ii.1 rapport scientifique - Perso-sdt

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Partie II.1 RAPPORT SCIENTIFIQUE
II.1 RAPPORT SCIENTIFIQUE ................................................................................. 34
Les processus dans la croûte et le manteau ................................................................................................... 34
Accrétion océanique ..................................................................................................................................... 34
Structure profonde des dorsales et du manteau océanique ....................................................................... 34
Dynamique superficielle des dorsales ...................................................................................................... 35
Les dorsales, reflet de la structure thermique et chimique du manteau ................................................... 41
Asthénosphère et interactions lithosphère/asthénosphère en domaine océanique ........................................ 45
Interactions points chauds/dorsales (influence des points chauds sur l'accrétion actuelle) ...................... 45
Interactions lithosphère-asthénosphère .................................................................................................... 50
Conclusions ............................................................................................................................................. 54
Recyclage de la lithosphère océanique dans les zones de convergence ........................................................ 55
Structure thermique des zones de subduction .......................................................................................... 55
Magmatisme des zones de subduction « chaudes » ................................................................................. 55
Magmatisme post-collisionnel ................................................................................................................. 56
La cinématique des microplaques de l'Est Indonésien ............................................................................. 57
Limites stables des domaines océaniques: de l'ouverture aux bassins ........................................................ 57
Les marges passives ..................................................................................................................................... 57
La riftogénèse et la naissance des marges: Le chantier Maroc ................................................................ 57
Marges volcaniques ................................................................................................................................. 58
Approche méthodologique: utilisation de la magnétotellurique en domaines de marge .......................... 59
Les rifts continentaux ................................................................................................................................... 59
L’extrémité Nord du Rift kenyan : La Dépression du Turkana ............................................................... 60
L’extrémité sud du rift kenyan : le secteur Magadi-Natron et la Divergence Nord Tanzanienne ............ 61
Rift continental à l’avant d’un propagateur océanique : le Bassin de Woodlark ..................................... 62
Rift Karoo du Botswana .......................................................................................................................... 62
Rifts anciens et extension post-orogénique .............................................................................................. 63
Marges anciennes et paléo-bassins océaniques ............................................................................................ 63
Thématique .............................................................................................................................................. 64
Bilan des recherches ................................................................................................................................ 64
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II.1 RAPPORT SCIENTIFIQUE
Les processus dans la croûte et le manteau
Accrétion océanique
Personnel impliqué:
Claire Bassoullet, Hervé Bellon, Mathieu Benoît, Marcel Bohn, Martial
Caroff, Jo Cotten, Laure Dosso, Jérôme Dyment, Jean Francheteau, Pascal
Gente, Jean Goslin, Christophe Hémond, Thierry Juteau, Marcia Maia, Alain
Piqué, Jean-Claude Phillipet, Jean-Yves Royer, Pascal Tarits, Chantal
Tisseau, Jean-Louis Thirot
Doctorants:
Angelina Blais (en cours), Sébastien Gac, Erwan Garel, Naphsica
Grammatica, Gilles Jacovetti, Esthèle Maina (en cours), Morgane Ravilly,
Remy Thibaud, Yvan Vlastelic
Post-doctorants :
Anil Chaubey, Veronika Varfalvy
Collaborations :
IPGP, LSCE Gif, Univ. Paris 6, Univ. Rennes 1, OMP Toulouse, IRD,
DROGM Ifremer, Geol. Survey of Iran, Energie et Mines Oman, Univ. Laval
(Québec), Univ. Tokyo, Inst. Ocean. Goa, SIO, WHOI, Lamont.
Structure profonde des dorsales et du manteau océanique
La structure sismique du manteau supérieur sous les centres d'expansion
Les modèles tomographiques globaux ou régionaux du manteau supérieur, même les plus
récents, possèdent une résolution horizontale, quelques centaines de kilomètres pour les
modèles régionaux à 1000-2000 km pour les modèles globaux, très insuffisante pour pouvoir
être confrontés aux résultats des synthèses structurales à l’échelle d’un ou plusieurs segments
d’accrétion. Par exemple, aucun de ces modèles ne permet de préciser la structure thermique
des 200 premiers kilomètres du manteau sous les domaines axiaux des centres d'expansion
actifs ou de préciser la géométrie des têtes de panaches lorsque ceux-ci interagissent avec les
dorsales (ainsi, plusieurs panaches de dimensions horizontales réduites existent-ils au nord
des Açores ou s'agit-il d'un seul panache dont les manifestations en surface dépendent des
hétérogénéités de la lithosphère (Benoit et al., soumis 2002)? Pour tenter de répondre à ce
type de questions, des modèles d'anomalies de vitesses sismiques d'ondes P pour le manteau
supérieur sous la région axiale des dorsales, possédant une résolution suffisante, sont
indispensables.
Nos travaux pour obtenir un premier modèle de ce type, (par inversion des anomalies de
temps de trajet des ondes de volume, engendrées par les séismes se produisant à l’axe, et
enregistrées par des stations distantes) ont débuté en 2001. Le chantier choisi pour ces
premiers travaux est le bombement des Açores au sens large. Une technique nouvelle de
pointé des ondes P utilisant la transformée en ondelettes a été développée et validée sur un
nombre très restreint de trajets (Kielius, 2000, DEA). Le travail, débuté au cours de l'année
2001, est en cours et se poursuivra au cours de l’hiver 2002-2003 : la méthode utilisée
nécessite en effet un pointé fiable de l’onde P sur un très grand nombre de sismogrammes
(15000 trajets environ !), ainsi qu’une évaluation précise de l’erreur commise sur ce pointé.
Imagerie magnétotellurique d'une dorsale ultra-rapide: MELT
Les techniques de sondages magnétotelluriques et de sondages magnétiques fond de mer
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sont utilisées pour déterminer la structure en conductivité électrique du manteau supérieur
océanique. Ces techniques sont basées sur l'étude de la réponse du sous-sol électriquement
conducteurs, aux fluctuations naturelles des champs électriques et magnétiques d'origine
exosphériques. Ces fluctuations électromagnétiques, de périodes allant de quelques minutes à
quelques jours, sont enregistrées à l'aide d'instruments autonomes posés sur le fond marin. .
Nous avons participé à l’élaboration puis le déroulement d’un projet international d'étude
de la structure profonde de la ride Pacifique Est entre 16 et 17 degrés Sud, l'expérience MELT
(Mantle ELectromagnetic-seismic Tomography). Les stations sismologiques fond de mer (au
total 50, appartenants aux grandes institutions océanographiques américaines ; SIO, WHOI,
Lamont, Corvalis, Providence) ont été récupérées en juin 1996 alors que les instruments de
magnétotelluriques fond de mer (37 stations, américaines, françaises, japonaises et
australiennes) étaient installés à la même époque pour un an. Plusieurs informations
fondamentales ont pu être obtenues à partir de l'analyse des données MT: tout d'abord une
forte dissymétrie du manteau de par et d'autre de la dorsale jusqu'à près de 200 km de
profondeur sur le segment enrichi, dissymétrie qui s'atténue fortement vers le nord au niveau
du segment appauvri; ensuite, la structure électrique anormalement conductrice suggère la
présence de début de fusion à 150 km, voire plus. La comparaison avec les anomalies de
géoïde montre une très bonne corrélation entre structure électrique et gravimétrie. Par contre,
la comparaison avec les images sismiques montre un ensemble complexe de similarités et de
différences qu'il s'agit maintenant d'interpréter dès que les sismologues américains auront
obtenu un modèle qui les satisfasse tout à fait.
Structure électrique globale du manteau océanique
L'approche globale de l'imagerie électromagnétique n’était possible jusqu'à présent qu'à
partir de données des observatoires magnétiques. Leur répartition essentiellement continentale
ne permet pas d'étudier le manteau océanique. L'avènement de plusieurs missions
magnétiques par satellite offre maintenant une opportunité exceptionnelle de compenser la
distribution des observatoires magnétiques par une couverture globale et quasi continue dans
temps depuis 1999 grâce aux satellites OERSTED, SAC-C et CHAMP. Nos première études
théoriques montrent que des structures océaniques majeures comme les dorsales ont une
signature électromagnétique à l'altitude des satellites.
Nous travaillons activement sur les données brutes afin de développer une technique
d’extraction du signal d’induction dans les données magnétiques. L’objectif est de disposer
d’une couverture dense de données électromagnétique basse fréquences (les seules
disponibles par satellite) afin de réaliser une tomographie électromagnétique haute résolution
du manteau supérieur océanique. Au stade actuel, nous avons démontré sur les données
OERSTED que l'approche théorique choisie était fonctionnelle.
L'approche complémentaire destinée à compenser la distribution des observatoires
géophysiques à la surface de la Terre est de mettre en place des observatoires sous-marins..
Notre laboratoire est partie prenante (avec notamment l’IPGP) dans un programme
international: ION (International Oceanographic Network) de développement de stations
sous-marines ayant une qualité identique aux observatoires terrestres. pour les aspects
mesures magnétiques et électriques. Nous sommes responsable pour la partie observatoire
magnétique. L'observatoire est en cours de réalisation et sera testé dans le Pacifique Nord en
2003.
Dynamique superficielle des dorsales
Les dorsales en contexte de manteau superficiel chaud: la Dorsale Est-pacifique
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(EPR) et les dorsales des bassins arrière-arc de l'Ouest Pacifique
L'axe de la dorsale rapide EPR est un dôme entaillé, sur une partie de la longueur de l'EPR,
par un fossé axial de 500m de profondeur maximale. Nous avons montré à l'aide de
modélisation analogique et de traitement de données bathymétriques et sismiques et
d'observations en submersible que ce fossé n'est pas créé par extension tectonique à l'axe. Il
doit être considéré comme une caldera allongée au-dessus de la lentille magmatique
sommitale. Il est systématiquement et exclusivement associé aux segments à forte production
magmatique et son développement traduit la présence d'une lentille magmatique en position
superficielle. Les travaux d'Erwan Garel (thèse Déc. 2001) montrent en revanche que
l'extension axiale est seule responsable de la création de véritables grabens tectoniques situés
de part et d'autre du dôme axial. Ce résultat permet d'expliquer comment naissent, à proximité
de l'axe, les collines abyssales, structures représentant une grande part de la fabrique du fond
de l'océan Pacifique.
La campagne ALAUFI (co-chefs Bernard Pelletier IRD et Yves Lagabrielle) préparée
conjointement par l'UMR 6538 et par l'IRD a permis d'impliquer un structuraliste (E. Garel) et
un géochimiste de Brest (M. Benoît) dans les recherches sur les bassins arrière-arcs. Au cours
de cette campagne, le problème de la position de l’île de Futuna au sein du système de
frontière entre les plaques Pacifique et Australienne a été résolu. Nous avons montré que l'île
est découpée par une branche active d'un décrochement qui se raccorde à la dorsale de Futuna,
structure de 200 km de long découverte durant la campagne. Le contexte tectonique de toute
la région est enfin précisé, ce qui permet de comprendre les causes des séismes destructeurs
compressifs-décrochants qui secouent l'île régulièrement (Pelletier et al., 2001; Garel et al., en
cours de révision pour re-soumission à JGR. La dorsale de Futuna présente d'autre part des
structures très atypiques; elle est construite localement par un empilement de volcans
extrêmement nombreux (thèse Garel, 2001). Ceci semble confirmer l'hypothèse émise déjà en
1997 d'une forte interaction panache-dorsales dans toute la région (Lagabrielle et al., 1997).
L'origine de la segmentation d'une dorsale lente et le comportement de l'accrétion
dans un bassin jeune
La segmentation des dorsales océaniques à différentes longueurs d'onde a-t-elle son origine
lors des stades d'ouverture d'un océan ou apparaît-elle lorsque celui-ci est déjà relativement
mature ? Dans ce dernier cas, quelle est la durée de la période à l'issue de laquelle une dorsale
acquiert une segmentation comparable à celle des dorsales des grands océans, en terme de
longueur, caractéristiques structurales, crustales, etc.… ?
Pour tenter de répondre à ces questions, une campagne à la mer (projet ENCENS-SHEBA,
co-chefs de mission P. Gente et S. Leroy) a été réalisée en juin-juillet 2000 sur la dorsale de
Sheba à la sortie du Golfe d'Aden, dorsale qui fonctionne depuis environ 17 Ma. Ce site est
assez unique dans le monde: d'une part, c'est le seul océan suffisamment jeune pour qu'il soit
possible, de lever en une seule campagne, et sur une distance assez longue, la zone entre la
marge - du Yemen - et la dorsale; d'autre part, la dorsale y est suffisamment bien exprimée
pour avoir pu acquérir une segmentation indépendante de la géométrie de la cassure initiale.
Les premiers résultats montrent que la structure crustale héritée au moment de l’ouverture
océanique reste remarquablement constante. Les anomalies de Bouguer réduites au manteau
montrent une série de bandes sub-parallèles s’étirant entre la dorsale et la marge sur les deux
flancs de la ride. Elles traduisent les variations dans l’épaisseur de la croûte liées à la
segmentation et sont bien corrélées aux segments observés actuellement à l’axe de la dorsale
de Sheba. La segmentation de la croûte océanique résulte donc assez directement de celle de
la cassure continentale.
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Sur un autre chantier, le travail de thèse de E. Alves a montré que la structure de la marge
continentale brésilienne était segmentée par la présence de grandes failles transformantes (Rio
Grande, Rio de Janeiro, Martins Vaz). Cette segmentation de la marge, créée au moment du
rifting, se traduit par la présence d’alignements volcaniques associés à des structures
tectoniques majeures (alto de Cabo Frio, par exemple, dans la continuité de la zone de fracture
de Rio de Janeiro). Cette segmentation perdure ensuite dans la mise en place de la croûte
océanique sur une très longue période.
Magmatisme et déformations à l'axe des dorsales lentes
Les résultats obtenus à partir des synthèses bathymétriques
La variation de l'état thermique des segments d'accrétion et la focalisation de la mise en
place de la lithosphère des dorsales lentes ont des conséquences importantes sur le volcanisme
et la tectonique observables en surface. A partir de l'étude systématique d'un grand nombre de
segments, nous avons pu montrer que l'activité volcanique s'exprime de manière différente
d'un segment à l'autre, et même au sein d'un même segment, l'état thermique jouant un rôle
important dans l'apport de magma et les températures d'émission des laves (thèse Thibaud;
Thibaud et al., 1998, 1999).
Les segments chauds possèdent des rides volcaniques importantes et de grandes zones
plates sur lesquelles des laves plus fluides comme des lacs de lave peuvent prendre place. La
géométrie et la symétrie des grandes rides volcaniques de part et d'autre de l'axe sur ce type de
segment montrent qu'elles ont une origine issue d'un cycle magmato-tectonique. Par contre,
sur les segments froids, l'activité magmatique étant très réduite, les petits reliefs volcaniques
formés (volcans ou monts du type de ceux observés dans la zone FAMOUS) sont rapidement
partiellement ou totalement détruits. Les reliefs hors axes sont alors principalement issues de
phénomènes tectoniques.
La focalisation de l'accrétion au centre d'un segment provoque un approfondissement des
isothermes du centre vers les extrémités. Dans ces zones, le volcanisme s'exprime sous la
forme d'édifices circulaires isolés, formés exclusivement de laves en coussins, et répartis sur
une grande partie du plancher interne. Au centre des segments, au contraire, le volcanisme est
plus focalisé, plus chaud et distribué de façon relativement régulière le long de l'axe. Ces
variations sont fonction de la profondeur des réservoirs magmatiques, de leur taille et de la
température du magma émis.
En ce qui concerne les structures d'origine tectonique, la dimension et la répartition des
escarpements majeurs ainsi que la profondeur et la largeur des vallées axiales changent de
façon importante entre le centre les extrémités de segments chauds, cette variation étant
moindre pour les segments plus froids. Une vallée axiale étroite et relativement profonde
formée par quelques grands escarpements, caractérise les centres de segment chauds. Les
extrémités de segments possèdent des vallées larges, peu profondes, formées par de nombreux
escarpements à faible rejet.
