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Aspirine et prévention cardiovasculaire : une décision parfois difficile
Pr Jacques Bonnet, Hôpital Cardiologique du Haut Lévêque, Pessac
La prescription d’Aspirine est devenue un acte incontournable de la prévention cardio-
vasculaire. Cependant, les nouveaux anti-agrégants plaquettaires et le changement de concept
de la prévention secondaire doivent nous amener à renouveler notre réflexion sur la
prescription de l’aspirine dans la prévention des maladies cardio-vasculaires.
Pharmacologie de l’Aspirine :
L’aspirine est un inhibiteur irréversible de l’enzyme cyclo-oxygénase qui permet le
métabolisme de l’acide arachidonique en prostaglandines primaires , les
endopéroxydes PGH2 et PGG2. L’aspirine est de façon prioritaire un inhibiteur de la
cyclo-oxygénase de type 1 et à moindre degré celui de la cyclo-oxygénase de type 2.
Ces prostaglandines primaires permettent la formation du thromboxane A2 par les
plaquettes circulantes, puissant agent thrombotique et vasoconstricteur mais
également de la prostacycline par les cellules endothéliales, puissant agent anti-
thrombotique et vasodilateur.
L’action irréversible de l’aspirine sur l’enzyme, la durée de vie des plaquettes et la
capacité des cellules endothéliales, contrairement aux plaquettes, à resynthétiser leur
enzyme, expliquent la nécessité du choix des petites doses d’Aspirine (75-150 mg)
dans la prévention des accidents ischémiques.
L’action complexe de l’Aspirine sur les fonctions plaquettaires mais aussi sur
l’inflammation et la fonction endothéliale en fait une thérapeutique de choix dans les
pathologies athéroscléreuses.
Le patient asymptomatique en prévention primaire :
Le patient asymptomatique a longtemps été considéré comme un patient en
prévention primaire. Peu d’essais de prévention par l’aspirine ont finalement été
conduits chez des patients totalement asymptomatiques. Cinq grands essais de
prévention primaire ont été menés [1]. Seuls, les deux derniers essais ont inclus des
femmes.
La décision de la mise en route d’un traitement anti-agrégant préventif par aspirine
chez un patient asymptomatique n’est à priori pas évidente. Il n’y a pas d’indication
chez le sujet à faible risque (risque absolu inférieur à 10 %). Elle est contre-indiquée
chez le patient hypertendu non contrôlé.
Par contre, l’aspirine est indiquée chez le sujet asymptomatique, porteur d’une
sténose carotidienne, d’une artériopathie périphérique symptomatique ou non (IPS <
à 0,9), d’un haut risque absolu > à 20% à 10 ans suivant l’équation de Framingham.
En revanche, chez le patient asymptomatique à risque absolu intermédiaire, entre 10
et 20%, la décision est plus difficile. Le bénéfice de l’aspirine sur le risque
coronarien est clair mais il ne l’est pas pour le risque d’AVC ischémique et de mort
vasculaire ; le rapport risque/bénéfice commence alors à devenir élevé.
L’indication de l’aspirine chez le sujet diabétique asymptomatique est également
difficile. Cette indication existe devant un haut risque défini soit par l’existence de 2
autres facteurs de risque associés à un âge supérieur à 60 ans, 10 ans d’évolution de
diabète ou une microalbuminurie, soit par la présence d’une protéinurie.
Le sujet en prévention secondaire :
En prévention secondaire, la dernière méta-analyse rassemblant 194 essais
randomisés d’anti-agrégants plaquettaires, chez 212 000 patients, montre clairement
l’intérêt de l’aspirine [2]. Chez les patients ayant survécu à un premier accident