopique ne peut-elle être demain une réalité ? Cette conception va l'amener à
intervenir dans différents conflits européens : ce n'est pas toujours nuisible à la France, mais
ça a des conséquences lourdes en matière de politique intérieure.
§1 : de la guerre de Crimée à l'expédition italienne.
Conflits qui se déroulent entre 1854 et 1856, il oppose d’un coté la France et l'Angleterre, de
l'autre la Russie. C'est un rapprochement logique, l'affection de Napoléon III pour l'Angleterre,
pour des raisons politiques, le programme international de Napoléon III (soutien aux jeunes
nations opprimées) ne concerne pas l'Angleterre.
L'alliance anglaise créée par Napoléon III. Il y a un problème concernant directement
l'Angleterre : l'empire ottoman est malade, il part en morceaux. Cela suscite des convoitises
en Europe occidentale : en France, Allemagne, Angleterre, Russie.
Fin 1854, point de conflits dans la région des détroits. La Russie veut contrôler, l’Angleterre
refuse.
La France se souvient qu’elle a la mission de protection des chrétiens d’orient, et des lieux
saints. Donc elle fait alliance avec l'Angleterre, c'est une guerre courte, le siège de Sébastopol
est une victoire Franco anglaise. En février 1858, c'est à Paris que les belligérants tienne un
congrès, satisfaction de l'opinion publique française qui voit une revanche sur le traité de
Vienne. Renaissance de la France sur le plan militaire. Pendant le congrès, Napoléon pose la
question de nationalité.
L'intervention française en Italie : elle est double : au nord l'Autriche, au sud les Bourbons
de Naples. Mouvement en faveur de l’unité de l'indépendance incarnée par deux tendances,
deux personnalités :
- une tendance libérale modérée incarnée par Cavour ouvrait (premier ministre du royaume
Piémont Sardaigne).
- une tendance nationaliste républicaine avec Mazzini.
L'idée de Napoléon III : soutien de Cavour, il faut l'aider à se libérer des Autrichiens pour ne
pas laisser aux républicains italiens le monopole de cette indépendance. Son entourage le
freine car il y a risque de guerre avec l'Autriche, il va se brouiller avec le pape car il a des
états en Italie. Quand il se brouille avec le pape, Napoléon se brouille avec le peuple français.
Napoléon III renonce momentanément. Mais à la suite de l'attentat d’Orsini en janvier 1858 :
(explosion d'une bombe devant l'opéra, huit morts, 150 blessés.), Orsini est arrêté, il explique
que l’objectif de l’attentat était de renverser l’empire avec la proclamation de la République.
Orsini est jugé, il est condamné à mort et exécuté.
Prises de loi de sûreté. L'attentat décide Napoléon III à soutenir activement Cavour au risque
de rompre avec le peuple. Un marché est conclu avec Cavour en juillet 1858. Napoléon III
s'engage à aider le royaume de Piémont Sardaigne à récupérer la Lombardie et la Vénétie et
en échange le royaume de Piémont Sardaigne consent à donner à la France la ville de Nice et
le comté de Savoie. La guerre commence en 1859 : deux batailles sanglantes en juin face aux
Autrichiens : Magenta, Solferino, ces guerres sont gagnées par la France. Napoléon III
marque un coup d'arrêt, il a peur d'une extension du conflit avec l'Autriche, il négocie une
armistice en juillet 1859, ce qui va le brouiller avec Cavour. Le marché n'est qu'en partie
réalisé : obtention de la Lombardie. Alors que la France ne récupère pas Nice et la Savoie. Les
réactions vont être très vives à l'intérieur même du pays.
Conséquence sur le plan intérieur : cette agitation qui s’est relancée en Italie, va toucher la
Toscane et la Romagne qui relève des états pontificaux. Les catholiques français s'éloignent
de Napoléon III, rupture avec les catholiques à la fin de l'été 1859 quand le Piémont annexe la
Romagne avec le soutien de Napoléon III. La cause pontificale va être soutenue par les
catholiques mais aussi par des grands noms de l'orléanisme par peur d'opportunisme politique :
moyens de revenir en politique.
Fin 1859, début 1860, Napoléon III a perdu une bonne partie de ses appuis au sein de la droite
française. Le 23 janvier 1860, il signe un traité très controversé avec l'Angleterre sur le libreéchange. Deux raisons expliquent ce traité : se faire pardonner de son aventure en Italie vis-àvis de l'Angleterre. Des motivations économiques profondes : convictions économiques
complètement décalées par rapport à celle de ses contemporains qui ont un dogme, celui du
protectionnisme économique, seul moyen de protéger une industrie française jugée incapable
de rivaliser avec l'Angleterre. Napoléon III est convaincu que seule l'ouverture des frontières
permettra la modernisation de l'industrie française, va faire baisser les prix et donc sera à
l’origine de l'amélioration générale des conditions de vie des Français. C'est idée heurte les
conservateurs qui ne lui pardonnent pas. Par contre ce traité est applaudi par les libéraux.
Napoléon III fait le choix d'infléchir le régime dans un sens libéral pour retrouver des appuis
auprès des orléanistes.
§2 : L’ouverture libérale des années 1860 à 1861 :
Cette ouverture passe par des modifications de la constitution, mais plus encore par des textes
dans une renaissance de la vie politique qui sort de 8 ans de coma.
A) les textes :
Premiers textes : le décret du 24 novembre 1860 suivis par deux senatus consulte du 2 février
1861 et du 31 décembre 1861. Ils rétablissent la vieille pratique de l'adresse en réponse au
discours du trône qui ouvre chaque année la session parlementaire. Le texte de l'adresse
devrait être rédigé conjointement par le corps législatif et par le Sénat « en présence du
commissaire du gouvernement ayant mandat de donner aux chambres toutes les explications
nécessaires sur la politique intérieure et extérieure de l'empire ». La lecture de l'adresse devait
être suivie d'un débat d'ordre général mais ne devait pas déboucher sur la sanction du
gouvernement. Pour rétablir le contact jusqu'alors inexistant entre les ministres et les
assemblées, on crée une catégorie particulière de ministres : les ministres sans portefeuille
dont la vocation est de défendre le projet de loi de l'empereur devant les chambres (fonctions
clés du futur gouvernement de Napoléon III) : Eugène Rouher.
Mesure qui prévoit qu'un compte rendu des débats paraîtrait dès le lendemain dans le journal :
le Moniteur, grande presse autorisée à reproduire les débats.
Ces trois mesures rétablissent le dialogue, début des discussions. Le dialogue entre le corps
législatif et l'équipe ministérielle est renoué, ceci dans la transparence, sous les yeux du
peuple.
Quelques mesures viennent assouplir le sort du corps législatif :
- un peu d'autonomie dans l'organisation car il peut désigner librement son bureau de six
députés.
- un peu de pouvoir, revient sur les règles de la décision budgétaire, on rétablit un vote détaillé
du budget par section, chapitre et article qui permet d'exercer un contrôle de l'activité
gouvernementale.
-règles de l'autorisation législative qui redevient indispensable pour tous crédits
supplémentaires.
Dès 1860 et 1861, rapprochement des pratiques des monarchies constitutionnelles sur le plan
budgétaire et financier
B) la renaissance de la vie politique.
Insatisfaction des opposants au régime.
Républicains : camouflage.
Organistes : bien mais insuffisant.
Néanmoins preuve de la faiblesse du régime, ce qui va engendrer de nouvelles revendications.
Les élections législatives en mai 1863 vont montrer que ces revendications sont légitimes
parce qu'elles s'appuient sur une base électorale en nette progression. Les députés de
l'opposition passent de 5 à 30 représentants dont 17 républicains. Les élections montrent un
triplement des voix en faveur de l'opposition, on arrive à 2 millions. Dès le début de la session
parlementaire de 1864, l'empereur va mesurer les transformations profondes opérées au sein
du corps législatif. Ouverture sur un discours percutant le 11 janvier 1864 par le député :
Adolf Thiers qui revient après pour 12 ans de purgatoire : « les discours sur les libertés
nécessaires » au nombre de cinq : libertés individuelles, libertés de la presse, libertés de
l'électeur, libertés des élus, droit de la majorité. Ce discours est un plaidoyer en faveur du
contrôle parlementaire sur le gouvernement, mais il est aussi considéré comme une sorte de
programme commun parlementaire appelé le tiers parti. C'est un parti entre les républicains
bonapartistes, il regroupe des Orléanistes, les bonapartistes indépendants, des protectionnistes,
des catholiques soutenant la cause pontificale : un point commun : souhait d'évolution des
régimes dans un sens libéral.
Ce mouvement d'opposition à l’empire renait de ses cendres et ne s’arrêtera plus. Napoléon
III va être poussé à expérimenter une politique beaucoup plus à gauche, orienté clairement
vers la classe ouvrière qu’il va s'efforcer de séduire. Mais pas de retour électoral.
§3 : L’échec politique des réformes sociales de Napoléon III :
L’alliance initiale conclue entre Napoléon III et les catholiques conservateurs avaient obligé à
mettre de côté le programme social qui lui tenait à cœur depuis 1852. Les mesures sociales
depuis 1852 brillent par leur modestie et leur caractère paternaliste.
- développement du mutualisme (association privée) : cherche à promouvoir la solidarité entre
les membres pour faire face à l'accident et à la maladie.
- création des logements ouvriers.
- fourneaux économiques ancêtres de la soupe populaire.
Pour concilier les masses, le populisme de Napoléon III avait dû chercher d'autres voies : avec
les interventions militaires car le peuple urbain est sensible à la grandeur française.
Pour le reste, la conjoncture économique est très bonne. Une fois qu'il a perdu ses appuie,
Napoléon III revient à ses amours premières et va manifester son intérêt pour le monde
ouvrier de façon plus soutenue, il engage des réformes de structures dont la principale est la
reconnaissance du droit de grève des ouvriers.
