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DISCOURS DE FRANCOIS HOLLANDE
ASSEMBLEE GENERALE DES PARLEMENTAIRES - LUNDI 23 JUIN 2008
Chers Camarades,
Je veux saluer les organisateurs de ce compte-rendu de
mandat. Cela fait un an que nous avons sollicité le
suffrage à l’occasion des élections législatives et cela
fait un an que nous sommes dans l’opposition à la
politique de Nicolas Sarkozy même si cela fait quand
même six ans que nous sommes dans cette situation.
L’objectif, vous l’avez bien compris, est de ne pas rester
trop longtemps dans l’opposition. Le meilleur service
que peut rendre l’opposition à mon avis- est d’arriver
au pouvoir.
Il aurait été possible de rendre compte au sein de
l’Assemblée nationale si François Fillon, Premier
ministre, avait lui-même -au terme d’un an d’exercice de
la responsabilité- engagé une question de confiance et
suscité ainsi le débat. Il ne l’a pas fait. Nous le faisons
donc à sa place.
Les Présidents des groupes ont eu raison d’inviter un
certain nombre de partenaires associatifs pour qu’ils
viennent nous interpeller, nous faire leurs propositions et
nous rappeler une évidence : nous ne pouvons pas agir
au sein du Parlement s’il n’y a pas dans la société un
certain nombre de mouvements qui se font jour, qui
suscitent la contradiction, qui portent des exigences, qui
interpellent les élus.
J’entendais, il y a quelques mois, une personnalité
(comme l’on dit) dire : « mais sont les socialistes ? ».
C’est une question d’ailleurs que j’entends toujours.
sont les socialistes ? On ne les a pas vus dans la rue,
on ne les a pas entendus sur tel ou tel sujet. Et si les
socialistes étaient tout simplement ils doivent
être lorsqu’ils sont élus de la République, c’est-à-dire
dans les assemblées !
Il y a une forme de confiscation du débat : ce qui n’est
pas à la télévision n’est pas ! C’est bien pour cela qu’il y
en a un qui y est toujours, puisqu’il veut forcément peser
sur le débat.
Je crois que nous avons à répondre à cette question.
Nous sommes dans l’opposition et nous pouvons être
utiles à trois conditions :
La première, c’est que nous puissions dénoncer
les réalités telles qu’elles sont, les politiques
telles qu’elles se mènent. Sans outrance, sans
excès, mais en donnant les informations justes et en
permettant aux citoyens de former leur jugement.
Nous l’avons fait, notamment à l’occasion du paquet
fiscal. Inlassablement, nous y sommes revenus. À
l’Assemblée comme au Sénat. Marquant combien
ces 15 milliards d’euros avaient été dépensés
inutilement, injustement, inefficacement. Nous
l’avons fait de telle manière que ce que les Français
ne voulaient pas entendre au moment de l’élection
présidentielle, ils le découvrissent au lendemain de la
victoire de Nicolas Sarkozy et de sa majorité. Il était
apparu, à ce moment-là, que ces 15 milliards d’euros
étaient non seulement accordés en pure perte sur le
plan de leur efficacité économique, mais creusaient
encore davantage les inégalités.
Nous avons, de ce point de vue, gagné une bataille :
la bataille de la communication a dit Nicolas
Sarkozy ! Mais, nous avons pu faire apparaître cette
politique pour ce qu’elle était.
Nous avons aussi, sur les franchises médicales,
montré combien c’était une forme de prélèvement
qui, en définitive, était le plus injuste qui soit puisqu’il
portait sur les malades pour financer la couverture de
soins d’autres malades.
La deuxième, c’est que nous soyons capables
d’alerter l’opinion. Et nous l’avons été. Et sur des
sujets qui n’allaient pas de soi : le risque de l’ADN
comme procédé de contrôle de l’immigration ; les
OGMs qui, finalement, étaient à l’occasion d’un projet
de loi autorisés dans leur culture au risque de créer
de graves dommages aux productions de qualité.