La segmentation magnétique des dorsales lentes
Dans le cadre du doctorat de Morgane Ravilly (Ravilly et al., 1998; Ravilly, 1999), nous
avons utilisé une compilation des données magnétiques de surface le long de la dorsale
médio-Atlantique entre 20 et 40°N pour montrer que l'amplitude et la forme de l'anomalie
magnétique axiale varie systématiquement entre le centre et les extrémités des segments.
Le segment de la dorsale médio-Atlantique situé à 21°40'N a fait l'objet d'une analyse
détaillée lors de la campagne Tammar en 1996. Les données magnétiques de fond acquises
par un magnétomètre fixé au Nautile permettent de déterminer une aimantation absolue de la
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partie superficielle du plancher océanique, grâce aux fluctuations de l'altitude du submersible
et de la topographie (Honsho et al., en cours de révision). Cette aimantation ne présente pas
de variation significative le long du segment, observation confirmée par les mesures
d'aimantation rémanente effectuées sur des échantillons collectés par le Nautile. De même, les
variations du contenu en fer et en titane de ces mêmes échantillons sont modestes. Ces
observations éliminent l'hypothèse d'une variation de l'aimantation des basaltes comme cause
première des variations d'amplitude de l'anomalie axiale et plaide en faveur d'un effet
dominant de corps aimantés profonds, peut-être des intrusions gabbroiques ou des péridotites
serpentinisées, en extrémité de segment. Un tel modèle expliquerait les variations de forme
des anomalies magnétiques de surface. Les anomalies de centre de segment, causées par
l'aimantation thermo-rémanente des basaltes, restitueraient un signal dominé par les variations
d'intensité du champ géomagnétique et modulé par les effets de l'altération, ce qui créerait les
lobes plus ou moins bien exprimés de cette anomalies. Les anomalies des extrémités de
segment, liées à la mise en place - par intrusion ou par diapirisme - de corps de géométrie
complexe et à l'acquisition lente et hétérogène - par refroidissement progressif ou par
altération - d'une aimantation rémanente thermique ou chimique, ne seraient pas capables de
restituer qu'une information moyenne sur la polarité magnétique, d'où l'arche unique observée
(Ravilly, 1999).
Pour aller au-delà de modèles restant principalement conceptuels, il a paru indispensable
de tenter d'en tester ne serait ce que la vraisemblance par une simulation numérique, travail
qui fait l'objet d'une partie de la thèse de S. Gac (soutenance prévue en sept. 2002). Dans un
premier temps, une structure thermique tridimensionnelle réaliste d'un segment de dorsale
lente a été simulée. Le résultat de ces simulations montre que la remontée des isothermes sous
le centre du segment ne permet pas d'atteindre l'isotherme de Curie de la titanomagnétite (de
la magnétite) dans les basaltes extrusifs (intrusifs), et affecte insuffisamment les gabbros pour
expliquer les variations d'amplitude observées. La variation des aimantations requises dans
les niveaux magmatiques est largement supérieure à celle observée sur les échantillons de la
dorsale médio-Atlantique. Ces deux processus ne peuvent expliquer à eux seuls les
observations, alors que l'adjonction à la simulation de serpentines aimantées permet d'en
rendre compte de façon satisfaisante. La contribution de corps profonds en extrémités de
segment est donc requise par les simulations (Gac et al., soumis).
Les résultats de la modélisation analogique
Nos travaux récents montrent que la variation du profil rhéologique de la lithosphère entre
centre et extrémités permet d'expliquer les différences morpho-structurales décrites plus haut
(nombre, espacement et rejets des escarpements). Les variations du profil rhéologique sont
dues aux variations latérales du gradient thermique et aux variations lithologiques entre centre
et extrémités de segments. Le centre est chaud et possède une croûte épaisse, les extrémités
sont froides et la croûte est fine, mais la lithosphère épaisse. Ainsi, l'épaisseur de la couche
fragile varie, ainsi que la viscosité de la partie ductile de la croûte.
Déformations au voisinage d’une dorsale
Les données disponibles pour reconstituer la géométrie des centres d’accrétion sont, de par
leur abondance, de plus en plus difficiles à concilier dans un modèle de plaques rigides où la
géométrie des dorsales est parfaitement reproduite, à chaque époque, sur chacun des flancs de
la dorsale. En particulier, depuis la réalisation des levés détaillés avec des profils espacés de
quelques kilomètres, on s’apercoit que l’assemblage de ces données détaillées, correspondant
à quelques segments successifs, diffère et semble même parfois incompatible avec des
résultats obtenus à l’échelle de la dorsale dans son ensemble. Cette observation ainsi que la
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superposition imparfaite des isochrones suggèrent que la lithosphère océanique se déforme au
voisinage des centres d’accrétion. C’est ce qu’a démontré le travail de thèse de Gilles
Jacovetti (2001) à partir d’une synthèse de données magnétiques (1700 points répartis sur 6
inversions) et structurales (180 points) sur la dorsale centrale Atlantique.
Les assemblages obtenus à partir de différentes combinaisons de segments pour une même
anomalie font intervenir des rotations significativement différentes selon les sous-ensembles
considérés. Ce résultat suggère une accrétion différentielle entre segments qui induit des
déformations soit localisées sur des discontinuités majeures (zones de fracture), soit réparties
de façon diffuse sur l’un ou sur les 2 flancs de la dorsale. Par exemple, à partir de deux sousensembles séparés par la zone de fracture Atlantis, on mesure à l’anomalie 3 une transpression
significative de l’ordre de 5 km (1 à 18 km). A partir de 2 ensembles distants de 450 km, est
mis en évidence pour tous les âges considérés un mouvement d’extension parallèle à la
dorsale; cette extension n’est significative, au sens statistique du terme, que pour les
anomalies 3 et 4A (1 à 2%). Les défauts d’assemblage, c’est-à-dire les lacunes et les
recouvrements des isochrones, varient dans l’espace et dans le temps. Leur dimension
n’excède pas 20 km et ne croit pas avec l’âge. Nous en déduisons que la déformation
intervient dans le 1er million d’années et que la lithosphère se comporte de façon rigide
ensuite. Les défauts d’assemblage apparents sont toutefois plus nombreux au nord de la zone
de fracture Atlantis et plus importants à 7 et 10 Ma.
Les analyses précédentes reposent sur des méthodes statistiques qui tiennent compte des
incertitudes sur les données et des incertitudes résultantes sur les paramètres de rotation. La
méthode de reconstruction originale (Royer & Chang 1991; Kirkwood et al. 1999) a été
adaptée aux données manipulées, en particulier la prise en compte d’isochrones courbes et de
la difficulté de repérer précisément les discontinuités ou zones de fracture conjuguées. De
nouveaux tests statistiques (Chang et al. 2000) ont aussi été mis au point afin d’évaluer
l’influence de chaque donnée ou de groupes de données sur l’assemblage considéré et ainsi
repérer les données ou les segments à problème.
L'accrétion dans certains contextes particuliers
Les conséquences des changements rapides de la direction d'expansion
Les travaux conduits pour expliquer l'origine de la segmentation des dorsales ont été menés
sur des systèmes dont la géométrie perdurait pendant quelques millions d’années au moins.
Notre intérêt se porte maintenant sur le comportement de la lithosphère océanique lors d’un
changement de direction dans le mouvement relatif des plaques (Thèse Angelina Blais, en
cours). Nos premiers résultats indiquent que ces changements s’accompagnent d’une mise en
place d’une nouvelle segmentation, avec disparition et création de zones de fracture, et
d’importantes propagations d’axe d’accrétion qui peuvent débuter lors de ce changement.
Toutefois, ce comportement peut largement varier d’un système d’accrétion à l’autre. Dans le
Pacifique, par exemple, les changements de direction d'expansion provoquent, même
lorsqu'ils sont de faible angle, quasi-systématiquement la naissance de microplaques. Dans
l’océan Indien, par contre, on a pu observer une rotation importante qui réorganisait la
segmentation de l’accrétion sans pour cela créer clairement de microplaques. Dans ce cas,
pourtant, au commencement du changement de direction, la vitesse d’expansion était
comparable à celle de Pacifique.
La propagation des centres d'expansion
La mise en évidence, dans les bassins conjugués d'Arabie et de Somalie oriental, d'épisodes
de propagation systématique des segments de la paléo-dorsale de Carlsberg entre 60 et 45 Ma
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(Dyment, 1998) a conduit l’élaboration d’un projet de collaboration avec des collègues
Indiens du National Institute of Oceanography de Goa, arrivés indépendamment à des
conclusions similaires. Ce projet, accepté par le Centre Franco-Indien pour la Promotion de
la Recherche Avancée (IFCPAR) en 1998, a débuté en 1999 avec le séjour d'une année en
France du Dr. Anil Chaubey. Nous avons combiné les jeux de données français, indiens et
"internationaux" (NGDC) et avons repris l'interprétation des anomalies magnétiques de la
région, de manière à identifier les isochrones de l'accrétion et les traces de propagateurs
(Chaubey et al., sous presse). Nous avons ensuite effectué des reconstructions détaillées
décrivant l'évolution de la région, et notamment des nombreux propagateurs (Royer et al.,
sous presse). Ces travaux ont conduit à l'élaboration du concept de "super-propagateur",
ensemble de segments se propageant simultanément dans la même direction et partageant la
même pseudo-faille externe, qui devient progressivement une structure tectonique majeure
guidant la propagation des segments de dorsale (Dyment et al., 2001). Ce concept semble
s'appliquer parfaitement aux deux épisodes de propagation dans des directions opposées
observés sur la paléo-dorsale de Carlsberg.
Les dorsales lentes présentent souvent le cas de propagation relativement erratique de
segments qui se développent au détriment de leurs voisins. Ce type de propagation semble lié
au développement propre des segments, contrairement aux cas de propagation systématique
qui relèvent d'ajustements consécutifs à un changement de direction d'expansion ou de
l'accommodation de situations particulières (proximité d'un point chaud, Dyment, 1998;
évolution d'un point triple, Dyment, 1993). Les modèles de propagation qui ont cours
reposent sur des considérations tectoniques. Dans le cadre de la thèse de S. Gac, nous avons
montré que le simple allongement d'une zone chaude de géométrie en tout autre aspect
semblable permet d'expliquer les différents types de segments observés sur la dorsale médioAtlantique. Nous avons ensuite simulé de manière assez convaincante les rhomboèdres et la
propagation apparemment erratique des segments comme résultant de l'évolution
désynchronisée de segments adjacents.
La rotation de microplaques
Plusieurs mécanismes ont été invoqués pour expliquer la rotation de la "fabrique" NordSud des collines abyssales formées à l'axe de la dorsale du Pacifique Est au Nord de la
microplaque Easter/Rapanui qui devient Est-Ouest à l'intérieur de la microplaque. Les
processus invoqués comprennent une rotation de la microplaque considérée comme une unité
rigide, un cisaillement parallèle à une faille transformante ou du "bookshelf faulting"
accompagnant le transfert de lithosphère de la plaque Nazca à la microplaque. Les données de
magnétométrie acquises avec le submersible Nautile pendant la campagne PITO montrent des
rotations dans le sens horaire de l'aimantation de deux cibles (pillow in situ sur un sommet à
l'intérieur de la microplaque, éperon sur un dyke au Nord du Pito Deep) trop importantes
(101° et 86° respectivement) pour être seulement expliquées par la rotation rigide de la
microplaque: une composante importante de "bookshelf faulting" doit être invoquée.
La datation magnétique des événements récents: vers un géochronomètre
magnétique de haute résolution ?
La séquence des inversions du champ géomagnétique représente un géochronomètre
largement utilisé pour dater des événements plus jeunes que 160 Ma avec une résolution de
l'ordre du million d'années. C'est notamment le cas pour les domaines océaniques profonds,
où les anomalies magnétiques dites "de Vine et Matthews" (1963) sont utilisées avec succès
depuis plus de 35 ans. La limitation de ce chronomètre est sa faible résolution temporelle,
notamment pour la période récente: la première inversion de polarité magnétique observée,
qui sépare les périodes normales de Brunhes et inverse de Matuyama, correspond à un âge
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d'environ 800 ka. Les travaux menés sur des carottes sédimentaires pélagiques ont montré
l'existence de variations cohérentes de l'intensité du champ géomagnétique au cours de cette
période. Ces variations pourraient permettre, si elles étaient datées avec précision, d'affiner le
géochronomètre magnétique à une résolution d'environ 10 à 100 ka.
Les données magnétiques acquises en 1998 lors de la campagne Magofond 2 à l'aide d'un
magnétomètre tracté à proximité des sources (deep tow) à travers l'axe de la dorsale centrale
indienne à 19°S nous ont clairement permis de confirmer que les "micro-anomalies"
magnétiques (tiny wiggles) de faible amplitude et de courte longueur d'onde qui se
superposent aux anomalies de Vine et Matthews sont clairement d'origine géomagnétique et
correspondent aux variations de paléointensité reconnues sur les sédiments (Pouliquen et al.,
2001). Lors de la campagne Tammar, nous avons acquis un jeu de données magnétiques
exceptionnel (anomalies enregistrées en surface par magnétomètre tracté et à proximité du
fond par magnétomètre attaché au submersible Nautile, aimantation rémanente naturelle et
paléointensité du champ géomagnétique déterminées sur les échantillons collectés par le
submersible) qui montrent que la croûte océanique représente dans cette zone un enregistreur
fidèle des variations d'intensité du champ géomagnétique (Honsho, 1999; Ravilly, 1999;
Ravilly et al., 2001). Il a malheureusement été impossible de dater les échantillons collectés,
constitués de basaltes de dorsales appauvris en éléments en trace requis par les différentes
méthodes radiochronologiques.
En 2000, nous avons recueillis au cours de la campagne Gimnaut du N.O. L'Atalante et du
submersible Nautile un jeu de données similaire à l'axe de la dorsale centrale indienne à 19°S,
qui présente le double avantage d'un taux d'expansion plus rapide (donc une meilleure
résolution temporelle des fluctuations géomagnétiques étudiées) et de basaltes enrichis de par
l'interaction de la dorsale avec le point chaud voisin de la Réunion. Une première analyse des
données collectées confirme la qualité de restitution du signal géomagnétique par la croûte
océanique. La datation absolue des basaltes d'une des coupes réalisées grâce aux plongées du
Nautile est en cours par les méthodes des déséquilibres radioactifs U-Th et K-Ar dans le cadre
d'une thèse (Esthèle Maina). Ce travail est réalisé en collaboration avec H .Guillou (LSCE
Gif)
Les dorsales, reflet de la structure thermique et chimique du manteau
L’Atlantique Equatorial et la Discordance Australo-Antarctique : deux exemples de
dorsale développées au-dessus de zones froides du manteau:
La température du manteau sous-jacent à la dorsale joue un rôle important dans le
processus de l’accrétion. Par exemple, si des dorsales ultra-lentes présentent des
caractéristiques crustales et morphologiques résultant d’un fonctionnement "froid", avec peu
de production de croûte et dominance de la tectonique, des dorsales à taux lent, voire
intermédiaire, peuvent également présenter ce type de caractéristiques, qui résulteraient dans
ce cas de la présence d’un manteau froid.
L'Atlantique équatorial
La dorsale de l’Atlantique Equatorial, à taux lent, présente ainsi des caractéristiques d’une
dorsale ultra-lente du fait de la présence d’un manteau froid sous-jacent. Cette zone froide
correspond à un minimum dans les températures de fusion et à une zone à faible production
crustale et à fortes profondeurs axiales. De nombreux affleurements de roches ultramafiques y
sont observés, ce qui s’accorde bien avec des faibles taux de production de croûte.
L’extension tectonique est ici le processus dominant dans l’accrétion. Des analyses des
isotopes de l’osmium ainsi que des modèles de tomographie globale suggèrent la présence de
- 41 -
fragments de lithosphère ancienne dans le manteau de l’Atlantique Equatorial, peut être
résidus d’une ancienne subduction. La présence de ces blocs de lithosphère contribuerait à
baisser significativement la température potentielle du manteau supérieur, créant ainsi une
zone “ froide ”.
