INALCO
DULCO de Chinois
Cours de M. Guy Puyraimond
CHI 013a
Histoire
de la
Chine moderne
CHI 013a Histoire de la Chine moderne 2
INTRODUCTION
2 idées forces pour parler de la période qui nous intéresse :
1. Nous y verrons la fin de la période impériale
2. Nous y verrons 3 dynasties, dont deux étrangères (non han) encadrant une chinoise (han).
Ce sera donc une modification en profondeur du monde chinois. Cela commence avec la dynastie
mongole des Yuan et se termine par la dynastie mandchoue des Qing.
Les Yuan se sont inscrits dans une dynamique très forte qui a :
- désenclavé la Chine, l’empire ayant jusqu’alors peu de relations extérieures, avec sa
position traditionnelle de centre du monde au centre d’un système tributaire dont elle
était le leader
- mis en place une connexion entre le nord et le sud, grâce à l’achèvement du grand canal,
qui permettra d’amener le grain du sud vers le nord, ce qui est une première dans la
longue histoire de la Chine, toujours coupée en deux par les fleuves de direction ouest/est
- lié la Chine au vaste empire Mongol, fondé par Gengis Khan, empire « communicant avec
le reste du monde », donnant ainsi l’opportunité à la Chine de s’ouvrir elle-même.
Par ailleurs, la capitale de cet empire sino-mongol, au temps de Kubilaï passera de Karakorum,
capitale d’une civilisation nomade, à base de tentes et de yourtes, à Pékin, ancienne capitale d’un
petit royaume de Chine du nord (et à ce moment là, « hors de la Chine »), ce qui par un
renversement intéressant replace la Chine au centre de l’empire sino-mongol. Kubilaï en fera une
capitale vitrine, avec palais et jardins, rompant ainsi avec la tradition des capitales mongoles.
De ce fait la Chine bénéficie de l’ensemble des routes de l’empire mongol auxquelles elle est
connectée, l’empire mongol s’étendait jusqu’aux portes de Vienne et jusqu’à Damas. Qui plus est,
les mongols ont sécurisé les anciennes routes (de la soie par exemple) et organisé des relais de
postes réguliers l’on pouvait se restaurer, se reposer et changer de chevaux, facilitant ainsi les
déplacements.
Ces apports sont à double tranchant. A court terme, ils ont coûté cher à la Chine qui a du :
- se plier aux exigences de travaux corvée gratuite » ie on vient pour travailler
gratuitement à des travaux « d’intérêt général » et qui plus est on amène ses outils et sa
subsistance)
- se soumettre à une nouvelle hiérarchie et vision du monde
o dans la Chine traditionnelle, au sommet, sous l’Empereur on trouve les lettrés qui,
à travers les fonctionnaires, dominent outre le gouvernement, tous les échelons
administratifs et politiques
o les Yuan, eux, imposent au sommet, après l’Empereur,
les membres des maisons des dirigeants
les cousins de ceux-ci (les autres tribus mongoles)
les commerçants internationaux (souvent d’origine arabe)
les chinois du nord
les chinois du sud
les lettrés
Ils changent ainsi l’échelle des valeurs culturelles, reléguant les lettrés au plus bas. Parallèlement
ils vont laisser se développer, voire favoriser, l’apparition d’une littérature populaire, de fiction et
de théâtre ce qui n’existait quasiment pas auparavant.
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Pourquoi et comment les Mongols ont ils pu s’imposer ?
Tout part de Temudjin, héritier d’une tribu mongole, qui parvient à battre toutes les autres tribus.
Dans la tradition, l’Ulus (nation mongole) n’existe que lorsque l’une des tribus parvient à dominer
toutes les autres. Une grande réunion est alors organisée, sorte d’AG géante, au cours de laquelle
un « grand Khan » est élu. En 1206, Temudjin est choisi et prend le nom de Gengis Khan
(Empereur de l’océan).
On peut dire qu’il a eu 3 idées de génie :
1. battre tous les autres ce qui lui a permis de devenir Grand Khan,
2. comprendre que pour unir l’Ulus, plutôt que de laisser se battre entre elles les tribus, il
valait mieux les unir en les envoyant se battre «contre le reste du monde » et lancer un
programme de « conquêtes ininterrompues ». On peut dire que tant que cette dynamique
a été maintenue, l’unité Mongole s’est maintenue,
3. donner à l’Ulus une loi organique (la grande Yasa) qui n’existait pas et qui couvre tous les
aspects notamment la conduite des affaires familiales, régionales, nationales,
internationales, commerciales sur les plans civil et politique.
