D`après le tableau 9-17, seuls quelques relations bilatérales entre

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Avant d’examiner les résultats issus de ces estimations « réelles », nous rappelons que
l’échantillon des pays étudiés se réduit, en raison de la disponibilité des données connexes.
Nous portons tout d’abord notre attention sur les résultats présentés dans le tableau 8-20, tirés
des estimations de la relation statique décrite par l’équation (8.4). D’après ce tableau, nous
retenons, d’abord, cinq relations significatives pour la période globale entre 1980 et 1999 : les
exportations mutuelles de la Corée du Sud et de l’Indonésie vers chacun de ces deux pays, les
exportations de Taïwan vers l’Indonésie et vers la Thaïlande, et enfin le flux de commerce des
Philippines vers la Thaïlande (relation significative à la fois pour les Philippines et pour la
Thaïlande).
En ce qui concerne les deux premières relations, elles font écho à deux relations, de
nature asymétrique, retenues dans les résultats d’estimations présentés dans le tableau 8-18 :
les importations mutuelles de la Corée du Sud et de l’Indonésie. Quant à la relation
philippino-thaïlandaise, elle est déjà confirmée dans le cadre d’analyse « nominale », dont les
résultats sont résumés dans le tableau 8-17.
Pour ce qui est de la « sous-période », entre 1989 et 1999, le tableau 8-20 montre que
les deux dernières des cinq relations significatives pour la période globale deviennent non
significatives. Mais les trois premières relations continuent, quant à elles, de s’avérer
significatives, voire renforcées. La valeur absolue du coefficient a estimé dans ces relations
enregistrant une hausse, le rôle de la « cohésion commerciale » connexe devient, au cours des
années 90, plus pesant, au regard de son influence sur la cohésion monétaire réelle entre la
Corée du Sud et l’Indonésie, et entre Taïwan et l’Indonésie.
Outre ces trois relations, nous retenons également trois autres relations qui sont
confirmées pour la sous-période 1989-1999. Il s’agit du commerce extérieur (exportations et
importations) du Japon avec l’Indonésie, des importations en provenance des Philippines pour
la Corée du Sud, et enfin des exportations des Philippines vers l’Indonésie. Nous rappelons
que la relation philippino-japonaise a également été retenue, lors des estimations nominales
pour la même période.
Après avoir examiné les résultats des estimations « réelles » de nature « statique », nous
analysons les résultats des estimations présentés dans les tableaux 8-21 et 8-22, afin d’en tirer
les relations dynamiques entre la « cohésion commerciale » et la « cohésion monétaire » au
sein des pays asiatiques. Comme dans l’analyse « nominale », le nombre des relations
significatives déduites des estimations de nature « dynamique » se réduit dans le cadre de
l’analyse « réelle », quel que soit le mode de calcul (le changement en pourcentage pour les
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318
résultats du tableau 8-21, et la différence première en logarithme pour les résultats du tableau
8-22) du « taux de croissance » pour les variables.
En ce qui concerne les estimations où le premier mode de calcul (changement en
pourcentage, tableau 8-21) est utilisé, elles ne relèvent que deux relations significatives pour
la période globale 1981-1999 : les importations en provenance de la Corée du Sud pour
l’Indonésie, et les importations en provenance de l’Indonésie pour le Japon. Ces relations sont
pourtant non significatives pendant la « sous-période » 1989-1999. Au cours de cette souspériode, seules deux relations sont significatives : les importations en provenance de Taïwan
pour le Japon, et le commerce extérieur (exportations et importations) des Philippines avec le
Japon. A cet égard, ces deux relations constituent, en fait, le « stimulateur » primordial au
regard de la cohésion monétaire entre le Japon et Taïwan, et entre le Japon et les Philippines,
depuis la fin des années 80. En effet, ces relations sont confirmées, dans le cadre d’analyse à
la fois « réelle » et « nominale », pour la sous-période 1989-1999.
Enfin, dans le cas des estimations où le second mode de calcul du « taux de croissance »
(différence première en logarithme, tableau 8-22) est utilisé, aucune relation bilatérale n’est
significative pour la période globale 1981-1999. Cependant, au cours de la « sous-période »
1989-1999, les résultats sont similaires à ceux que relève le tableau 8-21, à savoir que les
relations nippon-taïwanaise et nippon-philippine, à l’exception des importations des
Philippines en provenance du Japon, sont significatives.
V. Vers un processus « naturel » d’intégration monétaire en Asie orientale ?
Dans la section précédente, nous avons réalisé une étude empirique pour déterminer s’il
a existé, au cours des deux dernières décennies, un processus d’intégration monétaire au sein
des pays d’Asie orientale, processus qui est a priori principalement conduit, de manière
implicite, par une tendance à la régionalisation commerciale entre pays asiatiques. Par le biais
des résultats obtenus à partir des estimations économétriques, nous pouvons tirer quatre
conclusions essentielles.
Dans un premier temps, si les études précédentes que nous avons évoquées dans la
section III de ce chapitre, sont toutes d’accord sur la prédominance du dollar au sein de la
région asiatique, notre étude montre que cette « cohésion monétaire » entre le dollar et les
monnaies nationales asiatiques n’est pas engendrée par la « cohésion commerciale » entre les
Etats-Unis et leurs partenaires commerciaux en Asie orientale. En effet, d’après les résultats
de nos estimations des équations (8.4) et (8.5), aucune relation commerciale (exportations ou
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importations) entre les Etats-Unis et les pays asiatiques ne joue un rôle significatif pour
renforcer la « cohésion monétaire » entre le dollar et les devises asiatiques : même si les EtatsUnis représentent le partenaire clé pour la plupart des pays asiatiques dans le domaine du
commerce extérieur, leur « cohésion commerciale » n’a pas pour effet de réduire l’ampleur de
la volatilité du taux de change des monnaies asiatiques vis-à-vis du dollar, au cours de ces
vingt dernières années.