Les études minéralogiques et géochimiques menées en collaboration avec Monique Seyler
sur les échantillons de la campagne St-Paul ont montré que les péridotites renferment une
paragénèse relique de haute température et bien mantellique, dont les caractéristiques ne sont
pas typiquement abyssales, mais franchement métasomatiques, similaires aux minéraux des
péridotites de l'extrémité orientale de la dorsale Ouest-Indienne. Ces minéraux
métasomatiques (pargasite, phlogopite, etc.) ont certainement cristallisé à partir de liquides
hydratés et ne peuvent donc pas provenir de la fusion d'un manteau type source des MORB, ni
d'un manteau primitif ou OIB. Du fait que ces minéraux métasomatiques sont des reliques
blindées dans l'opx, le métasomatisme est antérieur à la mise en place des péridotites par
décompression sous la dorsale. L'étude des rapports isotopiques de Sr, Nd et Pb a confirmé la
grande hétérogénéité du manteau de St-Paul, et une origine partiellement de type HIMU,
suggérant la présence d'une ancienne croûte océanique subduite dans ce manteau anormal (A.
Le Faouder, DEA UBO, juin 2002).
La Discordance Australie -Antarctique
Pendant la campagne MD120/ANTAUS du Marion Dufresne (chefs de mission L. Géli et
J.L. Turon de l'Université de Bordeaux), nous avons tenté de quantifier les anomalies de
température à l'intérieur du manteau supérieur liées à la Discordance Australie-Antarctique,
une zone généralement associée à un «point froid» (par opposition aux «points chauds»), et à
la possible manifestation d'un courant descendant vers les profondeurs de la terre. Les
données principales concernent les mesures de flux de chaleur terrestre au fond de l'océan
entre 130°E et 90°E, sur une isochrone d'âge 14 Ma, parallèle à la dorsale Sud-Est Indienne.
Les variations d'activité hydrothermale, qui imposent de nouvelles conditions aux limites à la
base de la croûte, ont une influence majeure dans les variations de subsidence observées dans
la région de la Discordance Australie-Antarctique. Un autre résultat remarquable est tout à fait
inattendu. Pour les mesures effectuées à l'intérieur de la discordance, nous observons
systématiquement que le gradient de température dans les sédiments n'est pas linéaire
lorsqu'on se rapproche de la surface. Les écarts peuvent être expliqués par des variations
saisonnières de la température des eaux de fond. La discordance étant le lieu de passage des
eaux profondes en provenance de l'Antarctique (Antarctic Deep Bottom Water), nos données
pourraient montrer que ces masses d’eau sont affectées par des variations saisonnières
importantes, de l'ordre de 0.05°C à 0.1°C. Ce résultat préliminaire doit être confirmé par une
analyse plus approfondie.
Les hétérogénéités chimiques du manteau sub-océanique et leurs conséquences sur
l'accrétion
La ride médio-atlantique Nord entre 31 et 45°N (missions FAZAR, OCEANAUT, DIVA,
TRIATNORD).
Une meilleure résolution géochimique le long de l'axe de la dorsale (campagne FAZAR, C.
Langmuir) fait apparaître une segmentation chimique plus fine et en particulier, une signature
géochimique du domaine des Açores proprement dit au nord de 37°N, corrélée à la
bathymétrie. Cette corrélation est une observation qui conforte une interprétation en termes de
"propriétés de la source" plutôt que résultant d'un taux de fusion partielle variable. De plus,
ces nouvelles données mettent en évidence le caractère anormal des échantillons localisés
immédiatement au nord de la zone de fracture Oceanographer. Ces échantillons présentent des
- 42 -
caractéristiques rappelant celles trouvées le long de Walvis Ridge ou dans le Pacifique sur les
monts sous-marins Pitcairn. L'implication de manteau subcontinental ne peut être invoquée
pour interpréter ces caractéristiques isotopiques particulières, ces échantillons ne présentant
pas d'anomalie négative en Nb-Ta. Ce travail est complété par une étude spécifique du
segment situé immédiatement au sud de la zone de fracture Oceanographer (campagne
OCEANAUT).
Sur le même thème, des dragages ont été effectués lors la mission TRIATNORD 1998 (J.
Goslin, chef de mission), campagne dont l'objectif principal était de caractériser la limite
Nord de l'influence géochimique du point chaud des Açores. Les analyses sont faites mais au
vu des résultats obtenus par une meilleure précision sur les rapports isotopiques de plomb, la
publication dans l’immédiat est retardée.
L'examen des variations géochimiques des basaltes de la dorsale médio-Atlantique entre 10
et 70°N souligne la diversité des sources mantelliques échantillonnées par la ride et mérite
que soit reposée la question de la définition géochimique d'un "N-MORB".
L'analyse fine des concentrations d'éléments en trace par dilution isotopique sur les mêmes
échantillons analysés pour leur composition isotopique (Sr-Nd-Pb) a permis de mettre en
évidence des corrélations linéaires entre rapports isotopiques et rapports père/fils dans les
systèmes Rb-Sr et Sm-Nd. Les pentes de ces corrélations sont semblables et correspondent à
des âges de 250 Ma, date qui peut-être rapprochée de l'événement tectonique majeur de la
région, celui de l'ouverture de l'Atlantique. Cette observation prend d’autant plus de valeur
aujourd’hui qu’elle semble être confortée par la mise en évidence de corrélations équivalentes
à des « âges » de même ordre de grandeur, obtenus le long de la dorsale Pacifique par la
technique de triple spike (Galer et al., 1999 , 2000 ). Dans le système Rb-Sr, deux corrélations
distinctes et parallèles sont mises en évidence, l'une pour les échantillons pris entre 10 et
24°N, l'autre pour les échantillons pris entre 31 et 38°N. Cette observation démontre
l'hétérogénéité des rapports initiaux de strontium dans le manteau appauvri.
La ride Pacifique-Antarctique (mission PACANTARCTIC)
L'étude géochimique des basaltes prélevés le long de l'axe de la dorsale entre 56 et 65°S
permet de compléter une compilation des données isotopiques Sr-Nd-Pb des basaltes prélevés
le long de l'axe de la dorsale Pacifique depuis l'est de la discordance antarctique-australienne
jusqu'à la zone Juan de Fuca. Cette compilation montre l'existence de deux grands domaines
subocéaniques dans le Pacifique (Vlastélic et al., 1999). La séparation entre ces deux
domaines se situe au niveau de la microplaque de l'île de Pâques et correspond à une limite
topographique : au nord de cette limite, la dorsale est plus profonde qu'au sud. L'interprétation
de ces résultats discute les notions de sources mantelliques différentes ou de processus de
mise à l'affleurement, différents dans les deux domaines.
La dorsales de Futuna (campagne ALAUFI) et la dorsale Centrale Indienne (campagne
GIMNAUT)
Les travaux réalisés sur ces différents chantiers sont, pour la campagne ALAUFI, les
mesures des compositions isotopiques en Pb, Sr et Nd des échantillons dragués à l'axe. Les
segments de cette nouvelle dorsale ont une morphologie qui varie énormément du nord vers le
sud, et l'étude géochimique a pour objectif de tester si cette variation a un lien avec la
composition et/ou l'étendu de la zone de fusion mantellique sous-jacente. Les mesures
effectuées sur ces échantillons vont également nous permettre de tracer sur une distance
réduite (200km) des probables hétérogénéités dans le manteau supérieur et peut-être de faire
le lien entre ces hétérogénéités et la dynamique de l’accrétion océanique dans ce secteur. Dans
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le cas de la campagne GIMNAUT, les mesures des caractéristiques pétrologiques des laves
échantillonnées ont permis d'effectuer un tri sélectif dans ces dernières, afin de mener à bien
l'étude couplée géochronologie-magnétisme.
L’accrétion océanique étudiée sur des objets fossiles: les ophiolites
Programme franco-iranien d'études sur les ophiolites iraniennes
Ce programme mené depuis 1997 en collaboration avec nos collègues du Geological
Survey of Iran et sept doctorants iraniens, a permis de reprendre l'étude d'un certain nombre
de massifs ophiolitiques plus ou moins proches de la suture du Zagros, en particulier les
massifs de Khoy, de Neyriz, d'Esfandagheh et de Kahnuj (du nord au sud). Les âges de ces
ophiolites et de leurs formations encaissantes étant très mal connus, nous avons développé un
important programme de datations par plusieurs méthodes isotopiques (40K-40Ar et Sm-Nd à
Brest, 40Ar-39Ar à Strasbourg). Joints à un gros travail de cartographie détaillée sur le terrain
et d'études pétrographiques et géochimiques en laboratoire, ces datations ont permis de
reconstituer la chronologie de formation et de mise en place de ces complexes, et de préciser
leurs contextes géodynamiques de formation. Les uns représentent des fragments de
l'ancienne dorsale mésozoïque néo-téthysienne (Khoy, Neyriz), d'autres représentent des
bassins ou rifts avortés en contexte arrière-arc (Esfandagheh, Kahnuj), en liaison avec la
subduction nord-téthysienne.
Fin du programme sur l'hydrothermalisme fossile de l'ophiolite d'Oman.
T. Juteau a co-édité avec Françoise Boudier un volume spécial sur l'ophiolite d'Oman
("The ophiolite of Oman and United Arab Emirates", Mar. Geophys. Res., 21, n°3-4),
comprenant un article synthétique sur l'ensemble des données acquises par notre équipe sur la
zone de réaction du système hydrothermal fossile de cette ophiolite. L'études des inclusions
fluides et les analyses élémentaires in situ par la méthode PIXE permettent de conclure à un
mélange, dans cette zone située au toit des chambres magmatiques, de fluides tardimagmatiques et d'eau de mer évoluée.
Etude régionale de deux massifs ophiolitiques du Tibet
Une étude régionale de deux massifs ophiolitiques du Tibet (Zhedang et Bemarang, bloc de
Lhassa) a été menée ces deux dernières années (Mathieu Benoit). Ce travail a été entrepris en
collaboration avec le laboratoire de Géologie et Génie Géologique de l’université de Laval
(Québec). Dans le cadre de cet échange, une chercheuse en séjour post-doctoral, Véronika
Varfalvy, a passé deux ans dans notre laboratoire. Elle a réalisé une étude pétrologique et
géochimique (éléments en trace, isotopes) détaillée de ces massifs, en particulier des
échantillons mafiques (basaltes, diabases), ceci afin de contraindre le cadre géodynamique
dans lequel ce sont formées ces sections de paléo-lithosphère. Les résultats préliminaires
montrent que plusieurs épisodes volcaniques coexistent dans ces massifs, montrant des
affinités avec des laves produites en domaine d'accrétion océanique franc, en position
d'arrière-arc ou directement au-dessus d'un arc immature. D'autre part, il semble que les
sections mantelliques associées soient génétiquement distinctes de la croûte. Leur étude est en
cours actuellement.
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Asthénosphère et interactions lithosphère/asthénosphère en domaine
océanique
Personnel impliqué:
Claire Bassoullet, Hervé Bellon, Mathieu Benoît, Martial Caroff, Jo Cotten,
Jérôme Dyment, Jean Francheteau, Pascal Gente, Jean Goslin, Marc-André
Gutscher, Christophe Hémond, Marcia Maia, René Maury, Jean-Yves Royer,
Jean-Louis Thirot
Doctorants:
Jean-Philippe Clément, Stéphane Dreher, Christèle Legendre (en cours),
Morgane Ravilly, François Nauret (en cours, co-encadrement avec Max
Planck für Chemie)
Post-doctorants :
Kelsey Jordhal
Collaborations :
J. Arkani-Hamed (McGill, Canada), S. Blais et O. Dauteuil (Rennes I), C.
Chauvel (Grenoble), G. Guille (LSCE Bruyères), H. Guillou (LSCE Gif), C.
Devey (Bremen, Allemagne), A. Briais (Toulouse), A. Hofmann (MPI Mainz,
Allemagne)
Ce thème rassemble les compétences de l’UMR (géophysique, géologie structurale,
pétrologie et géochimie) sur plusieurs chantiers. Il a montré la nécessité de travailler, pour
chaque problème géodynamique abordé, dans une vaste gamme d’échelles complémentaires
et en intégrant différentes disciplines. Les compétences rassemblées dans l’UMR permettent
cette approche multi-scalaire et pluridisciplinaire.
Deux thèmes prioritaires apparaissent dans le bilan des travaux de l’UMR sur cette
thématique: les interactions entre panaches et dorsales et les interactions entre l’asthénosphère
et la lithosphère, principalement en contexte intraplaque.
Interactions points chauds/dorsales (influence des points chauds sur l'accrétion
actuelle)
Les principaux objectifs de ce thème sont, d’une part de cerner l’influence de la présence
d’un panache sur l’accrétion océanique d’un point de vue morphostructural, crustal et
chimique et d’autre part de contraindre la dynamique du manteau supérieur dans les contextes
d’interaction.
Dorsale à taux lent s’éloignant d’un point chaud : dorsale Nord-Atlantique et le
point chaud des Açores
Contraintes géophysiques et structurales
Les liens possibles entre les mécanismes profonds de l'accrétion, actifs dans le manteau
supérieur, et les processus superficiels de l’accrétion, ont été étudiés par une interprétation
conjointe des résultats issus de plusieurs techniques (Goslin et al., 1998). Les hétérogénéités
du manteau supérieur ont été caractérisées à l’aide des modèles de géoïde, des modèles
tomographiques d’ondes P et des résultats de géochimie isotopique et les processus
superficiels de l’accrétion ont été caractérisés à grande échelle à l’aide de la gravimétrie à l’air
libre, bathymétrie et sismicité des dorsales. A l'échelle de l'ensemble des dorsales lentes de
l’Islande au Golfe d’Aden, et en particulier au voisinage des Açores (Goslin et al., RST 2000),
il a été montré que les interactions entre points chauds et dorsales sont complexes (Goslin et
al., 1998) et impliquent à la fois des processus profonds liés aux panaches et des effets
"lithosphériques". Ces interactions sont fortement variables au cours du temps, conséquence
d'une probable variabilité de l'activité des panaches eux-mêmes.
- 45 -
Le point chaud des Açores et ses relations avec la dorsale médio-atlantique ont fait l'objet
de travaux impliquant plusieurs membres du laboratoire. Ce cas correspond à celui d’une
dorsale qui s’éloigne d’un point chaud. Avec les données disponibles, nous avons déjà pu
montrer que pour la zone des Açores, l'influence thermique du point chaud le long de la
dorsale vers le sud s'étend sur environ 1600 km, de façon indépendante des zones de fracture
(Thibaud et al., 1998). Cette limite observée dans la bathymétrie et la gravimétrie se corrèle
parfaitement avec celle obtenue à partir des données géochimiques du fer ou de la silice.
L'analyse des données a permis de proposer que la limite nord de l'influence du point chaud
sous l’axe de la Dorsale est située entre 43°N et 44°N. Un tel résultat est en accord avec
l'asymétrie de la structure thermique du manteau supérieur telle qu'elle apparaît sur les
modèles tomographiques globaux.
