Compte rendu des IIIèmes Journées SFM, Société Française de

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Compte rendu des IIIèmes Journées SFM,
Société Française de Myologie
20 & 21 octobre 2005 à Paris
Les IIIèmes Journées Annuelles de la Société Française de Myologie se sont déroulées à
l’Institut de Myologie à Paris.
Cette troisième édition consacrée au thème « jonction neuromusculaire, biologie et
pathologie » et organisée cette année par Daniel Hantaï sous la présidence de Michel
Fardeau, a réuni environ 140 médecins et chercheurs. La manifestation a débuté le jeudi 20
octobre par le groupe d’étude en myologie suivi d’une conférence donnée par Jacques Taxi
en l’honneur du Professeur René Couteaux, éminent spécialiste de la jonction
neuromusculaire. La deuxième journée s’est déroulée en trois temps : biologie de la
jonction neuromusculaire, syndromes myasthéniques congénitaux et myasthénie
autoimmune.
Biologie de la jonction Neuromusculaire
Au niveau de la jonction neuromusculaire, l'acétylcholine (ACh), neuromédiateur stocké
dans les vésicules synaptiques, est massivement libérée au moment de l’arrivée de
l’influx nerveux du motoneurone. L’ACh libérée traverse la lame basale et se fixe sur
les récepteurs à l'acétylcholine (RACh), qui s’ouvrent de manière transitoire. Lorsque la
dépolarisation de la membrane post synaptique atteint le seuil d’activation des canaux
sodiques du muscle, le potentiel d’action se propage alors à la surface de la fibre. C’est
la transmission synaptique.
La libération de calcium induite par cette dépolarisation provoque la contraction de la
fibre. Dans la fente synaptique, l'acétylcholine est rapidement dégradée par
l'acétylcholinestérase (AChE) permettant ainsi une contraction ultérieure.
Communication d’Eric Krejci : Cholinestérase et contrôle de la transmission
synaptique à la jonction neuromusculaire
Chez les mammifères, l’acétylcholine peut être hydrolysée par deux enzymes :
l'acétylcholinestérase (AChE) et la butyrylcholinestérase (BChE). Ces deux enzymes
possèdent des caractéristiques catalytiques différentes mais des mécanismes
moléculaires communs d’assemblage en oligomères.
Les travaux d’Eric Krejci ont montré que deux protéines, PRiMA et ColQ, sont capables
d’agencer des complexes tétramériques d’AChE et de BChE et de les adresser dans
deux compartiments de la jonction neuromusculaire : dans les lames basales postsynaptiques via ColQ et dans les membranes plasmiques via PRiMA.
Des manipulations génétiques chez la souris ont permis de supprimer le domaine
d’interaction (PRAD) de ColQ et de PRiMA avec les cholinestérases (entraînant une
absence des complexes) et d’en étudier les conséquences sur la localisation de l’AChE
dans la jonction neuromusculaire.
En absence de ColQ (modèle de myasthénie congénitale), le niveau d’AChE est très
faible et les RACh sont activés de manière répétitive. La BChE qui est toujours
accumulée dans ce mutant ne contrôle pas la durée d’activation des récepteurs mais
modulent les processus de libération de l’ACh. Ainsi, l’excès d’acétylcholine entraîne
non seulement des modulations post-synaptiques mais aussi des modifications
présynaptiques.
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La reproduction des textes est soumise à l’appréciation de l’AFM et des auteurs
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Communication de Laurent Schaeffer : Contrôle de l’expression des gènes
musculaires par l’innervation motrice
Dans le muscle adulte, la majorité des protéines ayant une fonction synaptique
(comme le récepteur à l’acétylcholine) est spécifiquement localisée sous la terminaison
nerveuse. En effet, les gènes codant ces protéines (appelés gènes synaptiques) sont
spécifiquement exprimés par quelques noyaux situés directement sous la terminaison
nerveuse (noyaux sous-neuraux) alors qu’ils ne sont pas exprimés dans les noyaux
situés plus loin de la jonction neuromusculaire (noyaux extra-synaptiques). Cette
compartimentation de l’expression des gènes résulte de l’action conjointe de deux
mécanismes régulateurs contrôlés par l’innervation :
- Dans les noyaux sous-neuraux, les facteurs agrine er neurégulines activent les
récepteurs MusK, déclenchant une cascade de réactions moléculaires (voie MAPK)
aboutissant à la stimulation de l’expression des gènes synaptiques via le facteur de
transcription GABP.
- Dans les régions extra-synaptiques, l’activité électrique (due à la transmission
nerveuse) réprime l’expression de gènes, en particulier RACh, via une voie de
signalisation calcique.
