L’entrepreneur routinier qui l’imite accélère le processus de destruction créatrice à l’origine des cycles
économiques :
Cet entrepreneur « réactif » n’innove pas mais réagit face au déséquilibre initié par l’entrepreneur
révolutionnaire (si son entreprise ne fait pas faillite). De fait, l’entrepreneur -innovateur engendre l’inflation : il
suscite une création de monnaie ex-nihilo en empruntant pour investir et, de plus, cet investissement se traduit par
une demande accrue de facteurs de productions donc par une hausse des prix sur les marchés de facteurs de
production. Cette hausse des prix est fatale à certaines entreprises ; les autres doivent réagir : soit par l’imitation,
soit en initiant une autre innovation. Cet instinct de survie, ajouté au fait qu’une innovation en entraîne d’autres
puisqu’elle ouvre de nouvelles possibilités, explique le phénomène des « grappes d’innovation » qui apparaissent
pendant la phase de prospérité d’un cycle économique.
Elle précède une phase de récession marquée par la déflation : les entrepreneurs innovateurs qui prospèrent
peuvent désormais rembourser leurs crédits (sans que ceux-ci soient repris par d’autres agents) et leurs innovations
entrent dans la routine puisque l’économie s’est rééquilibrée. C’est la phase de « destruction créatrice » : les taux
d’intérêts qui sont retombés grâce à la déflation incitent de nouveaux entrepreneurs à emprunter pour innover ; la
création naît d’une période de récession. L’action des entrepreneurs façonne ainsi les cycles long de l’économie
(d’une durée d’environ 30 ans), appelés «Cycles de Kondratiev ».
Cependant, le système économique agit également sur l’entrepreneur : le système capitaliste sélectionne les
entrepreneurs dotés des qualités nécessaires (selon Schumpeter). Il semble même de nos jours conditionner
réellement leurs actions.
III. Le rôle restreint d’un entrepreneur moderne auquel les économistes s’intéressent :
Le rôle « proactif » de l’entrepreneur initiateur du changement est mis à mal par la prééminence du rôle de l’état :
L’action de l’entrepreneur est liée à celle de l’état : Freeman montre ainsi que l’état doit créer un climat
propice à l’innovation (cf. Thèse de Keynes qui impute aux entrepreneurs le manque d’investissements observé lors
de la crise de 1929). De fait, depuis les années 1980, l’état agit pour favoriser l’esprit d’entreprise : création de
parcs scientifiques, aides à la création d’entreprises (CPME crédit d’équipement des PME), liens renforcés entre
entreprises et universités. L’intervention étatique en matière de concurrence permet par ailleurs aux entrepreneurs
routiniers d’exister puisqu’elle démantèle les monopoles (tout en incitant parallèlement les entrepreneurs
révolutionnaires à innover puisque l’état délivre des brevets justifiant l’existence de monopôles légitimes)
L’entrepreneur, dissocié du producteur, se contente d’un rôle décisionnel fondé sur la spéculation :
L’entrepreneur devient un « fonctionnaire du capital » : l’entrepreneur-salarié remplace l’entrepreneur-
propriétaire dans les grandes firmes. La fonction principale de ce nouveau manager est la direction : Galbraith
l’insère même dans une technostructure, un « staff » formé pour gérer (cf. .Détenteurs de MBA Masters of public
Administration). Son action est du reste souvent limitée par le pouvoir des actionnaires. Si tout homme en tant
qu’acteur spécule, l’entrepreneur en fait son métier (d’après Von Mises). De fait, Casson confirme que
l’entrepreneur « se spécialise dans la prise de décision en avenir un incertain » (cf. théorie des jeux), il spécule et
coordonne des ressources rares pour produire le plus efficacement possible.
L’entrepreneur individuel ne détient plus le monopole de l’innovation :
L’économiste américain Young soutient que l’hypothèse de Smith se vérifie : la grande entreprise met en
œuvre une division du travail qui conduit à l’innovation (sans avoir recours à l’entrepreneur). De plus, les
entreprises qui ont su s’octroyer un monopole temporaire ont pris de l’avance sur leurs concurrents : disposant d’un
capital conséquent pour investir, elles maintiennent leur avantage comparatif (l’innovation) dans le temps. Ainsi les
grandes firmes produisent du progrès technique sur commande puisque l’innovation est devenue routinière et
incrémentale (consistant davantage en l’amélioration d’une innovation précédente qu’en une invention inédite).
Gordon souligne une interdépendance croissante : l’entrepreneur ne peut innover seul puisque les innovation
deviennent une fin en soi pour des groupes industriels qui les amortissent au niveau international, développent des
stratégies globales et réalisent des économies externes (en rachetant des brevets, construisant des oligopoles). Son
budget de R&D ne fait souvent pas le poids, il ne peut innover, faute de capital. Pourtant, dans un contexte de sous
emploi croissant, certains (comme R.Barre) incitent les chômeurs à devenir entrepreneurs : « l’esprit d’entreprise se
réduit alors à un comportement utilitariste sans remise en cause radicale des façons de produire. » (S.Boutilier)
Bibliographie : M.Casson : L’entrepreneur, Economica 1982
S.Boutilier, D.Uzunidis : Une analyse socio-économique de l’entrepreneur,Economica 1995
G. Abraham-frois : Economie politique, 7ème édition, Economica 2001 / J.Schumpeter : Capitalisme, Socialisme et
démocratie 1961 (Textes fondamentaux), Théorie de l’évolution économique, Dalloz 1935 (extraits)