Nous avons alerté l’opinion et nous continuerons de
le faire- sur la question du travail. Il était juste de
rappeler que, sur le texte qui va bientôt être soumis
au Parlement, il ne s’agit pas d’une offensive sur les
35 heures –il y a bien longtemps qu’elles sont
remises en cause- mais du démantèlement complet,
systématique, de tout ce qui est la glementation du
temps de travail dans l’entreprise, à travers les
forfaits jours, les repos compensateurs… C’est
l’ensemble de l’organisation du travail qui est ainsi
mise en cause. Il faudra poursuivre ce rôle
irremplaçable d’alerte et d’avertissement.
La troisième, c’est que nous fassions des
propositions. Nous en avons émis tout au long de
ces derniers mois : sur le pouvoir d’achat, sur le
logement, sur le financement de la SécuriSociale,
sur les retraites. A-t-on été suffisamment entendus ?
A-t-on nous-mêmes suffisamment insisté sur ces
propositions ? En tout cas, nous en avons fait la
démonstration tout au long de la journée.
Mais, j’ai envie d’ajouter une quatrième condition pour
être utiles : celle d’être unis. Il n’y a d’opposition que si,
elle-même, elle est capable d’être en cohérence. En
cohérence par rapport à ce que nous avons fait. En
cohérence par rapport à ce que nous avons dit. En
cohérence par rapport à ce que nous sommes. Chaque
fois qu’une voix discordante se lève dans nos rangs, ce
n’est pas un problème pour le Parti socialiste, c’est une
difficulté pour l’opposition. Il faut qu’il y ait du débat,
c’est nécessaire. Il faut qu’il y ait de la délibération, elle
est indispensable. Mais, une fois que la décision est
prise, elle s’impose à tous. Il ne s’agit pas de rentrer
dans je ne sais quel carcan disciplinaire ou obligation de
suivisme, mais tout simplement de se faire entendre et il
ne peut pas y avoir de crédibilité possible pour l’opinion
si, sur le même sujet, il peut y avoir plusieurs voix qui
disent différemment la position du Parti socialiste.
Notre compte-rendu de mandat est un exercice de
démocratie politique et c’est le jour qu’a choisi le
gouvernement pour faire une campagne de publicité. Je
ne me plains pas de la comparaison. Nous faisons de la
politique ; ils font de la publicité ! Parce que, nous
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l’avons appris aujourd’hui, 1 630 spots publicitaires vont
être diffusés sur nos écrans (avant le journal de 20 h,
après le journal de 20 h… peut-être tôt le matin) pour
vanter les mérites de la politique gouvernementale.
Faut-il qu’ils n’y parviennent pas par le langage politique
pour tenter d’y parvenir par le langage de la publicité ! Ils
sont si peu présents dans les journaux de 20 h qu’il leur
faut sur nos propres deniers, sur nos impôts- payer de
la publicité pour se faire comprendre !
Ils auront quand même du mal à expliquer que si les
Français n’ont pas de pouvoir d’achat, c’est parce qu’ils
n’ont pas compris la politique du gouvernement ! Ce
n’est pas parce qu’elle manque d’efficacité, c’est parce
que les Français n’y adhèrent pas ! Ce sont eux, les
Français, les responsables et c’est pourquoi ils vont
avoir droit à de la publicité le soir ! Si les Français n’ont
pas de pouvoir d’achat, c’est parce qu’ils n’ont pas
demandé les heures supplémentaires ! S’ils n’ont pas de
pouvoir d’achat, c’est parce qu’ils n’ont pas emprunté
pour acquérir un logement ! S’ils n’ont pas de pouvoir
d’achat, c’est qu’ils n’ont pas eu ce malheur de pouvoir
hériter en franchise d’impôts cette année ! S’ils n’ont pas
de pouvoir d’achat, c’est parce qu’ils n’ont pas eu, en
définitive, le bénéfice du bouclier fiscal ! S’ils avaient
payé beaucoup d’impôts, ils auraient eu droit à des
remboursements… Bref, si les Français n’ont pas de
pouvoir d’achat, c’est parce qu’ils ne sont pas riches !
C’est donc une publicité extrêmement encourageante :
enrichissez-vous et vous aurez droit aux mesures de
Nicolas Sarkozy !