Dans un second temps, notre étude suggère l’émergence, même relativement limitée au
regard du nombre des pays concernés, d’une cohésion entre le yen et certaines monnaies
asiatiques depuis la fin des années 80, grâce au renforcement de la « cohésion commerciale »
entre le Japon et certains de ses voisins. Nous relevons notamment trois pays : l’Indonésie,
les Philippines, et Taïwan. La cohésion monétaire entre ces trois pays et le Japon est non
seulement de nature nominale, mais également réelle, ce qui met en évidence, à cet égard, une
certaine profondeur d’intégration implicite entre le yen et ces devises asiatiques. D’ailleurs,
l’impact qu’ont les relations commerciales du Japon avec Taïwan (ses exportations) et avec
les Philippines (ses exportations et importations) sur la diminution de la volatilité des deux
taux de change bilatéraux étant significatif d’après nos estimations dynamiques via l’équation
(8.5), le processus implicite d’intégration monétaire entre ces pays s’accélérera, si
l’importance de leur commerce extérieur mutuel continue de s’accroître.
Dans un troisième temps, les résultats des estimations des équations (8.4) et (8.5)
confirment l’hétérogénéité des relations « intra-asiatiques », en termes à la fois
commercial et monétaire. En effet, les relations commerciales bilatérales que nous avons
jugées significatives dans la détermination de l’évolution de « cohésion monétaire » sont
souvent de nature asymétrique en termes de direction du flux de commerce. Elles sont
d’ailleurs souvent valables seulement du point de vue de l’un des deux pays concernés. Par
exemple, notre étude montre que la relation commerciale entre les Philippines et la Thaïlande
explique une tendance statique à la réduction de volatilité du taux de change bilatéral (à la
fois nominal et réel) de ces pays. Cependant, parmi tous les flux possibles de commerce
philippino-thaïlandais, seul le flux de commerce des Philippines vers la Thaïlande est
significatif dans nos estimations. Ce résultat confirme de nouveau qu’il est indispensable de
prendre en compte la « spécificité » de chaque pays asiatique, lors d’une étude de sa relation
avec les autres. L’hétérogénéité des relations « intra-asiatiques » est également observée par
la dimension temporelle de notre étude. En effet, de nombreuses relations bilatérales
significatives pour la période globale (entre 1980/1981 et 1999) ne le sont pas pour la « souspériode » 1989-1999, ce qui signifie ainsi, dans une perspective globale, une absence du
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renforcement du rôle que joue le commerce « intra-asiatique » au regard de l’amélioration de
la « cohésion monétaire » entre pays asiatiques. Il faut toutefois rappeler qu’il existe quelques
exceptions, entre autres, la relation bilatérale entre Singapour et la Thaïlande, dont la cohésion
monétaire nominale se voit renforcée depuis la fin des années 80, grâce à leur cohésion
commerciale.
Dans un dernier temps, l’Indonésie s’avère, d’après les résultats de notre étude, un
acteur relativement « actif » dans le processus implicite d’intégration monétaire des pays
asiatiques. En effet, parmi toutes les relations commerciales bilatérales qui sont
significativement déterminantes dans l’évolution de la « cohésion monétaire » asiatique, la
présence indonésienne est prépondérante, par rapport à la plupart des autres pays asiatiques.
Outre sa « liaison » implicite avec le Japon, nous remarquons aussi une relation privilégiée
entre l’Indonésie et la Corée du Sud. Certes, notre étude montre que les relations
commerciales diverses entre ces deux pays ont des incidences divergentes sur l’évolution du
taux de change rupiah-won. Mais, dans une perspective globale, leurs importations mutuelles
jouent un rôle décisif dans l’évolution de leur « cohésion monétaire » nominale, alors que
leurs exportations mutuelles déterminent la dynamique de leur « cohésion monétaire » réelle.
Enfin, d’autres tendances statiques en matière de cohésion monétaire sont également relevées,
dans notre étude, entre l’Indonésie et quelques pays asiatiques, en particulier avec Hong
Kong, Taïwan, la Malaisie, et les Philippines.
En résumé, dans le contexte de l’absence générale de volonté des autorités asiatiques au
regard de l’intégration de leurs monnaies, notre étude menée dans la section IV du présent
chapitre propose une preuve indirecte, qui affirme une certaine émergence, en particulier
depuis la fin des années 80, du processus d’intégration monétaire au sein de l’Asie orientale.
Cette étude démontre également que ce processus est naturel, car son principal « moteur »
réside, en fait, dans le processus de régionalisation commerciale entre pays asiatiques.
Cependant, ce processus, d’après notre analyse, s’avère encore partiel, au sens où il est
significatif seulement entre certains pays de la région. D’ailleurs, l’impact de ce processus
reste peu homogène au sein des pays asiatiques où s’établissent une cohésion monétaire
implicite. Aussi, la perspective d’un processus « naturel » d’intégration monétaire complète
en Asie orientale demeure-t-elle encore lointaine dans un proche avenir.
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