D’après les travaux de Laurent Schaeffer, ces deux mécanismes impliquent le contrôle
de l’état de compaction de la chromatine* dans les noyaux musculaires sous-neuraux
et extra-synaptiques. En effet, lorsque l’ADN est condensé, il est moins accessible aux
facteurs de transcription et l’expression des gènes est inhibée. Par contre, lorsque
l’ADN est relâché, les gènes peuvent être transcrits.
*Dans les cellules eucaryotes, le matériel génétique est organisé en une structure
complexe constituée d'ADN et de protéines, localisé dans le noyau. Cette structure a
été baptisée chromatine (du grec khroma: couleur et sôma: corps). La chromatine peut
être plus ou moins compactée.
Syndromes myasthéniques congénitaux (SMC)
Les syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) constituent un groupe hétérogène
de maladies génétiques affectant la transmission neuromusculaire au niveau :
 pré-synaptique : mutations du gène CHAT (choline acétyltransférase);
 synaptique : mutations du gène COLQ (queue collagénique de
l'acétylcholinestérase) entraînant un déficit en AChE;
 post-synaptique : mutations des gènes CHRNA1, CHRNAB1, CHRND, CHRNE
(sous-unités du récepteur de l’acétylcholine), RAPSN (rapsyne), SCN4A (canal
sodium musculaire), MUSK (récepteur tyrosine kinase musculaire).
La caractérisation des SMC comprend deux étapes : établir le diagnostic clinique puis
identifier et caractériser l’anomalie moléculaire.
Daniel Hantaï :
Réseau français sur les syndromes myasthéniques congénitaux
Les SMC sont des maladies héréditaires chroniques, rares et invalidantes, débutant
souvent dès l'enfance et pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Ils ont en commun
une anomalie de la transmission neuromusculaire qui s’exprime cliniquement par une
faiblesse musculaire accentuée par l’effort. Ils forment cependant un groupe
d’affections hétérogènes tant sur le plan clinique, de l’hérédité et des mécanismes
physiopathologiques qui les sous-tendent ce qui explique la difficulté d'un diagnostic
physiopathologique complet.
Nous avons mis sur pied en 2001 un réseau clinique et de recherche sur les SMC. Il
réunit des services cliniques de neuropédiatrie et de neurologie adulte et des
laboratoires de recherche spécialisés dans l'étude la jonction neuromusculaire
(tableau). Il a permis de développer pour la première fois en France l’approche et les
moyens nécessaires à une caractérisation des SMC qui repose sur la clinique,
l’électroneuromyographie, l’étude des jonctions neuromusculaire sur biopsie musculaire
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et l’identification de mutations dans les 9 gènes connus à ce jour, le dernier venant
d’être identifié par notre réseau.C’est ainsi qu’ont pu être étudiés les 100 patients
recensés alors dans la population française et une solution moléculaire a pu être
donnée pour 55 d'entre eux permettant un traitement adapté et, pour certains, un
conseil génétique.
Outre l'identification de mutations dans les 9 gènes connus, nous recherchons de
nouveaux gènes responsables des SMC dans l'ensemble des patients non caractérisés
actuellement. Ceci passe par une stratégie classique d'analyse liaison quand elle
s'avère possible mais surtout par une stratégie gène candidat qui repose sur l’étude en
parallèle des biopsies musculaires des patients et de leur ADN. Pour démontrer le
caractère pathogène des mutations nouvelles identifiées mais aussi dans la perspective
de nouvelles thérapeutiques, nous utilisons et développons des modèles d’expression
de ces mutations (modèles cellulaires et modèles murins).
Ce réseau s'appuie sur les centres de référence en pathologie neuromusculaire
nouvellement labellisés et réunit des équipes cliniques et des groupes de recherche de
très haut niveau. Il permet tout à la fois de développer les outils diagnostiques et les
modèles expérimentaux seuls à même de parvenir à une caractérisation complète des
SMC afin d’autoriser un traitement adapté et de donner un conseil génétique approprié
aux patients.