1864 : octroi du droit de grève.
Principale revendication du monde ouvrier : l'abrogation de certains articles du code pénal qui
dans le prolongement de la loi le chapelier de 1791 avait interdit aux travailleurs de se
coaliser. Les progrès de l'opposition républicaine aux élections législatives de 1863 ont finit
de convaincre Napoléon III que le maintien de la loi sur les coalisions risquait de le couper
d'une bonne partie de l'électorat. Il prend la décision à l'ouverture de la session de 1874
d'autoriser le droit de grève. Le député républicain, le seul unique : Émile Ollivier est désigné
comme rapporteur de la loi du 25 mai 1864 sur les coalitions. Cette loi a été adoptée en dépit
des craintes des conservateurs et des républicains. Pour les républicains il n'y a pas réellement
de droit de grève s'il n'est pas complété du droit de réunion et d'association. En pratique, le
régime est très tolérant. Il n'y a pas de loi autorisant les associations ouvrières. Le droit de
grève très vite utilisé, mais sans pour autant fournir au second empire l’appui politique qu'il
recherchait. Le monde ouvrier se coupe de l'empire. Il se radicalise dans ses opinions
politiques. En 1864 : création de la première association internationale des travailleurs :
appelé aussi la première internationale. C'est une association d'inspirations socialistes. Par la
suite il y aura quatre associations internationales. En 1864, le socialisme n'est pas une doctrine
cohérente. Il y a des marxistes, des fidèles de Proudhon, des fidèles de Blanchi. L'association
internationale des travailleurs fait beaucoup de fidèles, à tel point que le régime l’interdit en
1867. Le ralliement de la classe ouvrière n'aura pas lieu. Résistance parlementaire. Pour
maintenir le régime, la seule solution est d'accélérer le processus de libéralisation, d'autant
plus qu'il a accumulé en politique extérieure des erreurs regrettables.
Sous section 2 : la libéralisation nécessaire : 1868 à 1870.
Comme au cours de la première période, mais d'une façon plus soutenue et plus accélérée,
l'évolution du régime est dominé par ces allers-retours entre une situation intérieure et une
situation internationale. L'empereur va se lancer dans des opérations internationales pour
confirmer sa situation intérieure. Sa politique internationale est hasardeuse. Elle va alimenter
le détachement de l'opinion publique à l'égard du régime. La libéralisation totale c'est-à-dire
les transformations en régime parlementaire en 1870 a pu donner à Napoléon III l'illusion qu'il
avait conforté son régime politique. Et pourtant, le 4 septembre son régime est anéanti par une
guerre avec la France.
§1 : de l'expédition mexicaine à la construction de l'unité allemande.
Outre la question romaine de la papauté, la politique internationale de Napoléon III se
complique en 1860 avec l'expédition lointaine tentée au Mexique afin d'y installer un empire
catholique susceptible de rivaliser avec les États-Unis. Focalisée sur le Mexique pendant six
ans, Napoléon III s'est éloigné de la scène européenne et a négligé ce qu'il se passait en
Allemagne c'est-à-dire sa montée en puissance.
A) la chimère mexicaine.
Le point de départ de cette expédition remonte à 1861. En 1861, le Mexique connaît une
énième révolution. Le nouveau chef de l'État mexicain qui est à la fois libéral et Indien Benito
Juarez prit une décision : celle de suspendre le paiement de la dette intérieure et extérieure du
Mexique. Protestation immédiate des détenteurs de titres mexicains : Espagne, GrandeBretagne et France sont concernés par l'opération de paiement. Ils mettent en place d'une
opération militaire qui débarque à Veracruz en décembre. L'Espagne et la Grande-Bretagne
battent en retraite, ils font marche arrière, ils comprennent que leur allier français a d'autres
ambitions qu’obtenir le paiement de sa créance. Le projet de Napoléon III est de conquérir le
Mexique et ceci pour deux raisons : il veut trouver des débouchés économiques, il veut
importer des matières premières et notamment le coton car la guerre de sécession aux USA a
stoppé la production de coton.
Il veut instaurer une monarchie catholique capable de rivaliser avec le voisin américain. Il
essaie la conquête de son électorat catholique. On a trouvé un prince catholique : l'archiduc
Maximilien d'Autriche (frère de l'empereur François-Joseph).
Catastrophe militaire, le corps expéditionnaire français ne connaissait rien du Mexique. La
population mexicaine a résisté, elle ne veut pas d'un prince étranger, ce prince est exécuté par
les mexicains en 1867. La guerre de sécession avait pris fin aux États-Unis. Les États-Unis
étaient à nouveau en mesure de jouer leur rôle d'arbitre.
Le bilan : en 1867, la France plie bagage. Cette expédition a fait 6000 morts français, 336
millions de dépenses pour récupérer 60 millions. La France est brouillée avec l'Autriche.
Cette expédition a hypnotisé l'empereur et l’a détourné de la scène européenne à un moment
où l'équilibre des forces européennes était à un moment clé de son évolution.
B) émergence de l'Allemagne unifiée.
Le processus vers l'unité en Allemagne a commencé au début du XIXe siècle avec
l'occupation napoléonienne dans cette partie de l'Europe. L'occupation française a été le
catalyseur du sentiment national allemand. Par haine de l'occupant mais aussi parce que sous
l'occupation française, pour la première fois, les peuples allemands, qui était jusqu'alors
éparpiller en 300 états minuscules, ont été obligé de vivre ensemble sous une seule
administration. Cette unité leur était imposée. En 1813, guerre de libération de l'Allemagne à
l’appel de la Prusse, on a pu penser que l'unité allemande était imminente. Sauf que les
grandes puissances européennes, l'Autriche, la Russie, l'Angleterre, la France ne tenaient
absolument pas à ce qu'émergent les états allemands. Au moment du congrès de Vienne en
1815, toutes les puissances ont fait en sorte de court-circuiter cette aspiration à l'unité. On
réorganise cette région en remplaçant le vieil saint empire romain germanique par une
confédération germanique présidée par l'Autriche. Cette réorganisation est intéressante, elle
ne regroupe plus de 39 princes et 4 villes libres (concentration). Cette situation ne satisfait pas
à l'élite allemande qui aspire à l'unité allemande et qui le fait savoir notamment avec les
universités allemandes. L'aspiration nationalisme se double d'une aspiration de libéralisme
politique. Dans l'ensemble tout fonctionne. L'occupation française a supprimé l'absolutisme,
elle est porteuse du message révolutionnaire. Or en 1815, l’absolutisme est revenu, on le
supporte mal en Allemagne. Les princes allemands ne veulent pas renoncer à leurs pouvoirs,
toutes les tentatives de révolution libérale nationale se soldant par un échec. La grande
question : petite ou grande Allemagne ? Avec l’Autriche ou sans l'Autriche ?. L'union
politique sera difficile à réaliser, la confédération germanique s'est orientée vers une politique
d'unification germanique économique (Zollverein). On restaure une monnaie unique et des
réseaux de chemin de fer transfrontaliers.
Le 2 janvier 1861 : accession sur le trône de Prusse de Guillaume Ier. Le nouveau roi veut
reprendre à son compte l'idée d'une Allemagne unifiée sous la houlette prussienne à condition
qu'elle ne soit pas libérale. En 1862, il trouve un allié dans la personne d'un noble prussien :
Otto Von Bismarck. Il fait de Bismarck son principal ministre. Il faut réaliser une petite
Allemagne, une Allemagne sans l'Autriche, une Allemagne contre l'Autriche.
Guillaume Ier et Bismarck organisent en Prusse un gouvernement autoritaire qui va réaliser
les réformes capitales : la réorganisation des armées nombreuses réorganisées et à la pointe de
la technologie. Ils font trouver l’unité par le haut, par la force, sans le consentement du peuple
par le fer et le sang.
1864 : première étape décisive de l'unité allemande. Conflit : la guerre des Duchés. En
Allemagne il y a deux duchés : Schleswig, et le Holstein. Ces deux duchés sont la propriété
personnelle du roi du Danemark. Ils ne sont pas rattachés au royaume Allemagne.
En 1863, le roi du Danemark décide d'incorporer ces deux duchés dans son royaume. Guerre
avec la confédération germanique menée par la Prusse et l'Autriche en 1864. La victoire est
rapide. L'Autriche obtient l'administration du Holstein, et la Prusse obtient l’administration du
Schleswig. Pour Bismarck, c'est un arrangement provisoire. La Prusse a multiplié les
provocations à l'égard de l'Autriche, elle envahit l'Holstein. La guerre avec l'Autriche est
déclarée.
3 juillet 1866 : la Prusse écrase l’Autriche à la bataille de Sadowa. Le 22 juillet, les prussiens
sont à 60 km de Vienne. L'Autriche demande l'armistice. La Prusse avec le soutien français
annexe les deux duchés, le royaume d'Hanovre, la Hesse, le duché de Nassau. Elle crée la
confédération d'Allemagne du Nord qui exclut l'Autriche dans laquelle les états catholiques du
sud de l'Allemagne refusent d'entrer. Cette confédération est constituée de 21 états : les
populations concernées n'ont pas été consultées sur les annexions.
En 1867 : l'unité est renforcée au nord.
Pour terminer l'unité allemande, Bismarck va devoir surmonter les sentiments anti-prussiens
des états du Sud. Il va y parvenir en se servant de la France pour exacerber le nationalisme
allemand. Napoléon III commet une maladresse en 1867, il réclame à Bismarck des
compensations pour sa neutralité. Il demande des territoires sur la rive gauche du Rhin.
Bismarck a l’habilité de rendre publiques ses revendications. C'est une politique des
pourboires. L'opinion allemande est contre la France. Exacerbation des sentiments nationaux.