La synthèse des données bathymétriques, magnétiques et altimétriques autour du point
chaud des Açores jusqu’à l’anomalie 13 (~38 Ma), donne des contraintes précises sur
l’épisodicité des apports magmatiques du point chaud, la durée de ces événements et leur
extension le long de l’axe de la dorsale. L’analyse de ces données montre que le point chaud a
commencé son activité autour de l’anomalie 6 (~20 Ma), avec le début de mise en place du
Plateau des Açores, qui se marque par un dénivelé de plus de 1500m par rapport au plancher
environnant. Ce plateau se développe ensuite pendant environ 13 Ma, son extension maximale
atteignant 600 km autour de l’anomalie 5 (10 Ma). Cette période de construction magmatique
importante est ensuite suivie d’une période d’ouverture de ce plateau qui débute vers 9 Ma au
nord et se propage vers le sud pendant environ 6 Ma. La croûte océanique depuis l’ouverture
du plateau se caractérise par une rugosité et une segmentation “normale” par rapport à celle
située sur le plateau lui-même. Lors de la construction du plateau, de forts reliefs, à l’époque
des anomalies 6 (20 Ma) et 5A (12 Ma), signent des périodes de très fortes productions
magmatiques. Ces événements se traduisent par des « marches » dans le socle de l’ordre de
1000 à 2000m de dénivelé, associées à d’importantes variations de l’épaisseur crustale. Ils se
propagent le long de l’axe de la dorsale sur plusieurs centaines de kilomètres. Ces données
montrent que le point chaud des Açores s’exprime en surface de manière discontinue et avec
des apports de matière variables au cours du temps. Cette activité discontinue peut être mise
en relation avec le mouvement de la dorsale par rapport à un point chaud supposé fixe. La
mise en place du plateau coïncide avec la superposition de la zone de panache du point chaud
avec la zone de fusion de la dorsale. Le “rifting” du plateau coïncide avec l’éloignement
progressif de ces deux zones (Gente et al., 2001, en préparation). Les reconstructions
cinématiques permettent aussi de relier le plateau de Great Meteor à celui des Açores et d'en
retracer l'origine commune, à l'axe de la dorsale, durant deux épisodes de coïncidence de l'axe
de la dorsale et du point chaud. Remarquons enfin que si la croûte créée à l'axe actuel de la
dorsale est morphologiquement normale, la contamination géochimique est encore clairement
exprimée à grande distance du point chaud, l'asymétrie entre les régions Nord et Sud des
Açores pouvant s'expliquer par l'existence d'un épisode ancien - la création de Great Meteor au Sud (Gente et al., 2001 et en préparation).
Ces études n’ont toutefois pas permis de préciser la géométrie de la tête du panache au
nord des Açores : existent-ils plusieurs panaches de dimensions horizontales réduites ou un
seul panache dont les manifestations en surface dépendent des hétérogénéités de la lithosphère
(Benoit et al., soumis 2002) ? Pour tenter de répondre à ce type de questions, un modèle
d'anomalies de vitesses sismiques d'ondes P pour le manteau supérieur sous la région axiale
de la Dorsale Médio-Atlantique (MAR) est indispensable. Ce modèle devra posséder une
résolution horizontale suffisante (quelques centaines de kilomètres – voire la centaine de
kilomètres-) pour pouvoir être confronté aux résultats des synthèses structurales à l’échelle
d’un ou plusieurs segments d’accrétion. Les travaux pour obtenir un tel modèle, (par inversion
- 46 -
des anomalies de temps de trajet des ondes de volume, engendrées par les séismes se
produisant à l’axe, et enregistrées par des stations distantes) ont débuté en 2001.
Contraintes géochimiques
Le fait de savoir si les anomalies chimiques à courtes et moyennes longueurs d'ondes le
long des dorsales lentes résultent d'une interaction point chaud – dorsale ou reflètent
l'entraînement passif de matériel enrichi dans le manteau supérieur est l'objet d'un long débat.
L'étude des verres volcaniques collectés le long de la dorsale nord - atlantique entre 41 et
45°N, au nord de la zone de fracture de Kurchatov, permet d’étudier cette question. La
détermination des déséquilibres radioactifs 226Ra-230Th-238U permet de tenter d’éclairer ce
point.
La section 41-45°N est un segment de dorsale lente et peu magmatique sans segmentation
de premier ordre. Le caractère appauvri de la source visible dans les compositions isotopiques
de Sr (Dosso et al. 2000) et les concentrations en éléments en traces augmente vers le sud et
est fortement corrélé au Fe8.0. Les verres très frais et pratiquement d’âge zéro utilisés pour
cette étude montrent des fractionnements (230Th/238U) significatifs (19-38%) dans le sens d’un
excès de Th. Le fractionnement est minimum vers 43-44°N puis augmente vers le sud jusqu’à
un maximum local à 41.7°N puis décroît vers les Açores. Ce rapport de fractionnement n’est
pas corrélé avec la profondeur de la vallée axiale alors que cela a été observé au travers la
zone du point chaud des Açores (Bourdon et al. 1996). Une faible corrélation négative avec le
rapport (Dy/Yb)N semble monter la signature du grenat résiduel dans la source.
Dans le diagramme isochrone qui représente le rapport (230Th/232Th) en fonction du rapport
( U/232Th), deux pseudo-isochones apparaissent. D’après Lundstrom et al. (1998), une façon
simple d’expliquer ces alignements est de considérer un mélange local de deux magmas
provenant de source distinctes : un magma enrichi (à haut Th/U) provenant de « blobs » dans
un composant appauvri (à bas Th/U). Chaque source fond pour une vitesse spécifique de
remontée du manteau et ce, pour chaque segment. Des modèles de vitesse de remontée du
manteau de 2,5 cm/an au sud et de 4 cm/an au nord pourraient expliquer les différences
systématiques observées. Les excès de Th plus modérés dans la zone « enrichie » vers 43°N
pourraient être créés par une vitesse de remontée du manteau deux à trois fois plus rapide
(7cm/an), indiquant alors un panache mantellique. Cependant, le faible magmatisme (Goslin
et al. 1999) et les valeurs basses de Fe8.0 sont incompatibles avec une telle vitesse. Le
découplage des excès de Th et de la signature de grenat résiduel indique que le signal
« enrichi » est hérité et que le Fe8.0 est un meilleur indicateur de la profondeur de fusion. Par
conséquent, le modèle d’enrichissement de la source par métasomatisme qui a apporté une
signature héritée de grenat semble préférable. Il explique aussi le couplage très clair entre les
enrichissements en traces et isotopiques. Dans ce cas, les variations régionales sont dominées
par les vitesses différentes de remontée du manteau sous les sections de dorsales alors que la
zone vers 43°N est une zone de remontée passive dominée par du matériel enrichi dans sa
source qui fond à profondeur relativement faible (Kokfelt et al., in prep.).
238
Dorsales à taux lent s’éloignant d’un point chaud : dorsale sud-Atlantique et le point
chaud d'Ascension
Les données récentes de bathymétrie, de géophysique (campagne SO84 du N/O Sonne) et
géochimiques suggèrent la présence d'un point chaud dans l'Atlantique sud entre les zones de
fracture de Bode Verde et Ascension, près de l'île d'Ascension qui a été appelé point chaud
d'Ascension. Les données d'éléments en traces et de compositions isotopiques que nous avons
obtenues sur des basaltes du mont sous-marin Grattan (situé près de la dorsale) suggèrent que
ce volcan a été construit par le panache qui alimente actuellement le segment voisin de la
- 47 -
dorsale medio-Atlantique. Elles montrent aussi qu'il peut représenter le "composant
manquant" décrit par Hanan et al. (1986) de l'Atlantique sud. Sa signature isotopique diffère
légèrement de celle de l'île d'Ascension et est plus radiogénique en 208Pb. Les concentrations
en traces sont intermédiaires entre celles de MORB et celles caractéristiques des OIB . Ceci
est interprété comme la présence d'un panache faible, peut être intermittent et légèrement
hétérogène près du mont sous-marin Grattan (E. Bourdon & Ch. Hémond, 2000).
Dorsale à taux intermédiaire s’éloignant d’un point chaud :dorsale Centrale
Indienne et le point chaud de la Réunion
Lors des campagnes Magofond 2 et Gimnaut, une série de rides secondaires qui prolongent
la ride de Rodrigues jusqu'à la dorsale centrale indienne a été découverte puis levée de
manière détaillée. La formation - récente, 2 Ma à l'actuel - de ces rides, qui n'ont pas de
conjugué sur la plaque indienne, reste énigmatique, avec deux hypothèses concurrentes: celle
de matériel drainé depuis le point chaud de La Réunion vers la dorsale centrale indienne,
impliquant un mélange de ce matériel avec celui de la dorsale, et celle d'une contamination à
grande échelle du manteau par le point chaud qui s'exprimerait par la fusion de matériel
contaminé lors de l'ouverture de "fentes de tension" d'échelle lithosphérique. L'état de
contraintes pouvant générer de telles "fentes de tension" pourrait résulter de la géométrie
relative du point chaud et de la dorsale, du bombement thermique associé au premier, et
éventuellement de périodes d'activité plus intense de celui-ci. La seconde hypothèse proposée
explique bien la progression géochimique le long des rides, leur structure sigmoïde, et leur
mise en place rapide. Les rides de Rodrigues, formée entre 7 et 10 Ma, et de Puka-Puka,
formée entre 12 et 8 Ma, pourraient s'être formée de manière semblable, suggérant un second
type de structures résultant de l'interaction entre point chaud et dorsale (Dyment et al., 2001).
Entre 18 et 20°S, les caractéristiques morphologiques de la zone axiale de la CIR changent
significativement et l'axe s'organise en grands segments peu marqués. Les résultats de l’étude
gravimétrique montrent une faible augmentation de la température axiale et donc de la
production crustale, traduisant peut être une faible influence du point chaud à l’axe de la
dorsale (Le Namouric, 2000). Des travaux sont encore en cours afin de bien cerner une
éventuelle interaction entre panache et dorsale ainsi que les implications pour la construction
des rides hors axe de la CIR (Rodrigues, Gasitao) (Corre, stage de Maîtrise 2001). La
modélisation géochimique du mode d'interaction entre le point chaud de la Réunion et la
dorsale centrale indienne est le but de la thèse en cours (F. Nauret, co-encadrement avec A.
Hofmann, MPI Mainz) sur les échantillons prélevés lors des plongées et par dragages durant
la campagne Gimnaut. Cette interaction n'apparaît pas actuelle mais il semble que la dorsale
se situe aujourd'hui pour partie au dessus d'une zone du manteau supérieur qui a été affectée
par la mise en place du panache de la Réunion. Des analyses isotopiques sur les échantillons
de la dorsale et des rides latérales soutiennent un tel modèle. De récentes mesures de
concentrations d'éléments en traces sur des inclusions magmatiques dans des olivines d'un
échantillon de la ride de Gasitao montrent la présence d'un composant éclogitique dans la
source (Nauret et al. Conf. Goldschmidt Davos 2002). Ceci est interprété comme la trace du
recyclage de la croûte océanique dans le manteau profond et sa remontée dans le panache du
point chaud.
Dorsale rapide s’approchant d’un point chaud : dorsale Pacifique-Antarctique et le
point chaud de la Fondation
L’interaction entre le point chaud de la Fondation et la dorsale Pacifique-Antarctique est
un des seuls exemples connus où une dorsale s’approche d’un point chaud. La structure
crustale et la morphologie de l’axe de la PAR au voisinage de la chaîne de la Fondation, ainsi
que la composition chimique des laves qui y ont été échantillonnées apparaissent fortement
- 48 -
influencées par le point chaud (Maia et al, 2000).
Le segment est plus élevé que les segments voisins et , par rapport à la valeur moyenne
mondiale, présente un excès d’élévation (E) de ~700 m. La croûte, d’après les modèles
gravimétriques, s’épaissit de plus d’un kilomètre, ce qui est significatif pour une dorsale à
taux rapide. En outre, l’épaississement crustal est également observé pour le flanc est de la
dorsale, ce qui témoigne que l’influence du point chaud à l’axe existe depuis au moins 1.0
Ma. En termes de composition, aucune valeur caractéristique de N-MORB n’est observée à
l’axe de la dorsale à la latitude du point chaud. Cependant, les paramètres axiaux tels que
l’excès d’élévation topographique de l’axe (E), l’épaisseur de croûte et l’extension de la
contamination chimique le long de l’axe (W), montrent que, par rapport à la distance au point
chaud (~50 km), l’influence à l’axe de celui-ci est relativement faible.
Le système point chaud de la Fondation-dorsale Pacifique-Antarctique ne suit pas les
relations entre distance point chaud - dorsale et extension de la contamination chimique le
long de l’axe ou entre distance et amplitude de l’anomalie topographique axiale, déduites par
Schilling et collaborateurs pour des systèmes où la dorsale est à l’aplomb du point chaud ou
s’éloigne de celui-ci. Ces paramètres axiaux suggèrent donc que la dynamique de l’interaction
entre un point chaud et une dorsale est moins efficace dans le cas où une dorsale se rapproche
d’un point chaud, confirmant les résultats des modèles convectifs publiés (Maia et al., 2000).
De même, la chimie des volcans hors axe de la zone d’interaction montre que le matériel issu
du panache s’est mélangé avec le manteau supérieur de façon fortement non-linéaire (Maia et
al., 2001).
Il apparaît que, dans le cas d’une dorsale qui se rapproche d’un point chaud, le voisinage
de deux zones chaudes résulte en une zone de fusion plus large, dans laquelle les processus de
mélange entre les deux sources sont complexes et ne se font pas de façon linéaire. Le modèle
de flux sublithosphérique linéaire sous forme de canal étroit ne semble donc pas s’appliquer
pour le cas où la dorsale s’approcherait du point chaud.
Interactions panache-dorsale en contexte de bassin marginal
Aspects structuraux
La campagne a permis la découverte et la cartographie d’un système d’accrétion (Dorsale
de Futuna) actif qui s’étend selon une direction globale N30 sur plus de 200 km depuis le
Nord-Ouest de Futuna jusqu’aux îles Nord Fidjienne. Ce système d’accrétion est composé
d’une succession de segments en échelon de moins en moins profonds en allant vers le Nord
et présente une intense activité volcanique. Le taux d’ouverture serait de 3 ou de 5-6 cm par
an. Le système d’accrétion se propage vers le Sud dans une croûte plus ancienne bordant la
plate-forme Fidjienne.
Aspects pétrologiques et géochimiques
Les études précédentes ont permis de montrer que les basaltes émis le long des axes
d’accrétion dans le bassin Nord-Fidjien sont principalement de trois types (Eissen et al.,
1994) : des basaltes appauvris en éléments incompatibles de type MORB-N, caractéristiques
des dorsales océaniques et témoignant de la maturité du système d’accrétion du bassin arrièrearc, des basaltes légèrement enrichis présentant une anomalie négative en Niobium, marquant
l’influence de la contamination par les matériaux crustaux subductés d'origine continentale
(Lagabrielle et al., 1994) et des basaltes variablement enrichis en éléments incompatibles,
transitionnels entre les MORB-E et les OIB dans la partie nord du bassin (Price et al., 1990;
Lagabrielle et al., 1997, Guivel et al, 1997). La situation privilégiée de la dorsale de Futuna a
permis d’aborder plusieurs situations géodynamiques sur un seul système. Le fait de disposer
- 49 -
d’un échantillonnage serré d’une structure d’accrétion complète fournit un cadre idéal pour
caractériser d’une part la signature géochimique générale de cette zone et d’autre part pour
regarder en détail les évolutions de compositions des laves, en liaison avec le contexte
tectonique.
Une étude pétrologique et géochimique des échantillons collectés nous a permis de
comparer la dorsale de Futuna avec d’autres structures d’accrétion connues dans le bassin
Nord-Fidjien, et ainsi de mieux comprendre la répartition des différentes tendances
géochimiques dans cette région. En effet, les influences pouvant être multiples (point chaud,
manteau supérieur enrichi, mélange de plusieurs réservoirs mantelliques en profondeur,
interactions avec la lithosphère, …), les conséquences sur les mécanismes d’ouverture de
l’axe d’accrétion peuvent différer. Les premiers résultats montrent une grande hétérogénéité
des compositions chimiques des laves, hétérogénéité s'exprimant à l'échelle du segment et
même de la drague. Les laves sont globalement enrichies, certaines étant anormalement
alcalines (type hawaiite). Les données isotopiques préliminaires semblent suggérer la
présence d'un composant mantellique de type "DUPAL" dans la source des laves.
Il est dès lors nécessaire de s’intéresser aux variations des compositions géochimiques des
échantillons en fonction de l’évolution morphologique de la dorsale du Nord vers le Sud.
