Décroissance et écosocialisme autogestionnaire

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Thierry Brugvin / Largotec Paris XII
[email protected]
Thierry Brugvin
Sociologue
Largotec/Paris XII
[email protected]
LE COOPERATIVISME ET L’AUTOGESTION
UNE ANCIENNE ALTERNATIVE A REVISITER
POUR LE MOUVEMENT DE LA DECROISSANCE
Proposition d’un article pour le n° 9
« Aux sources de la décroissance» de la revue Entropia
Synopsis
Cet article vise à mettre en lumière, le retour des idées autogestionnaires, dans le mouvement de
la décroissance. Le développement des coopératives, n’est pas juste, une petite alternative, elle
s’inscrit dans un grand projet, de nature révolutionnaire, le coopérativisme et l’autogestion
économique.
Le socialisme autogestionnaire est fondé notamment sur l'appropriation collective de toutes les
entreprises, mais avec une autogestion collective. L’autogestion économique des entreprises se pose
en contradiction avec la propriété privée des moyens de production. De plus, la limitation, la
redistribution des richesses et la protection des biens communs, en opposition à l'accumulation
capitaliste et à son productivisme illimité. Enfin, la planification démocratique de la production.
Dans les théories libertaires, il y a plusieurs approches de la propriété des moyens de production.
Proudhon représente le courant socialisme libertaire, appelé aussi mutuellisme ou fédéralisme
autogestionnaire. Enfin nous montrerons comment actualiser ces idées, dans le cadre de la pensée
décroissante, en présentant ce que pourrait être un socialisme autogestionnaire au plan économique
aujourd’hui.
Introduction
En 2008, les violentes crises financières, alimentaires, pétrolières et écologiques ont remis en cause les
fondements du capitalisme. Pour de nombreux membres du mouvement altermondialiste, écologiste ou
anticapitaliste, ces crises sont des opportunités à saisir pour faire entendre leurs idées. Mais pour cela il leur
faut proposer les premiers pas concrets, qui pourraient les y conduire.
« L’écosocialisme autogestionnaire» peut être considéré comme un des courants des mouvements
autogestionnaires socialistes, libertaires ou encore de certains écologistes, tel l’écosocialisme comme le
présente Löwy (2008). Pour ces derniers, la socialisation démocratique (la nationalisation ou encore
l’appropriation collective des moyens de production des grandes entreprises) s'avère le point de bascule
véritable, vers une société non capitaliste, puisque c’est sa principale caractéristique.
« L’écosocialisme autogestionnaire» est porté et initié, par des groupes d’origines très diverses, mais dont
certains des individus ou des tendances se rencontrent dans ce nouveau courant de pensée. Il s’agit donc
d’une convergence, au moins sur certaines idées, entre une part des membres des associations appartenant
aux mouvements altermondialistes, tel Attac, des écologistes trotskistes dont certains sont membre du NPA,
2
l’Alternative Rouge et Verte (AREV) et bien sur les différents courants libertaires… Concernant leur orientation
politique, les statuts du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) mentionnent notamment certaines notions clés de
l’écosocialisme autogestionnaire. Dans leurs principes fondateurs, ils estiment que l’égalité sociale est
« incompatible avec la propriété privée des grands moyens de production », qu’il est donc nécessaire de
parvenir à « l’appropriation sociale du produit du travail » et des moyens de production.. Ils affirment aussi se
battre « dès maintenant et partout pour l'auto-organisation des luttes afin de préparer le renversement de la
société capitaliste et l'autogestion par les travailleurs et la population » (NPA, 2009)1. Mais on trouve surtout les
principes les plus proches de l’écosocialisme autogestionnaire dans les différents courants libertaires, tels
Alternatives Libertaires ou la Fédération Anarchiste.
Cet article vise donc à mettre en lumière, en quoi une ancienne idée, celle de l’autogestion économique et
politique peut offrir une alternative au capitalisme. Il faut reconnaître que pour l’instant, cette nouvelle tendance
est parcellaire et relativement éclatée. L’objectif de ce travail consiste à en trouver la cohérence, afin de faire
émerger une alternative qui émane du foisonnement de pratiques de terrain et de propositions nouvelles et
anciennes que l’on peut observer et chez les chercheurs. Je proposerai parfois aussi des idées issues de ma
propre synthèse personnelle entre ces différentes approches complémentaires. Les membres de
« l’écosocialisme autogestionnaire » proposent de dépasser le capitalisme en proposant des solutions
précises. Pour exposer les idées du mouvement de l’écosocialisme autogestionnaire, nous présenterons les 4
piliers de ce nouveau courant de pensée :
- L’autogestion économique d’entreprises socialisées, en contradiction avec la propriété privée des moyens
de production (nous développerons essentiellement cette aspect dans ce texte).
- La limitation, la redistribution des richesses et la protection des biens communs, en opposition à
l'accumulation capitaliste et à son productivisme illimité.
- La révolution culturelle conduisant vers le paradigme postmoderne de l’écologie autogestionnaire (opposé
à celui de la modernité).
- La régulation publique démocratique (le fédéralisme autogestionnaire) de la société du plan local au plan
international, s’opposant à la gouvernance globale libérale par les entreprises privées.
1) LA SOCIALISATION AUTOGESTIONNAIRE
DES MOYENS DE PRODUCTION
(plutôt la propriété privée des moyens de production)
Nous allons à présent en préciser les différents principes de la socialisation autogestionnaire envisagée par
l’écosocialisme autogestionnaire. Celle-ci s’inspire et synthétise les idées libertaires autogestionnaires, celles
de Marx et du socialisme autogestionnaire formulées par Leduc (1989 : 138). Pour Marx, le fondement principal
du capitalisme est la propriété privée des moyens de production, car les propriétaires sont en situation de
domination vis-à-vis de leur salarié et ils en retirent une plus-value dont la finalité est d'accroître sans cesse
leur capital (Marx, 1948)2. Par conséquent, la première des actions à entreprendre pour dépasser le
capitalisme, consiste dans l’appropriation collective (la socialisation) des moyens de production.
L’écosocialisme autogestionnaire et l’écosocialisme qui sont anti-capitalistes, recherchent aussi à supprimer la
1 NPA, Principes fondateurs du Nouveau Parti Anticapitaliste adoptés par le congrès, http://www.npa2009.org/content/principesfondateurs-du-nouveau-parti-anticapitaliste-adopt%C3%A9s-par-le-congr%C3%A8s, vendredi 13 février 2009.
2
MARX Karl, Le capital. Critique de l'économie politique, Paris: Éditions sociales, 1948 (1867).
3
propriété privée des entreprises et des coopératives, puis à adopter une gestion démocratique et écologique de
la société.
L’écosocialisme autogestionnaire recoupe en parti l’écosocialisme. Ce dernier parmi les alternatives
au capitalisme proposées par plusieurs mouvements sociaux. Il ne s’agit pas d’un simple socialisme, car il
inclut la dimension écologique et il se différencie d’une part du « parti socialiste » français défendant plutôt un
capitalisme social ou « social- libéral » et d’autre part du « socialisme soviétique». L’écosocialisme s’est
développé surtout depuis les trente dernières années, grâce aux travaux de penseurs comme André Gortz,
James O’Connor (USA) qui s’expriment dans un réseau de revues telles que Capitalism, Nature and Socialism,
Ecologia Politica, etc.
Selon Löwy, l’écosocialisme est une mouvance qui « est loin d’être politiquement homogène, mais la
plupart de ses représentants partagent certains thèmes communs. En rupture avec l’idéologie productiviste du
progrès - dans sa forme capitaliste et/ou bureaucratique - et opposé à l’expansion à l’infini d’un mode de
production et de consommation destructrice de la nature, il représente une tentative originale d’articuler les
idées fondamentales du socialisme marxiste avec les acquis de la critique écologique » (Löwy, 2008, 68-75).
James O’Connor définit comme écosocialiste, les théories et les mouvements qui aspirent à subordonner
la valeur d’échange à la valeur d’usage, en organisant la production en fonction des besoins sociaux et des
exigences de la protection de l’environnement. Leur but, un socialisme écologique, serait une société
écologiquement rationnelle fondée sur le contrôle démocratique, l’égalité sociale, et la prédominance de la
valeur d’usage (O’Connor, 1998 : 278- 331). Pour Löwy et une large partie du « nouveau parti capitaliste », (le
NPA d’Olivier Besançenot), cette société suppose en plus de « la propriété collective des moyens de
production, une planification démocratique qui permette à la société de définir les buts de la production, les
investissements et une nouvelle structure technologique des forces productives » (Löwy, 2008 : 68-75) .
Le point commun entre l’écosocialisme, l’écosocialisme autogestionnaire et l’anarchisme réside dans l’idée
d’une appropriation ou une socialisation des moyens de production. Or, ce point fait divergence avec le courant
du socialisme libertaire de Proudhon qui estime que dépassement du capitalisme doit se limiter à une
socialisation autogestionnaire limitée seulement aux grandes entreprises (banques, transports, santé, énergie,
etc.) et non pas à tous les moyens de production, tel que la propriété paysanne et les coopératives privées de
taille modeste. Ces dernières doivent être autogérées collectivement, mais leur propriété doit restée privée
(Proudhon :1840)3.
L’historique du socialisme autogestionnaire
Très souvent, les idées de Marx ont souvent été victimes de caricatures, même par ses partisans. Elles
étaient alors limitées à une vision déterministe et holiste de la société, tant au plan de son analyse du
capitalisme que de ses projets socialistes. Effectivement, sa pensée à évoluée au fur et à mesure de sa vie.
Mais surtout son œuvre est si vaste, que certains auteurs ou courants politiques s’en approprient une partie et
oublient celles qui ne leurs conviennent pas vraiment. Il ne faut pas confondre la pensée de Marx dans sa
critique du capitalisme, dans sa description de la lutte des classes, dans son analyse de la période
révolutionnaire (la dictature du prolétariat), dans la période socialiste transitoire ou encore dans ses projets
d’émancipation pour une société communiste.