L'opinion publique française voit cette montée de l'unité allemande comme un échec cuisant
de la diplomatie française. Elle y voit un signe d’affaiblissement de l'empire et surtout, elle
perçoit cette montée de l'Allemagne comme une puissance militaire imminente.
1866 et 1867 : la cote de popularité de l’empire est au plus bas. Napoléon III décide de lâcher
du lest.
§2 : les réformes constitutionnelles des années 1866 et 1870.
Première série de retouches constitutionnelles : en 1866 et 1868 traduisent des hésitations. En
1870, une véritable mutation a lieu avec le Senatus consulte du 21 mai 1870 qui instaure un
empire parlementaire.
A) le temps des hésitations : 1866, 1868.
a) Sénatus consulte du 26 juillet 1866 : améliorer les conditions matérielles du corps
législatif en instaurant une indemnité parlementaire respectable. Le Sénatus consulte se
penche sur le problème du droit d'amendement même si l'ouverture est extrêmement timide.
Un amendement devait être adopté par la commission de la chambre avant d'être proposé au
conseil d'État qui pouvait accepter refuser ou modifier. En 1866 on modifie ses procédures.
Le corps législatif peut insister en cas de refus de la commission ou di conseil d’Etat. Si le
corps législatif prend en considération cet amendement, il devra être soumis à un nouvel
examen soit de la commission soit du conseil d'État.
b) le Sénatus consulte du 14 mars 1867 :
Amorce d’un processus de transformation du Sénat en une véritable seconde chambre
conservatrice. En 1867, le Sénat conserve ses attributions traditionnelles, mais il gagne le
droit d'exiger une seconde délibération de la part du corps législatif (à la session suivante, sauf
si le Sénat déclare l'urgence). Si à l'issue de ce second examen, le corps législatif adopte la loi
sans changement, le Sénat ne peut plus s'opposer. Il a un droit de veto suspensif. Le Sénat
commence à intervenir dans le pouvoir législatif.
c) le décret du 19 janvier 1867 :.
Il remplace l'adresse par l'interpellation : « les membres du Sénat et du corps législatif
peuvent adresser des interpellations au gouvernement ». Cette interpellation connaît de
sérieuses limites. L'interpellation doit être écrite pour que son objet soit écrit. Elle doit être
sommaire. Elle ne peut être discutée que si un certain nombre de bureaux du corps législatif et
du Sénat l'ont approuvé. Il n'y a aucune sanction en pratique. Après la délibération sur
l'interpellation, on prononce l'ordre du jour pur et simple (la chambre soutient le
gouvernement), on renvoie le gouvernement. C'est un avertissement sans frais. Pour que cette
interpellation purement symbolique ait un sens, il fallait que les ministres puissent défendre
leur projet devant les chambres. Chose faite avec le décret. Les ministres sont autorisés à
venir s'exprimer devant le corps législatif et le Sénat, qui forment désormais un véritable
parlement. Ces mesures permettent de faire revivre la vie politique. Bien que la tonalité du
discours politique parlementaire ne sont pas favorables à l'empereur, celui-ci persévère dans
les mesures libérales, il assouplit le régime de la presse avec la loi du 11 mai 1868, il assouplit
le régime des réunions avec la loi du 6 juin 1868.
B) élections législatives du printemps 1869 : fin du bonapartiste autoritaire :
C’est une campagne électorale animée, l'opposition peut s'exprimer librement. La loi sur la
presse a permis la floraison de journaux. De journaux républicains, c'est une presse polémique,
voire diffamatoire, voir même cruellement satyrique : « la lanterne » d'Henri Rochefort. La
presse a relayé les débats judiciaires, les plaidoiries du retentissant procès Delescluze à
l'automne 1868. Procès qui par l'intervention de l'avocat de la défense Gambetta devient un
réquisitoire contre le régime.
Procès Delescluze : à l'origine, les républicains voulaient édifier un monument à la mémoire
du député Baudin de l’Ain érigé en victime du coup d'état. L'idée du monument vient de
Delescluze qui convainc les républicains et orléanistes de lancer une souscription par voie de
presse pour la construction d'un monument à la gloire de Beaudin. L'empire résiste et opte
pour la répression. L'empereur gagne son procès devant les juges, mais le perd totalement
devant le peuple. L'avocat Gambetta s'impose comme chef incontesté de la gauche radicale.
Ce parti républicain comporte plusieurs courants :
- des républicains modérés : bourgeoisie française nationaliste laïque, ennemi des excès
révolutionnaires, de la démagogie et du populisme. Jules Favre et Ferry. Ils sont prêts à faire
alliance avec les orléanistes du tiers parti.
- les radicaux : jeunes radicaux dont Gambetta, Clémenceau. Le programme a été exposé par
Gambetta à Belleville à l'occasion des élections législatives de 1869. Le programme de
Belleville est un texte célèbre et important. Il va guider l'action des radicaux pour les 40 ans à
venir. Les radicaux réclament le vrai suffrage universel, des libertés publiques pleines et
entières en matière de presse, d'associations, des réunions. Ils se déclarent hostiles à l’armée
de métiers. Ils professent une laïcité intransigeante, réclament la séparation de l'église et de
l'État, revendiquent une instruction primaire laïque, gratuite, obligatoire et un retour au
principe révolutionnaire pour l'élection des fonctionnaires (ce dernier n'étant pas réalisé). Ces
républicains radicaux sont divisés sur la question de la décentralisation. La France est
timidement décentralisatrice avec les départements et communes.
Les élections qui ont eu lieu début juin montrent que l'électorat soutenait les opposants au
régime sur 292 élus, il n'y a plus de 90 députés bonapartistes autoritaires. Les républicains
sont une trentaine. Entre les républicains et les bonapartistes, il y a le tiers parti, qui est
orléaniste, catholique et indépendant, il détient la majorité. Ce tiers parti ne veut pas d'un
empire autoritaire, il ne veut pas non plus de la république. Il souhaite un régime dynastique
qui reconnaîtrait la responsabilité du gouvernement devant la représentation librement élue
par la nation. Un empire parlementaire et Napoléon III va leur donner.
C) empire parlementaire : 1869, 1870.
La réaction de Napoléon III est très intéressante. C'est clairement une réaction de monarque
parlementaire. Dès juillet, il renvoie le jeune Rouher qui est l'homme fort depuis six ans et
annonce des modifications constitutionnelles.
a) le Sénatus consulte du 18 septembre 1869 :
Innovation : le corps législatif acquiert l'initiative législative qu'il partage avec l'empereur. Il
n'y a aucun contrôle du conseil d'État. Le droit d'amendement est totalement libéralisé. La
libéralisation consiste en l'autonomie du corps législatif. Avant chaque session, le corps
législatif peut élire son président, son vice-président et déterminer lui-même son règlement
intérieur. Le Sénat va se rapprocher d'une seconde chambre, ce sera la chambre haute.
L'article cinq du Sénatus consulte donne au Sénat un droit de veto absolu. Ce droit de veto
législatif rend inutile le droit de veto constitutionnel donc on le supprime. Les séances du
Sénat deviennent publiques. À partir de 1869, les ministres peuvent être membres du Sénat et
du corps législatif. Ils ont un droit d'entrée dans les assemblées, ils doivent être entendus à
chaque fois qu'ils le demandent. Il existe alors une meilleure collaboration entre les deux
pouvoirs. La responsabilité politique n'est toujours pas clairement organisée. Le principe de
l'unité ministérielle a été proclamé. Délibération en conseil sur présidence de l'empereur. On
maintient que les ministres ne dépendent que du chef de l'État. Dans le même temps on
modifie l’interpellation, elle peut aboutir à un ordre du jour motivé.
b) le Sénatus consulte du 21 mai 1870 :
Le 2 janvier 1870, Napoléon III appelé Émile Ollivier à former le dernier ministère du régime.
Principale figure du tiers parti. Napoléon III compose un gouvernement à l'image de la
majorité. L'unanimité des 130 votants. C'est une sorte de codification. Une synthèse. Il faut
achever le processus en faveur du parlementarisme.
Le Sénat est la deuxième chambre c'est-à-dire la chambre haute. Il a l'initiative législative
comme le corps législatif. Il est soumis à la même procédure, la loi doit être adoptée par les
deux chambres dans les mêmes termes. Il participe au vote du budget qui doit d'abord être
discuté par le corps législatif.
Les ministres : la rédaction de 1870 contient un oubli significatif. Il n’est plus mentionné que
les ministres dépendent de l'empereur. Ce silence joint à l'existence de l'interpellation plaide
en faveur d'une possible responsabilité politique des ministres. On ne la verra cependant
jamais fonctionnée. Le régime est proche de sa chute, en dépit des apparences. Ce texte est
soumis à ratification populaire. Le 8 mai 1870, les Français ont voté et ont ratifié le texte du
20 avril par 7 300 000 oui contre 1 500 000 noms. L'empereur triomphe, il a retrouvé son
score. Les républicains sont consternés, l'empire paraît conforter. Et pourtant il va s'écrouler
en quelques heures.
§3 : Effondrement du second empire :
C'est précisément parce que l'empire français semble d'abord retrouver une légitimité que la
Prusse va pousser à la guerre. Problème de la guerre, pour faire la guerre faut un prétexte, on
va attendre de le trouver en 1870. Ce prétexte c'est l'Espagne. En 1868, les Espagnols ont
chassé la reine. Dans le plus grand secret, il propose le trône d'Espagne au petit cousin du roi
de Prusse. Début juillet 1870 les français le savent et s'inquiètent. On a peur d'être encerclé
par les Prusses. Dans un premier temps, Guillaume Ier a donné des assurances informelles à
l'ambassadeur français à Berlin qu'il ne s'opposera pas au retrait de la candidature de son petit
cousin. La France demande une garantie officielle que le roi s'opposera à cette candidature.