Par ailleurs la mise en place d’un vaste réseau de routes, avec des systèmes de péage qui
produisent beaucoup de revenus a permis au système de perdurer. On peut considérer que
l’empire sino-mongol est un empire commercial, d’origine militaire, donc très organisé et efficace.
Il couvre alors plus de la moitié du monde connu !
Pour revenir à la Chine, avant les Yuan, celle-ci s’était repliée au sud du Yangzi. Au nord on avait
un ensemble de « royaumes tampons », non Han, en particulier les Jin autour de Pékin.
Les mongols prirent très facilement cette Chine du Nord, mais mirent 50 ans à dominer la Chine
du Sud. Il faut dire que les Chinois étaient très bons en « génie militaire » et en fortification de
ville, alors que les Mongols n’y connaissaient pas grand-chose et durent faire appel à des experts
militaires externes. Par ailleurs les Chinois avait un grand savoir faire traditionnel pour tout ce qui
concerne l’administration.
Gengis Kahn ne voulant pas faire appel à des Chinois, il se tourne vers ceux qui, non chinois,
avait été formés par ceux-ci : les Ouïgours. Ils en font des auxiliaires au niveau militaire et
administratif. Par ailleurs il prend la langue Ouïgour pour transcrire le Mongol qui n’était alors
pas une langue écrite. En gros, avant cette décision, les mongols n’avaient pas de vecteur de
transmission de leur culture. Notons au passage qu’ils n’avaient pas de religion, ie de système
structuré et organisé, mais seulement du « chamanisme local ». Cela expliquera en partie leur
grande ouverture aux autres religions, acceptant facilement celles-ci (il n’était pas rare qu’un Khan
ait des épouses ou des concubines musulmanes, chrétiennes, bouddhistes, nestoriennes … même
si la famille des Gengiskhanides favorisa assez amplement le bouddhisme lamaïque). C’est ainsi
que Kubilaï, qui pressure fortement le peuple et les lettrés, va favoriser les grands propriétaires
terriens laïques ainsi que les monastères bouddhiques, allant jusqu’à les exonérer des taxes
foncières, et même parfois à leur permettre de les collecter pour les garder à leur profit ! Cela ne
manquera pas de créer des situations conflictuelles qui contribueront à la chute des Yuan.
Si, à court terme, cette intégration à l’empire mongol a coûté cher à la Chine, à moyen et long
terme elle lui a été bénéfique par l’ouverture qu’elle a représenté et la circulation qu’elle a permis.
A cette occasion, les échanges « internationaux » ont conduit à développer les billets à ordre. Mais
ceux-ci proliférant, il a fallu l’organiser et cette normalisation a conduit à la création d’une sorte
de monnaie fiduciaire. Toutefois celle-ci était gagée sur le métal (la Chine était tri-métallique : or,
argent, cuivre) et une mauvaise maîtrise de ce nouveau système produisit inflation, vidage des
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réserves métalliques de la Chine (surtout or et argent), conduisant, aussi, à une situation de
rupture et au mécontentement populaire.
Par ailleurs ce refus de plus en plus grand, par la Chine profonde, de la tutelle mongole coïncida
avec la baisse de la dynamique de l’expansion mongole initiée par Gengis Khan dont les vertus
guerrières s’étaient émoussées. C’est ainsi que les révoltes chinoises du sud n’ont guère trouvé de
résistance devant elles, les mongols refluant vers leur territoire d’origine hors la grande muraille.
Aux Yuan, seule une dynastie 100% Han pouvait succéder. Zhu Yuanzhang, d’origine modeste
travaillant dans un monastère bouddhiste se retrouve à la tête de la révolte. Il lui faut un
programme de gouvernement résolument classique par réaction aux Yuan.
Le 1er monarque de la nouvelle dynastie (Ming, fondée en 1368) met en place un gouvernement
confucéen, fondé sur les textes rénovés (dits néo-confucianistes) au 12ème siècle par Zhu Xi (1130-
1200), lequel avait introduit dans le confucianisme une dimension métaphysique et
transcendantale qui n’existait pas jusque là (c’est alors que le confucianisme devient une religion).