L'influence d'un composant mantellique enrichi s'exprimant plus au nord de la dorsale, la
grande hétérogénéité des produits volcaniques suggère un contrôle tectonique fort sur la
genèse de la lithosphère. Il apparaît que la production volcanique va en diminuant pour même
disparaître au cœur du propagateur sud. Le contraste est très important puisqu’au nord la
bathymétrie indique des monts sous-marins culminants à –400m alors qu’au sud la profondeur
du plancher océanique peut atteindre –2100m. Ceci implique une évolution des conditions
thermiques régnant sous l’axe de la dorsale. Les taux de fusion ainsi que les volumes de
matériel source impliqué dans la genèse de la croûte océanique entre les latitudes S13°30 et
S16° vont présenter des grandes variations. Il nous paraît intéressant de tester, à l’aide de nos
échantillons, si la zone décrochante majeure au nord est le reflet d’une barrière géochimique
en profondeur. Il a déjà été suggéré que les caractéristiques géochimiques des laves dans le
bassin Nord-Fidjien résultaient d’un mélange profond entre différent réservoirs mantelliques.
Ce mélange est-il homogène dans tout le bassin ? Quelle influence le grand décrochement
plaque Pacifique – bassin Nord-Fidjien a-t-elle sur les compositions géochimiques des laves ?
La situation unique de la dorsale de Futuna fourni un contexte idéal pour étudier les facteurs
qui gouvernent les processus de mélange profond car elle s’étend sur près de 200 km et est
globalement perpendiculaire à la direction du décrochement majeur.
Interactions lithosphère-asthénosphère
Les travaux sur ce thème se sont concentrés d’une part sur le contrôle de la lithosphère
dans la mise en place du volcanisme et d’autre part sur l'identification et l'interprétation des
signatures géochimiques et pétrologiques des laves en contexte intraplaque océanique. Ils
nous amènent à penser qu'elles reflètent souvent autant les caractéristiques de la lithosphère
océanique traversée que l'hétérogénéité du panache.
La ligne chaude Australes-Fondation
La chaîne de la Fondation a été formée par l’action d’un point chaud actif sous la plaque
Pacifique depuis au moins 20 Ma. Deux zones de cet alignement volcanique ont été étudiées
en détail. La première, située à l’extrême ouest de la chaîne de la Fondation, comprend des
édifices âgés entre 20 et 13 Ma ; la deuxième, à l’extrémité est de la chaîne, comprend des
édifices plus jeunes que 5 Ma et correspond à la zone d’interaction entre le point chaud et la
dorsale (Maia et al., 2001). La distribution spatiale du volcanisme dans ces deux zones met en
- 50 -
évidence le rôle majeur joué par les zones de faiblesse lithosphérique dans la mise en place
des structures volcaniques.
La partie la plus ancienne de la chaîne présente un dédoublement des structures
volcaniques en deux lignes sub-parallèles. La distribution spatiale des variations de la
composition chimique des laves des volcans suggère un mélange entre deux sources, le
panache et le manteau lithosphérique, lors de l’arrivée en surface du panache de la Fondation
(Maia et al., 2001). Elle traduit une influence grandissante du panache dans la composition
chimique des laves. Entre les lignes nord et sud une différence dans la composition chimique
existe également, avec les édifices les plus enrichis situés au sud. Ceci résulte probablement
de la localisation de la ligne sud qui se serait formée à moindre distance du centre du panache
(Maia et al., 2001).
La distribution spatiale des édifices est contrôlée par des zones de faiblesse lithosphériques
préexistantes. Les reliefs présents dans cette partie de la chaîne ont été probablement formés
lors de deux événements différents. Lors de la réorganisation cinématique de 23.4 Ma, un
premier épisode volcanique, contemporain de la déformation de la plaque et du
développement de fracturations d’orientations diverses, a formé la majeure partie de la ride de
Del Cano. Cette ride correspond probablement à une discontinuité axiale à faible décalage
ayant subi une transtension, donc à la fois cisaillement et extension, lors de la réorganisation
cinématique, comme le suggère sa morphologie. Une deuxième phase magmatique est liée au
début de l’activité du point chaud de la Fondation. L’âge des volcans, inférieur à 20 Ma,
montre que le volcanisme du point chaud est postérieur à la réorganisation cinématique. Les
directions structurales, visibles dans la morphologie des volcans, montrent que la mise en
place des édifices a été guidée par des directions structurales préexistantes, probablement
résultantes de l’extension subie par la plaque lors de la réorganisation cinématique. Le
volcanisme a utilisé ces zones de faiblesse comme des conduits préférentiels pour la mise en
place des magmas à la surface (Maia et al., 2001).
La partie la plus récente de la chaîne de la Fondation se divise en deux alignements
volcaniques sub-parallèles, nommés systèmes Nord et Sud, formés par des volcans groupés en
rides. La morphologie des édifices varie, avec les édifices les plus hauts et individualisés
situés à l’ouest et les plus petits, formant des rides à morphologie lisse, situés à l’est près de
l’axe de la dorsale. Les valeurs d’épaisseur élastique équivalente associées aux volcans de
l’ouest sont plus élevées (3 à 5 km) que celles associées aux volcans de l’est (0 à 2 km),
traduisant la réduction de la rigidité, donc, de l’âge de la plaque au moment de la formation
des édifices (Maia et Arkani-Hamed, 2002). Cette réduction de l’âge de mise en place est
compatible avec le rapprochement progressif entre la dorsale Pacifique-Antarctique et le point
chaud de la Fondation. Les variations dans la morphologie volcanique semblent donc être
liées, au moins en partie, à la rigidité de la lithosphère. Cependant, une réduction dans le
volume cumulé des édifices volcaniques à partir d’un âge de mise en place de 2 Ma a été
observée. Cette réduction du volume de magma émis hors axe concorde à la fois avec la
réduction dans les valeurs de l’épaisseur élastique et avec le changement dans la morphologie
volcanique, de cônes élevés à des volcans en forme de dômes aplatis. Elle peut traduire la
capture par la dorsale du matériel produit par le panache.
Des modèles magnétiques ont permis de montrer que les systèmes Nord et Sud ont été
formés quasi simultanément (Maia et al., manuscrit en préparation). La distance entre ces
deux systèmes volcaniques se réduit progressivement de 100 km à l’ouest à 50 km au
voisinage de l’axe de la dorsale. Cette réduction de la distance entre les deux systèmes
s’accorde avec la diminution de la rigidité flexurale de la plaque au moment de la formation
des édifices. Le système Nord, présentant un volume volcanique égal à deux ou trois fois celui
- 51 -
du système Sud, serait le lieu principal de l’activité du point chaud (Maia et al., 2001). Une
anomalie positive du géoïde située au voisinage de l’axe de la dorsale au niveau des structures
volcaniques du système Nord pourrait marquer la localisation actuelle du point chaud. Le
système Sud serait donc une construction volcanique secondaire, formée en partie à l’aplomb
de l’arc flexural lié à la mise en place du système Nord. La morphologie des volcans très
allongés du système Sud, suggère un volcanisme fissural et diffère de celle de la majeure
partie des volcans du système Nord (Maia et Arkani-Hamed, 2002).
Polynésie Française
Le vaste domaine océanique polynésien est une cible privilégiée pour l’étude des
interactions asthénosphère – lithosphère océanique. Une particularité de cette zone est
l’épaississement crustal observé sous certains des archipels linéaires, qui peut souvent être
attribué à l’édification de ces derniers sur un plateau océanique antérieur : ainsi, les îles
volcaniques plio-quaternaires des Marquises reposeraient sur un plateau océanique né il y a 40
Ma à l’axe de la dorsale Pacifique (Gutscher et al., 1999). Ces circonstances sont évidemment
favorables à l’étude des interactions entre les magmas issus des panaches et la lithosphère
océanique.
L’équipe de l’UMR 6538 travaille sur ces problèmes depuis une douzaine d’années. Les
travaux pétrologiques et géochimiques que nous effectuons sont couplés avec un programme
de cartographie au 1/25000ème des îles de la Polynésie française, financé par le BRGM
(Carte Géologique de la France. Les cartes géologiques de quatre îles ont été récemment
publiées : Rurutu et Tubuai aux Australes (Maury et al., 2000a), Moorea (Maury et al., 2000b)
et Huahine (Maury et al., 2001) dans l’archipel de la Société. Les levers de plusieurs autres
îles de cet alignement (Raiatea, Tahaa, Bora Bora, Maupiti) sont terminés, et l’équipe s’est
consacrée depuis 2001 aux levers et à l’échantillonnage des îles septentrionales des Marquises
(Ua Huka, Ua Pou, Nuku Hiva)
Les travaux sur le terrain depuis 4 ans pour l’étude des îles de la Société et des Marquises
nous ont permis de réunir un échantillonnage très important : plus de 1000 roches
magmatiques, dont la plupart ont été analysées pour les éléments majeurs et en traces par ICPAES (J. Cotten) et environ 200 datées par la méthode K-Ar sur mésostase (H. Guillou). Des
études globales sur l’archipel de la Société sont en cours, en particulier l’évolution
magmatologique des roches grenues intrusives dans les caldeiras (thèse de J.-Ph. Clément) et
celle des variations de la composition des sources des magmas basaltiques au cours du temps
(Guillou et al., 1998 ; Chauvel et al., en préparation). Au niveau des îles du groupe nord des
Marquises, nous sommes en phase d’acquisition de données isotopiques Sr, Nd, Pb et de
données ICP-MS (thèse de C. Legendre).
Des travaux comparatifs entre des îles appartenant à différents archipels ont également été
réalisés, comme par exemple celui qui a donné lieu à l’article de Clément et al. (sous presse
au J. Volcanol. Geotherm. Res.), dans lequel les brèches autoclastiques de Tahiti (Société) et
de Ua Huka (Marquises) sont interprétées en tant que produits d’avalanches de débris en
relation avec des structures d’effondrement en forme de fer à cheval.
Du point de vue magmatologique, notre thématique principale demeure l’interprétation des
hétérogénéités géochimiques des sources des magmas, intervenues au cours du temps et/ou de
l’évolution des laves basaltiques vers les laves intermédiaires puis différenciées. Dans le cas
d’Eiao (Marquises), M. Caroff et al. (1999) ont montré que les particularités minéralogiques
et géochimiques des magmas intermédiaires traduisent leur interaction avec des matériaux
enrichis en éléments incompatibles probablement localisés dans la croûte du plateau
océanique sous-jacent ; l’évolution de ces interactions au cours du temps est dépendante de la
- 52 -
profondeur et de la structure des réservoirs magmatiques successifs, dont l’encaissant est riche
en eau (croûte ou manteau supérieur altérés). Les travaux en cours sur les îles où l’on observe
des laves évoluées semblent conduire à des conclusions comparables . Nous pensons que ces
études permettront de remettre en cause les modèles géochimiques actuellement admis de
panaches, dans lesquels la diversité des sources des laves est généralement attribuée à
l’hétérogénéité des matériaux asthénosphériques ascendants.
Enfin, les études initiées en Polynésie française et complétées par des travaux sur d’autres
sites ont permis de proposer deux nouvelles classifications de matériaux volcaniques jusqu’à
présent peu étudiés ou mal connus : une classification des structures de ségrégation résultant
d’un mécanisme tardif de différenciation induite par la vapeur (Caroff et al., 2000, Bull.
Volcanol. 62 : 171-187) et une classification texturales des roches non cumulatives à texture
grossière, intégrant les pegmatitoïdes (Clément et al., soumis à Contrib. Mineral. Petrol. en
juillet 2002).
L'île de Moorea a fait l'objet d'une étude spécifique car elle était une exception isotopique
inexpliquée dans l'archipel de la Société. Si elle ne diffère pas des autres îles de l'archipel du
point de vue de la chimie en majeurs et traces de ses laves, ses compositions isotopiques de Sr
et Nd présentent la particularité de ne pas être contenues dans l'espace défini par les autres
îles. Les îles de la Société se distribuent dans la plupart des diagrammes isotopiques le long
de "trends" apparemment binaires traduisant l'influence de deux composants dans leur
composition. Moorea ne suit pas la même logique car certaines de ses laves moyennement
différenciées tombent sous le "trend" des autres îles. L'étude d'une quinzaine de laves de cette
île choisies dans les trois séries volcaniques constituant l'île a permis de proposer une
explication à cette particularité. Il apparaît que les compositions isotopiques des laves de
Moorea sont générées par un mélange à trois composants. Deux d'entre eux sont ceux présents
dans les autres îles de l'archipel et le troisième est une de ceux identifié dans l'archipel plus au
sud des îles Australes dans l'île de Rapa. Ceci conforte l'idée que les points chauds de
Polynésie sont liés à la forte anomalie thermique présente à leur aplomb dans le manteau et
qui se traduit par une anomalie bathymétrique, gravimétrique et sismique. Cette anomalie
traduit une remontée massive de matériel chaud hétérogène du manteau profond qui contient
les composants identifiés dans les points chauds polynésiens. Moorea est l'illustration du fait
que du matériel de manteau produisant le magmatisme de Rapa peut aussi être entraîné
épisodiquement vers Moorea de l'archipel voisin (Hémond, Cardon et Maury, en prep.).
Structure crustale du plateau des Tuamotu et de Tahiti
En Polynésie Française, les îles jeunes(< 5 Ma) sont la manifestation d'un volcanisme
intraplaque tandis que le Plateau des Tuamotu(> 50 Ma) a été crée dans la région axiale d'une
dorsale. La structure crustale de ces deux archipels a été déterminée en analysant un profil de
sismique réfraction long de 300 km (campagne MidPlate II du F/S SONNE).Les phases
sismiques de la croûte et du toit du manteau supérieur enregistrées par 6 OBHs et 3 stations
sismiques installées dans les îles ont permis de proposer un modèle 2D de croûte. Le Plateau
des Tuamotu a une croûte épaisse de 21 km, en bon accord avec les anomalies de pesanteur à
l'air libre et en désaccord avec Talandier et Okal(1987) qui situent le Moho à 31 km. Sous
Tahiti et jusqu'à 100-130 km au Nord la croûte est épaisse de 15 km. Les données sismiques
et gravimétriques montrent que le Plateau des Tuamotu est en équilibre isostatique local
tandis que Tahiti est en équilibre isostatique régional. Cette différence de mode de
compensation est en bon accord avec la différence d'épaisseur de la lithosphère au moment de
l'emplacement de la surcharge volcanique.
- 53 -
Le point chaud de Ste Hélène, Atlantique sud
La découverte lors de la campagne océanographique SO 84 sur le N/O Sonne, de
seamounts plus jeunes que l'île de Ste Hélène, même si aujourd'hui éteints, nous a permis de
caractériser la chimie du composant du manteau HIMU grâce à des prélèvements de verres
volcaniques frais. Ce type de matériel n'existe en effet sur aucun des volcans émergés ayant
cette composition car l'altération a perturbé la chimie des roches. Les compositions
isotopiques obtenues sur les verres frais ont permis de confirmer que la source à l'origine de
ces magmas est bien de type HIMU. Elles sont comparables aux valeurs mesurées sur les
laves de l'île de Ste Hélène et montrent que ces seamounts se sont construits à partir de la
même source de magma. Nous avons utilisés les concentrations en éléments en traces pour
calculer des rapports d'éléments qui sont connus pour être incompatibles ou bien solubles ou
insolubles dans les fluides hydratés. Ces rapports permettent alors de vérifier le modèle selon
lequel les laves aux caractéristiques isotopiques HIMU sont produites par la fusion partielle
d'une vieille croûte océanique qui a été recyclée dans le manteau il y a plus de 1,5 milliards
d'années. La composition de cette vieille croûte et les fractionnements qui se produisent lors
de la subduction doivent avoir laissé des traces visibles dans la partie basaltique ou
gabbroïque de la croûte recyclée sous forme d'éclogite. Les rapports élevés de Nb/U et Nb/La
sont compatibles avec une source qui a perdu de l'U et du La par rapport au Nb, processus qui
est reconnu lors de la subduction. Le Ce/Pb est aussi plus élevé que la valeur du manteau et
trace le même type de fractionnement puisque le Pb part préférentiellement dans l'arc par
rapport au Ce. Ces résultats permettent ainsi du point de vue élémentaire de valider le modèle
de recyclage de la croûte océanique dans le manteau et son rôle de source du volcanisme
intraplaque. Une modélisation de la fusion de croûte océanique recyclée sous forme d'éclogite
grâce au spectre des éléments en traces est en cours de rédaction (C.W. Devey et Ch. Hémond,
Eclogite melting in the HIMU source: Evidence from the submarine St Helena hotspot).
