
Tout d’abord, le caractère incomplet et fragmenté des analyses développées jusqu’à ce jour et
leur incapacité à intégrer pleinement la pluralité de ces nouvelles formes d’expression
citoyennes, qu’il s’agisse de la consommation responsable, de l’épargne responsable ou de
formes innovantes de production de biens et de services, regroupées sous le terme
d’« entreprises sociales ». Les analyses récentes n’ont notamment pas réussi à saisir le lien
entre les choix individuels et le développement de nouvelles institutions intégrant de manière
intrinsèque un engagement social à même de canaliser les comportements responsables. A cet
égard, le choix des mots utilisés (économie sociale, économie solidaire, secteur non lucratif,
etc.) semble inadéquat en ce sens qu’il suggère un « phénomène contingent » ne pouvant être
généralisé et voué à rester marginal. Dans ce contexte, ce document souligne à la fois
l’importance des nouvelles formes d’expression citoyennes et l’interdépendance entre les
initiatives individuelles et collectives, ainsi que la nécessité d’appréhender le phénomène de
mobilisation des citoyens dans son ensemble.
Le deuxième facteur qui contribue à une méconnaissance du phénomène en question est la
prévalence, dans l’analyse économique, d’une approche reposant en grande partie sur une
description stylisée des motivations d’intérêt personnel qui seraient exclusivement ou au
moins largement dominantes chez les agents (consommateurs, producteurs, etc.), qui se heurte
clairement aux nouvelles tendances comportementales d’un nombre croissant de citoyens. Ce
document a pour objet d’identifier de nouvelles pistes de recherche susceptibles de contribuer
à dépasser cette limite, en démontrant l’importance des motivations non centrées sur l’intérêt
personnel dans la conception des relations interpersonnelles et des interactions économiques.
L’analyse part du fait que l’engagement de plus en plus actif des citoyens a conduit à une
remise en question du système institutionnel de l’après-guerre reposant sur deux pôles – l’Etat
et le marché -, qui avait été conçu au cours du siècle dernier. D’où la recherche d’un nouveau
paradigme tenant compte de l’évolution causée par la mobilisation des citoyens, et la
nécessité de concevoir des politiques visant spécifiquement à soutenir le développement
d’organisations de citoyens poursuivant explicitement des objectifs d’intérêt général.
L’attention sera d’abord portée sur les changements intervenus, puis sur leur impact sur le
rôle que les citoyens peuvent jouer. En outre, l’accent sera mis sur toutes les modalités au
moyen desquelles les citoyens affectent les économies de leur pays, par un nouveau type
d’activisme et l’adoption de nouveaux comportements socialement responsables en termes de
consommation, d’épargne et de production de services d’intérêt général. Afin de comprendre
et de mieux situer les comportements socialement responsables des citoyens sous leurs
multiples aspects, l’attention sera portée dans un premier temps sur les nouvelles perspectives
théoriques qui contribuent à expliquer la forte progression d’organisations productives à
finalités sociales. Dans un deuxième temps, ce document portera son attention sur l’impact de
l’action des citoyens sur les entreprises et les institutions, ainsi que sur les interconnexions
entre les nombreuses expressions de comportements responsables, notamment en ce qui
concerne le lien entre la production et l’épargne et la production et la consommation.
Ce document montrera que parallèlement aux initiatives de la société civile, des institutions
destinées à faciliter leur action ont été mises en place. Enfin, ce document s’intéressera aux
changements institutionnels nécessaires pour soutenir le plein développement d’activités
citoyennes animées par un « intérêt personnel qui voit loin »
(Becchetti, 2005).
Ce terme est utilisé par Becchetti pour décrire les choix de citoyens qui sont conscients de l’interdépendance
croissante entre des phénomènes apparemment éloignés.