On peut en sourire, mais quand même : quand des
responsables politiques en sont réduits à faire non plus
simplement de la communication, mais de la publicité !
C’est quand les politiques n’ont plus rien à dire qu’ils
font de la publicité !
Nous, nous allons revenir aux réalités. Il nous faut
revenir sur la situation exacte du pouvoir d’achat des
Français un an après l’élection de Nicolas Sarkozy :
Pour ce qui concerne les salaires, publication a été
faite de leur évolution depuis un an :
Le salaire ouvrier, en France, aura reculé d’un demi-
point en un an. C’est-à-dire que l’inflation aura été
plus forte que l’augmentation des salaires.
Le SMIC aura été tout simplement réajusté au niveau
de l’inflation. Une augmentation vient d’avoir lieu
aujourd’hui : 0,9 %, 8 centimes d’euro de l’heure en
plus ! Voilà en matière de salaire ce qu’il fallait
attendre d’un an de Nicolas Sarkozy.
Pour ce qui concerne les retraites, deux
augmentations : 1,1 % le 1er janvier dernier et 0,8%
sont prévus pour le mois de septembre. Ce qui veut
dire qu’il y aura un recul de 1,4 point du niveau des
retraites en un an.
Pour ce qui concerne les prestations familiales : la
Ministre de la famille vient d’annoncer une
modulation de l’allocation de rentrée scolaire
permettant de donner plus aux adolescents. 50
millions d’euros seront ainsi distribués. Et l’on
apprend, dans le même temps, qu’il y a eu des
économies sur les majorations des prestations
familiales et que 250 millions d’euros auront été ainsi
enlevés des familles. Perte de pouvoir d’achat : 200
millions d’euros.
Pour ce qui concerne le RMI : l’ensemble des
prestations n’auront augmenté que de 1,6 %, soit
moitié moins que la hausse des prix.
Voilà donc le Président du Pouvoir d’Achat ! C’est le
Président du recul du pouvoir d’achat.
Arrive la question des carburants. Nul ne peut ici
contester que ce mouvement est mondial et qu’il est
sans doute durable. Nul ne peut écarter l’argument
selon lequel il faut que les consommateurs payent le prix
de ce que va être maintenant le coût des
approvisionnements énergétiques. Mais, de à rester
inerte, de à avoir pendant plusieurs mois refusé la
mise en place du chèque transport –qui n’est pas
obligatoire, d’avoir renvoyer sur l’Europe mauvais
cause- la modulation de la fiscalité pétrolière, et
notamment de la TVA, pour obtenir ce que l’on savait,
c’est-à-dire que les partenaires européens ne pourraient
pas consentir à un tel plafonnement de la TVA, c’était en
définitive ne rien faire pour soulager les ménages, et
notamment les salariés, de la hausse du prix des
carburants.
Voilà aujourd’hui ce Président de la République qui avait
fait de la question du pouvoir d’achat la question
majeure finalement être culbuté par la réalité et rattrapé
par l’échec de la politique menée depuis un an.
Autre exemple de l’état réel du pays un an après
l’élection de Nicolas Sarkozy : un certain nombre
d’organismes officiels de l’INSEE à la commission
européenne ont livré leurs statistiques. La réponse est
toujours la même de la part du gouvernement et de
l’ineffable Madame Lagarde qui conteste à chaque fois
la publication statistique qui lui est adressée. L’INSEE a
donné sa prévision de croissance inférieure aux chiffres
du gouvernement : 1,6 contre la fourchette de 1,7 à 2 %
proclamée par le gouvernement. L’INSEE a été
considéré comme un parti faisant bloc avec la gauche.
C’est donc un nouveau groupe politique, l’INSEE, avec
lequel nous aurions passé alliance pour les élections
municipales, sans doute, et qui nous soutiendra j’en suis
sûr à l’élection présidentielle. L’INSEE est donc
contesté.
Arrive la Cour des Comptes (j’en suis membre, mais je
n’ose pas le dire de peur de pénaliser l’organisme même
si je n’y siège plus depuis 20 ans). La Cour des
Comptes donne son verdict : le déficit budgétaire pour
l’année 2008 sera proche de 3 %.
