Droit comparé Partie I – La théorie Chapitre I – La pluralité des droits Il y a une pluralité de droits étatiques mais il y aussi un droit communautaire et un droit international. Il y a donc des droits étatiques et des droits interétatiques. Ce cours ne traitera pas du droit communautaire ou du droit des autres ensembles régionaux. Il y a une grande diversité de droit. Chaque Etat a son droit. Il y a 192 Etats à l’ONU. Il y a 192 droits différents. N’y aurait-il pas un idéal de droit commun ? C’est un peu l’ambition du droit comparé de rapprocher les droits. Ce mouvement a aussi pour contrepartie, dans le cadre de la mondialisation, de raviver le reflue identitaire. C’est le retour du culturalisme. Ce que nous pensions universel est considéré aujourd’hui comme occidental. Le code civil est de plus en plus contesté parce qu’il y a un retour au local. Les Etats vont renforcer leur identité et marquer leur différence. Ce cours traitera de l’unité dans la diversité. Assiste-t on a une marche vers l’unité ou a un retour à la diversité ? Le droit a un caractère étatique (§1) mais il a aussi un caractère social (§2) SECTION I – LE DROIT A UN CARACTERE ETATIQUE §1 – Le constat Le constat est très ancien et universel. Tout groupement humain a besoin de règles. S’il un groupe veut s’installer dans la durée, il doit s’organiser. Même les tributs les plus modestes ont toujours un minimum d’organisation. Il y a toujours un minimum de règles qu’un groupe humain se donne pour durer. Tout groupe humain, dès le départ, définit des règles du droit. Les plus anciennes règles que l’on connaisse sont issues du code d’Hammourabi. Le plus souvent se sont des règles orales, des coutumes. Certains animaux sauvages s’organisent aussi. « Ubi societas ibi jus » → Là où existe une société, il y a droit. Quand des groupes humains se développent, ils se donnent de plus en plus de règles. Tonnis a différencié le groupe et la société organisée. Quand les sociétés particulières s’organisent en Etat, chaque pouvoir va définir ses règles. JEAN BODIN, dans son ouvrage les Six livres de la République, 1576, explique qu’un Etat doit être souverain ie. il est maître de ses propres règles, de son autorité. L’Etat, qui apparait au XVI siècle, veut être souverain. La monarchie absolue est la monarchie souveraine, qui ne dépend de personne. En matière juridique, l’Europe a appliqué pendant des siècles le droit romain. Tous les nouveaux pouvoirs qui émergent au Moyen Age, utilisent le droit romain pour légitimer leur puissance. Ils vont puiser dans l’histoire pour chercher les outils juridiques. Ces outils étaient les mêmes pour l’Angleterre, la Suède, l’Italie et la France. Il y a avait donc un droit 1/5 Droit comparé européen. Dans les universités, on n’enseignait pas le droit des pays mais le droit européen. En Suède, c’est en 1620, qu’une grande université enseigne pour la première fois les règles étatiques. En Angleterre, c’est en 1758. En Allemagne, c’est en 1708. En France, c’est en 1679. Quand l’Etat a commencé à se constituer, les légistes sont allés puiser dans le droit romain pour légitimer le pouvoir des rois. Progressivement, on a écarté ce qui est commun pour privilégier ce qui est étatique. Au nom de l’indépendance des Etats, on ne veut pas dépendre d’autres règles que celles que l’Etat s’est donné. Plus l’Etat se constitue, plus on écarte les règles extérieures pour être maître de ses règles. ⇒ Plus on a renforcé l’Etat, plus on a développé les règles étatiques. De même, plus y a d’Etats, plus on crée de droits étatiques. Dans certain cas, le droit étatique déborde le cadre étatique. Dans certains cas, il peut s’appliquer en dehors de l’Etat. A l’inverse, sur le territoire d’un Etat ne s’applique pas que le droit de l’Etat. Le territoire n’est pas une frontière étanche pour le droit. 99% du droit est du droit étatique. Le droit est essentiellement étatique mais il y a des cas particuliers. §2 – Quelques cas particuliers. Certains droits étatiques s’appliquent en dehors des Etats qui les ont produits. Ils débordent leur frontière. 1er exemple : le droit anglais s’applique dans une quarantaine de pays du monde. C’est le Commonwealth. En raison de l’histoire et par choix, le droit anglais s’applique dans ces Etats. Dans certains de ces Etats, certaines décisions des cours suprêmes peuvent être cassées par la Cour anglaise. Le droit anglais déborde les frontières de la Grande Bretagne. Par des accords bilatéraux, chaque Etat du Commonwealth a défini ses conventions juridiques. Le Canada a renoncé à se que sa Cour suprême dépend de l’Angleterre. 