Maîtrise des Procédés en vue d’améliorer la qualité et la sécurité des aliments, Utilisation des OGM,
Analyse des risques en agroalimentaire.Ouagadougou, 8-11 Novembre 2005.
PROFIL ANTI-BACTERIEN D’UNE BIERE ET
CONSERVATION POTENTIELLE DES ALIMENTS
Hélène Carole Edima, C.M.F. Mbofung, François-Xavier Etoa*
Laboratoire de Microbiologie, Université de Ngaoundéré, ENSAI, B.P. 455 Cameroun. Laboratoire de
Microbiologie, Université de Yaoundé I, B.P. 16209 Yaoundé Cameroun
* Auteur correspondant : fxeto[email protected]
Mots Clés : contaminations alimentaires ; bière ; substances anti-bactériennes ; gastro-
entérites.
1. RESUME
Les thérapies informelles sont devenues courantes dans nos contrées. C’est le
cas d’une bière qui est utilisée dans le traitement des gastro-entérites au Cameroun.
Dans le but de rechercher les propriétés thérapeutiques de certaines bières réputées
efficaces, nous avons entrepris d’étudier le profil anti-bactérien dans le traitement des
gastro-entérites d’origine alimentaire. Les résultats obtenus montrent que les bières B2
et B3 ne présentent pas d’activité anti-bactérienne sur les souches testées. La bière B1
possède une activité bactéricide aussi bien sur les bactéries Gram positif que sur les
bactéries Gram négatif. Le spectre d’activité de B1 sur les spores de B. anthracis, B.
cereus et B. subtilis présente un microcycle de la spore. Ce qui permet d’envisager
l’application des méthodes douces de conservation des aliments. Les résultats obtenus
semblent confirmer les potentialités de la bière B1 pour la thérapie des gastro-entérites,
et pour son éventuelle utilisation comme conservateur alimentaire.
2. INTRODUCTION
Les contaminations alimentaires sont responsables d’affections diverses,
contribuent à la mortalité dans les pays en voie de développement et demeurent un
risque permanent dans les pays industrialisés [1]. L’OMS estime que 2 millions de
personnes, principalement des enfants, meurent chaque année à cause de l’eau ou
d’aliments contaminés [2]. En Afrique, de nombreux pays signalent une augmentation
inquiétante de la fréquence des maladies d’origine alimentaire. C’est le cas de la Côte-
d’Ivoire une contamination alimentaire a fait 06 morts en mai 2002 pendant que 36
autres personnes étaient hospitalisées après avoir consommé du pain de fabrication
locale mal conservé [3]. De même qu’une intoxication alimentaire a fait 550 victimes à
la cité universitaire de Souissi II à Casablanca au Maroc en mars 2003 [4]. Au
Cameroun, l’on soupçonne un lien entre la consommation du miel et la mort subite des
nourrissons âgés de moins de 18 mois dans la province de l’Adamaoua [5]. Le cas de
trois enfants décédés à Yaoundé en 1996 de suite de la consommation des biscuits ou
encore la frayeur née récemment de la consommation des "pop-corn" par les enfants
d’une école primaire à Yaoundé en est une illustration [6].
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Malgré les possibilités de traitement (avec les médicaments de référence) et de
prévention appropriées (prônées par les services de santé publique), une tranche de la
population préfère faire usage des thérapies dites informelles. C’est le cas de certaines
bières utilisées dans le traitement des gastro-entérites.
Compte tenu du fait que les travaux de recherche sur la bière sont principalement
orientés dans le sens de l’amélioration des propriétés physico-chimiques et
organoleptiques ; l’immobilisation des levures. L’aspect thérapeutique demeure jusqu’à
présent inexploré.
Aussi nous apparaît-il judicieux de rechercher le profil anti-bactérien de certaines bières
camerounaises réputées efficaces dans le traitement des gastro-entérites d’origine
alimentaire.
Pour ce faire, nous déterminerons le spectre d’activité ce ces bières, les Concentrations
Minimales Bactéricides (CMB) des formes végétatives et sporulées des différentes
souches sensibles.
3.MATERIEL ET METHODES
3.1. Préparation du matériel biologique
Les souches bactériennes suivantes ont été utilisées pour ce travail :
-Escherichia col.i, Staphylococcus aureus, Salmonella typhymurium, Bacillus
anthracis, Bacillus subtilis BGA (Don du Service de Microbiologie Immunologie
Pathologie infectieuse de l’EISMV de Dakar)
- Bacillus cereus T. (Don de l’Institut of Food Research de Grande Bretagne). Ces
souches ont subi une revivification puis une purification sur bouillon de soja additionné
de tryptone (TSB) + Agar.
