Communication de Laurent Schaeffer : Contrôle de l’expression des gènes
musculaires par l’innervation motrice
Dans le muscle adulte, la majorité des protéines ayant une fonction synaptique
(comme le récepteur à l’acétylcholine) est spécifiquement localisée sous la terminaison
nerveuse. En effet, les gènes codant ces protéines (appelés gènes synaptiques) sont
spécifiquement exprimés par quelques noyaux situés directement sous la terminaison
nerveuse (noyaux sous-neuraux) alors qu’ils ne sont pas exprimés dans les noyaux
situés plus loin de la jonction neuromusculaire (noyaux extra-synaptiques). Cette
compartimentation de l’expression des gènes résulte de l’action conjointe de deux
mécanismes régulateurs contrôlés par l’innervation :
- Dans les noyaux sous-neuraux, les facteurs agrine er neurégulines activent les
récepteurs MusK, déclenchant une cascade de réactions moléculaires (voie MAPK)
aboutissant à la stimulation de l’expression des gènes synaptiques via le facteur de
transcription GABP.
- Dans les régions extra-synaptiques, l’activité électrique (due à la transmission
nerveuse) réprime l’expression de gènes, en particulier RACh, via une voie de
signalisation calcique.
D’après les travaux de Laurent Schaeffer, ces deux mécanismes impliquent le contrôle
de l’état de compaction de la chromatine* dans les noyaux musculaires sous-neuraux
et extra-synaptiques. En effet, lorsque l’ADN est condensé, il est moins accessible aux
facteurs de transcription et l’expression des gènes est inhibée. Par contre, lorsque
l’ADN est relâché, les gènes peuvent être transcrits.
*Dans les cellules eucaryotes, le matériel génétique est organisé en une structure
complexe constituée d'ADN et de protéines, localisé dans le noyau. Cette structure a
été baptisée chromatine (du grec khroma: couleur et sôma: corps). La chromatine peut
être plus ou moins compactée.
Syndromes myasthéniques congénitaux (SMC)
Les syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) constituent un groupe hétérogène
de maladies génétiques affectant la transmission neuromusculaire au niveau :
pré-synaptique : mutations du gène CHAT (choline acétyltransférase);
synaptique : mutations du gène COLQ (queue collagénique de
l'acétylcholinestérase) entraînant un déficit en AChE;
post-synaptique : mutations des gènes CHRNA1, CHRNAB1, CHRND, CHRNE
(sous-unités du récepteur de l’acétylcholine), RAPSN (rapsyne), SCN4A (canal
sodium musculaire), MUSK (récepteur tyrosine kinase musculaire).
La caractérisation des SMC comprend deux étapes : établir le diagnostic clinique puis
identifier et caractériser l’anomalie moléculaire.
Daniel Hantaï :
Réseau français sur les syndromes myasthéniques congénitaux
Les SMC sont des maladies héréditaires chroniques, rares et invalidantes, débutant
souvent dès l'enfance et pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Ils ont en commun
une anomalie de la transmission neuromusculaire qui s’exprime cliniquement par une
faiblesse musculaire accentuée par l’effort. Ils forment cependant un groupe
d’affections hétérogènes tant sur le plan clinique, de l’hérédité et des mécanismes
physiopathologiques qui les sous-tendent ce qui explique la difficulté d'un diagnostic
physiopathologique complet.
Nous avons mis sur pied en 2001 un réseau clinique et de recherche sur les SMC. Il
réunit des services cliniques de neuropédiatrie et de neurologie adulte et des
laboratoires de recherche spécialisés dans l'étude la jonction neuromusculaire
(tableau). Il a permis de développer pour la première fois en France l’approche et les
moyens nécessaires à une caractérisation des SMC qui repose sur la clinique,
l’électroneuromyographie, l’étude des jonctions neuromusculaire sur biopsie musculaire