Il y a donc une part de Marx qui est résolument actionnaliste lorsqu’il décrit la manière dont les travailleurs
orientent leur destin, à travers la « lutte des classes », leurs actions « d’autotransformation », « l’émancipation
des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes» grâce à « l’autogouvernement des travailleurs
associés », car « dans la libre association les travailleurs sont libres de leur destin » (Leduc, 1989 : 138). Marx
fait des propositions à partir de ses observations des militants de la Commune de Paris, qui ont mis en pratique
3
PROUDHON, Qu'est-ce que la propriété ? Ou Recherche sur le principe du Droit et du Gouvernement, 1840.
4
de nombreux éléments des théories anarchistes notamment (Marx, 1968)4. Ainsi, il considère que la
démocratie politique et économique devra s’appuyer sur « des conseils ouvriers », des comités d’usine et « des
comités de quartiers » sur la révocabilité des élus, sur l’élection des fonctionnaires comme cela à pu se faire
durant la commune de paris de et ce jusqu’à aboutir «au dépérissement de l’Etat » (Leduc, 1989 : 135-156). Ce
sont ces idées qui sont à la base de la planification démocratique, du socialisme autogestionnaire.
Le positionnement de Marx dépasse donc l’opposition entre le « coopérativisme » et l’étatisme »,
l’opposition entre Proudhon et Lassalle (d’orientation stalinienne), « l’un laissant dépérir l’autogestion faute
d’une vision politique globale, l’autre la tuant en érigeant l’Etat en démiurge de la société » (Leduc, 1989 : 215).
Le socialisme autogestionnaire, va donc tenter d’unifier et de dépasser cette opposition.
Jean Rous nous rappelle que « l’autogestion fut reprise par le syndicalisme révolutionnaire français avec
Pelloutier. Il est vrai que le mot ‘’auto’’ n’y figurait pas encore. C’était toujours la gestion par les collectivités de
base, non par l’Etat, générateur de bureaucratie. Jaurès fit sienne cette conception et son socialisme était un
équilibre des Communautés de base, se gérant librement ». Après Marx son travail sur la commune, « Lénine
reprit cette idée dans son livre « l’Etat et la Révolution », mais la révolution russe ne put la réaliser » (…). En
France, dès 1946, nous en avions fait la base de la Gauche Socialiste. Nous avons fondé, dans cet esprit, la
revue : « La Pensée Socialiste » qui se considérait comme un cahier du travailleur au service de
"apprentissage de la gestion. On verra que ce qu’on appelle aujourd’hui l’autogestion était déjà notre stratégie
maîtresse (Rous, 1975)5.
La CFDT propose à son congrès de 1970 une alternative à la société capitaliste : le socialisme
autogestionnaire. Des courants socialistes (PSU, Objectif socialiste, CERES) ou issus du trotskisme (AMR) se
réclament alors également de l’autogestion. Après l’avoir combattu, le PCF adopte cette thématique le 7
novembre 1977. Les 14 thèses pour l’autogestion » du C.L.A.S. ont été rédigées en 1974 par Victor LEDUC et
adoptées, après quelques amendements mineurs par le Comité de liaison pour l’autogestion socialiste. Le
CLAS regroupait notamment l’Alliance marxiste révolutionnaire, les Comités d’initiative communiste, le Parti
socialiste unifié (PSU) (CLAS, 1974)6.
La dimension autogestionnaire dans la pensée de Marx
Lucien Goldman, un théoricien du marxisme (1970)7 a cherché à redonner sa place à l’autogestion au sein
du Marxisme. Il relève chez Marx une approche fondée aussi sur la liberté des individus, sur lequel vont
d’ailleurs s’appuyer les socialistes autogestionnaires dans les années 1970. Certains auteurs tentent, tel
Corcuff (2003)8 de faire ressortir chez Marx, le rôle de l’individu. D’autres tel Victor Leduc (1989) 9 cherchent à
réhabiliter l’importance des théories de la liberté et de l’autonomie chez Marx.
Chez Marx, les principes de liberté des individus et des groupes ne sont pas mis de côté et rejoignent en
partie les idées anarchistes de Proudhon. Le socialisme autogestionnaire a tenté une synthèse de ces deux
courants que sont le socialisme d’Etat (Marx) et le fédéralisme autogestionnaire de Proudhon.
Sur le plan de la production, ce dernier consiste dans la création d’une « démocratie économique
mutualiste : les agriculteurs sont propriétaires d’une parcelle qu’ils exploitent, et ils s’associent avec d’autres au
sein d’ensembles coopératifs, eux-mêmes inclus dans une fédération agricole. Le secteur industriel devrait,
quant à lui, être composé de multiples propriétés collectives concurrentes entre elles mais associées en une
MARX Karl, La Guerre civile en France, 1871 Editions Sociales, 1968.
ROUS Jean, « Socialisme francais et autogestion », Ethiopiques numéro 1
revue socialiste de culture négro-africaine, janvier 1975.
6 C.L.A.S., 1974,
Les 14 thèses pour l’autogestion,
http://alterautogestion.blogspot.com/2009/10/quatorze-theses-pourlautogestion.html
7 GOLDMAN Lucien, 1970, Marxisme et sciences humaines, Idées, NRH.
8 CORCUFF Philippe, 2003,, La Question individualiste, Stirner, Marx, Durkheim, Proudhon, Editions le Bord de l’eau.
9 LEDUC Victor, 1989, Aliénation ou autogestion, le dilemme de notre temps, La Brèche,
4
5
5
même fédération industrielle. Des groupements d’unions de consommateurs formeraient un "syndicat de la
production et de la consommation", chargé de la gestion du système, indépendamment de l’État. Proudhon ne
s’arrête pas là : il imagine aussi une confédération qui regrouperait tous les marchés du monde » (Coste,
2006)10.
Les approches fondées sur la coopération, connaissent un renouveau. En octobre 2009, le prix Nobel
d’économie à été décerné à une femme pour la première fois, ce qui est assez symbolique de l’attention et du
renouveau vis-à-vis de l’intérêt porté sur les approches coopératives. Cette femme se nomme Elinor Ostrom.
Elle a démontré notamment dans son livre « la gouvernance des biens communs » que des hommes associés
en égaux, notamment sous forme de coopératives, au Nord comme au Sud, géraient mieux leurs ressources,
tel l’eau, ou la terre, que les réglementations publiques d’un Etat centralisé ou une entreprise capitaliste privée
(Ostrom, 1990)11.
Le projet du socialisme autogestionnaire est l'appropriation collective de toutes les entreprises,
mais une autogestion collective. Un troisième pilier vient s’y ajouter se situe au plan macro, il s’agit de la
planification démocratique (Sainsaulieu, 1972). On observe deux dérives sur le plan de la démocratie
économique, l’un dans le socialisme étatique et l’autre dans le capitalisme. Dans ce dernier, ce qui différencie
une PME d'une grande entreprise, est que cette dernière dispose d'un impact politique et économique, d'une
capacité d'influence sur les élus nettement plus importante. En effet, les transnationales en particulier,
disposent parfois d’un budget qui dépasse celui de certains Etats et leurs réseaux d’influence politique
surpassent parfois le pouvoir de certains gouvernements.
En ce qui concerne l’union des républiques socialistes soviétiques (URSS), ce système a échoué,
notamment parce qu'il était trop rigide et insuffisamment adapté aux besoins de la base (la demande des
consommateurs et du marché), mais aussi à cause d’un manque de démocratie générale. Pour les tenants des
politiques sociales démocratisées (des sociaux démocrates aux trotskistes d’aujourd’hui), il s’agit donc de
préserver la liberté d'initiative, dans le cadre d’une régulation démocratisée de l'économie.
Le socialiste autogestionnaire suppose de socialiser les entreprises et de laisser le pouvoir de décision à
ses membres (Leduc, 1974) et d’y développée la planification démocratique locale, nationale et internationale,
en respectant l’autonomie du développement de chaque nation. Au plan de chaque entreprise, l’autogestion
suppose que chaque individu dispose d’un droit de vote égal pour les grandes décisions de l’entreprise.
Dans le socialisme autogestionnaire, la propriété des moyens de production revient aux pouvoirs publics,
mais la gestion et l’orientation des investissements, n’appartient qu’aux seuls membres de l’entreprise publique
(du moins dans le cadre de la planification « nationale » démocratique). Nous nous rapprochons ainsi des
principes de fonctionnement d’une association loi 1901, dans la mesure ou ses biens n’appartiennent pas à ses
membres mais sont gérés par eux. Finalement ce type d’association actuelle, préfigure le socialisme
autogestionnaire, puisque les biens sont collectifs et que tous les membres peuvent voter en assemblée
générale. Par contre, il y a encore un certain écart vis-à-vis de cet idéal, dans la mesure ou les salariés n’ont
pas le droit de vote. Les difficultés démocratiques que connaissent les associations sont néanmoins très
instructives, afin d’éviter de trop se faire d’illusions non plus, sur le système autogestionnaire.
10 COSTE
11
J., Dictionnaire des noms propre, Armand Colin, 2006.
OSTROM Elinor, Governing the Commons, Cambridge University Press, 1990.
6
Comparaison entre les valeurs des systèmes politiques
Ce schéma résume les grands principes, les valeurs centrales et secondaires qui animent les systèmes
politiques que nous avons présentés.
Valeur prioritaire
Libéralisme économique et
politique
Capitalisme
Communisme libertaire
Anarchisme proudhonien
(Socialisme libertaire,
mutuellisme)
Socialisme autogestionnaire
Socialisme Etatique
Propriété des moyens de production
Valeurs plus secondaires
Mérite, Responsabilité,
Propriété individuelle
Mérite, Responsabilité
Egalité de pouvoir
(refus de l'abus de pouvoir)
Egalité économique
et sociale
Justice (équité économique)
Egalité de pouvoir, Propriété
collective et individuelle
Equité du pouvoir et économique
Egalité économique
-
Liberté
L’autogestion chez les libertaires
L’autogestion représente une des premières formes de travail organisé dans l’histoire. Des que des
individus isolés se regroupent pour travailler ensemble, ils ont souvent eu recours à une mutualisation
spontanée de leur force de travail et de leurs moyens. On la retrouve dès le moyen-âge, puis la naissance du
mouvement anarchiste, les soviets de 1917 à 1921, l’Ukraine de Makhno, l’Espagne de 1936 à 1939, la
Yougoslavie des années 1960. Ces dernières années « 200 entreprises ont été ‘’récupérées’’ par leurs salariés
en Argentine. C’est très probablement beaucoup moins que le nombre d’entreprises autogérées. Le courant
autogestionnaire est encore revendiqué aujourd’hui, notamment par les anarchistes, l'Union syndicale
Solidaires (union à laquelle appartiennent les syndicats SUD), le courant École Émancipée précise la
Fédération Anarchiste (2006)12.