Conclusions
Pour résumer, les recherches effectuées depuis trois ans au sein de l'UMR ont mené à des
résultats importants sur les processus d'interactions entre lithosphère et asthénosphère. Ils
permettent de mieux comprendre les rôles respectifs de ces deux réservoirs dans l'expression
de surface des processus profonds. Parmi ces résultats, qui n'ont pu être obtenus qu'en
utilisant les compétences réunies dans l'UMR dans des spécialités variées, on peut citer :
 L'évaluation de la limite nord de l'influence du point chaud des Açores sur la dorsale
médio-atlantique par la géochimie isotopique et la définition de la chronologie des
épisodes d'activité importante du point chaud par les reconstructions cinématiques sur le
plateau du même nom.
 L'aspect chaotique de l'interaction entre le point chaud de la Fondation et la dorsale
Pacifique Antarctique vu dans l'hétérogénéité des magmas émis par les structures
volcaniques hors axe.
 L'existence d'un contrôle tectonique sur la genèse de la lithosphère dans le bassin nord
fidjien qui permet la mise en place de magmas issus d'un manteau enrichi de type DUPAL
en contexte arrière arc.
 La poursuite du développement de modèles magmatologiques élaborés à partir de l'étude
des édifices volcaniques de la Polynésie Française pour évaluer les rôles respectifs des
hétérogénéités de source, de la fusion partielle et de l'assimilation lithosphérique.
 La modélisation de la composition chimique du composant HIMU du manteau comme
fragment de croûte océanique recyclée dans le manteau en faciès éclogite.
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Recyclage de la lithosphère océanique dans les zones de convergence
Personnel impliqué :H. Bellon, M. Benoit, J. Cotten, A Coutelle, M.-A. Gutscher, C. Hémond, Y.
Lagabrielle, R. Maury, A. Piqué, J.-P. Réhault.
La thématique de recherche de l'équipe est le devenir de la lithosphère océanique en
subduction, et notamment de la lithosphère océanique jeune (et donc chaude). Nous cherchons
à modéliser les régimes thermiques qui affectent cette lithosphère, et à en déterminer les
conséquences tectoniques (pendage de la subduction, largeur de la zone sismogène) et
magmatiques (genèse de magmas adakitiques par fusion de la croûte océanique plongeante et
métasomatose du manteau par ces liquides).
Structure thermique des zones de subduction
Dans les années 2000-2002 un nouveau thème de recherche sur la subduction a été abordé
dans l'UMR 6538: la modélisation de la structure thermique du slab et de l'avant-arc. La
structure thermique est importante pour deux raisons. Premièrement, la distribution des
températures le long de l'interface interplaque contrôle la largeur de la zone "verrouillée"
(sismogène) qui génère les grands séismes de chevauchement. Deuxièmement, la température
de la lithosphère océanique et du coin mantellique contrôlent les processus de déshydratation
du slab et de fusion partielle dans le manteau métasomatisé. En particulier l'effet d'un style de
subduction atypique, la subduction plate a été étudié .
En raison de sa géométrie, une subduction plate possède un domaine avant-arc plus étendu
et ainsi une interface interplaque plus froid qu'une subduction normale (Gutscher et al.,
2000a). Afin de quantifier l'impact de cet effet thermique sur la sismogénèse, une
collaboration a été établie avec Simon Peacock (Arizona State University). Lors d’une
première mission de trois semaines en Arizona (Nov. 2000), des modélisations numériques de
la structure thermique ont été réalisées avec des géométries complexe (subduction plate). Les
chantiers d'étude choisis sont les Cascades, le sud-ouest du Japon et l'Alaska. Les
modélisations ont démontré que la largeur de la zone sismogène (entre les isothermes de 150
et 350°C) d'environ 150 - 250 km pour des zones de subduction plate se réduit à 100 - 150 km
pour un pendage normale (pour une lithosphère océanique d'à peu près le même âge). Ces
résultats sont en cours de publication (Gutscher and Peacock, sous-presse).
Pendant la transition entre une subduction à pendage normal (≥30°) et pendage plat, un état
transitoire thermique se produira, permettant la fusion partielle directe de la croûte océanique
et ainsi la genèse de magmas de types "adakitique" (Gutscher et al., 2000b). Afin de mieux
contraindre cette évolution thermique, des modélisations numériques de type transitoire ont
été effectuées lors d'une deuxième mission de deux semaines en Arizona (Nov. 2001).
Magmatisme des zones de subduction « chaudes »
La thématique principale des recherches sur le magmatisme est l’étude du recyclage de la
lithosphère océanique dans les zones de subduction à régime thermique élevé : subduction de
dorsales actives (exemple quaternaire de la péninsule deTaitao au Chili, exemple fossile de la
péninsule de Basse Californie au Miocène supérieur ; subduction de lithosphère océanique
jeune (Philippines, Equateur), éventuellement couplée avec des ruptures dans la plaque
plongeante aboutissant à l’ouverture de fenêtres asthénosphériques.
Ces phénomènes aboutissent à la fusion de la croûte plongeante, générant des magmas
- 55 -
acides, andésitiques, dacitiques ou rhyolitiques, caractérisés par des teneurs très faibles en
yttrium et terres rares lourdes résultant de la présence de grenat résiduel dans leur source : ce
sont les magmas adakitiques, de relativement faible température mais très riches en eau, qui
ont deux devenirs : mise en place en surface ou au sein de la croûte, ou encore consommation
lors de réactions métasomatiques avec les péridotites mantelliques. L’étude de ces
phénomènes a des incidences importantes sur les modalités des transferts de matière lors du
recyclage de la lithosphère océanique, et donc sur les bilans géochimiques globaux. Par
ailleurs, les zones de subduction « chaude » actuelles constituent des analogues des
subductions archéennes, et sont donc susceptibles de fournir des informations sur l’évolution
de la croûte continentale.
Les travaux effectués de 1998 à 2001 ont concerné quatre directions de recherche
principales, et complémentaires.
1) L’étude expérimentale des conditions de la fusion des basaltes océaniques, de la genèse
des magmas adakitiques et de leur réaction avec le manteau a fait l’objet de la thèse de G.
Prouteau (1999) et d’articles (Prouteau et al., 1999, 2001) rédigés en collaboration avec
les pétrologistes expérimentaux d’Orléans (B. Scaillet, M. Pichavant). Le résultat majeur
est que la fusion des basaltes subduits à des températures « raisonnables » (700–900°C)
nécessite de grandes quantités d’eau, très vraisemblablement fournies par la
déshydratation des serpentinites du manteau sub-océanique et des zones de fracture.
2) L’étude de deux cas remarquables de subduction de dorsale océanique a été poursuivie.
L’exemple exceptionnel de la subduction de la dorsale active du Chili sous la péninsule de
Taitao en Patagonie a fait l’objet de la thèse de C. Guivel (1999) et des articles qui l’ont
suivie (Guivel et al., 1999 ; Lagabrielle et al., 2000 ; Corgne et al., 2001). La conclusion
principale est que l’effet « fer à repasser » dû aux passages successifs en subduction de
segments de dorsale conduit à la fusion partielle de la croûte océanique à de faibles
profondeurs (moins de 20 km), dans les conditions du début du faciès amphibolite.
L’exemple fossile de la Baja California, étudié dans la thèse de A. Aguillon-Robles (2002)
et l’article Aguillon-Robles et al., (2001) met en évidence l’importance de la
métasomatose mantellique due aux magmas adakitiques dérivant de la fusion des lèvres de
la fenêtre asthénosphérique.
3) La subduction de lithosphère océanique jeune (moins de 25 Ma) et chaude demeure l’un
des thèmes principaux du groupe. Les Philippines en constituent le meilleur exemple, car
la subduction de la mer de Chine méridionale sous l’arc de Luzon, dont la partie nord a un
substratum océanique, se traduit par un abondant magmatisme adakitique (Bellon et al.,
2000 ; Bellon et Yumul, 2001) et permet la quantification de la métasomatose et du
recyclage (Maury et al., 1998 ; Metrich et al., 1999). J. Cotten a contribué à des travaux du
même type sur les adakites d’Equateur (Monzier et al., 1999; Beate et al., 2001; Bourdon
et al., 2002) en compagnie de chercheurs de l’IRD et de Clermont-Ferrand.
Magmatisme post-collisionnel
Ce thème, moins développé que le précédent, s’y rattache pro parte dans la mesure où
l’hypothèse de travail du groupe est que la collision aboutit à l’ouverture de fenêtres
asthénosphériques, qui provoque une augmentation du flux de chaleur susceptible de
remobiliser les sources mantelliques et crustales héritées de la subduction antérieure. Nous
avons testé ce modèle sur l’exemple de la chaîne magmatique néogène de la marge
méditerranéenne du Maghreb (Piqué et al.,1998 ; El Azzouzi et al., 1999 ; Maury et al., 2000).
La genèse d’adakites par fusion partielle de croûte océanique en contexte post-collisionnel a
été démontrée à Mindanao, Philippines (Sajona et al., 2000) et à Bornéo (Prouteau et al.,
- 56 -
2001), et l’anatexie de croûte continentale à Sulawesi, Indonésie (Polvé et al., 2001).
La cinématique des microplaques de l'Est Indonésien
L'objectif était clairement de réaliser une synthèse de toutes les données existantes pour
définir une cinématique des microplaques de l'Est Indonésien. La réalisation de nouvelles
campagnes dans ce pays a été compromise par une situation politique difficile. Néanmoins
l'acquisition de données de bathymétrie multifaisceaux et 4 dragages ont pu être effectués lors
de la campagne Image IV du NO Marion Dufresne. Cet objectif s'est confondu avec la thèse
de Florent Hinschberger soutenue en décembre 2000.





Les résultats:
Cinématique et chronologie de l'ouverture du bassin sud Banda (Hinschberger et al., 2001);
Cinématique et chronologie de l'ouverture du bassin Nord Banda (Hinschberger et al.,
2000);
Modèle d'ouverture du bassin de Weber: la marge active conditionnée par la subduction
oblique est dilacérée par le recul du slab australien (article à soumettre à nouveau);
Synthèse bathymétrique et morphologique de l'est indonésien (Hinschberger et al.,
soumis);
Synthèse cinématique (Thèse F. Hinschberger; article en préparation).
En conclusion cette étude qui fait une mise au point importante sur l'évolution de l'est
indonésien depuis 15 Ma souligna aussi la complexité et la rapidité des phénomènes
géodynamiques dans une zone de subduction collision. Elle fait apparaître les différences
entre les grands bassins arrière arc de type pacifique et ceux comme la mer de Banda qui ont
une existence éphémère dans les zones de subduction collision. Cette comparaison
nécessiterait encore des travaux. Ces résultats servent de modèle actualiste pour des domaines
où la collision est plus avancée comme la Méditerranée.
Limites stables des domaines océaniques: de l'ouverture aux
bassins
Personnel impliqué:
H. Bellon, J. Deverchère, L. Droz, M.-A. Gutscher, D. Hureau, Y. Lagabrielle,
B. Le Gall, P. Le Roy, J. Malod, J. Perrot, M. Rabineau, J.-P. Réhault, J.-J.
Tiercelin, P. Tarits
Doctorants:
H. Gillet, B. Flamand, P. Huntsman-Mapila, M. Moulin, P. Thuya (doctorant
kenyan), W. Vétel
Collaborations:
Univ. Bretagne Sud, Univ. Bordeaux I, Univ. JF Grenoble, Univ. Lille, Univ.
Perpignan, Univ. Rennes, Géosciences Azur, Géosciences Rennes, BRGM,
CEREGE, DRO/GM IFREMER, IFP, IRD, Total-Fina-Elf
Les marges passives
La riftogénèse et la naissance des marges: Le chantier Maroc
Ce thème de recherche est très vaste et l'objet de multiples études par la communauté
internationale. Pour avancer, il était nécessaire de viser l'acquisition de données susceptibles
d'apporter des informations nouvelles et décisives. L'essentiel de notre activité a donc été
- 57 -
consacré à la mise en route d'un chantier sur la marge atlantique du Maroc (projet SISMAR).
Le choix de cette marge vient de son ancienneté et du déficit de connaissance que l'on en a par
comparaison avec la marge homologue de Nouvelle-Écosse.
Pour mieux assurer cette préparation nous avons participé aux opérations de sismique
multitrace et OBS du programme de l'Ifremer Zaïango (L. Géli et J.C. Sibuet). La technique
employée: sismique basse fréquence avec source monobulle, complétée par l'acquisition
d'enregistrement OBS, s'est avérée performante pour accéder à l'information sur les couches
profondes de la croûte. La zone d'étude de Zaïango (large de l'Angola) montre cependant que
l'écran formé" par d'épaisses séries salifères, souvent très déformées, restait un obstacle
majeur. C'est pourquoi nous avons privilégié dans le chantier SISMAR l'étude d'une zone où
la couche salifère en pied de marge est réduite: région au large d'El Jadida. Nous avons étendu
la zone d'étude à la région nord où la marge africaine vient en contact avec la limite de plaque
Europe/Afrique.
Résultats: La campagne SISMAR s'est parfaitement déroulée du 9/4/2001 au 5/5/2001. La
sismique réflexion (3667 km) a été mise en œuvre par le NO Nadir. Les opérations OBS
(OBS du département Géosciences de l'Ifremer, de l'Université de Lisbonne et de l'Institut
Jaume Almera de Barcelone) ont été conduites par le navire de l'Institut hydrographique
portugais Almeida Carvalho. De plus des stations terrestres ont été déployées dans l'axe des 2
principaux profils à travers la marge. Cette opération s'est déroulée grâce à la mise en place
d'une large coopération avec l'Ifremer, les universités de Lisbonne (Portugal) et de Bologne
(Italie), le Centre Jaume Almera de Barcelone (Espagne) et une aide essentielle des
universités d'El Jadida et Marrakech au Maroc. Nous avons aussi reçu le soutien du GDR
"Marges" et de la compagnie Total-Fina-Elf. La campagne SISMAR a aussi permis de
relancer la coopération et les études à terre au Maroc en liaison avec l'étude de la marge.
L'exploitation des données nécessite de longs traitements et fait l'objet d'un programme de
recherche pour caractériser les horizons crustaux observés et définir leur rôle lors de la
formation de la marge (voir projet à 4 ans). Il faut noter que dans la partie nord, les profils
sismiques ont mis en évidence l'existence d'un prisme d'accrétion lié à l'orogène bético-rifain
(thème: Evolution de la lithosphère dans les zones de convergence). Ce prisme est interprété
comme le résultat d'un recul du slab (M.-A. Gutscher et al., accepté à Geology).
Marges volcaniques
L’étude des marges passives de type volcanique a été entreprise dans le cadre de la thèse
de Laurent Gernigon consacrée à l’évolution structurale des bassins méso-cénozoïques de la
marge de Norvège (Voring). (Travail dirigé par Bernard Le Gall et financé par une bourse
d’ELF-NORGE, soutenance en octobre 2002). Sur la base de données pétrolières de qualité
exceptionnelle (sismique réflexion 2D et 3D calibrée par forages), complétées par des
modélisations (équilibrage de coupes structurales, thermicité), cette étude a permis de
préciser, d’une part, l’évolution synrift du bassin de Voring, et d’autre part, son histoire
tectono-magmatique paléocène, synchrone de la mise en place du panache mantellique
islandais et des premiers stades de l’accrétion océanique.