Guillaume Ier refuse, il renvoie l'ambassadeur français, il télégraphie un compte-rendu de
cette rencontre à Bismarck, qui va faire publier dans la presse : une dépêche d’EMS sur le ton
de provocation. Les orgueils nationaux sont exacerbés. La guerre est déclarée le 19 juillet.
C'est une catastrophe pour la France. L'empereur est extrêmement malade, il a cependant tenu
à prendre la tête d'une armée moitié moins nombreuse que l'armée prussienne. Une armée mal
encadrée, pas du tout à la pointe de la technique. En août, la France subit une série de défaites.
La catastrophe finale a lieu le 2 septembre, les Français sont encerclés à Sedan. L'empereur va
se rendre, il se constitue prisonnier. La nouvelle parvient à Paris dans la nuit du 3 au 4
septembre. L'impératrice s'enfuit en Angleterre. Le 4 septembre matin, le corps législatif
délibérant, une foule énorme de parisiens calmes se masse devant le corps législatif. Des
groupes ouvriers pénètrent dans l'assemblée et demande la déchéance de l'empereur. Les
députés républicains Favre et Gambetta haranguent la foule et se rendent ensuite à l'hôtel de
ville, il proclame la république et la constitution d'un gouvernement de défense nationale. Pas
une voix ne s'élève pour défendre le second empire. Le second empire est dissout. Le
bonapartisme à une vulnérabilité particulière à la défaite, surtout le second empire. En 1852,
lorsque l'empire se constituait, c'était sur une déclaration pacifiste qui avait rassuré les
conservateurs et qui n'avait jamais aimé la politique internationale bonapartiste. Une bonne
partie de la France avait adoré l'image forte de la France. La défaite de 1870 ne peut que
sonner le glas. Les conservateurs vont faire payer le prix. Le peuple ne veut pas être identifié
à un pays qui perd. Ce régime était condamné un jour ou l'autre à disparaître. La légitimité
n'avait jamais été dynastique. Elle avait été au suffrage universel, qui est un concept
républicain. Le second empire n'est qu'une phase de transition. Gambetta l'avait bien compris.
« Vous n'êtes qu’un pont entre la république de 1848 et la république à venir. »
Chapitre 5 : la naissance de la 3ème république.
L'originalité de la situation politique en 1870 est que le nouveau régime proclamé le 4
septembre doit son apparition à la guerre étrangère et pire encore à la défaite de l'armée
française. Situation qui évoque le souvenir de la naissance de la première république. Le nom
du gouvernement républicain est « gouvernement de défense nationale », ce nom souligne le
poids écrasant du contexte militaire qui accompagne la proclamation de la IIIe République.
Ce gouvernement n'est pas politiquement homogène, il comprend des modérés et des radicaux
qui ne sont pas d'accord sur la poursuite du conflit. Derrière Favre, qui est ministre des
affaires étrangères, les modérés sont partisans de la négociation avec Bismarck parce que la
situation militaire est irrécupérable. Les modérés craignent que ce contexte de défaites ne crée
qu'une surenchère à gauche, chez les Jacobins, qui ressusciterait les idéaux du salut public de
1792. Les radicaux derrière Gambetta sont partisans de la poursuite des combats, de la guerre
à outrance. Gambetta est ministre de la défense. Gambetta va tenter l'impossible : Paris est
assiégée fin septembre par les armées prussiennes. Gambetta s'évade en ballon pour gagner
Tours afin de lever des armées pour résister à l'envahisseur prussien. Très déterminé, et en
contradiction avec la majorité. La guerre continue quelques mois parce que les négociations
de Favre n'aboutissent pas. Bismarck exige une capitulation complète, sans condition, ce que
le gouvernement ne peut pas accepter.
Le 28 janvier 1971, il faudra se résoudre à demander à Bismarck un armistice. Bismarck à une
exigence : traiter avec une assemblée élue et représentative de la nation. Cette assemblée
devra se prononcer sur une question : continuation de la guerre ou négociations d'un traité de
paix. Cette assemblée élue le 8 février 1791 se prononce pour la paix. Mais cette assemblée
offre une configuration politique étonnante qui retrace un résumé de l'histoire du XIXe siècle :
un tiers sont légitimistes, un tiers est orléaniste, un tiers républicain, il reste une poignée de
bonapartistes.
La grande question : restauration ou république ? On va mettre 4 ans pour trancher cette
question et consacrer la république. Compte-tenu des circonstances particulières de sa
naissance, la 3ème république offre un visage nouveau. Elle est différente de la première
république et de la deuxième république. Cette république est née d'une conjonction de centredroit avec les organistes et de centre-gauche avec les républicains. On dit qu'il est le régime
qui divise le moins. C'est une république conservatrice. Cette république doit beaucoup aux
orléanistes, c'est aussi naturellement une république qui consacre le régime parlementaire.
C'est la charte sans le roi : la meilleure définition qu'on puisse donner du système politique
instauré par la loi constitutionnelle de 1875.
Section 1 : le temps des incertitudes : 1871 à 1875.
Le 28 janvier 1871, la signature de la Convention d’armistice instaure la suspension des
hostilités pendant trois semaines. L'article deux de la Convention imposait, dans ce délai, la
constitution d’une assemblée librement élus qui devait trancher sur la question de la guerre ou
la paix. Les élections sont organisées dans la précipitation, on fait preuve de maladresses au
gouvernement. Le résultat : l'assemblée est majoritairement monarchiste. Profondément, le
pays ne souhaitait pas une restauration de monarchiste, il souhaitait la conclusion d'un traité
de paix. Les forces légitimistes et orléanistes ont fait campagne en mettant l'accent sur leur
pacifisme. Les républicains souffrent à cause des radicaux qui incarnent la poursuite de la
guerre par tout moyen. Le gouvernement se prononce pour la paix, mais pas pour la
république. La paix est signée le 10 mai 1871 par le traité de Francfort. Cette paix est signée
dans un climat politique particulier, avec l’épisode sanglant de la commune de Paris. Le
monumental quiproquo de février 1871 va bloquer pendant quatre ans l'affermissement de la
république. Les monarchistes sont majoritaires mais ils sont divisés entre orléanistes et
légitimistes. Ils maintiennent la république comme solution provisoire qui deviendra la
solution durable une fois que les orléanistes, lassés par des exigences réactionnaires des
légitimistes, chercherons une issue en faisant alliance avec des républicains qui auront euxmêmes compris que le pays veut une république conservatrice. On voit une maturation
progressive, on prend son temps.
Sous section 1 : 1871, l'année terrible.
Début 1871, Paris capitule après un épouvantable siège de cinq mois, les rats sont servis
comme repas. Le pays est occupé au tiers par l’armée prussienne. Climat dramatique, les
élections ont lieu en février 1871. L'intensité dramatique ne retombe de suite. De mars à mai
1871, la France est confrontée à un nouvel épisode de guerre civile, Paris s'est insurgé
pendant deux mois contre l'assemblée nationale. C'est l’épisode de la commune de Paris qui
s'est terminé dans le plus grand bain de sang du XIXe siècle. On règle les problèmes à coups
de fusil. Ce bain de sang est organisé par l’homme à la tête du pays depuis février 1871, c'està-dire Adolphe Thiers. Paradoxalement, la commune aura pour effet de rassurer les Français
parce que la répression de la commune va montrer que la république peut-être un régime
d'ordre.
§1 : l'élection de l'assemblée nationale :
dès le 29 janvier, le gouvernement de défense nationale publie par décret le nouveau cadre
électoral très largement inspiré par la législation de la deuxième république : la loi du 15 mars
1849. L'élection devait avoir lieu le mercredi 8 février, et non pas le dimanche, on espérait
qu’en pleine semaine, les électeurs des campagnes ne feraient pas le déplacement jusqu'aux
urnes, car on sait que les campagnards votent conservateur. On a tout fait pour mettre fin aux
manipulations des circonscriptions électorales qui avaient été si fréquentes sous le second
empire. On revient à un scrutin de liste dans le cadre départemental. On ne peut plus trafiquer
les circonscriptions, on vote au chef-lieu du département. Le mode de scrutin est repris de
1849, au premier tour, la majorité relative suffit si le candidat recueille au moins un huitième
des voix des électeurs inscrits. Cela dispense de faire second tour, mais c'est très dangereux.
Après diverses hésitations, le gouvernement de défense nationale fait un double choix contre
l'opinion de Gambetta.
Le premier des choix est d'interdire les candidatures des fonctionnaires publics de la
république (préfets et sous-préfets...).
Le second choix et d'autoriser les candidatures des anciens candidats officiels de l'empire.
Remarquons que le scrutin de liste permet les candidatures multiples. De ce fait Thiers est
dans 26 départements. C'est pourquoi il faut faire des élections complémentaires.
Ces excès de scrupules allaient coûter cher au gouvernement, le pays était en état de choc, de
protestation, et hébété par la défaite : nombre de suicides considérable. Deuil, le pays est
amorphe. Il faut voter vite, le pays ne reçoit pas d'informations, aucune explication. Il va se
retourner dans ses choix électoraux vers ses protecteurs traditionnels au plan local, les
notables locaux.
Résultat : sur 675 sièges effectivement pourvus, les monarchistes remportent 400 et parmi eux,
il y a 225 nobles. Dans les 400 monarchistes, il y a 210 orléanistes et 190 légitimistes. Les
républicains tout confondus, des modérés aux radicaux, sont 200. Les bonapartistes ne sont
qu'une petite vingtaine. Dans un premier temps, l'assemblée va se réunir à Bordeaux. Le 17
février, elle décidait d’élire un chef unique détenteur du pouvoir exécutif, son choix se porte
naturellement sur Adolphe Thiers. Pour l'assemblée, la négociation avec Bismarck supposait
un interlocuteur unique qui devait hériter des prérogatives détenues jusqu'alors par le
gouvernement de défense nationale.