Les souches pures ainsi obtenues sont conservées dans le bouillon TSB à 4°C.iI
i . Production de spores. Les tubes sont incubés sans agitation pendant 7 jours à 37°C.
La purification des spores est effectuée selon la méthode de Bruch et al, [7]. Les spores
obtenues sont suspendues dans de l’eau distillée et conservée à 4°c.
ii. Les bières utilisées. Les bières utilisées notées B1, B2, B3 ont été achetées sur le
marché local. B1 est une « stout » de couleur brun-foncé ou cuivré. Elle contient
environ 5,4% d’alcool et un pH compris entre 3,5 et 4. B2 et B3 sont des « ale » de
couleur d’ambre pale ou blonde. Elles contiennent 5,4% d’alcool et un pH compris entre
3,5 et 4.
3.2. Détermination du spectre d’activité sur les formes végétatives et sporulées
Pour les formes végétatives, le spectre d’activité est obtenu par la méthode de
dénombrement sur boîtes de pétri [8]. Pour ce qui est des formes sporulées, la méthode
est celle décrite par Edima [9]. Les pourcentages d’inhibition (%I) de la croissance
bactérienne et de résistance (%R) ont été calculés selon les formules ci-après :
3.2.1. Pourcentage d’inhibition (%I) = No-Nn/Nox100
No = charge bactérienne initiale.
Nn = charge bactérienne restante après l’action de n ml de bière.
3.2.2. Pourcentage de résistance (%R) = 100-%I
3.3. Détermination de la CMB et de la cinétique d’inhibition des formes végétatives
par B1
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La détermination de la CMB est effectuée par la méthode d’optimisation des
résultats expérimentaux proposée par Porte et al.[11]. Et, les paramètres cinétiques sont
obtenus par la méthode proposée par Leclerc [8].
Les résultats obtenus à l’issu des différents dénombrements ont permis de calculer :
3.3.1. le pourcentatge d’inhibition (%I) = No-Nn/Nox100
No = charge bactérienne initiale.
Nn = charge bactérienne restante après l’action de la CMB à n min.
3.3.2. le pourcentage de résistance (%R) = 100-%I
4. RESULTATS ET DISCUSSIONS
4.1. Étude du spectre d’activité des trois bières sur les cellules végétatives
La détermination du spectre d’activité des trois bières nous a permis d’avoir les
résultats suivants (tableau 1)
Tableau 1 : Spectre d’activité des trois bières
Souches
bactériennes
Bière
Volume
( ml)
Pourcentage
d’inhibition
Pourcentage
de résistance
E. coli
B1
1
94,6
5,39
2
91,98
8
3
99,32
0,67
4
100
0
B2 et B3
15
0
100
S. typhimurium
B1
1
99,74
0,26
2
93,61
6,39
3
100
0
B2 et B3
15
0
100
S. aureus
B1
1
99,99
0,01
2
100
0
B2 et B3
15
0
100
B. subtilis
B1
20
0
100
B2
20
0
100
B3
20
0
100
B. anthracis
B1
20
0
100
B2
20
0
100
B3
20
0
100
B. cereus
B1
20
100
B2
20
100
B3
20
100
Le spectre d’activité montre que B2 et B3 n’ont pas d’activité bactéricide sur les
souches utilisées. Ce qui laisse croire que ces deux bières ne possèdent pas d’activité
anti-bactérienne. Ce résultat confirme les pratiques populaires car ces deux bières ne
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sont pas utilisées dans le traitement des gastro-entérites. Contrairement aux deux autres,
B1 présente une activité bactéricide sur E. coli, S. aureus et S. typhimurium. Les autres
souches à savoir B. anthracis, B. cereus et B. subtilis demeurant insensibles à cette
bière. Probablement du fait de leur nature sporogène et/ou du fait que toutes les espèces
bactériennes ne sont pas sensibles à une substance anti-bactérienne donnée [10]. Le
houblon étant l’ingrédient le plus fréquent de la bière, doué de vertus thérapeutiques
connues, à savoir : bactériostatique, sédative, diurétique et antioxydante [11]. Dans le
cadre du présent travail, il nous est difficile d’attribuer cette activité anti-bactérienne
étendue aux bactéries Gram négatif exclusivement au houblon.
Toutefois, les effets synergiques (houblon+alcool+acide) ainsi que l’action d’un additif
(non révelé) incorporé dans cette bière restent à vérifier.