Cette nouvelle dynastie tour à tour :
- boute les mongols hors de Chine (ie au-delà de la grande muraille)
- ferme les frontières terrestres
- consolide la grande muraille
- fonde son gouvernement sur les lettrés et les classiques confucéens
Mais le nouvel Empereur, crée un « garde-fou » à la rénovation d’un gouvernement confucéen. Il
crée la possibilité de mettre en œuvre « un domaine réservé » à l’autocrate, si bien que l’on aura
d’une part les décisions prises par le gouvernement, et d’autre part, celles prises par l’Empereur
sans aucun contrôle et sous sa seule autorité.
On a donc une dynastie « Janus et schizoïde » qui systématise le système confucéen et fait tout
pour l’empêcher de fonctionner ! Cela marchera bien lorsqu’on a de grand Empereurs (Qianlong,
Yongle) mais pas du tout lorsqu’on aura des Empereurs faibles, dits de perdition, quasi
analphabètes et ivrognes, dominés par les clans et les eunuques.
Par ailleurs il y a une opposition de principe et de culture entre les 2 points de vue. C’est ainsi
que, lorsque Yongle, pour contrebalancer la fermeture des frontières, lance un vaste programme
de découvertes et d’expansion maritime vers le sud (qui iront jusqu’à Mogadiscio), cela sera
purement et simplement ignoré par les annales officielles !
Enfin, lorsque la situation sera conflictuelle entre les « 2 pouvoirs », cela conduit les lettrés à
s’interroger sur le pourquoi de la situation et sur ce qui fonde leurs prérogatives et, par là, à
devenir de plus en plus critiques par rapport à leurs propres conception du monde : les classiques
confucéens. Ils remarqueront alors que, depuis l’autodafé de Qin shi Huangdi (dont parmi les
classiques seul le Yijing est sauvé), ces documents sont apocryphes, chaque dynastie les réécrivant
et les commentant à sa sauce, puis les gravant sur des stèles avec les commentaires qui lui allaient
bien. A l’époque (début des Ming), le dernier avatar était la réinterprétation néo-confucianiste de
Zhu Xi sur lequel se fondera la dynastie nouvelle.
Cette critique « interne » par les lettrés deviendra de plus en plus profonde et aboutira, in fine, à
l’éclatement de la base classique du 4 mai 1919. Notons que le corpus classique connu de nos
jours a été établi au 18ème, et n’a plus été revu depuis, aucune dynastie n’étant là pour le faire !
A la fin de la dynastie Ming, les jésuites arrivent en Chine. Ils découvrent un pays étonnant, livré à
« l’explosion du marché » : tout se vend, tout s’achète, tout le monde cherche à commercer. La
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raison en est que l’un des Empereurs a décidé que les taxes et impôts seraient dorénavant payés
en numéraire et non plus en nature et en produits. Il faut donc avoir du numéraire !
Les jésuites découvrent cela assez ébahis et le relatent dans leurs lettres à Louis XIV. Celui-ci n’en
a cure, mais les intellectuels s’en emparent, et certains éléments seront repris par l’école
physiocrate qui réfléchit sur les lois du marché et inspirent le « laissez faire, laissez passer » de
Gournay, avant d’être repris et théorisé par Adam Smith !
Bien sûr cela mine la dynastie et les révoltes se multiplient. Un de ces Empereurs de perdition fait
alors appel, pour les juguler, à des guerriers Mandchous très efficaces et spécialistes de l’art
militaire (eux-mêmes anciennement chassés de Jin royaume autour de Pékin par les mongols
et réfugiés en Mandchourie). Ils viennent, rétablissent l’ordre … et restent !
Ces nouveau venus, les Mandchous, fondent alors la dernière dynastie (Qing), donc d’origine
étrangère, mais, ses fondateurs ayant été totalement sinisés, elle sera, d’une certaine manière, plus
chinoise que les chinoises, restaurant la Chine dans son approche traditionnelle de « leader au sein
d’un espace tributaire ». Elle :
- restaure les frontières,
- conquiert et pacifie les confins arabes,
- restitue l’empire chinois.
Mais pour les Chinois du peuple et les lettrés, la dynastie Ming, écartée, devient une dynastie
mythique chassée par des usurpateurs étrangers !
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