Pourquoi Adolphe Thiers ? C'est un homme politique expérimenté, ce qui est rare, il a 73 ans.
Sous le second empire, il avait pris des positions très hostiles à la guerre en 1869. Et comme
c'est un habile homme politique, il va capitaliser son opposition à la guerre en 1871 pour
apparaître comme l'homme providentiel. L'assemblée n'a pas voulu perdre le contrôle de cet
exécutif, elle décide que cet exécutif dépend de l'assemblée et qu'il est révocable à tout instant
par l'assemblée. Il est responsable devant l'assemblée.
Le 26 février, Adolphe Thiers regagne Versailles où Bismarck s'est installé. Dans la galerie
des glaces, en janvier 1871 Bismarck proclamait l'unité allemande. On arrête les préliminaires
de la paix, à savoir la cession de l'Alsace, d'une partie de la Lorraine, le versement d'une
indemnité de guerre fixée à 5 milliards de francs or, l'occupation de la France par l'Allemagne
tant que l'indemnité n'était pas versée. Ce sont les dispositions du traité de Francfort du 10
mai 1871.
Le 1 mars 1871, les préliminaires de paix sont adoptés par une très grande majorité à
l'assemblée nationale. Seulement 107 voix contre dont les députés d'Alsace-Lorraine, et
Gambetta et Victor Hugo qui vont décider de démissionner. L'assemblée nationale décide de
reprendre le chemin du nord de la France, qui est le siège traditionnel du pouvoir. Le 10 mars,
l'assemblée nationale prend des décisions qui ont lourdement pesé sur le déclenchement de la
commune à Paris.
Première décision : le pacte de Bordeaux : décision de mettre en suspens la question de la
nature du futur régime politique de la France. Le chef de l'exécutif s'engage au nom des
circonstances de différer la question constitutionnelle et à ne pas prendre position. Il doit être
neutre.
La seconde décision fait exploser la commune : ne pas retourner siéger à Paris, mais
s’installer à Versailles. C’est le bâtonnier de Lyon, Louis Brun qui est légitimiste convaincu
qui prend ces décisions. En se ralliant à cette décision, l'assemblée nationale enclenche un
processus qui va conduire à la dernière grande révolution parisienne du XIXe siècle : la
commune de Paris.
§2 : la commune de Paris : 18 mars 1871 à 28 mai 1871.
- données conjoncturelles : Paris vient de subir cinq mois de siège : c’est éprouvant, il y a des
bombardements avec « la grosse Bertha » qui est un canon. Il fait froid. La famine.
- données structurelles : Paris est profondément républicaine au XIXe siècle. Son
républicanisme on l’a vu pendant la guerre. On voit une très forte mobilisation des parisiens :
250 bataillons de gardes nationales. Ce républicanisme induit un premier bouillonnement
révolutionnaire. Dans chaque circonscription de Paris, s'était constitué des comités de
vigilance. Un comité central des 20 arrondissements de Paris s'est constitué. Ce comité central
réclame dès l'automne 70, un gouvernement démocratique et social mais il réclamait aussi
l'élection d'une municipalité parisienne directement élue par le peuple, c'est à dire une
commune. Ce mot « commune » circule avant mars 1871. Le 10 mars 1871, lorsque
l'assemblée décide de siéger à Versailles, c’est un choc pour la capitale. Cette capitale
martyrisée, choquée par la défaite militaire, choquée par l'élection d'une majorité monarchiste,
est ulcéré par le choix de Versailles. La symbolique de Versailles : c'est la monarchie absolue.
Le choix de Versailles apparaît comme une mesure de défiance à l'égard d'un parti républicain
et révolutionnaire. Cela apparaît comme un complot contre la république. La dernière décision
de Thiers n'arrange pas les choses. Le 18 mars, Adolphe Thiers prend la décision de désarmer
Paris, de faire récupérer tout l'armement en possession des parisiens. C'est le véritable
détonateur : preuve pour les parisiens du complot antirépublicain. Le peuple parisien refuse de
se laisser désarmer, le 18 mars, il fusille deux généraux que Thiers avait envoyés pour
récupérer l'armement de la capitale. C'est le début officiel de la commune.
Deux mois pendant lesquels Paris est totalement aux mains des insurgés. Le 26 mars, les
parisiens élisent un nouveau conseil municipal, qui n'est pas composé des personnages connus.
C'est un conseil à gauche, presque socialiste. Ce conseil municipal proclame sa volonté de se
substituer purement et simplement à l'assemblée nationale mais seulement à l'échelle de Paris.
La doctrine de Paris c'est l'autonomie communale. Un document : « le manifeste de la
commune » démontre l’autonomie complète des communes de France. Ce qui signifie que
chaque commune doit pouvoir s'occuper des impôts, de la magistrature, de la police et même
de la force armée avec pour mission de garantir la liberté des citoyens. On conserve une
administration centrale, mais on la cantonne dans un rôle très restreint. Cette administration
centrale doit être formée par la délégation des communes fédérées et son rôle se bornait à
opérer les réformes administratives et économiques réclamées par la population. Mouvement
formé par Proudhon. Les communards ne sont pas hostiles à l'idée d'unité nationale. Ils ne
veulent pas briser l'unité nationale. Pendant deux mois, le comité central de la commune va
mettre en œuvre ces conceptions dans une ambiance totalement festive à Paris. Dans la joie et
la bonne humeur. Le comité central va prendre des mesures sociales diverses dont toutes ne
sont pas fumeuses :
- réforme radicale de l'enseignement qui devient laïque, gratuit, obligatoire.
- multiplication des écoles de filles.
- rénovation des méthodes éducatives et pédagogiques.
- création des bourses du travail.
- création de coopératives ouvrières, remettre en autogestion aux ouvriers les ateliers qui sont
abandonnés parce que les patrons ont déserté Paris.
- abaissement brutal du prix des loyers.
- réquisition des logements abandonnés.
- interdiction des amendes et retenues sur salaire.
- interdiction du travail de nuit pour les boulangers.
Des insurgés parisiens essaient de susciter des initiatives comparables en Province. Il y
parvient temporairement surtout à Marseille, mais aussi à Lyon, à Saint-Étienne, Toulouse,
Limoge et Narbonne.
Le 21 mai, finie la rigolade avec la complicité des Bismarck, Adolphe Thiers décide de
reconquérir militairement la capitale : du 21 au 28 mai 1871, on voit de nombreux combats de
rue : c'est la semaine sanglante. (Qui aura donné lieu à l'élaboration de musique telle que le
temps des cerises, et l'international par Pothier). Pendant cette semaine, les versaillais
exécutent tous ceux qu'ils arrêtent. Les communards répliquent en exécutant les otages, dont
l'archevêque de Paris monseigneur Darbois. Les communards ont incendié la plupart des
grands monuments symboliques de Paris : les Tuileries, l'hôtel de ville, le palais de justice, le
conseil d'État, la Cour des Comptes... Le 28 mai 1871 Paris est retournée, c'est un véritable
champ de ruines. Paris est saignée du quart de sa population ouvrière. La répression
versaillaise a fait au moins 20 000 morts communards en une semaine. Les communards font
1132 morts versaillais. 35 000 personnes sont poursuivies judiciairement.
Signification et portée de la commune : c'était signification très forte à partir du XIXe siècle
pour les mouvements de gauche. Les marxistes en ont fait un symbole, une révolution
fondatrice. Pour Lénine, c'est le premier conflit du travail et du capital. Cette lecture ne se
justifie pas pleinement. En réalité, la commune est la dernière révolution française du XIXe
siècle. La révolution est bien française, très parisienne. C'est une dernière manifestation de
tradition qui a pris naissance en 1792. C'est-à-dire tradition des sans-culottes parisiens.
Qui sont les communards ? Ce ne sont pas des prolétaires. Ce sont des artisans, les travailleurs
indépendants, des compagnons, des apprentis, ce sont tous ceux qui réunissent les sansculottes de 1793. Ce ne sont pas les pauvres. Culture libertaire, anarchiste plus que socialiste
ou marxiste.
En 1871 : importance la façon dont la commune est perçue. Nouvel épisode de peurs sociales.
Pour les journalistes, les communards sont les bêtes féroces : on parle de l'orgie rouge. On
fantasme beaucoup. La répression de la commune n’a donc suscité aucune compassion.
Référence à George Sand et Zola. Cette répression engendre deux conséquences :
- on va avoir un divorce répété entre les idées républicaines et la gauche ouvrière. La
république est un régime qui massacre des ouvriers.
- la répression a été extrêmement profitable à la république.
Les leaders républicains n'ont absolument pas soutenu la commune, ils l’ont condamnée dès
départ. Cette condamnation rend leur république beaucoup plus acceptable par le plus grand
nombre. C'est une république désormais lavée de son péché originel. Un péché du soupçon
insurrectionnel. L'insurrection et la terreur est la chose de l'extrême gauche socialiste. La
république n’apparaît plus comme un régime dangereux. La république peut être un régime à
poigne, capable de faire régner l'ordre. Il est très significatif qu'au lendemain de la commune,
la France n’ait pas opérer un de ces vastes mouvements de balancier pour se tourner vers des
solutions réactionnaires et autoritaires. Une petite fraction de l'opinion va se jeter dans
l’expiation, la flagellation collective : les catholiques monarchistes bâtissent le Sacré-Cœur,
Notre-Dame de Fourvière... La majorité du pays désapprouve la commune, cette majorité
dissocie la commune de la république comme on le verra nettement à l'occasion des élections
partielle de juillet 1871. Ce changement d'image la république est un élément absolument
déterminant qui rend désormais possible rapprochement entre républicains et orléanistes. C'est
vers cette solution qu’on s’oriente lorsque la restauration monarchique sera apparue
définitivement impossible.