Arrive ensuite la commission des comptes de la Sécurité
Sociale, elle aussi contestée. Elle nous donne les
chiffres du déficit : + de 9 milliards (5 milliards pour les
retraites et 4 milliards pour l’assurance maladie).
Arrive la Banque de France qui nous donne un déficit de
la balance des paiements de 22 milliards d’euros.
Face à cette situation, plutôt que de prendre les
mesures qui conviennent : mettre en cause ce qui a é
voté, soulager le pouvoir d’achat, relancer
l’investissement, permettre le redressement de la
compétitivité… Le gouvernement continue, notamment
avec un projet de loi de modernisation de l’économie qui
considère que, finalement, plus il y aura de grandes
surfaces, plus faible sera l’inflation, sans regarder que
jamais dans notre pays la concentration des grandes
surfaces alimentaires n’a été aussi grande et jamais le
dérapage des prix n’a été aussi fort, tant les
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phénomènes d’entente se sont hélas diffusés sur le
territoire.
Nous, nous proposons un pacte de croissance. Il est
aujourd’hui indispensable. Il doit à la fois soutenir
l’investissement par une modulation de l’impôt sur les
sociétés selon que les néfices sont redistribués ou
réinvestis. Il faut un pacte de croissance sur la
connaissance, la Recherche, l’Education. Pacte de
croissance sur l’écologie avec des mesures sur la
diversification de l’énergie, des économies…
Bref, il faut que le pays retrouve confiance. Faudra-t-il
pour autant des prélèvements supplémentaires ? Il
suffira de redéployer tout ce qui a éconsenti aux plus
favorisés, ou tout ce qui aura été allégement de
cotisations sociales. Car, à force d’avoir brisé les 35
heures comment justifier, aujourd’hui, qu’il y ait 20
milliards d’euros d’exonération de cotisations sociales
qui soient accordées aux entreprises sans aucune
contrepartie ? Il nous faudra aussi réutiliser cette
masse et l’affecter au financement de l’économie.
CONCLUSION
Au bout d’un an, la France est un pays qui s’est déjà
détourné de ceux qui le dirigent. C’est grave, car il y a
un doute profond sur le sens même de la politique. Mon
propos est grave, parce qu’il est rare de voir
l’impopularité s’ériger ainsi au sommet de l’Etat après
seulement un an. Mon propos est grave, parce qu’il y a
aujourd’hui un contexte international lourd, une crise
européenne qui empêche effectivement que puissent
être décidées à cette échelle-là les décisions pour
autant nécessaires. Mon propos est grave parce qu’il y a
une obstination de la majorité à poursuivre une politique
qui échoue.
C’est donc de nous que peut venir l’espérance, que
peuvent venir des solutions de redressement, que peut
venir aussi la préparation de l’alternative.
Nous avons peu pardu congrès, c’est pourtant l’enjeu
du rendez-vous que nous avons non pas entre
socialistes, mais du rendez-vous que les socialistes ont
avec les Français. Qu’ils prennent conscience qu’il ne
faudrait pas que dans ce moment il y a tant
d’éloignement à l’égard de la politique gouvernementale,
il y ait tant d’inquiétudes de notre côté. Donnons-nous
les moyens d’avoir un grand débat, un beau débat qui
fasse que nous essayons de rechercher ensemble les
réponses aux questions du moment, que nous nous
retrouvions avec une force de propositions communes
et que nous puissions préparer l’alternative.
Nous avons comme opposition fait notre travail. Nous
avons contesté ce qu’il fallait. Nous avons alerté. Nous
avons proposé. Mais il y a encore beaucoup plus à faire.
Il y a à donner corps à une nouvelle politique. Il y a à
donner un visage à celui ou à celle qui portera
l’espérance. Et il y a tout simplement un projet à
proposer pour le pays.
Chaque année, nous aurons ce rendez-vous de compte-
rendu de mandat. Et chaque année qui passera sera
moins sur le jugement à porter sur la politique du
moment que la préparation de la politique que nous
proposerons pour le pays demain.
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