Proudhon représente le courant du socialisme libertaire, appelé aussi mutuellisme ou fédéralisme
autogestionnaire. Bakounine est le représentant du collectivisme libertaire. A la mort de Bakounine (1814-1876)
le socialisme libertaire se scinda entre le collectivisme libertaire de Bakounine et l’anarcho-communisme (crée
en 1876) ou communisme libertaire dont Kropotkine (1842-1921) est le principal représentant (Coste, 2006)13.
« Le collectivisme libertaire de Bakounine essayait donc de concilier Proudhon et Marx » (Guérin, 1957)14,
c'est-à-dire la socialisation de la propriété des moyens de production et l’autogestion.
La propriété des moyens de production peut être publique, individuelle privée ou collective privée
(coopérative privée).
Contrairement aux communistes autoritaires, les libertaires ils sont hostiles à toute forme d’État et
d’autorité. C’est pourquoi il lui substitue une fédération publique (Alternative Libertaire, 2003) 15. A la différence
de Proudhon et du socialisme libertaire, les collectivistes libertaires et les communistes libertaires veulent
COLLECTIF FEDERATION ANARCHISTE, L’autogestion anarchiste, Editions du Monde Libertaire, Collection Brochure
anarchiste, 2006.
13 COSTE J., Dictionnaire des noms propre, Armand Colin, 2006.
14 GUERIN Daniel, La révolution déjacobinisée, Les Temps Modernes, Avril 1957.
15 ALTERNATIVE LIBERTAIRE, Un projet de société communiste libertaire, Editions Alternatives libertaires, 2003.
12
7
socialiser l’ensemble des moyens de production. C'est-à-dire que les entreprises n’appartiendraient qu’à la
société dans son ensemble, mais plus aux travailleurs, par contre elles seraient autogérées.
Les anarchistes, tels Proudhon ou Bakounine (collectivisme libertaire), envisagent dans les deux cas que
l’organisation générale de l’économie et de la société soit régit par un système fédéral public et non pas laissé
à la seule liberté des producteurs, contrairement à la compréhension habituelle et dévoyée du cliché sur
l’« anarchisme ».
Dans le cadre du socialisme libertaire de Proudhon les petites entreprises sont collectivisées ou socialisées
(et non nationalisées), c'est-à-dire que la propriété des moyens de production et les décisions appartiennent
cette fois à tous les travailleurs de l’entreprise et non à la « fédération publique ». C’est donc analogue au
coopérative tels qu’elles fonctionnent actuellement, mais sans la possibilités d’avoir des salariés.
Par contre, chez Proudhon, les grandes entreprises n’appartiennent plus à des individus particuliers, mais
à la fédération publique, cependant elles restent autogérées, à la différence du communisme soviétique et des
entreprises nationalisées dans le système capitaliste. Après avoir proféré que la « propriété c’est le vol » en
1840, Proudhon fait évolué un peu sa position en affirmant que « la propriété c’est la liberté » « la propriété est
la seule force capable de servir de contre poids au pouvoir de l’Etat » (Proudhon, 1866)16. La propriété
collective des moyens de production (et non des biens et revenus individuels), à l’avantage selon Proudhon, de
permettre de conserver une certaine autonomie de la propriété privée, c'est-à-dire que la propriété des moyens
de production et des biens des coopératives, appartient à leurs membres, mais aussi ses gains et ses pertes.
Cependant, il y a néanmoins conservation de la propriété privée des moyens de production, pour les familles
de paysans et ceux-ci s’organisent en mutuelle ou coopérative et enfin en fédération agricole.
En 2009, les pratiques, des collectifs et des structures autogérées sont plus nombreuses qu’on ne le pense
souvent. Nous pouvons citer quelques exemples, telles les maisons médicales en Belgique (l’autogestion au
service de la santé), les centres culturels autogérés, le lycée autogéré de Paris, TVAS 17 (sur la prévention
spécialisée par des travailleurs sociaux), Ardelaine (une Scoop autogérée), La Péniche (une entreprise
autogérée de ‘’maquettiste’’ créée suite à un licenciement collectif), sans parler des centaines d’entreprises
autogérées en Argentine.
Le réseau REPAS est un le Réseau d’Echanges de Pratiques Alternatives et Solidaires. Ce réseau est
constitué d’une quinzaine d’entreprises alternatives qui expérimentent ce qu’est la Décroissance dans le
monde de la production. Ce réseau a aussi mis en place un compagnonnage qui permet à ceux qui le
souhaitent de faire le tour des entreprises qui adhèrent au Réseau pour apprendre une autre façon de gérer
une entreprise, et ainsi multiplier ces lieux alternatifs.
Parmi les particularités de ces entreprises, tel Ambiance Bois Ambiance Bois (un groupe de personnes qui
mutualisent leur travail au sein d’une scierie autogérée) il y a notamment :
- Une gestion collective, les ouvriers se réunissent très régulièrement pour gérer collectivement l’entreprise, les
patrons, lorsqu’il y en a, sont tirés au sort.
- Une répartition des taches intellectuelles et manuelles (chaque ouvrier aura du travail intéressant mais aussi
du travail moins passionnant, la règle d’or est le partage)
- Une rémunération égale à tous les employés.
- Un souci de polyvalence, l’entreprise aide chaque ouvrier à se former sur tous les métiers de l’entreprise.
- Le choix de placer les ouvriers et non le profit au centre de l’organisation de la production (lorsqu’une
entreprise fonctionne bien à 20 ouvriers et que l’autogestion est possible, elle maintien son activité sans
chercher à croître davantage afin de rester dans la configuration la plus intéressante pour ses employés)
- Le choix du temps partiel, etc.
Liberté d’investissement et l’égalité de pouvoir décisionnel dans le socialisme libertaire. Dans les
16
PROUDHON Pierre Joseph, La théorie de la propriété, 1866.
8
nations socialistes du bloc soviétique, où toute propriété privée des moyens de production avait disparue, plus
aucune entreprise n'appartenait aux individus privés. Ceci a conduit à une trop grande dépendance vis-à-vis de
l'Etat, des pouvoirs publics locaux ou des banques publiques pour pouvoir investir de manière libre et répondre
de manière adéquate rapidement aux besoins de la population.
Pour remédier à cet écueil ou risque aussi de tomber, le communisme libertaire, Proudhon (1866), à choisi
de conserver une certaine proportion de propriété privée (motivation pour un profit économique) et de liberté
d'initiative et même de concurrence entre les entreprises à propriété collective. La propriété privée et collective
des moyens de production (coopérative socialiste libertaire), permet de simplifier les difficultés d’investissement
ou de prêts, dans la mesure ou les individus conservent une part financière des moyens de production dans les
petites coopératives. Chacun des membres de la coopérative (la compagnie dans le langage de Proudhon
« est libre de quitter à volonté l’association, conséquemment de faire régler à son compte et liquider ses droits
(…). (Proudhon, (1851) 1967 : 130)17. Cependant, dans un système fondé sur la propriété privée des moyens
de production des petites coopératives, si un des membres de cette dernière dispose d’une part plus
importante que les autres et qu’il menace de se retirer, il dispose alors d’un pouvoir d’influence supérieur aux
autres membres sur les décisions de la coopérative.
C’est effectivement un risque, mais il s’agit de la comparer avec celui avec d’une planification
démocratique qui resterait trop centralisée du fait de la collectivisation totale des moyens de production, tel que
l’envisage l’écosocialisme ou le communisme libertaire (Kropotkine, 1892). En effet, Proudhon estime que
l’intérêt principal de la propriété des moyens de production est de pouvoir créer par sa soi même une
coopérative ou une entreprise et de produire dans la direction qui nous semble juste, sans avoir l’aval des
pouvoirs publics, qui sont souvent trop lent et trop aveugle. « La propriété c’est la liberté » déclare Proudhon
(1866).
Liberté d’investissement et l’égalité de pouvoir décisionnel sont compatibles dans l’écosocialisme
autogestionnaire. Entre la planification soviétique, la régulation par le marché du libéralisme économique, le
curseur oscille donc selon les expériences historiques. Actuellement les sociaux démocrates européens,
tendent plutôt vers le pôle libéral. L’écosocialisme autogestionnaire cherche quant à lui un équilibre fondé sur
une planification autogestionnaire des grandes orientations des entreprises socialisées et autogérées. Cette
planification sera mise en œuvre, comme dans les idées libertaires fédéralistes (Proudhon, 1863) par des
fédérations (professionnelles, associatives et politiques). Mais la planification ne régulera qu’en partie
l’orientation de la production, car une large partie sera laissée à la liberté d'initiative des membres des
entreprises grâce à l’autogestion.
En ce qui concerne la régulation générale de la production, cela reste donc assez proche de la régulation
de la production agricole dans système capitaliste, tel qu’il fonctionne actuellement avec des incitations et des
quotas(CFSTP, 1984 : 13). Mais dans ce cas les quotas seraient remplacés par des quantums. Ce point
d’équilibre est donc situé entre le pôle du capitalisme social des sociaux démocrates et le pôle de l’économie
uniquement publique et planifiée par l’Etat de l’ancien modèle soviétique.
PROUDHON Pierre Joseph, Idée générale de la révolution au XIXe siècle, 1851, in Proudhon Oeuvres Choisies, Idées NRF,
Gallimard, 1967.
17
9
Dans un système socialiste autogestionnaire, si les grands moyens de production sont sous la possession
de la fédération publique ou de la coopérative privée, comment le ou les propriétaires autogérés, peuvent-ils
pendre des initiatives ? Ils doivent soit faire un prêt à une banque publique, soit disposer de biens privés.
Cependant, ces derniers sont limités à une certaine taille par la fédération publique. Comme dans le socialisme
libertaire de Proudhon, il a eu à la fois une certaine liberté et une liberté d’initiative pour les coopératives
privées, mais la planification autogestionnaire et la redistribution viennent réguler et équilibrer l’économie
globale.