Sous section 2 : le ralliement progressif à la république.
Mai 1871, la république est toujours provisoire, elle devient régime pérenne à partir du vote
d'un amendement célèbre : l'amendement Wallon qui est adopté le 30 janvier 1875 à une voix
de majorité.
Ces quatre années de discussions ont été des années essentielles à deux titres. D'abord parce
que les élections partielles qui ont eu lieu à plusieurs reprises montrent bien que le pays
souhaite, y compris dans le monde rural, l’avènement de la république.
Le premier signal fort à lieu en juillet 1871 : aux élections partielles : il y avait 113 sièges à
pourvoir à l'assemblée nationale. Les républicains remportent 99 sièges, dont 35 radicaux. Les
autres élections entre janvier 1872 et mai 1873 vont exactement dans le même sens. Les
républicains remportent 31 des 41 sièges à pourvoir. Les élections locales, municipales et
cantonales, de 1871 à 1874 vont dans le même sens.
Deuxième point important : ces quatre années sont essentielles, au cours de ces quatre ans
vont se dessiner les traits caractéristiques du futur régime, à savoir sa physionomie
parlementaire. On s’inspire des lois votées pendant ces quatre ans, et de la pratique des
institutions pour rédiger les lois constitutionnelles 1875, on crée le régime institutionnel sans
connaître la nature du régime (république parlementaire ou monarchie).
§1 : l'orientation parlementaire des institutions de la république provisoire :
Dès le printemps 1871, les tractations ont commencé entre légitimistes et orléanistes, on
cherche à se mettre d'accord sur un prétendant. Les légitimistes veulent le comte de
Chambord. Les orléanistes veulent le comte de Paris. Dès juillet 1871, la restauration paraît
mal engagée parce que le candidat légitimiste se crispe sur la question du drapeau. Il refuse
catégoriquement le drapeau tricolore, drapeau de la France révolutionnaire. Il veut instaurer le
drapeau blanc de la monarchie. La question est de savoir si on accepte ou non la révolution.
Pour le comte de Chambord, la révolution est le mal absolu, il ne faut pas d'héritage
révolutionnaire. La république est toujours en sursis, mais comme la solution ne paraît pas
devoir être trouvée rapidement, il faut aménager un peu mieux le provisoire. L'assemblée va
essentiellement aménager les pouvoirs du chef de l'État qu'elle trouve trop encombrant. Elle
limite l'ascendant politique exercé par Thiers.
A) la loi Rivet du 31 août 1871.
En apparence, cette loi est une récompense pour Thiers, en réalité c'est une loi de limitation et
d'encadrement du pouvoir présidentiel. L'assemblée décerne à Thiers, le titre de président de
la république, mais elle précise tout de suite que ce titre ne change en rien le fond des choses,
c'est-à-dire qu'il n’engage pas l’avenir.
Le pacte de Bordeaux s'applique toujours. Ce titre est confié « a dominem » à un homme
particulier, la fonction de président de la république n'est pas créée. Cette loi confère au
président un mandat dont la durée est égale à celle des pouvoirs de l'assemblée. Ce président,
comme depuis février, est responsable devant l'assemblée nationale, il doit résider au lieu du
siège de l’assemblée nationale. On le rattache à l'assemblée. Bien qu’il soit député, le
président ne peut pas intervenir librement devant l'assemblée. Il doit en avertir le président de
l'assemblée.
La loi Rivet s'intéresse ensuite aux ministres. Nouveauté, elle déclare les ministres
responsables devant l'assemblée, comme devant Thiers. Cela va avoir pour conséquence des
tensions, des conflits. Le but étant d'affaiblir l'influence de Thiers devant les ministres et
l'assemblée. La relation entre Thiers et l'assemblée se détériore un peu plus à partir du 13
novembre 1872. Le 13 novembre 1872, le pays revenu au calme, ce pays en a assez du
provisoire, Adolf Thiers adresse un message à l'assemblée. Il sort de la neutralité imposée par
le pacte de Bordeaux. Il se prononce clairement en faveur d'une république conservatrice : « la
république existe, vouloir autre chose serait une nouvelle révolution, la plus redoutable de
toutes ». Il déclare aussi « la république sera conservatrice ou ne sera pas », ce qui est un
raisonnement assez lucide. Thiers a violé le pacte de Bordeaux, l'assemblée lui fait payer très
vite avec la loi Broglie du 13 mars 1873 en attendant de le renverser deux mois plus tard.
B) de la loi Broglie à la chute d’Adolf Thiers : le 24 mai 1873.
La loi Broglie va dans la même perspective : réduire l’influence du président de la république
sur l'assemblée nationale. Le texte commence à rappeler que l'assemblée détient le pouvoir
constituant qui ne peuve pas faire l'objet d'un veto du président la république. On lui reconnaît
un veto en matière législative, qui est un veto très relatif. Le président la république ne peut
que demander une seconde lecture de la loi. Le texte cherche ensuite à couper les relations
entre le président et l'assemblée, en rendant les interventions du président de la république très
compliquées.
Article premier du texte : « le cérémonial chinois ». C'est une procédure redoutablement
dissuasive. Il est prévu que le président de la république communique avec l'assemblée
essentiellement par des messages lus à la tribune par un ministre, sauf dans le cas d'ouverture
de la session. S’il le juge nécessaire, le président la république peut être entendu par
l'assemblée lors de la discussion législative, le président la république doit en informer par
messages le président de l'assemblée. La discussion est suspendue à l'assemblée nationale. Le
président est entendu le lendemain. Après son intervention, dès la fin de son intervention, la
séance de l'assemblée est immédiatement levée. Il n’existe pas de discussions en la présence
du président. Le président fait seulement un monologue devant l'assemblée. La loi Broglie
défini beaucoup plus clairement les questions de responsabilité. Elle crée une distinction entre
la politique intérieure et la politique extérieure. Les interpellations, en matière de politique
intérieure, ne peuvent être laissées qu'aux seuls ministres et non pas au président de la
république. Ce n'est que lorsque les interpellations portent sur la politique extérieure ou
générale du gouvernement qu’elles seront adressées au président. À partir de la loi Broglie, on
réduit le président de la république, progressivement, il devient irresponsable. Dans son article
cinq, elle énonce que les futures institutions de la France devraient impérativement comporter
une seconde chambre : la chambre conservatrice, chère aux libéraux. Le principe du
bicaméralisme est déjà révélé par la loi Broglie.
Ce compromis de 1873 va être remis en question par une élection partielle qui plonge
l’assemblée dans la consternation voir dans la panique. Le 27 avril 1873, des élections
partielles ont lieu à Paris, le candidat radical : Désiré Barodet l'emporte sur Charles Rémusa
qui était ministre des affaires étrangères du gouvernement Thiers. Barodet est radical, il est
maire de Lyon, il est militantiste. Il est à l'origine du recueil « le Barodet » : qui est une
publication des professions de foi des députés. Cette élection sonne la panique à l'assemblée
car elle semble indiquer que la république conservatrice préconisée par Thiers est incapable
d'empêcher ces progrès électoraux des radicaux. Cette élection fait déborder le vase pour les
conservateurs : Thiers n'est plus indispensable, on a acquitté les 5 milliards. Pour les
conservateurs, il faut se débarrasser de Thiers. La crise éclate à la suite d'un remaniement
ministériel opéré par Thiers le 18 mai 1873. Thiers met sur pied une république modérée. Le
lendemain, le 19 mai, le duc de Broglie donne lecture de l'interpellation dans laquelle il
réclame que le gouvernement mène une politique conservatrice. Le 4 mai 1873 :
l'interpellation est votée par 360 voix contre 344. Thiers tombe, il est renversé. Dans la foulée,
on procède immédiatement à l'élection d'un nouveau président de la république qui sera élu à
390 voix sur 391 votants il s'agit de Patrice Mac-Mahon. Pour les monarchistes, c'est le
candidat idéal. Il est rassurant, terne. Il ne chercherait pas à influencer l'assemblée. En réalité,
le pouvoir est détenu par le ministère et en particulier par duc de Broglie. Le ministère de
droite qui regroupe toutes les droites : il y a 2 légitimistes, six orléanistes, est un bonapartiste
modéré. Le gouvernement de Broglie est une union de la droite pour faire face au péril radical.
Ce gouvernement de droite va réclamer l'idée d'une restauration monarchique.
C) de l'échec de la restauration à la loi du septennat :
Pendant l'été 1873, les légitimistes relancent l'idée d'une restauration et les négociations
reprennent entre le comte de Paris et le comte de Chambord pendant les vacances l'assemblée.
Ils sont d'accord sur quelques points : en cas de restauration, le comte de Chambord monterait
sur le trône. Toutefois, comme le comte de Chambord est sans enfant, un prince de la maison
d'Orléans devait lui succéder.
Sauf que, le comte de Chambord ne se prononce pas pendant l'été 1873 sur les deux questions
essentielles aux yeux des orléanistes : le régime parlementaire et le drapeau tricolore. Les
tractations durent jusqu'au 29 octobre 1873, date à laquelle le comte de Chambord qui est
légitimiste fait publier dans le journal « l’union » une lettre qui met fin aux espoirs de la
restauration, il ne peut pas accepter le drapeau tricolore.
Le duc de Broglie va profiter du désarroi des légitimistes pour proposer la prolongation des
pouvoirs de Mac-Mahon avec une idée : il faut gagner du temps pour essayer de mettre sur
pied d'une restauration purement orléaniste. Le duc de Broglie aurait voulu qu'on prolonge de
10 ans les pouvoirs de Mac-Mahon. L'assemblée, elle, veut que ce soient 5 ans. On a transigé
et on s'est accordé sur une durée de sept ans qui est fixée par la loi du 20 novembre 1873. Il
n'est plus question dans cette loi de la responsabilité du chef de l'État. À la faveur de ce texte,
le chef de l'État devient irresponsable. Il fait du chef de l'État un vrai chef de l'État
parlementaire. Par contre le gouvernement est responsable. L'esquisse parlementaire devient
très nette. Les orléanistes pensaient avoir sept ans de sursis pour la restauration, mais c'est
surtout à la république que ces sept années vont profiter.