2ème exemple : certains droits étatiques ont servi de modèle à d’autres Etats. On peut penser à la colonisation mais la question va plus loin. Au XIX siècle, dans l’empire Ottoman (= disparu formellement en 1923), certains territoires ont pris leur autonomie. La Syrie et l’Egypte ont voulu se moderniser. L’Egypte a littéralement importé des morceaux de droits européens, d’Italie, d’Allemagne et de France. Le code du commerce français a été traduit et est devenu le code du commerce égyptien. Il y a eu de véritables exportations de droits. Au XX siècle, la Turquie « moderne » (= indépendante), qui était jusqu’alors un pays musulman, s’est laïcisée. La Turquie a pris le code civil suisse, le traduisit littéralement et le promulgua tel que. La Turquie applique le code civil suisse traduit en turque. Le Japon s’est complètement fermé à l’Occident au XVI siècle. Au XIX siècle, c’est encore un pays féodal. Un bateau américain arrive au Japon (= pays militaire dans l’âme) pour essayer d’ouvrir le Japon. Après le refus du Japon, l’amiral fait tirer les canons sur Tokyo. Les Japonais se rendent compte de l’archaïsme de leurs armes face aux canons américains. C’est une révélation pour le Japon. En 1867, l’empereur de la dynastie Mij (?) décide d’ouvrir le pays pour le moderniser. Il envoie des spécialistes découvrir la modernité pour l’importer au Japon. Les Japonais vont choisir la France comme modèle. Un code civil japonais directement inspiré du code français et du code civil allemand. Tout le droit moderne du Japon jusqu’à la Seconde Guerre mondiale est inspiré du droit français et allemand. En Corée, c’est la même chose que le Japon. 2/5 Droit comparé 3ème exemple : les Etats anciennement colonisés. Les anciennes colonies d’Afrique et le Vietnam ont un système de droit qui s’inspire du droit français. Le droit sénégalais est une copie conforme du droit français. Dans les anciennes colonies britanniques, il y a beaucoup d’éléments du Common Law. Le droit étatique en Indonésie, par Louis Napoléon Bonaparte, est proche du droit français. Le droit a un caractère étatique mais ce caractère n’est pas absolu. Certains droits étatiques dépassent le cadre étatique. Mais il y a aussi des droits qui n’ont pas le caractère étatique. Les droits qui n’ont pas le caractère étatique : Le droit international : Ex. la convention sur les crimes contre l’humanité s’applique à tous les Etats qui l’ont adopté. Il ne suffit pas qu’une convention soit adoptée pour qu’elle s’applique. Il faut que l’Etat la ratifie (= ARTICLE 55 de la Constitution française) La ratification est un processus étatique qui permet d’adopter une règle internationale. Le droit communautaire est une exception puisque le droit communautaire s’applique sans ratification étatique. Les droits régionaux : dans la cadre du Conseil de l’Europe, il y a la Convention européenne des droits de l’Homme, dont les règles sont d’origine régionale. Les droits non étatiques de caractère religieux : Ex. le droit musulman → droit qui s’applique a une population indépendamment du territoire. Ex. le droit du judaïsme. Les grandes religions comme le bouddhisme et hindouisme n’ont pas de droit. C’est un droit sur lequel on n’a pas de prise. Les coutumes : ce sont des règles immémoriales. Elles sont sanctionnées par la communauté. L’ensemble du continent africain subsaharien a conservé toute sa tradition de droit coutumier qui s’applique indépendamment de toute frontière. Ces coutumes s’appliquent par tradition aux ressortissants de ces régions qui vivent en France. Le droit a un caractère étatique mais ce principe fort suppose des cas particuliers et même des exceptions. SECTION II – LA DIMENSION HUMAINE DU DROIT Le droit est le produit d’une activité humaine. Il y a un caractère social du droit. Il a un caractère collectif. On va d’abord d’interroger sur le fondement du droit (§1) puis nous verrons la fonction du droit (§2). §1 – Les fondements du droit : qu’est ce qui inspire le droit ? A. La force Au départ, le droit est un rapport de force. C’est le droit du vainqueur par rapport aux vaincus. Ex. La Bavière a gardé des traditions latines du droit français. Ex. Nous sommes un pays de tradition latine parce que l’empire romain nous a occupés. Ex. la colonisation et le Common Law. Quand la force veut s’institutionnalise elle se transforme en droit. Le droit reflète ceux qui dominent la société. 