L’expérience autogestionnaire de la Scoop la Péniche dans l’Isère est intéressante sur ce point. « On pensait
que si un jour il y avait recours à l’idée de propriété, c’est qu’on avait tout simplement tout raté » déclarent-ils.
« Donc, tout le monde pouvait être actionnaire du moment qu’il se sentait partie prenante du projet. Mais
finalement, cela a totalement noyé la propriété de la structure. Il y avait des centaines de touts petits
actionnaires. C’était du soutien. Et la question de la propriété ne s’est jamais posé. En revanche, on avait
besoin de financements plus importants que le capital et on a emprunté, à la banque et à un des participants
qui avait les moyens. Ce n’était pas strictement de la propriété, mais c’était quand même la possibilité d’une
"influence". On l’a neutralisé en étant tous signataires d’une caution solidaire de l’emprunt. On a bien veillé à
être tous propriétaires de la même manière. Chacun a eu les mêmes parts de capital et à chaque nouveau, on
re-répartit. Pour ceux qui n’avaient pas l’argent, on a fait des retenues sur salaire, mais en faisant en sorte que
cela ne dure pas plus d’un an. L’effort n’était pas si considérable » concluent-ils (La Péniche, 2009)18.
18
LA PENICHE, 2005, A qui appartient une structure autogérée ? http://www.autogestion.coop/spip.php?article7
10
Comparaison entre les différents courants libertaires et socialistes
Auteurs
Socialisme libertaire
ou Mutuellisme
ou fédéralisme
autogestionnaire
Collectivisme
libertaire
Communisme
libertaire (anarchocommunisme)
Décroissance
autogestionnaire
Communisme
autoritaire ou
socialisme Etatique
Proudhon
Bakounine
Propriété
des petites
entreprises Propriété des
Revenus
et des familles
grandes
du travail
paysannes et entreprises
des autoentrepreneurs
Propriété
privée
collective (aux
Socialisée
travailleurs),
Au mérite
(à la fédération
mais
publique)
redistribution
par les
mutuelles
Au mérite
Collectivisée
(à la société)
Collectivisée
(à la fédération
publique)
Abolition du
salariat
Socialisée
Socialisée
Kropotkine
donc
(à la fédération (à la fédération
revenu égal
publique)
publique)
(en théorie)
---
Staline
Trotskisme
contemporain
Trotski
Capitalisme
néolibéral (pur ou
théorique)
Hayek
Propriété privée
Au mérite collective, mais
mais le
limitation de la
revenu du taille (nombre
travail est des salariés et
limité
des ressources)
et redistribution
Abolition du
salariat et
revenu à
A l'Etat (La
chacun
collectivité)
selon ses
besoins
Propriété
publique des
Revenu égal moyens de
pour tous
production,
mais
autogestion
Au mérite
Privée
(mais surtout
individuelle ou
au rapport
collective
de force)
Socialisée
(à la fédération
publique)
A l'Etat
(représentant
théorique du
peuple)
Gestion des
petites
entreprises
Gestion des
grandes
entreprises
Autogestion par Autogestion par
les travailleurs les travailleurs et
et accord entre
accord entre
mutuelles pour mutuelles pour les
les objectifs de
objectifs de
production
production
Autogestion par
Autogestion par
les travailleurs,
les travailleurs,
mais
mais planification
planification
nationale
nationale
autogestionnaire
autogestionnaire
Autogestion par
Autogestion par
les travailleurs,
les travailleurs,
mais
mais planification
planification
nationale
nationale
autogestionnaire
autogestionnaire
Autogestion par
Autogestion par
les travailleurs,
les travailleurs,
mais régulation
mais régulation
par l’incitation et
par l’incitation et
par
par l’encadrement
l’encadrement
public
public
Par l'Etat
Par les
représentants de
l'Etat
Autogestion par
Autogestion par
les travailleurs,
Socialisée
les travailleurs,
mais
(donc a l’Etat
mais planification
planification
démocratique)
nationale
nationale
démocratique
démocratique
Privée
Par les
Par les
individuelle ou propriétaires et
propriétaires
collective
publics
privés et publics
11
Quel est le mode de gestion interne démocratique des entreprises socialisées ? Du point de vue de
la régulation de l’économie, l’écosocialisme autogestionnaire et l’écosocialisme autogestionnaire ne cherchent
finalement qu’à pousser les tendances socio-démocrates existantes vers plus de radicalité sociale et
démocratique. Au croisement des expériences de la démocratie participative et de l’autogestion (Sainsaulieu,
1972)19 et de la théorie des parties prenantes ou des stakeholders (Freemann, 1984)20, on observe une
convergence concernant la démocratisation de la régulation des entreprises, entre les partisans contemporains
de politiques sociales démocratisées, telle l’association Attac, certaines associations d’usagers des services
publics ou certaines tendances du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), ou du parti communiste français (PCF).
Dans ces organisations, après la crise financière de fin 2008, un consensus s’est opéré autour de la
nécessité de nationaliser ou de socialiser les banques. Pour Attac, il s’agit de créer un pôle public bancaire
(Attac, 2009)21. Certaines tendances du NPA estiment qu’il faut pousser ce choix plus loin, c’est-à-dire jusqu’à
socialiser l’ensemble des grandes entreprises privées et aussi à les démocratiser. C’est aussi l’idée du
communisme libertaire et du socialisme autogestionnaire. Avant de devenir porte-parole du NPA, Olivier
Besançenot déclarait en 2008, lors d’un meeting de la LCR, durant les présidentielles à Besançon : « il faut
nationaliser, socialiser les grandes entreprises, mais pas l’ensemble de l’économie. Il faut laisser les petites et
moyennes entreprises fonctionner librement, en conservant leur caractère privé ». Bien, que ce ne soit pas
l’avis de tous les membres du NPA, dont certains sont plus radicaux, Alain Krivine l’ex-porte-parole de la LCR
et actuellement membre du conseil politique national du NPA, tenait un discours semblable lors d’un meeting
pour les européennes, à Besançon, en mai 2009. Ce discours est finalement assez étonnant, dans la mesure
ou il ne correspond que partiellement à l’ancien programme de la LCR et à celui du NPA (qui il est vrai reste à
« géométrie variable »). Mais était-ce un discours adapté à certains membres du public moins radicaaux qui
était présents, une véritable affirmation de leurs idées personnelles ou simplement une tendance présente
dans ces mouvements trotskistes ?
Renaud Sainsaulieu a observé qu'au plan de la démocratie interne, les expériences, comme celle de LIP,
ont montré qu'il était souvent difficile de parvenir à une démocratie véritable, notamment par manque de temps
disponible pour les discussions et parfois aussi par une insuffisance de compétence (Sainsaulieu, 1972). En
effet, dans l’entreprise autogérée LIP, si tous ses membres pouvaient voter en assemblée générale,
l’organisation d’une grande entreprise suppose toujours une certaine division du travail entre la direction, les
cadres et les ouvriers (Piaget 1973)22.
Cela ne signifie pas qu’un niveau élevé de démocratie, dans l'entreprise, est inaccessible, mais qu’il s’agit
de rester prudent vis-à-vis d’une approche trop utopique, fondée sur le seul idéal de l’égalité parfaite dans la
capacité à la prise de décision. Ce qui peut être dissocié de l’égalité en terme de salaire entre tous les
membres d’une entreprise, qui relève de pratique qu’on observe déjà parfois.
Dans les projets libertaires, l’accent est mis sur le pouvoir des travailleurs et du politique, en particulier
avec le fédéralisme professionnel et politique de Proudhon (1863). Par contre, en Yougoslavie, durant la
période autogestionnaire des années 1970, les parties prenantes extérieures des entreprises sont aussi
associées au sein de « communautés d’intérêts autogestionnaires » (Samary, 1988 : 103)23.
Dans le projet des socialistes autogestionnaires, les décisions des entreprises socialisées intégreraient
19 SAINSAULIEU Renaud, La démocratie en organisation : vers des fonctionnements collectifs de travail, Librairie des méridiens,
Paris, 1972.
20 Pour Freeman, « une partie prenante, représente tout groupe ou individu qui peut être affecté ou est affecté par les actions
mises en oeuvre par une organisation pour atteindre ses buts ». Par exemple des ONG, des clients... L’entreprise aurait donc une
obligation morale de prendre en considération ses parties prenantes dans sa gestion et ses activités.
FREEMAN, “The politics of stakeholders theory: some futures directions”, Business of Ethics Quaterly, n°4:4, 1984.
21 ATTAC, Sortir de la crise globale. Vers un monde solidaire et écologique, Editions la découverte, 2009.
22 PIAGET Charles, MAIRE Edmond, Lip 73, Seuil, 1973.
23 SAMARY Catherine, Le marché contre l’autogestion, La brèche, Paris, 1988.
12
aussi, ces communautés d’intérêts que sont notamment les associations civiques. Les décisions seraient par
exemple assurées par
- une direction participative fondée sur la subsidiarité des décisions dans l'entreprise.
- par un conseil d'administration composé par:
- les syndicats de salariés,
- les associations parties prenantes (usagers, consommateurs, associations écologistes…),
- et par un directeur élu par ces différents acteurs.
L’ensemble des grandes décisions (horaires, organisation du travail, mode de direction plus ou moins
hiérarchisée…) concernant le fonctionnement de l’entreprise sont autogérées, c'est-à-dire décidées par
l’assemblée générale. Par contre l’orientation générale de la production reste encadrée plus ou moins
fortement, par les orientations de l’Etat (les quantums de production proportionnés aux nombres de salariés).
Cependant, ces décisions de l’Etat, se décide dans le cadre d’une planification démocratisée prises dans les
instances fédérales nationales, où sont présentes les représentants des entreprises, de l’Etat et des
associations civiques. Bien que les élus du peuple soient choisis défendre l'intérêt général, il n’est donc, pas
utile que leurs représentants soient présents, dans les instances décisionnelles des grandes entreprises
publiques.
La redistribution des richesses du plan local à l’international évite les excès de la propriété privée.