Parmi les principaux résultats obtenus, on retiendra ceux concernant (1) le calendrier
structural des phases majeures du rifting (Jurassique sup., Crétacé inf. et sup.), (2) les
conditions de mise en place des bassins (importance relative des processus de flexuration et
de fracturation), (3) la signification structurale de réflecteurs profonds (rôle des discontinuités
calédoniennes), (4) l’établissement d’une sismostratigraphie des complexes magmatiques
associés au stade initial de l’accrétion, et en particulier celle des SDRS (Seaward Dipping
Reflector Sequences), (5) l’évolution thermique des bassins sédimentaires depuis leur mise en
- 58 -
place en contexte de rift jusqu’à l’initiation de la marge en contexte de point chaud. Par
ailleurs, la prise en compte des données relatives à la marge conjuguée du NE Groenland
permet de proposer un modèle d’évolution cinématique du bassin de Voring (du stade de
rifting post-calédonien jusqu’à l’établissement de la marge volcanique au Paléocène) dans le
contexte plus global de l’ensemble du domaine N Atlantique.
Approche méthodologique: utilisation de la magnétotellurique en domaines de marge
La magnétotellurique fond de mer, utilisée avec succès pour étudier le manteau océanique
du fait de sa profondeur d'investigation (20-600 km) et sa résolution verticale des structures,
était limitée jusqu'à présent à ces profondeurs du fait de l'effet d'écran de l'eau de mer
empêchant la mesure du signal à des fréquences porteuses d'information à des profondeurs de
quelques kilomètres ou moins. L'amélioration des capteurs magnétiques permet maintenant de
compenser cette limitation et de mettre en œuvre la magnétotellurique sous-marine crustale.
Dans le cadre d'un programme européen, nous avons donc développé des stations
magnétotelluriques sous-marines pour étudier la structure crustale des marges, notamment en
domaine volcanique où les techniques sismiques classiques sont inopérantes. Parallèlement au
développement technologique, nous avons commencer la mise au point d'une nouvelle
méthodologie permettant de prendre en compte dans l'inversion des données, des contraintes
apportées par d'autres méthodes (sismique, gravimétrie).
Les rifts continentaux
Les axes de recherche menés dans le cadre du thème « Rift » à l’UMR 6538 au cours de la
période 1999/2001 intéressent plusieurs chantiers qui permettent : a) de comprendre les
processus de l’extension continentale dans des contextes tectoniques variés, et b) de
caractériser l’évolution au cours du temps des divers environnements tectono-sédimentaires.
Ces chantiers sont :
1) le Rift Turkana, à l’extrémité septentrionale du Rift du Kenya (branche Est du Rift EstAfricain), caractéristique d’un rift intra-continental récent et actif, de type magmatique et
à évolution polyphasée;
2) l’extrémité Sud du Rift du Kenya et sa divergence à l’approche du craton tanzanien;
3) le Rift du Kilombero (NE Tanzanie) et la propagation du rifting à travers une croûte
froide;
4) le bassin rifté de Woodlark (Papouasie-Nouvelle-Guinée) à l’avant d’un propagateur
océanique;
5) le rift jurassique Karoo du Botswana et son rôle dans le démantèlement du super-continent
du Gondwana.
6) les rifts anciens (fini-Protérozoïques) du Maroc et d’Egypte ainsi que l’extension
continentale post-orogénique (Maroc et Iran).
Afin d’appréhender les processus de l’extension intra-continentale d’une façon plus
globale, une approche pluridisciplinaire a été privilégiée sur la base des compétences et
disciplines présentes dans l’UMR 6538 (H. Bellon (HB), J. Cotten (JC), L. Droz (LD), J.
Dyment (JD), B. Le Gall (BLG), A. Piqué (AP), J. Rolet (JR) et J-J. Tiercelin (JJT)) ou dans
des laboratoires extérieurs. Les thèmes de recherche retenus s’intègrent soit dans des
programmes nationaux/internationaux, soit dans des projets propres à l’UMR 6538, et ils ont
fait l’objet de travaux de recherche de DEA (x 3) et de thèses (x 5).
Les résultats obtenus ont été présentés à de nombreux congrès et symposiums ou
- 59 -
synthétisés dans des papiers soumis ou en préparation (cf. liste des publications).
L’extrémité Nord du Rift kenyan : La Dépression du Turkana
A l’échelle de l’ensemble du Rift kenyan (Fig. 1), la Dépression du Turkana présente une
structure tout à fait originale et complexe, héritée pour l’essentiel de la superposition, depuis
le Crétacé, de 3 systèmes de rifts de directions obliques les uns par rapport aux autres. Il s’agit
des rifts 1) Crétacés (système N140° d’Anza), 2) Oligo-miocènes (système NS de LokicharKerio) et 3) Actuel (système N10°). La plupart des travaux antérieurs se sont focalisés sur la
structure des bassins oligo-miocènes, imagés par sismique pétrolière, tandis que le problème
des déformations récentes/actives (Pliocène terminal-Quaternaire) n’était jusqu’à présent que
peu abordé.
L’étude de l’évolution des environnements tectoniques et sédimentaires du Rift Turkana
s’inscrit, depuis l’année 2000, dans le cadre du Programme ECLIPSE de l’INSU « Paléoenvironnements des Hominidés mio-plio-pléistocènes en Afrique Centrale et Orientale
(responsable H. Roche).
Le principal objectif de notre étude est la construction de cartes paléogéographiques
illustrant l’évolution depuis l’Oligocène des divers segments du rift Est-africain, cartes devant
servir de base à des modélisations climatiques conduites par F. Fluteau (IPG Paris) et G.
Ramstein (CEA). Un accent tout particulier est mis sur la reconstitution des environnements
tectono-sédimentaires dans la région du Turkana pour les périodes Oligo-Miocène et PlioPléistocène. L’étude des séries sédimentaires qui caractérisent cette région est conduite en
collaboration avec J.L. Potdevin (Univ. de Lille) pour ce qui concerne les
paléoenvironnements hydrologiques, et avec A. Vincens (Cerege) pour les paléovégétations.
Par ailleurs, une approche plus structurale de cette région du Turkana est conduite dans le
cadre, d’une part, de la thèse de William Vétel (UBO/IUEM), et d’autre part, d’une
collaboration avec la National Oil Corporation of Kenya (instaurée en 1996). Plusieurs
questions sont ainsi posées dans le cadre de ce travail, à savoir : (1) la distribution spatiale des
déformations récentes/actives, 2) les notions de migration latérale (ou non) de l’extension
avec le temps (concentration de la déformation ou déformation diffuse), 3) l’importance de
l’héritage structural (rifts antérieurs, socle) sur l’organisation du rift actif.
Les approches complémentaires mises en oeuvre pour traiter ces questions reposent sur : 1)
des travaux de terrain (2 missions réalisées en 1997/98), 2) la réinterprétation de données de
sismique pétrolière (AMOCO) mises à notre disposition par la National Oil Corporation of
Kenya, et 3) l ’analyse d’imagerie satellitale LANDSAT. Il convient de préciser que cette
dernière approche est originale au niveau du Rift Est-Africain car elle repose sur l’analyse de
la fracturation, mais aussi sur celle du réseau de drainage. Cette étude, initiée par le DEA de
W. Vétel (UBO) et actuellement prolongée par sa thèse, a déjà fourni des résultats parmi
lesquels on retiendra :
- la mise en évidence d’une zone de déformation diffuse, d’expression morphologique
complexe, dominée par des failles actives/récentes à forte composante verticale, parallèles
au rift ou d’orientation transverse;
- le contrôle de ces dernières (atypiques à l’échelle du rift) par des discontinuités de socle,
- la mise en évidence d’inversions positives récentes induites par des compressions locales
lors du blocage de la déformation par les structures transverses.
- 60 -
L’extrémité sud du rift kenyan : le secteur Magadi-Natron et la Divergence Nord
Tanzanienne
(1) Concernant le secteur Magadi-Natron, il s’agissait de caractériser , d’un point de vue
qualitatif et quantitatif, la fracturation récente développée le long de la vallée axiale du rift
sud kenyan (Fig. 1), dans le but d’établir un modèle d’extension dans une zone riftée de type
magmatique, fortement influencée par des structures transverses héritées.
Cette étude a fait l’objet de la thèse de Richard Gloaguen (UBO), soutenue en décembre
2000. L’étude repose sur l’utilisation conjointe d’imagerie radar et de données de
télédétection optique (SPOT et Landsat) dont l’analyse permet de caractériser avec une
grande précision les principaux paramètres géométriques de la fracturation (rejets
horizontaux, verticaux, densité, longueurs, ...). Ces données quantifiées ont ensuite servi à
proposer un modèle d’évolution cinématique des populations de failles par croissance
progressive, puis connexion latérale des segments de failles initiaux; ceci aboutissant à la
création de failles de transfert ou de zones d’accommodation, particulièrement bien identifiées
sur les images radar par les flexurations et zones de dépocentres associées.
A une échelle plus régionale, de nouveaux résultats ont également été acquis (mission de
terrain en 1999 sur les rifts Pangani et Manyara en Tanzanie, R. Gloaguen, BLG., JR., E.
Mbede) concernant par exemple :
- la direction de l’extension actuelle au N100-110° pour cette branche, obtenue en intégrant
des données de microsismicité et de paléo-contraintes sur des volcanites récentes (méthode
des dièdres droits). Ces résultats remettent en cause certains modèles antérieurs qui
proposaient une extension au N140° tandis qu’aucun indice de rotation de l’extension au
cours des 3 derniers millions d’années n’est documenté.
- le taux d’extension (depuis la fin du Pliocène), estimé à 4-7 % pour le Fossé du Lac
Magadi et qui diminue progressivement vers le Sud à l’approche de la Divergence Nord
Tanzanienne.
- la segmentation en hémigrabens pluri-kilométriques et à vergences opposées de la zone
riftée Natron-Magadi par le système de failles transverses intra-socle N140° de MagadiLenderut.
(2) Concernant la propagation du rifting au-delà de la Divergence Nord Tanzanienne vers
le S, l’analyse morphotectonique de la zone du Kilombero (par imagerie SPOT et Landsat
(coll. B. Deffontaines, Univ. Paris VI), et contrôle de terrain (coll. O. Nilsen et H. Dypvik,
Univ. Oslo)), complétée par l’interprétation des anomalies aéromagnétiques (coll. C. Ebinger,
Royal Holloway, Londres), met en évidence une zone de déformations actives, localement
associées à des structures sismogéniques, orientée au N-S, d’environ 100 km de large, et
située à 2-300 km au sud de l’extrémité du rift kenyan. Le Rift du Kilombero se connecte vers
le N aux deux branches occidentales de la Divergence par l’intermédiaire d’une ride
transverse, de nature également sismique, que l’on interprète comme une zone de transfert
active. Ces nouveaux résultats amènent à reconsidérer l’organisation générale de la partie
méridionale du Rift Est-Africain en démontrant que le rifting se propage au niveau du socle
tanzanien, par réactivation de structures héritées d’âge Karoo ou Protérozoïque qui définissent
ainsi une zone de déformation diffuse développée en contexte de croûte froide (au-delà de
l’influence du dôme (thermique) kenyan au N). Le craton tanzanien apparaît donc totalement
entouré par les 2 branches E et W du Rift et celles-ci pourraient se connecter vers le S au
niveau du Lac Malawi.
- 61 -
Rift continental à l’avant d’un propagateur océanique : le Bassin de Woodlark
L’étude du bassin de Woodlark fait suite au Leg ODP 180 (Participation BLG en juinjuillet 1998, chefs de mission : B. Taylor et P. Huchon) dont l’objectif principal était de
préciser l’évolution, dans le temps et l’espace, d’une faille extensive à faible pendage, située à
l’avant d’une ride océanique en cours de propagation. Il s’agit de la faille de Moresby,
considérée par de nombreux auteurs comme l’une des structures de référence d’une faille de
détachement sismiquement active.
En complément de l’étude des carottes et images FMS recueillies lors du Leg 180, la prise
en compte de données de sismique réflexion a permis de définir la structure 3D du bassin
situé au toit de la Faille de Moresby. L’établissement d’une sismostratigraphie fine des séries
synrift (4000 m d’épaisseur) nous a par ailleurs permis de préciser l’évolution spatiotemporelle du bassin de Moresby du Miocène supérieur à l’Actuel.
-
-
-
Parmi les résultats qui nous paraissent les plus significatifs, on peut citer, par exemple :
la mise en place du dispositif synrift, lors de 3 épisodes de déformation successifs, marqués
par une accélération de la déformation extensive au cours de la période 1.4 Ma-Actuel,
suite au jeu majeur de la Faille du Moresby qui accommode environ 6 km d’extension
horizontale cumulée;
le caractère non-cylindrique du bassin synrift de Moresby qui évolue d’E en W,
parallèlement à son axe, depuis un graben (à proximité du propagateur) à un hémi-graben.
une telle asymétrie axiale suggère un mécanisme d’étirement et d’accrétion crustale par
l’intermédiaire de «cellules de déformation initiale», isolées les unes des autres, et à partir
desquelles la déformation se propage latéralement;
la mise en évidence de compression active, oblique, au sein des séries synrift situées à
l’avant de la ride océanique de Woodlark, et que l’on attribue à l’effet frontal du
propagateur.
Rift Karoo du Botswana
Les bassins et le magmatisme d’âge Karoo (Permo-Trias-Jurassique) de l’Afrique Australe
et de l’Antartique (Fig. 3) se sont mis en place lors d’un processus de rifting/point chaud
responsable du démantèlement de la Pangée. Le système Karoo du Botswana, presque
totalement enfoui sous les sables récents du Kalahari, est exposé dans la partie NE du pays
sous la forme d’un important complexe magmatique, incluant des épanchements de laves
ainsi que deux systèmes de dyke géants, celui de l’Okavango au N110°E (1500 x 100 km) et
l’extrémité SW du système du Limpopo (N70°E). Bien que généralement utilisés comme
support des modèles de point chaud, ces complexes filoniens n’étaient paradoxalement pas
bien caractérisés quant à leur âge, leur structure et leur signature pétro-géochimique. Ces
lacunes justifiaient la mise en oeuvre d’un programme de recherche, débuté en 1999 dans le
cadre d’une coopération franco-botswanaise, qui s’est concrétisé par 1) l’octroi d’une bourse
de thèse (G. Thsoso, UBO, soutenance prévue fin 2002), financée par le MAE et 2) une
collaboration scientifique UBO/univ. Gaborone.
L’étude exhaustive des deux complexes de dykes du NE Botswana (réalisée au cours de 3
missions de terrain en 1999, 2000 et 2001) a nécessité diverses approches complémentaires
(géophysique, structurale, pétro-géochimique, radiométrique) menées en étroite collaboration
avec d’autres laboratoires (Nice, Lyon, Cergy). Ce travail s’est notamment concrétisé par la
réalisation d’une coupe structurale d’environ 80 km (55 km projetée) à travers le système
géant (N110°) de l’Okavango. Parmi les nombreux résultats originaux acquis, on retiendra :
 L’âge de 178-180 Ma (méthode Ar39/Ar40) des deux complexes de dykes du NE Botswana
- 62 -




(coll. avec G. Féraud, UMR/CNRS 6526, Nice) que l’on interprète comme les systèmes
d’alimentation des épanchements volcaniques couvrant une partie de l’Afrique australe.
Par ailleurs, la datation de dykes protérozoïques au sein du système de l’Okavango
démontre son contrôle partiel par des structures intra-socle panafricaines.
L’approche géophysique (co-tutelle de JD.), basée sur (1) la modélisation des anomalies
aéromagnétiques, (2) leur corrélation avec les données enregistrées par magnétomètre et
(3) leur calibration par les levers structuraux de terrain, apporte des précisions sur
l’organisation structurale du complexe de l’Okavango (2 zones fortement injectées ont été
identifiées) et elle permet aussi de discuter la signification structurale de chaque anomalie,
d’une part, et de calculer la position du paléopôle, d’autre part.
Les résultats de l’analyse de l’Anisotropie de Susceptibilité Magnétique (coll. avec C.
Aubourg, Univ. Cergy) démontrent des sens d’écoulement du magma relativement
complexes au sein du système de l’Okavango (latéral et vertical).
L’analyse structurale a permis 1) de préciser la géométrie des 2 populations de dykes (avec
notamment des épaisseurs moyennes de 20 m (N110°) et 40 m (N70°), 2) de démontrer
leur contrôle par des réseaux de fractures intra-socle, 3) d’identifier les déformations
synchrones de leur mise en place (joints), 4) d’estimer à 5% (2.9/56 km) l’extension
horizontale cumulée due à l’injection, 5) de proposer un mode de mise en place des dykes
en tension-cisaillement (N110°) ou en tension (N70°).