§2 : la république enfin confirmée :
C’est à partir de 1873 et encore pendant l'année 1874 que les résultats des élections partielles
ont joué un rôle déterminant sur les orientations de l'assemblée nationale. De mai 1873 à
février 1875, ont lieu 27 élections partielles dont les résultats sont éloquents : il y a un seul
monarchiste élu, 20 républicains, et 6 bonapartistes. Sur ses résultats il est nécessaire de faire
deux commentaires :
 il y a 20 républicains sur 27 députés : il est clair que c'est un enracinement du vote
républicain. D'autant plus que l'armée a été privée du droit de vote par la loi du 27 juillet
1872 parce qu'elle était trop suspecte de sentiments républicains, on l'a appelé la Grande
Muette. Sur les 20 élus, on remarque le caractère modéré des opinions politiques de ces
nouveaux députés républicains. Les électoraux républicains ont compris que pour faire
triompher la république, il fallait qu'elle ait un visage rassurant.
 Il y a 6 bonapartiste : c'est la renaissance bonapartiste en France. D'autant plus que
lorsqu'ils ne sont pas élus, ils font des très bons scores dans les circonscriptions. C'est une
tendance à la renaissance comme l’élection de Barodet avait jeté l'alarme, l'élection du baron
de Bourgoing qui est un ancien écuyer de Napoléon III dans la Nièvre a exactement produit
le même effet. La Nièvre est un département qui vote radical jusqu'à maintenant, et qui de 73
à 75 vote bonapartiste. L'idée d'empire est en train de renaître parce que la restauration est un
échec et l'assemblée nationale n'arrive pas à sortir du provisoire et on en a marre. Si on le
sollicite, le fils de Napoléon III prendra le trône. C'est pour ça qu'il faut réagir à tout prix. Les
progrès électoraux des bonapartistes vont permettre cette conjonction des centres que Thiers
recherchait déjà en 1872. On va rapprocher les orléanistes et les républicains modérés sur ce
socle et on va trouver un accord. Cet accord se fait début 1875, à l'occasion de la discussion
d'un nouveau texte destiné à aménager les institutions temporaires et provisoires : cette
discussion est gouvernée par la « commission des 30 ». Le 21 janvier 1875, ouverture de la
discussion. On commence par l'article premier du texte qui énonce : « le pouvoir législatif
s'exerce par deux assemblées : la chambre des députés et le Sénat ». Le mot république
n'apparaît pas. On dépose des amendements : le premier amendement décide que le
gouvernement de la république se compose de deux chambres et d'un président. Cet
amendement est rejeté par 359 voix contre 336. Le 30 janvier 1875, un républicain modéré,
un député du Nord de la France, professeur d'histoire à la Sorbonne qui est Henri Wallon
dépose en amendement : « le président de la république est élu à la majorité absolue des
suffrages par le Sénat et la chambre des députés réunis en assemblée nationale. Il est nommé
pour sept ans, il est rééligible ». L'intelligence du discours de Wallon est de ne surtout pas
faire de la nature du régime une question de principe. Le but est de sortir du provisoire.
L'amendement est voté à 353 voix contre 352. La république devient le régime pérenne de la
France à une voix de majorité. On crée la fonction du président, pour créer la république.
Section 2 : les lois constitutionnelles de 1875 ou la charte sans le roi.
Il n'y a pas de constitution de 1875 au sens classique du terme, c'est-à-dire un texte unique
rassemblant les dispositions constitutionnelles et précédé d'un préambule.
Il y a trois lois constitutionnelles :
- la loi du 24 février 1875 relatif au Sénat.
- la loi du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics.
- la loi du 16 juillet 1875 relatif au rapport des pouvoirs publics.
Il y a seulement 34 articles, cette structure laisse une place importante à la coutume.
Originalité formelle qui résulte de la logique de compromis qui a triomphé à partir de 1875 et
de la procédure retenue. Après l'adoption de l'amendement Wallon, la discussion a repris
toujours autour du projet de la commission des 30. Les articles du projet ont fait l'objet
d'amendement soumis au vote pour voir dans quelle mesure ils obtenaient l'aval de
l'assemblée. Ce n'est pas du tout une constitution improvisée, parce que les orléanistes qui
font la république savaient exactement ce qu'ils veulent. Les orléanistes veulent un régime
parlementaire et libéral. Les orléanistes savent toutefois que la démocratie est désormais
inévitable en France. Au final, l'édifice constitutionnel de 1875 va s'efforcer de faire la
synthèse entre la tradition parlementaire du XIXe siècle et les aspirations démocratiques plus
récentes. Toutefois, l'influence orléaniste explique que les institutions contiennent des
éléments nouveaux, originaux, en rupture avec la tradition républicaine établie depuis 1792.
L'élément nouveau par excellence est le Sénat, c'est-à-dire la chambre haute. Dans une
moindre mesure, un autre élément nouveau est le président de la république. Cette influence
explique aussi le luxe de précaution qui a été pris pour séparer de façon souple les pouvoirs
auxquels les lois constitutionnelles s'intéressent : le législatif et exécutif.
§1 : le prix de compromis : Sénat et présidence de la république.
« Une chambre de résistance contre le torrent des innovations téméraires » De Broglie.
Chambre haute : conservatrice, modératrice est la revendication majeure des monarchistes que
les républicains ont dû observer. De même les républicains, bien que traumatisés, ont dû
consentir à l'idée d'une autorité forte à la tête de l'exécutif, idées admises depuis la loi Rivet.
A) le Sénat :
en 1875, pour les républicains, le Sénat est le prix à payer pour une république durable. Ils ont
essayé de mener bataille sur une question essentielle : le mode de désignation des sénateurs.
Ils auraient aimé une élection au suffrage universel direct, mais les députés monarchistes
posent un veto absolu.
Le Sénat est une chambre conservatrice à plusieurs égards :
 dans la distinction faite entre deux catégories de sénateurs : il y a 225 sénateurs élus au
suffrage universel indirect, et 75 sénateurs inamovibles qui devront être élu par l'assemblée
nationale avant qu’elle ne se sépare, ils sont élus à vie. Les monarchistes espéraient laisser
une garnison de sénateurs monarchistes.
 L'âge requit pour être sénateur est de 40 ans. Le mandat est de neuf ans, il n'y a pas de
renouvellement intégral, le renouvellement se fait par tiers tous les trois ans.
 L’assise électorale des sénateurs : composition des collèges électoraux. Décrit à
l'article deux de la loi du 24 février. La répartition des sièges a été conçue de manière à
assurer la prédominance du monde rural au détriment des villes. On pense que les villes
votent très républicains, voire radical. Alors que les ruraux votent conservateur. Le principe
est que pour chaque département il y a au moins de sénateurs. Et au maximum, un
département a cinq sénateurs (cas du département de la Seine). Ce déséquilibre est accentué
par la composition des collèges électoraux : ils doivent se réunir au chef-lieu du département,
et cela devait comprendre les députés, les conseillers généraux, les conseils d'arrondissement
et enfin des délégués municipaux à raison d'un délégué par commune quelle que soit sa taille.
Prime au monde rural. La seconde concession des républicains est le président de la
république.
B) le président de la république :
Il est doté d'une réelle autonomie d'action. Dans la version initiale des lois de 1875, le
président de la république n’est pas du tout le personnage décoratif qu’il va devenir à partir de
1879. Les monarchistes voulaient faire du président une sorte de monarque constitutionnel.
Les orléanistes espéraient encore réviser la constitution. Le président de la république est élu à
la majorité des suffrages de la chambre des députés et du Sénat pour sept ans, il est rééligible.
Ce mode de désignation satisfait les républicains et orléanistes. Pour les républicains, il ne
pouvait pas être question de l'élection au suffrage universelle directe, c'est trop dangereux.
Pour les orléanistes, ils sont d'accord sur ce point. Ils cherchent à placer l’exécutif dans la
dépendance du pouvoir parlementaire.
Avantages du mode de désignation :
- stabilité de la fonction en la mettant à l'abri des passions populaires.
- effacement relatif du président la république.
Les pouvoirs du président de la république :
Pour les orléanistes, le président de la république doit être un substitu du monarque
constitutionnel. Pour cette raison, le président de la république est irresponsable. Puisqu'il est
irresponsable, il ne peut pas faire seul aucun acte de sa fonction, cela oblige le contre seing
ministériel. La seule exception au principe d’irresponsabilité est le cas de haute trahison, il
peut alors être mis en accusation par la chambre des députés, puis jugé par le Sénat érigé en
haute cour de justice. Les compétences du président la république ne sont pas négligeables. Il
dispose du pouvoir réglementaire qui doit s'exercer en application de la loi, ce n'est pas un
pouvoir réglementaire autonome. Il possède le droit de grâce. Il dispose de la force armée. Il
nomme à tous les emplois civils et militaires. Le président de la république possède l’initiative
législative partagée avec les chambres. Il promulgue les lois. Il peut demander une deuxième
délibération. Il peut proroger et clore les sessions parlementaires après cinq mois de sessions
ordinaires. Enfin, il peut dissoudre la chambre des députés à condition d'un avis conforme du
Sénat. Cela est significatif à deux niveaux, cela montre la méfiance à l'égard de la chambre
basse et la souplesse qui caractérise la séparation des pouvoir en 1875.
§2 : recherche de l'équilibre des pouvoirs :
Équilibre au sein de chaque pouvoir et interaction, moyen d'action réciproque entre les
pouvoirs : caractéristiques des institutions conçues en 1875.