Tableau 2. Evolution de l’inhibition des trois souches bactériennes par la bière B1
Souches
bactériennes
Temps de traitement
en heure
Pourcentage
d’inhibition
Pourcentage de
résistance
E. coli
1,3
98,46
1,54
3
86,51
13,49
6
99,75
0,25
12
92,94
7,06
18
95,03
4,97
24
100
0
S. typhimurium
1,3
91,32
8,68
3
99,38
0,62
6
98,68
1,32
12
90,6
9,4
18
87,23
12,77
24
100
0
S. aureus
1,3
99,74
0,26
3
78,57
21,43
6
95,6
4,4
12
99,72
0,28
18
100
0
Par ailleurs, B. anthracis, B. cereus et B. subtilis résistent aux trois bières. Cette
résistance serait due à la sporulation mise en œuvre par ces bactéries pour s’adapter
dans un milieu hostile que serait la bière. En effet, les observations quotidiennes des
milieux de culture ont montré une accélération de la sporulation, traduite par la présence
de spores après 24 heures d’incubation pour B. cereus, et 48 heures pour B. anthracis et
B. subtilis en présence de B1 contrairement au milieu dépourvu de B1 les spores
étaient observées après 72 heures d’incubation pour B. cereus et 96 heures pour B.
anthracis et B. subtilis.
B1 priverait donc la bactérie d’un certain nombre d’éléments nutritifs rendant
prématurément le milieu hostile d’où la sporulation.
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Cette sporulation accélérée a un double intérêt :
1) Sur le plan cytologique, il est possible que toutes les structures de la spore ne soient
pas correctement formées, ce qui fragiliserait ces spores rapidement formées.
2) Sur le plan technologique, une sporulation rapide, prématurée pourrait être vue
comme un moyen de conservation des denrées alimentaires. La spore dormante étant
sans danger en soi, on redouterait plutôt son activation et sa germination qui
aboutiraient à la forme végétative responsable du déclenchement d’une gastro-entérite.
4.2.Détermination du spectre d’activité des formes sporulées
L’examen des résultats montre que l’évolution des spores en présence de la bière
B1 se fait en trois phases :
Phase 1 : on note une élévation de la D.O qui traduit une augmentation de la réfringence
qui est le reflet d’une dormance accrue de la spore. En conséquence, la bière B1
induirait une dormance approfondie des spores dans les dix premières heures de
traitement pour B. anthracis, et dans les 5 premières heures pour B. cereus et B. subtilis.
Phase 2 : on observe une baisse de l’absorbance entre 10 et 15 heures pour B. anthracis,
5 et 10 heures pour B. cereus et B. subtilis traduisant ainsi la germination des spores.
Phase 3 : une reprise de l’augmentation de l’absorbance à partir de la 15ème heure pour
B. anthracis et à partir de la 10ème heure pour B. cereus et B. subtilis. A ce niveau, un
nombre non négligeable de spores auraient resporulé initiant ainsi un microcycle [12].
Phénomène observé sur les trois souches utilisées.
La spéculation subséquente que l’on pourrait tirer serait que la bière B1 contribuerait à
la conservation d’un aliment pendant au moins 5 heures. Après cette riode, il serait
possible d’appliquer sur le plan de la technologie alimentaire, des traitements
thermiques modérés de conservation préservant ainsi les propriétés nutritionnelles et
organoleptiques de cet aliment.
5. CONCLUSION
Ce travail nous a permis de conclure que les bières B2 et B3 ne présentent pas
d’activité anti-bactérienne sur les souches testées. La bière B1 possède une activité
bactéricide aussi bien sur les bactéries Gram positif que sur les bactéries Gram négatif.
Nous pouvons donc dire qu’il y a une concordance entre les pratiques populaires et les
résultats obtenus. La bière B1 pourrait donc participer à la lutte contre les
contaminations et les altérations alimentaires dans la mesure sa présence suggère
l’utilisation des méthodes « douces » de conservation des aliments.
Références bibliographiques
[1]. Bourgeois, C. M. ; Mescle, J.F. et Zucca, Microbiologie des aliments : Aspect
microbiologique de la sécurité et de la qualité des aliments ; Lavoisier : Paris, 1996.
[2]. Viognier, C. Forum mondial des responsables de la sécurité sanitaire des aliments.
Maroc, 2002.
[3]. Kone, S. Sécurité sanitaire des aliments. Journal fraternité matin, mai 2003.
[4]. Leila, H. Grève des étudiants à la cité universitaire de Souissi II au Maroc. Journal
libération, mars 2003.
[5]. Etoa, F-X. Mbofung, C.M.F. et Ndjouenkeu, R., Gatro-enterites: A cause of local
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