Thèse Isabel Repiso

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La thèse d'Isabel Repiso a été financée par le Max Planck Institute for
Psycholinguistics (Nimègue, Pays Bas), encadrée sous le département de
Language Acquisition que dirige Wolfgang Klein. Elle a été co-dirigée par
Daniel Véronique (Aix Marseille Université) et Danielle Dubroca-Galin
(Universidad de Salamanca).
Résumé
Le raisonnement contrefactuel est un procès cognitif universel par lequel
la réalité est comparée avec ce qui aurait pu se passer autrement (Kahneman
et Tversky 1982). Ce type de raisonnement est à la base d’opérations
quotidiennes comme la prise de décisions, l'anticipation de risques ou
l'attribution de responsabilités. Dans un sens plus large, il a été mis en
rapport avec le désir (Perel 2013, Illouz 2012). Si les domaines affectés
par le raisonnement contrefactuel sont si variés, il semble évident que
l'apprenant d'une langue seconde (L2) ait à exprimer ce qui aurait pu se
passer autrement à un moment de son parcours acquisitionnel. Comment ce
raisonnement s’est-il alors exprimé ? À l’aide de quelles constructions et
moyens grammaticaux ? Isabel Repiso fournit, dans sa thèse, une description
des moyens syntaxiques, flexionnels et lexicaux par lesquels l'irrealisé
est exprimé en français, en espagnol et en italien, ainsi qu'en français
langue étrangère (FLE). Ses résultats ont révélé des différences
significatives entre le français et l'espagnol dans la manière dont ces
langues encodent l’irréalisé. Le marqueur de contrefactualité le plus
fréquent en français est la combinaison du conditionnel passé et d'un verbe
modal (i.e. Elle aurait pu choisir toute seule son plat), alors que
l'espagnol privilège le mode subjunctif (i.e. Que ella hubiera elegido su
propio plato; Qu'elle eût choisi son propre plat). Les implications
sémantiques du conditionnel modalisé rendent difficile son acquisition en
FLE, puisque l'apprenant doit produire un scenario alternatif qui signifie
sa propre subjectivité à l'aide des marqueurs modaux évaluatifs "pu" /
"dû". L'emploi natif du conditionnel modalisé n'émerge que dans les
variétés d'apprenant les plus avancées en termes d'immersion dans le milieu
de la langue cible et d'études FLE. Les résultats d'Isabel Repiso mettent
en cause le rangement traditionnel de la contrefactualité au sein des
constructions en *si*-, du fait que celles-ci ne constituent pas le moyen
le plus fréquent pour parler de *ce qui aurait pu se passer autrement* dans
les trois langues étudiées. La non-prééminence des constructions
conditionnelles devrait amener à une réflexion sur les limites de la
conditionnalité en tant que procès de conceptualisation de l’irréalisé.
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