En s’opposant à la conception du socialisme d’Etat, qui suppose de collectiviser l’ensemble des moyens de
productions, les socialistes libertaires tel Proudhon (1840)24, estiment que la propriété privée d’une coopérative,
est un facteur de liberté du producteur, contre la propriété de l’Etat omnipotent et trop éloigné des besoins des
citoyens et des réalités du terrain. S'ils voient juste sur ce point, ils omettent le fait qu’une coopérative privée
qui devient très grandes et puissante peut devenir prédatrice, vis-à-vis des autres, si elle n’est pas contrôlée.
D’ailleurs une grande entreprise dirigée par un collectif d’actionnaires, fonctionne de manière relativement
proche. A la différence près que les actionnaires sont rarement les salariés de ces entreprises, à l’exception du
PDG et des plus hauts cadres. Finalement entre les coopératives privées autogestionnaires du socialisme
libertaire de Proudhon et les entreprises publiques autogérées de l’écosocialisme autogestionnaire, il n’y a pas
de grande différence.
La voie de l’écosocialisme autogestionnaire fondé sur une socialisation des seules grandes entreprises,
permet de se constituer sur la base de petites entreprises ou coopératives privées autogérées et encadrées par
un système de redistribution économique géré par les fédérations nationales et internationales. Dans le
socialisme libertaire proudhonien, les coopératives privées autogérées disposent de la propriété privée des
moyens de production, mais il n’y a pas de redistribution entre elles.
L’écosocialisme autogestionnaire évite cet écueil, en socialisant les moyens de production. Ces derniers
n’appartiennent plus aux individus membres de la coopérative ou de l’entreprise devenue publique. Par contre
les décisions sont autogérées et l’orientation est donc laissée aux membres de l’entreprise publique. Comme
nous le mentionnions auparavant, l’inconvénient cette fois, réside dans le fait, que la liberté d’initiative dépend
de la facilité d’obtention un prêt bancaire public.
24
PROUDHON, Qu'est-ce que la propriété ? Ou Recherche sur le principe du Droit et du Gouvernement, 1840.
13
Comparaison entre 4 systèmes économiques au plan du mode de régulation et de propriété
Socialisme Etatique
Socialisme
Autogestionnaire
Publique
‘’Privée’’ mais encadrée
par les pouvoirs publics
Publique
Niveau de
redistribution
Fort
Public
Fort
Anarchisme
Privée
Privée
Fort
Capitalisme néolibéral
Privée
Privée
De faible à nul
Nature de la décision Nature de la propriété
«L'économie participaliste» (ou parecon) est un exemple de planification démocratique de
l’économie. Elle a été conçue par Michael Albert (2003)25 et s’oppose « au marché capitaliste et à la
planification bureaucratique », c’est pourquoi elle accorde sa confiance à « l'auto-organisation des travailleurs
et l'anti-autoritarisme » (Löwy, 2008)26. Dans le modèle de planification participative d'Albert, «les travailleurs et
les consommateurs déterminent en commun la production en évaluant de façon approfondie toutes les
conséquences. Les instances d'assistance décisionnelle annoncent ensuite les indices des prix pour tous les
produits, les facteurs de production, dont la main d'œuvre et le capital fixe. Ces indices sont calculés en
fonction de l'année précédente et les changements survenus. Les consommateurs (individus, conseils,
fédération de conseils) répondent par des propositions en utilisant ces prix comme une évaluation réaliste de
l'ensemble des ressources, du matériel, de la main d'œuvre, des effets indésirables (tels que la pollution) et
des avantages sociaux inhérents à chaque bien ou service. Simultanément, les travailleurs individuels, ainsi
que leurs conseils et fédérations, font leurs propres propositions, en annonçant ce qu'ils prévoient de produire
et les facteurs de production nécessaires, en se basant eux aussi sur les prix comme estimation de la valeur
sociale de la production et des coûts qu'elle implique. Sur la base de propositions rendues publiques par les
travailleurs et les consommateurs, les conseils décisionnels peuvent calculer les excès d'offre ou de demande
pour chaque produit et réviser l'indice des prix selon une méthode qui fait l'objet d'un accord social. Les
conseils révisent alors à leur tour leurs propositions [...] Dans la mesure où aucun acteur n'a plus d'influence
qu'un autre dans le processus de planification, où chacun évalue les coûts et les bénéfices sociaux avec un
poids qui correspond à son degré d'implication dans la production et la consommation, ce processus génère
simultanément équité, efficacité et autogestion » (Albert, 2003). L’intérêt du modèle d’Albert réside dans son
analyse précise de la complexité des processus de décisions. L’écosocialisme autogestionnaire s’appuierait sur
ce modèle, mais sa planification serait autogestionnaire et tripartite, ce serait une planification fédéraliste
autogestionnaire. C'est-à-dire qu’en plus des représentants des consommateurs et des travailleurs, elle
prendrait en compte en même temps, les représentants de l’Etat fédéral dans les prises de décisions. Or,
malgré ces limites, ces derniers restent encore les plus légitimes représentants de l’intérêt général, lorsqu’ils
sont élus par l’ensemble de la population.
La régulation par le « marché » sera encadrée par la planification autogestionnaire dans le cadre de
l’écosocialisme autogestionnaire. Actuellement, l’économie fonctionne non pas dans le cadre d’une
économie de marché, mais d’une économie de marché régulée par les pouvoirs publics. Il existe déjà une
planification publique de la production, par exemple dans le secteur agricole, avec une politique des quotas
laitiers, de céréales, d’élevages…au plan national et européen. Un agriculteur reçoit des subventions, dans le
cadre d’une régulation incitative, afin d’orienter sa production en direction des objectifs clés, liés aux quotas de
25
26
ALBERT Michael, Après Le Capitalisme - Eléments D'économie Participaliste, Agone, 2003, 190 p., in Löwy (2008).
LÖWY Michael, « Écosocialisme et planification démocratique », Ecologie & Politique, n ° 37, 2008, p. 165-180.
14
production à atteindre. Par contre celui qui dépasse ses quotas de productions reçoit des pénalités. De plus
celui qui choisit de cultiver par exemple des céréales qui ne sont pas ciblés les quotas à atteindre et à ne pas
dépasser, ne reçoit pas de subventions.
La Confédération française des syndicats de travailleurs paysans (CFSTP) souhaitaient que ce système de
quotas soit remplacé par un système de quantum.. A présent la confédération paysanne a repris cette
revendication. C'est-à-dire que le niveau de production à atteindre ne doit plus être calculé sur la base de la
taille de la propriété, mais sur la base du nombre de producteur présent dans la propriété. Ainsi, pour les
productions soumises à des quotas ou susceptibles de l’être (lait, beurre, céréales…) un système de prix
agricoles dégressif selon le nombre d’actifs par exploitation (quantum) découragera la concentration des
exploitations et la surproduction. Ceci, afin d’éviter que les propriétaires des grandes exploitations agricoles
soient proportionnellement avantagés dans leurs quotas de production, par rapport aux plus petits (CFSTP,
1984 : 13)27.
Actuellement dans les systèmes capitalistes, le marché est régulé notamment par une planification
publique des secteurs considérés comme vitaux pour l’économie. La régulation par la demande, par le marché
est néanmoins une des forces du libéralisme économique, car elle permet une régulation par le bas, qui est un
des principes de la démocratie (mais il n’est pas le seul). Cependant Herbert Marcuse souligne, que dans une
économie capitaliste, le désir, la demande des citoyens est faussée par la capacité des grandes entreprises
capitalistes privées qui orientent les besoins des masses, notamment via la publicité (Marcuse, 1968) 28.
En ce qui concerne les fédérations et les coopératives Proudhon proposait de conserver une certaine
concurrence en créant « la société économique fédérative des travailleurs ». Cela consistera dans « un
ensemble de propriétés collectives d’entreprises concurrentes entre elles, mais associées en une fédération
industrielle » (Bancal, 1967 : 17). Proudhon poursuit en affirmant « qu’assurément l’initiative individuelle, ne
doit, ni ne peut être oubliée » (Proudhon, (1855) 1967 : 117)29. On le voit Proudhon insiste sur la nécessité de
maintenir la propriété, la concurrence et surtout l’initiative individuelle, même dans un système socialisé et
coopératif.
En Yougoslavie, le système collectiviste centralisé par l’Etat était insuffisamment productif. Dans un
premier temps, en 1950, le gouvernement de Tito, a donc choisi de passer à une économie autogérée dans
les entreprises, mais fortement encadrée par les autorités centrales, sur le plan stratégique, des crédits, de
l’investissement et des prix. Au début, c’est un succès mais après une croissance de 10%, dans les années
1960 l’autogestion est étouffée par le plan » c'est-à-dire que la planification est inadaptée au besoin du marché
(Samary, 1988 : 115).
Dans un second temps, le gouvernement yougoslave décide donc d’instaurer une concurrence généralisée
entre entreprises autogérées, c'est-à-dire une autogestion régulée par le marché. Mais les plus petites
entreprises s’écroulent sous la concurrence des plus puissantes, entraînant faillites et chômage et inflation.
Une troisième phase est donc lancée, une planification autogestionnaire. C'est-à-dire que l’autogestion des
entreprises est encadrée par une planification décentralisée et non plus centralisée comme dans la première
phase. « Le marché subsiste mais les rapports entre unités de base et pouvoirs publics, sont régulés par des
contrats négociés, stipulants les principaux paramètres économiques ». Cette fois-ci le système échoue car
« les unités autogestionnaires entreront quand même en concurrence sauvage les unes les autres, accentuant
le surinvestissement et l’inflation ». La crise mondiale des années 1980, accentuera encore les problèmes
économiques de la Yougoslavie qui libéralisera son économie dans les années 80 en suivant la doctrine du
FMI (Coutrot, 2005 : 156)30.
CFSTP (Confédération française des syndicats de travailleurs paysans), Mensuel d'information, janvier 1984.
MARCUSE Herbert, L'Homme unidimensionnel : Essai sur l'idéologie de la société industrielle avancée, Minuit, 1968.
29 PROUDHON Pierre Joseph, La réforme à opérer dans les chemins de fer, 1855, in Bancal Jean, Proudhon œuvres choisies, Idées
NRF, Gallimard, 1967.