3/5 Droit comparé B. La religion En France, sous l’Ancien régime et jusqu’à Charles X, le critère de la légitimité était la religion. Jean Baudin dit qu’il faille respecter la souveraineté si elle respect la religion. Même notre droit civil est marqué une empreinte chrétienne. Il y a peu de droits qui ne reflètent une inspiration religieuse donnée. C. L’idéologie Il y a des pays dont le droit à un moment donné est inspiré par l’idéologie. Cette inspiration du droit. « Le droit instrument de l’idéologie », Staline. Le droit est au service de l’idéologie. Il doit permettre la mise en œuvre de l’idéologie. Ex. les sociétés socialistes. Notre droit occidental est marqué par une approche libérale que d’autres contestent. D. La volonté générale Tous les pays démocratiques reposent sur le principe que la loi est la volonté générale. C’est lié au régime représentatif. La volonté générale est le fondement de la démocratique. La volonté générale donne sa marque au droit. §2 – La fonction du droit Il y a deux fonctions possibles du droit : il doit donner un idéal à la société (A.) et/ou le droit doit refléter cet idéal (B). A. Le droit comme idéal Le droit comme idéal est la conception française. Ex. le droit au logement, la CMU, le droit à l’environnement. Le droit est un problème politique. La première source de cette perception est un héritage grec. Cette vision d’un droit idéal nous vient des Grecs mais c’est typiquement français aujourd’hui. Les Grecs recherchaient la vérité (= il y a une vérité). Il y a avait un bien en soi. Il fallait que les lois humaines tendent vers ce bien, essayent de le mettre en œuvre. « Jus tu es » → le droit est ce qui est juste. La loi énonçait l’idéal. La loi informait ie. donnait forme à la société. La deuxième source est le droit naturel. Le droit naturel a deux racines : la 1ère est chrétienne → les hommes naissent égaux face à Dieu ; la 2ème est le siècle des Lumières → la raison qui permet de dégager un idéal politique (= Déclaration des droits de l’Homme → droit que l’on tient de la naissance « in born »). L’homme a des droits avant que ces droits soient reconnus. L’homme a des droits naturels. La société doit garantir ces droits. Cette vision de la loi qui doit permettre d’avancée vers un idéal, caractérise tous les pays de tradition latine. Il y a l’idée que la loi doit nous aider à allez vers quelque chose de mieux, à tendre vers un idéal. B. Le droit comme reflet La loi est le reflet de l’opinion. Une des définitions de la démocratie est d’être le reflet de l’opinion. Ex. sur l’euthanasie, l’Etat de droit français reflète l’opinion française. Le droit n’exprime plus un idéal mais exprime le reflet de l’opinion. 4/5 Droit comparé Sur quoi repose cette vision de la loi comme reflet de l’opinion ? Le subjectivisme : déjà chez une partie des Grecs, notamment les Sophistes, il n’y avait pas une vérité en soi. Chacun devait dire ce qui lui plait. Cela ouvre à un pluralisme. Il n’y a pas un idéal mais des visions diverses et changeantes. Ce qui convient aux uns peut ne pas convenir aux autres. L’utilitarisme (= Jérémy Bentham) : le critère du Bien est ce qui est utile, ce qui procure de l’utilité. Il a beaucoup marqué nos sociétés occidentales. L’historicisme : le poids de l’histoire → chaque peuple a sa vision des choses, ses valeurs, sa culture, ses règles. Chaque peuple a un esprit (= Montesquieu parlait déjà de L’esprit des lois). Le droit doit exprimer l’esprit d’un peuple. Une société doit mettre en œuvre ce qui lui correspond. Dans beaucoup pays d’Afrique, le système occidental imposé ne leur correspond pas. Ex. le rapport à la terre dans les pays africains est différent du notre. Ex. le rapport à la famille en Asie est différent du notre. C’est aussi ce qui explique l’exaspération des nationalismes. Les gouvernants cherchent à rendre compte de l’opinion : c’est un excès du régime démocratique qui fait que le représentant cherche à représenter au mieux l’opinion. Ex. les gouvernants qui mesurent leur popularité dans l’opinion. Si le droit a un caractère étatique, il est aussi imbibé du social. Dans l’après guerre, on a essayé d’offrir un idéal de société avec l’ONU. Cet idéal est de plus en plus contesté au nom des minorités, du droit à la différence culturelle. Le droit va être le reflet de toutes ces tensions qui traversent la société internationale. Dans un premier chapitre on a vue que dans le monde, il y a des droits différents. Il y a une diversité des droits. Dans un deuxième chapitre, on va voir la diversité du droit. Nous n’avons pas tous la même vision du droit. 5/5