La recherche de l'équilibre passe par une dualité systématique : parlementaire qui est
bicaméral, et dualité de l'exécutif avec à côté du président la république un conseil des
ministres : un exécutif bicéphale.
Bien que la constitution ne soit pas explicite, il découle du pouvoir de nomination aux
emplois, que c'est le président de la république qui nomme les membres du cabinet ministériel.
La constitution ne fixe pas un nombre des ministres. Elle ne dit rien non plus sur un
quelconque conseil des ministres, qui est une création coutumière ultérieurement reconnue par
décret.
Les lois constitutionnelles désignent, en revanche, le conseil des ministres en tant qu'organe
collégial responsable devant les chambres. Mais on ne dit pas comment on fait.
Le bicaméralisme de 1875 est inégalitaire au profit de la chambre haute. Il n'y avait
pratiquement pas de dispositions sur la chambre des députés dans les lois. Il faut attendre la
loi organique du 30 novembre 1875 pour savoir que la durée du mandat des députés est de
quatre ans, que le renouvellement de la chambre est intégral, et que le mode de scrutin est
uninominal à deux tours. Ces lois constitutionnelles métiers de chambre sur pied d'égalité
stricte en matière législative : système de la navette parlementaire.
En matière de budget, l’égalité est légèrement rompue en faveur de la chambre des députés.
C’est devant elle qu'on doit toujours déposer les lois de finances et c'est elle qui doit les voter
en premier. C'est un avantage uniquement chronologique. Car après le Sénat a les mêmes
pouvoirs.
Égalité de la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale : le Sénat peut engager la
responsabilité du gouvernement avec l’interpellation comme sous la monarchie de juillet.
L'interpellation est le vote d'un ordre du jour motivé, si il y a majorité, le gouvernement tombe.
Inégalité au profit du Sénat : la chambre des députés peut être dissoute mais pas le Sénat. Le
Sénat ne peut pas être dissous, et il faut l'avis conforme du Sénat pour dissoudre la chambre
des députés.
Situation exorbitante du Sénat. Mais cela ne va rester comme cela. La conquête des
institutions par les républicains va modifier l'équilibre constitutionnel et imposer une nouvelle
lecture des institutions beaucoup plus conforme à la tradition républicaine.
Section 3 : la conquête finale de la république par les républicains.
Il a fallu mettre en place des institutions : principalement les deux chambres.
Mis en place du Sénat en janvier 1876. Désignation des 75 inamovibles. Les espoirs des
conservateurs ont été déçus, les légitimistes ont préféré s'allier avec les républicains contre les
orléanistes. C'est une alliance tout à fait bizarre. Les républicains remportent 55 sièges de
sénateurs inamovibles sur 75 à pourvoir.
Fin janvier 1876 : on élit les 225 sénateurs restant. Cette élection est remportée par les
conservateurs au suffrage universel indirect. Il y a 154 sièges conservateurs. C'est le premier
Sénat conservateur, mais d'une courte majorité 154 conservateurs contre 146 républicains.
Le 20 février, et le 5 mars 1876 : élection des députés : triomphe républicain en dépit du
scrutin. 360 députés républicains contre 150 députés de droite et parmi eux 75 bonapartiste,
60 orléanistes et 20 légitimistes.
Après cinq ans de réunion, le 8 mars 1876, l'assemblée nationale se sépare. Le bel édifice
commence à vivre sous le signe de la cohabitation. En effet, le président de la république est
conservateur. Le Sénat est faiblement conservateur. La chambre des députés est républicaine.
C'est une configuration qui ne peut être que source de tensions qui vont se cristalliser
inévitablement autour du gouvernement (sur sa composition et sur sa politique).
Un an plus tard, en 1877, c'est la crise du régime.
§1 : la crise du 16 mai 1877 :
il fallait à nouveau chercher un compromis. Mac-Mahon essaie une première solution : un
gouvernement avec à sa tête un orléaniste rallié la république : Jules Dufaure.
Dufaure est trop marqué à droite pour les républicains, il est renversé en décembre 1876.
Alors, Mac-Mahon appelle un républicain à la droite du parti : Jules Simon. Mac-Mahon
renversera Simon, parce qu'en mai 1877, Simon avait laissé faire sans réagir lorsque la
chambre des députés avait adopté un ordre du jour qui condamnait les manifestations
cléricales.
Il y a un grand débat quant au pouvoir temporel du Papa, on parle d'ultramontanisme.
Discours de Gambetta : « le cléricalisme voilà l'ennemi ».
Gambetta fait une distinction entre la religion qui est une conscience individuelle libre à
chacun et le cléricalisme qui est la volonté de l'église catholique de s'ériger en force politique
à part entière.
Mac-Mahon est choqué par le laisser faire de Jules Simon. Il adresse une lettre de blâme au
président du conseil qui démissionne le 16 mai 1877.
Mac-Mahon ne fait plus de compromis. Il appelle le duc de Broglie pour former un nouveau
gouvernement. Le 18 mai 1877, ce gouvernement obtient du président un décret
d'ajournement des chambres pour une durée d'un mois. Protestation immédiate de la chambre
des députés qui, le 30 mai adopte un manifeste signé par 363 députés qui dénonce une
aspiration au gouvernement personnel de Mac-Mahon et qui déclare qu'elle refuse ce nouveau
gouvernement qui est appelé « aux affaires contrairement à la loi des majorités qui est le
principe du régime parlementaire. »
Mac-Mahon décide de dissoudre et de porter le conflit devant les électeurs. L’élection est
fixée au mois d'octobre 1877. La campagne des législatives de 1877 a été l'une des plus
passionnées de notre histoire électorale. Le gouvernement, le ministre de l'intérieur ressuscite
pratique digne du second empire. Épuration massive du corps préfectoral : révocation des
préfets, des maires, procès de presse, résurrection des candidatures officielles. Pressions
administratives colossales sur ces élections.
La gauche s'organise avec beaucoup d'intelligence, elle aborde ces élections sous une double
bannière : l'unité politique (un seul et même programme pour toute la gauche) et une
discipline électorale (il n'y a qu'un seul candidat républicain dans chaque circonscription : « la
défense républicaine ».)
La discipline est payante, le 28 octobre 1877, les républicains détiennent une majorité de 326
sièges contre 208 pour les conservateurs.
Au cours de la campagne électorale législative, Gambetta avait lancé que « une fois que le
pays ce sera prononcé, il faudra se soumettre, ou se démettre » à l'encontre de Mac-Mahon.
Dans un premier temps, Mac-Mahon a songé à résister. Il envisageait une fois encore la
dissolution, mais il n'a pas eu l'accord du Sénat.
Mac-Mahon veut alors résister en essayant de composer un gouvernement dont le chef n'est
pas pris dans la majorité parlementaire. La France refuse de reconnaître ce gouvernement.
Alors, Mac-Mahon se soumet et rappelle Dufaure aux conditions fixées par Dufaure. Dufaure
constitue un gouvernement ouvert, très républicains, dans lequel même la gauche radicale est
représentée.
Le 15 décembre 1877 : Mac-Mahon adresse un message aux chambres. Il reconnaissait que le
droit de dissolution n'est qu'un mode de consultation extrême qui ne saurait être érigé en
système de gouvernement. Il annonce le renoncement au droit de dissolution qui tombera
alors en désuétude, cela est lourd de conséquences pour les institutions, il n'y aura plus de
menaces du gouvernement. Rééquilibrage bicaméralisme. La chambre des députés est
conforter, pour autant, le Sénat et le président de la république sont encore aux mains des
conservateurs, mais plus pour très longtemps.
§2 : la conquête de la présidence de la république et du Sénat :
Première conquête : celle du Sénat : les élections municipales de juin 1878 ont été un
triomphe républicain, tout s'enchaîne. Lorsque le premier renouvellement du Sénat a lieu
début 1879, les républicains obtiennent 66 des 82 sièges. Désormais, les républicains sont
majoritaires au Sénat avec 179 sièges contre 120.
Mac-Mahon allait être contraint à la démission, le 20 janvier 1879, sur proposition de Jules
Ferry, la chambre des députés demande au ministère Dufaure « la satisfaction légitime qu'elle
réclame depuis longtemps en ce qui concerne le haut personnel administratif et judiciaire. »
On demande une épuration administrative dans le but de républicaniser les grands corps de
l'État : corps préfectoraux, judiciaire et l'armée.
Mac-Mahon refuse de signer les décrets proposés par Dufaure qui touchait l'épuration de
l'armée.
Mac-Mahon démissionne le 30 janvier 1879.
Le congrès se réunit immédiatement à Versailles. Le candidat est Jules Grevy : républicain
modéré provincial. Et Grevy est élu avec 563 voix.
Le 7 février 1879, dans un message aux assemblées, Jules Grévy déclare qu'il n'entrerait
jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels. Il
s'engageait à ne pas faire usage de la dissolution.
Le 19 juin 1879, après une petite révision constitutionnelle, le siège du gouvernement est
ramené de Versailles à Paris. À l'automne 1879, les chambres siègent à Paris. Même si le
congrès se tient traditionnellement à Versailles.
En 1879, la marseillaise redevient chant national.
Le 6 juillet 1880, la république adopte comme jour de la fête nationale le 14 juillet, en
commémoration de la prise de la Bastille et de la fête de la fédération. L'unité nationale
retrouvée autour de la révolution.
Le 13 juillet 1880 : loi d'amnistie des communards. À l'occasion des débats, Gambetta
prononce l'immense discours dans lequel il invite les députés à proclamer qu'il y a eu qu'une
France et qu’une république. Il faut refermer le livre des 10 dernières années. Mais au-delà,
c'était plus largement refermer le grand livre de la révolution française après 90 ans de luttes
politiques.
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