La synthèse de l’ensemble des résultats acquis nous permet de discuter la validité des
modèles de point chaud appliqués à l’ensemble de la province Karoo.
Rifts anciens et extension post-orogénique
1. Au Maroc, l’étude du rifting Protérozoïque terminal s’est poursuivie par le biais (1) de
travaux structuraux (tectonique de horsts et grabens) et métallogéniques dans la couverture
fini-précambrienne et cambrienne et (2) de travaux sur les roches cristallines des
"boutonnières" de l'Anti-Atlas, considérées comme des dômes gneissiques. Ces études se
situent dans le cadre d’une Action Intégrée (Marrakech-El Jadida- Fès-Brest). L’étude de
l’évolution post-orogénique hercynienne a été abordée par la prise en compte des marqueurs
magmatiques mis en place à la transition compression hercynienne-extension triasico-liasique
(Thèse de N. Rais, 2002, Univ. de Fès, Maroc).
2. Le chantier « Egypte », étudié en collaboration avec l’université du Caire, a permis
d’identifier dans la région du Sinaï un rift fini-Protérozoïque, contemporain de celui qui
affecte le Sud marocain, et dont le niveau d'érosion actuel permet d'observer les roches
magmatiques associées. Les résultats obtenus sont présentés dans la thèse (PhD) de S.
Quarani (Univ. Le Caire, 2002).
3. Les travaux réalisés en Iran, grâce à un accord de coopération entre le Geological
Survey et l’UBO (+ IPG et ULP Strasbourg), concernent les complexes métamorphiques de la
région de Quri, Neyriz (zone de Sanadaj-Sirjan, Iran méridional), et ils consistent (1) à décrire
la colonne lithostratigraphique, (2) à dater (Ar-K) des protolites du Paléozoïque, (3) à faire
l’analyse structurale de la foliation fondamentale et des antiformes post-foliaux, et (4) à
discuter les implications géodynamiques. Cette étude se situe dans le cadre de la thèse de
Reza Sheikholeslami.
Marges anciennes et paléo-bassins océaniques
Personnel impliqué:
- 63 -
R. Gourvennec, A. Le Hérissé, B. Lefebvre (Ater : 1999-2000), J. Le Menn, M.
Vidal , P. Racheboeuf (Janvier 2003)
Doctorants:
A. Botquelen (bourse régionale en co-tutelle), B. Moodie ( financement
Service Géologique du Botswana et Coopération internationale).
Post-doctorant :
M. Vecoli (bourse Pierre et Marie Curie, CEE).
Chercheur libre :
Y. Plusquellec (retraité)
Thématique
L'équipe de Paléontologie travaille sur le programme " Océans anciens du Paléozoïque ",
en étudiant l'évolution et la distribution des faunes benthiques, des microflores marines et
faciès en fonction de l'évolution paléogéographique pré-varisque des marges continentales,
notamment de la bordure nord-gondwanienne, de ses extensions vers l'Ouest en Amérique du
Sud et vers l'Est jusqu'en Arabie Saoudite, et de leurs homologues dans les régions du nord de
l'Europe (Baltica) et de l'Amérique du Nord (Laurentia). Les principaux thèmes de recherche
développés dans le cadre de ce programme concernent :
1) l'étude de la biodiversité des invertébrés benthiques (Brachiopodes, Crinoïdes et
Trilobites) et des microfossiles issus du phytoplancton (acritarches et autres microalgues),
depuis l'Ordovicien jusqu'au Dévonien supérieur, comprenant aussi une étude de leur
adaptation/réaction aux périodes de crises, et une évaluation des stratégies de
renouvellement post-crises ;
2) l'établissement de biochronologies fines, clé de voûte de toutes les applications;
3) la reconstitution des paléoenvironnements marins du Paléozoïque par une approche
couplée de l'étude des deux signaux sédimentaire et paléontologique, notamment des
condensations taphonomiques (concentrations coquillières), en fonction de l'évolution de
la dynamique autocyclique ou allocyclique des séries sédimentaires;
4) une mesure de l'impact des changements paléoclimatiques et paléogéographiques sur ces
éléments de l'écosystème marin au Paléozoïque, qui comprend aussi une analyse des
migrations;
5) une confrontation des données paléontologiques avec les reconstitutions
paléogéographiques qui sont proposées pour ces périodes.
Bilan des recherches
Biodiversité
Dans le contexte de la tectonique des plaques, un lien évident peut être établi entre les
changements majeurs de la biosphère et les effets combinés des variations eustatiques, des
changement océaniques et climatiques. L'équipe s'est impliquée dans le Programme National
de Biodiversité (PNDBE) pour analyser les fluctuations de la biodiversité pendant des
périodes clés : l'Ordovicien, qui est marqué par une diversification rapide, le Silurien,
généralement considéré comme une période de stabilité mais qui montre une cyclicité
intéressante, et le Dévonien qui est marqué par des bioévénements majeurs. Pour
l'Ordovicien, la diversité a été étudiée dans le cadre des programmes PICG 410 et
CRISEVOLE. Les Trilobites montrent une chute de la biodiversité dans l'Ordovicien
supérieur qui n'est pas expliquée de façon satisfaisante par la glaciation fini-ordovicienne
(Lefèbvre & Vidal, 2001). La dynamique de diversification des acritarches paraît contrôlée
par le jeu de nombreux paramètres incluant des changements paléogéographiques et
paléoclimatiques. Ainsi, 5 étapes majeures peuvent être mises en évidence au cours de
l'évolution : la transition cambro-ordovicien, l'Arénig inférieur, le Llanvirn, le Caradoc
inférieur et la partie supérieure de l'Ashgill (Vecoli &Le Hérissé, 2002).
- 64 -
Plusieurs études sont aussi menées dans le Silurien et le Dévonien, pour évaluer de façon
précise au niveau des espèces et des écosystèmes le rôle de certaines variables comme la
température et la salinité sur l'évolution de la diversité, mais aussi le gradient bathymétrique
et les fluctuations climatiques, contrôlées par la cyclicité orbitale à différentes échelles. Les
brachiopodes spiriférides connaissent, durant le Silurien, deux pics de diversité, l'un au
Llandovery supérieur, le second au Wenlock supérieur qui sera une période clé dans
l'évolution du groupe (Gourvennec, 2000). Ce dernier pic est une conséquence probable de
l'événement Valleviken (reconquête après crise) et on reconnaît un phénomène comparable
chez les acritarches. D'autres exemples concernent les périodes de récupération post-crise. La
restauration des assemblages d'acritarches suivant l'amélioration climatique et la transgression
marine globale de l'Ordovicien supérieur et du Silurien inférieur est très progressive (Le
Hérissé, 2000). Il en va de même pour les populations benthiques.
Paléogéographie Paléozoïque et relations Gondwana-Euramérique
L'identification d'unités paléogéographiques (continents, microplaques, " terranes ") et la
reconstitution de leur migration et de leur assemblage au cours des temps géologiques est
complexe. Les modèles sont basés sur une combinaison plus ou moins importante de données
paléomagnétiques, géodynamiques, géochimiques, biogéographiques et paléoclimatiques et
sont parfois contradictoires. Dans la mesure où les changements paléogéographiques ont des
implications majeures sur l'évolution des écosystèmes, les adaptations et les migrations de
faunes, les données paléontologiques apportent une contribution importante pour confirmer la
validité des reconstitutions proposées et préciser les modalités et le calendrier des
réagencements successifs connus au cours du Paléozoïque avant l'orogénèse varisque.
Un point fort des activités de recherche de l'équipe de Paléontologie pendant ces 4
dernières années a été d'apporter de nouveaux éléments dans le débat concernant la
paléogéographie du Paléozoïque inférieur et plus spécialement dans les relations entre le Nord
Gondwana, la plaque Armorica et les régions du Nord de l'Europe (marge Sud de Laurussia).
La méthode d'analyse repose sur la reconstitution des paléoenvironnements qui se sont
succédés au cours du Paléozoïque, sur l'étude de la répartition, des affinités des faunes
benthiques
(brachiopodes, coraux, crinoïdes et trilobites) et des associations
phytoplanctoniques (acritarches et formes associées) depuis l'Ordovicien inférieur jusqu'au
Dévonien supérieur. Les objectifs étaient de préciser les relations ou positions
géographiques successives entre les régions de la bordure gondwanienne stable (du Brésil à
l'Arabie Saoudite, en passant par le Maroc, l'Algérie, et la Libye), les terranes périphériques (
Portugal, Baléares, Péninsule Ibérique, Sardaigne, Massif Armoricain, Bohême, Harz,
Méguma), et l'Europe du Nord séparée du nord-Gondwana par l'océan Rheic qui se referme
progressivement. Le programme de coopération franco-portugais, actif depuis plusieurs
années, nous a donné l'occasion de préciser les positions relatives des micro-blocs portugais
(p.ex. Ossa Morena, Zone Centre Ibérique, etc.) et leur connexion avec des blocs déplacés à la
suite de l'orogénèse varisque (Le Menn et al., 2000). Sur la base des faunes d'invertébrés,
l'histoire de la zone de Méguma (Nouvelle Ecosse) du Silurien terminal au Dévonien inférieur
est désormais bien comprise et indique un océan Rhéic en voie de fermeture durant cette
période dans la région considérée (Bigey et al., 2000). De même, les résultats obtenus avec les
acritarches issus de populations phytoplanctoniques indiquent que la partie occidentale de
l'océan Rhéic semblait déjà en voie de fermeture dès le Silurien supérieur, compte tenu du fort
degré de similitude entre les assemblages Nord Gondwaniens et ceux de la Poméranie (Le
Hérissé, 2001). Dans les régions plus orientales, les différences fauniques subsistent plus
longtemps, ce qui suggère une fermeture non synchrone d'ouest en est (Plusquellec & Hladil,
2001), ou bien l'existence de seuils lithosphériques pouvant perturber la circulation des
courants océaniques dans le Rheic. Ce sont des axes d'études pour le futur, si l'on souhaite,
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pour l'histoire du Rheic arriver au degré de précision obtenu par exemple dans le cadre des
programmes Téthys. Ces études ont contribué pour partie au PICG 421. Elles fournissent
également l'occasion de réfléchir sur les mécanismes de transfert, les distances, les vitesses
d'accrétion et le " calendrier " géodynamique de la période pré-varisque.
Changements climatiques
Les événements paléoclimatiques qui ont ponctué toute la période Paléozoïque et l'histoire
de l'océan Rhéic sont indissociables. L'intervalle Cambrien à Carbonifère a été interprété
comme une période à effet de serre, seulement interrompue par deux événements majeurs : la
glaciation fini-ordovicienne et la période de glaciations répétées entre la fin du Dévonien et le
Permien inférieur. Les effets de ces crises continuent à être étudiés en détail. Dans le cadre du
programme CRISEVOLE, l'accent a été mis particulièrement sur l'impact de la crise finiordovicienne au niveau des faunes et des flores (Paris, Bourahrouh et Le Hérissé, 2000 ). Pour
la période glaciaire et post-glaciaire dans les régions gondwaniennes et périgondwaniennes
(Bohême), on montre d'importantes variations dans l'abondance des microfossiles marins et
continentaux. Ceci indique que l'apport par les icebergs ou l'extension de la glace de mer ne
sont pas constants pendant cette période de déglaciation. Dans l'état actuel des connaissances,
il est difficile d'établir si cette variabilité indique une cyclicité de type " événement de
Heinrich ", mais dès lors le signal palynologique constitue un bon indicateur permettant de
comprendre la dynamique des calottes glaciaires de l'Ordovicien supérieur (Le Hérissé et al.,
en prép.). D'étroites relations ont été mises en évidence entre les concentrations isotopiques en
C13 et O18 et l'évolution de la diversité planctonique correspondant à une alternance de
périodes sèches et humides dans le Silurien de Gotland (Le Hérissé, 2000). Les faunes
benthiques apportent aussi des informations sur les " ceintures " climatiques, la grande
majorité des brachiopodes restant cantonnée au domaine intertropical. Ceci a aussi des
conséquences sur le contrôle paléogéographique, et autorise quelques doutes sur la position
supposée (à hautes latitudes) de certains blocs renfermant des faunes d'affinités tropicales.
(Gourvennec, 1999).
Paléoenvironnements
Le projet collectif sur la Formation du Faou (Dévonien inférieur de la Rade de Brest)
fournit un exemple de l'approche conjuguée entre analyse séquentielle et variations des
assemblages benthiques et de microfossiles en relation avec les variations eustatiques
(séquences de 3ème-4ème ordre). Les communautés à brachiopodes montrent des fluctuations
qui sont parfaitement corrélées avec les variations du niveau marin, les séquences génétiques
et la courbe de Fischer qui en est une représentation : les migrations des communautés (c'està-dire des biotopes) en fonction de l'eustatisme peuvent ainsi être mises en évidence et
constituent des indicateurs fiables des variations des conditions de l'environnement
(Gourvennec, 2001 ; Botquelen et al., 2001). L'étude du contrôle hydrodynamique des
accumulations fossilifères sous tous ses aspects (biologie et taphonomie) fait l'objet d'une
thèse en cours (A. Botquelen) dans le Paléozoïque armoricain, sarde et espagnol.
Des études ont permis de reconstituer le mode de vie des trilobites et de caractériser les
associations fauniques en fonction des paléoenvironnements sur la marge nordgondwanienne. Ce travail, comme précédemment sur le Dévonien se poursuit par l'approche
conjuguée sédimentation et paléontologie (Vidal & Loi, 2001). La synthèse des données sur la
répartition géographique des crinoïdes dans l'intervalle Silurien supérieur-Dévonien inférieur,
révèle une distribution spatiale des biofaciès permettant de reconnaître un gradient plateforme externe-domaine épicontinental protégé (Le Menn et al., 2002).
L'analyse quantitative des principaux constituants du palynofaciès dans les séries
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anciennes et récentes apporte des précisions complémentaires à la reconstitution des
environnements de dépôt (Le Hérissé, 2002) et apporte des informations utiles pour préciser
le potentiel pétroligène des séries concernées (p. ex. série Méso-Cénozoïque du Turkana).
Recherche appliquée
La part des activités de services (consultations pour l'industrie pétrolière et/ou les services
géologiques) se doit aussi d'être mentionnée. Elle met en évidence l'excellent niveau
d'expertise de l'équipe et permet d'être confronté aux réalités économiques (recherche
pétrolière, prospection de charbon et méthane, etc.). C'est aussi une source non négligeable de
financement externe. On distinguera d'une part les contrats purement commerciaux et d'autre
part la formation par la recherche grâce à l'encadrement de mémoires de thèse de 3ème cycle
(B. Modie). Les collaborations avec différents services géologiques, impliqués dans des
programmes de cartographie apportent aussi des données supplémentaires sur la
biogéographie des faunes et microfaunes.
Programmes
Crisevole (PNDBE, CNRS), " La crise fini-Ordovicienne et les modalités de la reconquête
faunique post-glaciaire dans les régions nord-gondwaniennes " (1988-2000)
PICG 410 : " The Great Ordovician Biodiversification Event " (1997-2002)
PICG 421 : " The North Gondwana mid-Paleozoic biodynamics " (1997-2002)
Coopération avec Université de Cagliari : "Relazione tra fattori allociclici e autociclici
nella formazione delle cacies condensata di piattaforma silico-clastica"
Action intégrée franco-portugaise : "Le Dévonien du Portugal et du Massif Armoricain :
stratigraphie haute résolution, biostratigraphie et paléogéographie. Implications pour la chaîne
varisque de l'Europe du Sud-Ouest"
Coopération Internationale UBO - Botswana
CIMP/Aramco : " Palynostratigraphy of the Saudi-Arabian kingdom " (1991-2000)
Expertises et contrats industriels : Consultance en palynologie et paléontologie pour
ARAMCO, BEICIP-FRANLAB, BRGM, PETROBRAS, TOTAL
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