30 COUTROT Thomas, Démocratie contre capitalisme, Ed. La Dispute, 2005,
27
28
15
Bien que cette fois la planification était autogérée, la démocratie autogestionnaire restait limité aux
secteurs économiques et professionnels, mais n’avait pas été élargie au secteur politique, qui lui reste encore
trop centralisé. C’est pourquoi, la fixation des objectifs de la production, ne correspondait pas suffisamment à la
demande des consommateurs et des entreprises.
Dans l’écosocialisme autogestionnaire, cette régulation incitative de l’économie de marché, par les quantums
et par les subventions, qui est en cours dans l’économie européenne actuelle, serait démocratisée, pour
devenir un « marché libre » de coopératives privées et d’entreprises publiques autogérées, qui sera régulé par
la planification autogestionnaire. Cette dernière sera du ressort des fédérations professionnelles et des
fédérations politiques travaillant ensemble, dans le cadre d’une fédération nationale. Cependant, c’est surtout
les grandes entreprises publiques qui sont concernées par la planification autogestionnaire, plus que les PME
et les PMI. Ceci, afin de conserver le plus possible, la liberté d’initiative des producteurs à la base du système
économique. En effet une planification intégrale deviendrait trop lourde, trop centralisée et ce qui conduirait
alors à une production inadaptée à la demande des autres entreprises et aux besoins des citoyens.
16
Tableau comparatif schématique de trois modèles économiques (idéal-typiques)
A travers le tableau ci-dessous synthétisons les différences et les principes du capitalisme néolibéral, du
socialisme stalinien et de l’écosocialisme autogestionnaire.
Le capitalisme néolibéral
Le capitalisme
Communisme
soviétique
L’écosocialisme
autogestionnaire
Propriété Etatique de
Propriété collective des
tous les moyens de
moyens de production
production
entreprises
Accumulation Accumulation illimitée des
Redistribution des
Limitation et redistribution des
/
richesses par des intérêts
richesses imparfaite
richesses et non-égalisation
redistribution
privés et plus-value
dans la réalité
Motivation fondée sur l'appât
Motivation fondée
Motivation fondée aussi sur la
du gain, le profit économique
surtout sur la
reconnaissance sociale, voir le
Motivation
individuel.
reconnaissance sociale
service altruiste et pas
(Incitation)
(pas sur le profit), d'où
seulement sur le profit
un manque de
économique.
motivation
Nature de la
Propriété
Propriété privée des moyens
de production
Le libéralisme économique
Le ou les propriétaires privés
Mode de
décident, mais pas les
décision dans
salariés
l’entreprise
Communisme
soviétique
Écosocialisme
autogestionnaire
Les salariés obéissent
Les grandes décisions
au dirigeant de
d’orientation sont prises par
l’entreprise d’Etat qui
l’ensemble des salariés
obéit aux décisions de
l’Etat
Liberté d'initiative des
Planification de la
Liberté d'initiative économique
acteurs économiques
production par l'Etat, des entreprises socialisées (et
stimulée par la concurrence donc une insuffisance de
non dérégulation, ou
Mode
(régulation par le marché: les la liberté d'initiative des
centralisme), mais incluant
d’organisatio
entreprises privées),
acteurs économiques
une large régulation du
n de la
dérégulation (ou rerégulation
marché, par des pouvoirs
production :
libérale) des règles et lois,
publics démocratisés
régulation par
sociales, écologiques
(subsidiarité, décentralisation,
le marché et
financières, monétaires,
délégation, participation, coliberté
investissements, commerce
décision, consultation…).
d'initiative
international (mais pas de la
/Planification
circulation des personnes)…
étatique/
La régulation libérale
suppose un Etat minimaliste,
mais fort, pour faire appliquer
ses règles et lois.
Forme de
Démocratie libérale
Démocratie limitée à la Démocratie autogestionnaire
17
démocratie
(pluraliste, c’est-à-dire
"dictature du prolétariat",
concurrence entre groupes
planification de la
privés plus que décisions par production par l'Etat,
les pouvoirs publics).
donc une insuffisance
de la liberté d'initiative et
une inadéquation aux
besoins de la base
mais avec arbitrage final
des pouvoirs publics
Sur le plan économique, les écosocialistes autogestionnaires cherchent à renforcer l’autogestion
tous les niveaux des entreprises et de la planification. Elle combine pour cela l'appropriation collective des
moyens de production et la liberté d'initiative. C'est-à-dire une synthèse des points forts du socialisme
« véritable » (l'appropriation collective et la redistribution des ressources) et de l’autogestion des libertaires
(unité de production autogérée). Pour l’écosocialisme autogestionnaire, il s’agit donc de parvenir à tenir trois
tendances parfois contradictoires, tout en tendant vers le pôle de l’égalité :
1-La planification fédéraliste autogestionnaire de la production des entreprises, qui sera tripartite.
2-L’appropriation collective et autogérée de tous les moyens de production ou bien seulement des
grandes entreprises.
Deux orientations sont possibles pour cela. Il y a soit le socialisme libertaire de Proudhon visant
l’appropriation collective des grandes entreprises seulement, afin de facilité la liberté d’initiative des entreprises.
L’autre solution consisterait à adopter le collectivisme libertaire qui socialisent l’ensemble des moyens de
production.
3- Dans les deux cas, il y a conservation des différences salariales, afin de conserver la motivation des
salariés. La disparition du salariat, donc l’égalisation des salaires, parait éventuellement possible à terme.
2) LIMITATION, REDISTRIBUTION DES RICHESSES
ET PROTECTION DES BIENS COMMUNS
(En opposition à l'accumulation capitaliste et à son productivisme illimité):
La préservation des biens communs et la décroissance de la consommation des ressources non
renouvelables supposent une régulation publique internationale démocratique, fondée sur la
subsidiarité. C'est-à-dire que chaque État, étant souverain, dispose du droit de gérer lui-même ses ressources
(renouvelables ou non). L'ingérence humanitaire (ou écologique) renforçant généralement les pratiques,
consistant à s'immiscer dans la souveraineté d'un Etat et d'un peuple.
La préservation des biens ne peut se limiter à des lois relevant de l'hétéronomie, c'est-à-dire de lois
extérieures à l’être humain, mais suppose une éthique de l'autolimitation individuelle telle que l’exprime
Castoriadis31, c’est-à-dire une autolimitation fondée sur le principe de la « simplicité volontaire »32 s'inscrivant
dans le registre de l'autonomie. Ceci, afin de pouvoir réellement mettre en œuvre cette autolimitation, en vue
d’un partage équitable des ressources entre tous les êtres vivants. D’un point de vue éthique et logique, cette
décroissance de la consommation devrait théoriquement débuter par celle des individus les plus riches, car ce
31 CASTORIADIS Cornélius, « Réflexion sur le racisme », in Le monde morcelé. Les
carrefours du labyrinthe, III, vol. I à V, Paris, Le Seuil, 1996.
32 BURCH Mark Burch, La voie de la simplicité : pour soi et la planète, Montréal, Écosociété, 2003.
18
sont eux qui possèdent généralement « l’empreinte écologique » par habitant, la plus forte, donc qui pèsent le
plus sur l’environnement et sur les ressources naturelles.
Une des conditions de l’écosocialisme autogestionnaire réside dans la redistribution et la limitation
des richesses.
1- La limitation des salaires (de 1 à X fois le salaire minimum), la limitation des revenus (intérêts,
dividendes…) à X %, la limitation du patrimoine à X euros et/ou X biens (maison, terrain, véhicule…). Ceci
viendrait en complément de la création d’une politique du temps libéré. Celle-ci consiste à partager le travail
progressivement, jusqu’à ce que chaque membre actif et valide de la société puisse obtenir un emploi. Pour
ceux qui travaillent cela offrirait du « temps libéré » pour les travailleurs et pour les anciens chômeurs, cela leur
permettrait de travailler en se rendant utile pour la collectivité (Husson, 2008)33.
2- La redistribution des richesses économiques des individus, des entreprises et des Etats par les impôts et
les taxes (sur les produits, les profits, salaires, spéculation…), du plan local à l'international, en intégrant la
dette écologique (fondée sur notamment sur l'empreinte écologique) et la dette économique du Nord vis-à-vis
du Sud (reposant notamment sur les prélèvements coloniaux et néo-coloniaux).
3-La limitation des prélèvements et de la consommation des ressources non renouvelables (pétrole,
métaux…) et des biens communs (eau, sols, forêt, air, animaux…) afin de préserver la vie des générations
futures sur la terre.
Le salaire chez les collectivistes libertaires et l’abolition du salariat pour les communistes
libertaires. Kropotkine s’oppose au collectivisme libertaire (des successeurs de Bakounine) en faisant la
promotion du communisme libertaire. « La querelle porte sur la question de la répartition des biens dans la
société future ». Les collectivistes libertaires soutiennent, contre les communistes autoritaires (les staliniens),
que « la répartition se fera selon le principe suivant : ‘’à chacun selon son travail’’ ». A cette fin, les
collectivistes libertaires « maintiennent donc le salariat et une forme de répartition suivant le mérite. En fonction
de cette répartition, chacun est propriétaire des fruits de son travail » mais pas des moyens de production
(Pereira, 2009 : 559)34.
Kropotkine reproche au collectivisme libertaire d’être un de mode de répartition qui repose de repose « sur
la mise en place de bons de travail qui supposent une forme d’organisation centralisée comparable à l’Etat
pour établir les équivalences. En ce qui concerne les communistes autoritaires, il leurs reproche de
comprendre le principe ‘’de chacun ses capacités, à chacun selon les besoins’’ comme nécessitant la mise en
place d’une instance centrale qui organise le calcul des besoins de chacun » (Pereira, 2009 : 560).
Les collectivistes libertaires, tel Bakounine proposent que la fédération des associations recensent les
besoins (et les capacités disponibles), permettant ainsi de déterminer la production et la distribution
nécessaires pour répondre à ces besoins. En ce sens ils rejoignent en partie, l’idée de la planification
démocratique des écosocialistes et du socialisme autogestionnaire.
Les communistes libertaires prônent, comme Kropotkine dans « La conquête du pain » (1892)35 l’abolition
du salariat et une organisation de la répartition selon le principe de la « prise au tas ». Celle-ci consiste pour
chacun à se servir en fonction de ses désirs dans des magasins publics. Un tel mode de répartition suppose
bien sûr une société d’abondance » (Pereira, 2009 : 560).
Les différences de salaire peuvent motiver, mais aussi le besoin de reconnaissance ou d’être utile.
HUSSON Michel, Un pur capitalisme, Page Deux, 2008.
PEREIRA Irène, Un nouvel esprit contestataire, La grammaire pragmatiste du syndicalisme d’action directe libertaire, EHESS,
Doctorat de sociologie, Thèse dirigée par Luc Boltanski, 2009.
35 KROPOTKINE Pierre, La Conquête Du Pain, Tresse & Stock, 1892.
33
34
19
Pour Castoriadis, « la suppression de la hiérarchie des salaires est le seul moyen d'orienter la production
d'après les besoins de la collectivité, d'éliminer la lutte de tous contre tous et la mentalité économique, et de
permettre la participation intéressée, au vrai sens du terme, de tous les hommes et de toutes les femmes à la
gestion des affaires de la collectivité » (Castoriadis, 1979)36. Dans cette vision qui se rapproche du
communisme libertaire, ce qui motive l’individu, devient le besoin de servir autrui, d’être reconnu pour son
action, pour son statut plus que par son salaire. D’ailleurs, lorsque l’on demande à des individus s’ils préfèrent
être éboueurs à 2000 euros ou artiste, PDG ou chef d’Etat pour 1000 euros, la plupart préfère être rémunéré
moins, mais finalement obtenir une reconnaissance sociale. Pour cette raison, dans une société écosocialiste
autogestionnaire, les travaux les plus ingrats, pourraient même être payés plus, de façon à ce qu’ils trouvent
preneurs. Les libertaires proposent par ailleurs, que les tâches les moins valorisées (balayer, nettoyer…) soient
réalisées aussi à tour de rôle. C’est ce qui a été pratiqué, dans la coopérative LIP en 1973, par certains des
leaders, tel Charles Piaget.
Actuellement, en occident, le montant du salaire remplit aussi une fonction de reconnaissance, de prestige
social, du moins pour les hauts salaires. Cette voie d’égalisation des revenues en déplaçant la motivation sur le
besoin de reconnaissance ou de servir autrui est donc envisageable, mais le socialisme libertaire (Proudhon),
comme l’écosocialisme autogestionnaire, (du moins dans un premier temps) considèrent, qu’il est plus prudent
de conserver un minimum de différence de revenu afin d’entretenir une certaine motivation liée à
l’intéressement économique.
3) L’ECOLOGIE POSTMODERNE, UN NOUVEAU PARADIGME CULTUREL
L’obstacle le plus fondamental, pour dépasser le capitalisme, est de parvenir à dépasser nos modèles de
représentation du monde qui nous semblent naturels et éternels, alors qu’ils ne sont que le résultat d’une
culture donnée à une époque donnée. Actuellement, il s’agit de l’idéologie hégémonique capitaliste néolibérale
(Gramsci) qui est devenue une pensée unique et la fin de l’histoire pour certains, tel Fukuyama en 1992.
Cela suppose, pour les tenants de la modernité (le capitalisme néolibéral et la vision techno-industrielle),
d’accéder à un nouveau paradigme, celui de la postmodernité. Cette dernière intégrant une partie de la « vision
du monde » traditionnelle des « peuples premiers » vivant sur les continents asiatique, africain, américain,
tels les Indiens Kogis vivant dans la jungle d’Amazonie en Colombie37.
L'approche, en termes de soins de santé primaire, illustre ce passage vers la postmodernité. Il s’inspire
notamment du savoir-faire des médecins traditionnels, des « hommes médecines », des chamanes, qui
s’appuient notamment sur l’usage des plantes pour soigner. "A l'homme-machine dont la médecine
académique ne connaissait que les symptômes, les souffrances et la mort, se substituait un homme-total" selon
l'expression de M. Mauss38.
Selon Claudine Brelet, ce changement de vision prend sa source en 1905, dans "le nouvel esprit
scientifique" (G. Bachelard), au moment où la relativité einsteinienne vient déformer des concepts primordiaux
que l'on croyait à jamais immobiles." Cette approche dynamique de la vie fut introduite par Malinowski avec
l'anthropologie culturelle (Brelet 1995 : 134). C'est ce qui permit à l'occident d'adopter une vision unifiée du
monde et de redéfinir la Modernité héritée du XVIIIe siècle. Ce nouveau paradigme fut repris par le rapport
Brundtland, en 1987, qui affirme: « qu'il n'existe pas de séparation entre l'organisme humain et son
environnement ». De même, Ignacy Sachs insiste sur la nécessité de "redéfinir la modernité", en établissant
"une civilisation, centrée sur l'homme et favorable à la nature ».39
CASTORIADIS Cornélius, Le contenu du socialisme, éd.10/18, 1979 (1955).
Eric Julien, CRUZ Gentil, 2004, Kogis, le réveil d’une civilisation Précolombienne, Albin Michel.
38 Claudine Brelet, Anthropologie de l'ONU, p. 124 l'Harmattan, Paris, 1995.
39 Ignacy Sachs, L'écodéveloppement, p. 21, Syros, Paris, 1993.
36
37
20
À travers certains membres de ces minorités alternatives (politiques, associatives…), on observe donc le
passage de la modernité du capitalisme techno-industrielle, à la postmodernité de l’écosocialisme
autogestionnaire. Ce qui suppose d’une part, le passage de la recherche du pouvoir, de la prédation de
l’homme sur ses semblables et sur la nature (dont il est coupé), vers la recherche de l’harmonie entre l’être
humain, la Nature et la Terre considérée comme une « mère symbolique ». Ce qui implique alors naturellement
de respecter la nature, afin de préserver sa propre santé et de partager des richesses économiques et
naturelles, lorsqu’elles sont limitées. D’autre part, cela requiert de passer de la recherche de la vitesse et du
productivisme matériel, vers la quête de la sobriété heureuse, respectueuse des biens non renouvelables.
4) REGULATION PUBLIQUE DEMOCRATIQUE DE LA SOCIETE
DU PLAN LOCAL AU PLAN INTERNATIONAL
(Plutôt que la gouvernance néolibérale par les entreprises privées)
La « bonne gouvernance » et la gouvernance néolibérale sont une privatisation de la régulation des
normes sociales et environnementales. Un des premiers à développer la théorie de la gouvernance fut
Rosenau, dans son ouvrage « gouverner sans gouvernement » (Rosenau, 1992), où il introduit d’autres formes
d’autorité que l'autorité étatique (Strange, 1996). Dans la mesure où, au sein de la Banque Mondiale,
l’idéologie néo-libérale est hégémonique, c’est donc dans le cadre de cette politique qu’elle entend exercer ce
qu’elle nomme une « bonne gouvernance ». La « bonne gouvernance », pour la Banque Mondiale, est aussi
synonyme de « bonne gestion du développement » (World Bank, 1992). Marie Claude Smouts la qualifie
« d’outil idéologique pour une politique de l’État minimum » (1998), mais néanmoins puissant, qui applique les
principes du consensus de Washington. Cependant, si cette politique se limite aux fonctions régaliennes, cela
ne signifie pas un État faible. Il s’agit en réalité d’un « État gendarme » visant théoriquement à faire respecter
les règles d’un marché concurrentiel et les libertés individuelles.
En plus des pratiques relevant du projet d’autonomie politique formulée par Castoriadis, les tenants du
écosocialisme autogestionnaire cherchent à faire rempart à la dérégulation croissante de la gouvernance
mondiale a-démocratique et néo-libérale. Mais, pour cela, ils ne cherchent pas simplement à renforcer la
régulation publique, mais l'ensemble de la démocratie, car ils estiment que la société doit à la fois être plus
régulée, mais de manière démocratique, c'est à dire par les pouvoirs publics et la population.
Comparaison entre différents modèles politiques démocratiques
Les niveaux de la régulation démocratique qui doivent respecter le principe de subsidiarité, sont le niveau,
local, régional, national, continental, international. Sur le plan sectoriel, la régulation démocratique concerne les
règles, normes et lois régissant les secteurs de l’économie, du social, du culturel, du politique et de l’écologie.
Le respect de la subsidiarité suppose une organisation de type fédérale, tel que l’a notamment proposé
Proudhon. En 1863, ce dernier publie « Du Principe fédératif et de l'unité en Italie », où il développe l’idée d’un
fédéralisme autogestionnaire avec d’un côté une structure fédérale économique et de l’autre une structure
politique. « D’un point de vue politique, la ‘’démocratie politique fédérative’’ se verrait fondée sur un ensemble
de régions auto-administrées qui accepteront de s’associer à un Etat républicain fédéral. Cet Etat fédéral aurait
une fonction exécutive très faible, et un système bicaméraliste composé d’une Chambre des régions et d’une
Chambre des professions ». Les producteurs s’organisent donc en mutuelle, puis en fédération (agricole,
industrielle…) et enfin « il imagine aussi une confédération qui regrouperait tous les marchés du monde »
(Coste, 2006)40.
Si nous observons le système français actuel, il existe des organisations politiques élues (commune,
40 COSTE
J., Dictionnaire des noms propre, Armand Colin, 2006.
21
département, région, parlement) qui coexistent parallèlement avec des organisations économiques (les
syndicats de salariés et d’employeurs).Il n’existe pas de structure formelle où ils se rencontrent régulièrement,
par contre le gouvernement national (qui est une partie de la structure politique nationale) rencontre les
représentants du secteur économique. A la différence du système de Proudhon, ce système n’est pas
bicaméraliste, mais il existe une certaine autonomie et subsidiarité dans les décisions qui sont prises, même si
l’arbitrage final est pris par le gouvernement national (la structure politique).
Marx a critiqué la proposition de Proudhon visant à séparer la structure politique et la structure économique
de décision, car il estime que le pouvoir politique et économique ne doivent pas être dissocié. En effet, bien
que le maximum de subsidiarité doit être respecté dans une perspective démocratique, les élus du suffrage
universel (le président et le parlement) disposent d’une légitimité supérieure aux élus des structures
économiques (les syndicats). Par conséquent, si un système fédéral fondé sur la subsidiarité est une des
conditions premières de la démocratie, un système bicaméraliste de Proudhon ne permet pas d’assurer une
véritable démocratie.
Les trois acteurs principaux de la démocratie politique, sont les travailleurs, les représentants des pouvoirs
publics et ceux des associations.
Les travailleurs autogérés et organisés en fédération professionnelle disposent de la légitimité fondé sur
leur droit à l’autonomie sur leur propre organisation du travail. Par contre, ils ne représentent qu’une part des
intérêts et des besoins d’une nation. Les syndicats de salariés et d’employeurs actuellement, ne s’intéressent
que relativement peu à des questions comme l’écologie, la culture, la justice, la sécurité, les loisirs…
Les associations disposent d’une légitimité morale et surtout sont spécialisées sur des thèmes précis, ce
qui leur confère une compétence et une expertise particulière sur ces sujets. Par contre les représentants des
travailleurs et des associations, ne représentent pas l’ensemble des intérêts de la population d’un pays et
surtout ils ne sont élus que par leurs propres membres et non pas par tous les citoyens d’une nation.
Les élus du peuple, tels que les parlementaires, sont par contre élus par l’ensemble des citoyens (votants),
leur légitimité élective s’avère donc plus forte. Alors, comment concilier ces trois formes de légitimité ?
Les théoriciens du néo-corporatisme en particulier Schmitter et Lehmbruch ont mis en évidence les
fonctions régulatrices des institutions non étatiques. Dans ce modèle, ils montrent comment peuvent coexister
les élus au suffrage universel et les syndicats. L’Etat délègue un véritable pouvoir juridictionnel et à certaines
associations et à des organisations représentatives d’intérêts. Ces dernières acquièrent ainsi un monopole de
représentation légitimé par l’attribution de fonction et de statuts publics ou quasi-publics. Cette stratégie est
apparue dans les principaux pays sociaux démocrates dans le début des années soixante-dix (Schmitter et
Lehmbruch, 1979)41. L’inconvénient de ce type d’organisation est alors que les syndicats tendent à se
bureaucratiser, à servir les intérêts des classes dominantes dont ils font alors partis et ils perdent parfois leur
dimension contestataire au service des travailleurs.
Dans ce cas la régulation est bipartite. L’organisation internationale du travail fonctionne de manière
tripartite avec des représentants des Etats, des syndicats et des employeurs, chacun disposant d’une voie.
Certaines associations, tel l’Aitec, proposent qu’une assemblée consultative des associations vienne
compléter l’assemblée nationale et celle des Nations Unis, qui elles ont un pouvoir décisionnel.
Dans le système politique bicaméral de Proudhon ou dans un système politique tripartite, afin d’éviter les
écueils des déséquilibres de légitimité il pourrait exister une pondération du nombre de voix entre chacun des
trois collèges. Les parlementaires représentants les pouvoirs publics disposeraient alors d’une part majoritaire,
par rapport à ceux des travailleurs et des associations, dans la mesure ou ce sont les seuls à être élus au
suffrage universel, donc ils sont les plus légitimes.
Actuellement, en France lors de négociation sur une thématique nationale, par exemple sur l’écologie
durant le Grenelle de l’environnement, les représentants des employeurs, des salariés et des associations
41
SCHMITTER P.C. LEHMBRUCH G. Trends toward Corportist Intermediation, London, Sage, 1979.
22
citoyennes tentent de trouver un accord entre eux. En cas de désaccord, le problème est tranché par un
arbitrage des pouvoirs publics. Il s’agit d’une régulation déléguée arbitrée par les pouvoirs publics, c'est-à-dire
une régulation tripartite arbitrée.
En conclusion, pour l’écosocialisme autogestionnaire, dans le cadre d’un système fédéral (fondée sur la
subsidiarité), deux systèmes politiques sont possibles :
- le fédéralisme politique simple ou,
- Le fédéralisme tripartite égalitaire ou arbitrée.
Pour les socialistes autogestionnaires, la régulation démocratique pour être effective doit donc
reposer sur les principes suivants:
- une régulation légale, c'est-à-dire respectant l’Etat de droit (les lois)
- la transparence des décisions (non occultes) prises
- par des acteurs légitimes du fait de leur nature, car :
- indépendants économiquement,
- élus démocratiquement,
- adoptant des décisions de manière suffisamment participatives.
- l'égalité dans la propriété et la gestion de l'appareil économique et financier, (pouvoir capitaliste).
- I'égalité du temps pour se former et pour militer (Braibant, 2005)42.
- l'égalité des niveaux d'éducation (donc des moyens financiers d’accès à l’éducation notamment),
- l'égalité des conditions de vie et de biens (Tocqueville 1948)43 qui suppose :
- Une égalité de priorité politique (égalité contre liberté) dans le vote des lois du fait de conditionnée par
une égalité des conditions de vie (Noberto Bobbio).
- Une égalité économique et sociale afin de parvenir à l’égalité juridique, c'est-à-dire de pouvoir affronter
de manière égale les conséquences des pénalités économiques en cas d’infraction à la loi.
En effet, l'égalité juridique n'est pas réelle sans l'égalité économique et sociale (conditions de vie, possibilité
de mobilité sociale) car l'exploitation économique capitaliste engendre la domination et l'aliénation des
travailleurs. En résumé, la régulation démocratique est une régulation légale, égale, transparente, par des
acteurs légitimes.
L’écosocialisme autogestionnaire entend s’inspirer des anciennes idées proposées par les libertaires. Il s’agit
de différentes procédures pour renforcer l’application des principes de l’égalité politique, c'est-à-dire la
démocratie politique :
- Limitation du renouvellement des mandats d’élus et limitation du cumul des mandats, afin d’éviter un
accaparement du pouvoir.
- Critères permettant de révoquer un élu qui ne tiendrait pas ses engagements électoraux.
- Le droit de demander un référendum lorsqu’un nombre X de signatures a été obtenus, afin de pouvoir
trancher démocratiquement des questions précises et importantes.
CONCLUSION
L’écosocialisme autogestionnaire repose donc sur un programme alternatif au capitalisme, qui est
fondé sur quatre piliers :
L’écosocialisme autogestionnaire repose donc sur un programme alternatif au capitalisme, qui est fondé
sur quatre piliers :
Le premier pilier consiste à passer de la modernité fondée sur vision techno-industrielle et capitaliste pour
42
43
BRAIBANT Patrick, 2005, Lettres aux anticapitalistes et aux autres sur la démocratie l'Harmattan.
TOCQUEVILLE Alexis, 1948, Souvenir, Tome 2, l'Harmattan.
23
accéder à un nouveau paradigme, celui de la postmodernité du écosocialisme autogestionnaire. Cela suppose
de passer du productivisme et de la croissance infinie, comme moteur du capitalisme, à la décroissance de la
consommation des ressources non renouvelables, en débutant par les plus riches. L’écosocialisme
autogestionnaire entend ainsi permettre la croissance des plus pauvres, jusqu’à ce qu’ils atteignent le niveau
de l’empreinte écologique mondiale soutenable et égale pour tous.
C’est pourquoi le second pilier réside dans la redistribution des richesses, grâce à des taxes, des impôts,
l'instauration d'un salaire maximum.
Le troisième pilier se compose de la planification autogestionnaire et de la socialisation autogestionnaire.
Cette dernière débutera par des banques, puis celle des grandes entreprises, dont la gestion et les décisions
sont assurées par les représentants de l'Etat, les syndicats, les usagers et les associations parti-prenantes
(régulation tripartite) encadrée par la planification autogestionnaire locale, nationale et internationale
(fédéraliste). La socialisation des grandes entreprises est un élément commun à l’écosocialisme, aux
mouvements libertaires et au écosocialisme autogestionnaire. En fonction des orientations plus ou moins
socialisante, l’écosocialisme autogestionnaire pourra éventuellement étendre la question de la socialisation
aux petites entreprises, tel que le prône l’écosocialisme, le collectivisme libertaire et le communisme libertaire
et adopter d’autres tes propositions de ces différents courants, tel que la question du salaire égal ou
différencier mais limité.
Le quatrième et dernier pilier, repose, lui, sur un fédéralisme autogestionnaire tripartite du plan local à
l’international. Il appliquera le principe de subsidiarité et de la tripartition, à tous les niveaux. Il se situe donc à
en opposition à une dérégulation croissante de la gouvernance mondiale néo-libérale et adémocratique.
Cependant, les besoins psychologiques de pouvoir, de possession, de sécurité ne disparaîtront pas avec
une nouvelle organisation de la société. Or ce sont aussi, ces fragilités psychiques des êtres humains actuels,
qui font que la plupart des expériences économiques politiques alternatives ont échoué. Le capitalisme, lui,
perdure, notamment parce qu’il s’appuie sur ces besoins, non pour les atténuer, mais plutôt pour les renforcer.
Il y a donc une interaction circulaire entre les causes psychologiques et sociétale qui détermine l’état d’une
société. Parallèlement à un changement de l’organisation politico-économique, une transformation
psychologique, issu d’un travail individuel et collectif est une des conditions du passage vers une société
sociale et démocratique.
Les trois phases du passage du capitalisme libéral à l’écosocialisme autogestionnaire
A partir de ces différentes observations, au plan économique, dans une perspective réformiste, nous
pouvons imaginer trois étapes, dans le passage du capitalisme libéral au socialisme autogestionnaire. Il y a
dans la première phase, un simple passage du capitalisme libéral au néo-keynésianisme, ce qui suppose: plus
de régulation, plus de distribution des richesses et plus de démocratie. Dans la seconde, il y a un passage du
néo-keynésianisme à l’écosocialisme autogestionnaire. Ce qui suppose, en plus des trois points précédents,
une socialisation autogestionnaire de toutes les grandes banques puis de toutes les grandes entreprises. Dans
sa troisième et dernière phase, il s’agit de l’écosocialisme autogestionnaire intégral (mais inaccessible). Il
consiste dans la démocratie parfaite fondée sur la complète liberté et l'égalité (ou l'équité). Sur le plan
économique cela aboutira-t-il à la socialisation autogestionnaire et l'autogestion des grandes, mais aussi des
petites entreprises?
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