EQUIPES CLINIQUES
PARIS
Bruno Eymard, Michel Fardeau,
Pitié-Salpêtrière
Pascale Richard, Pitié-Salpêtrière
Michèle Mayer, St Vincent de
Paul
GARCHES
Brigitte Estournet, Raymond
Poincaré
Bernard Clair, Raymond Poincaré
LE PLESSIS-ROBINSON
Philippe Dartevelle, MarieLannelongue
LILLE
Tanya Stojkovic, Roger Salengro
LYON
Guy Chauplannaz, Hôpital
Neurologique
MARSEILLE
Jean Pouget, La Timone
MONTPELLIER
Bernard Echenne, St Eloi
NICE
Claude Desnuelle, L’Archet
STRASBOURG
Christine Tranchant, Hôpitaux
Universitaires
TUNIS
Fayçal Hentati, La Rabta
TOKYO
Makiko Osawa, Tokyo’s Women
University Hospital
GROUPES DE RECHERCHE
PARIS
Daniel Hantaï, INSERM U582,
Pitié-Salpêtrière
Eric Krejci, Claire Legay, ENS
Paris
Pierre Jean Corringer, CNRS URA
2182, Institut Pasteur
GIF sur YVETTE
Jordi Molgo, CNRS UPR 9040
Takeshi Shimahara, CNRS UPR
9040
LYON
Laurent Schaeffer, ENS/CNRS
UMR 5665
HEIDELBERG
Veit Witzemann, Max Planck
Institut
VIENNE
Ruth Herbst, Wien Universität
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Communication d’Emmanuel Fournier : Diagnostic EMG des syndromes
myasthéniques congénitaux
L’objectif de l’électromyographie est de mettre en évidence les anomalies de la
transmission nerveuse et de les caractériser afin d’orienter le diagnostic moléculaire et
de guider le choix thérapeutique. Certains signes caractéristiques à l’EMG sont
évocateurs d’un certain type de SMC : les réponses motrices répétitives sont le signe
d’une SMC avec excès de fonction de la jonction neuromusculaire (contre indication
aux anti-cholinestérasiques) alors qu’un décrément isolé à 3Hz (sans dédoublement
des réponses motrices) évoque plutôt un phénotype de défaut de fonction de la
jonction neuromusculaire (orientation vers un traitement anti-cholinestérasique).
L’étude électromyographique a porté sur 77 patients examinés pour suspicion de
syndrome myasthénique congénital (SMC).
Des réponses motrices répétitives ont été caractérisées chez 9 d’entre eux. L’analyse
moléculaire a révélé que 4 de ces patients étaient porteurs de mutations du gène COLQ
(déficit en cholinestérase) et 3 de mutations responsables de syndrome du canal lent,
ce qui correspond effectivement à un gain de fonction de la JNM. Le diagnostic
génétique a donc confirmé à 78% des résultats prédictifs de l’EMG.
Chez 46 autres patients, l’EMG a mis en évidence un décrément à la stimulation
répétitive 3 Hz, sans dédoublement des réponses motrices, orientant vers un défaut de
la jonction neuromusculaire. L’analyse moléculaire a confirmé à 45% ces prédictions :
mutations responsables de déficits en récepteur à l’acétylcholine (10 patients), rapsyne
(9 patients) et MuSK (1 patient).
Chez un certain nombre de patients souffrant essentiellement d’une faiblesse
musculaire proximale (soit une présentation plus myopathique que myasthénique),
l’examen EMG a révélé des anomalies de transmission neuromusculaire insoupçonnées.
D’après ces résultats, un des objectifs de l’EMG serait de rechercher un SMC chez des
cas myopathiques sans explication évidente.
Signes à l’EMG
Réponses motrices
répétitives
Décrément isolé à 3Hz
(sans dédoublement
des réponses
motrices)
Type de SMC
évoqué
SMC avec excès de
fonction de la jonction
neuromusculaire
SMC défaut de
fonction de la jonction
neuromusculaire
Orientation du
traitement
Contre indication aux
anticholinestérasiques
Anticholinestérasiques
Communication de Pascale Richard : Génétique des Syndromes
Myasthéniques Congénitaux (SMC) : de la mutation privée à l’effet fondateur
Les études génétiques dans les syndromes myasthéniques sont récentes et ont déjà
montré l’existence d’une importante hétérogénéité génétique.
- Très peu de mutations du gène CHAT codant la Choline Acétyl transférase ont été
identifiées dans les formes présynaptiques.
- Dans les formes synaptiques avec déficit en acétylcholine, des mutations du gène
COLQ codant la queue collagénique de l’acétylcholinestérase sont retrouvées
fréquement.
Dans les SMC postsynaptiques, 20% des patients sont mutés dans CHRNE (sous unité
epsilon du récepteur de l’acétylcholine) et 20% dans RAPSN (rapsyne).
De très nombreuses mutations sont décrites dans ces gènes et dans la grande majorité
des cas, chaque famille ou patient présente sa propre mutation, suggérant qu’il s’agit
de « mutations privées ». Cependant, quelques mutations sont retrouvées avec une
plus grande fréquence dans certaines populations, et montrent l’existence d’un effet
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fondateur. Il s’agit entre autre de la mutation I336T de CHAT dans des familles
d’origine turque, la mutation G240X de COLQ qui aurait un effet fondateur au Moyen
Orient, la mutation gitane 1267delG dans CHRNE et la mutation N88K dans RAPSN qui
a un effet fondateur d’origine indo-européenne.
Pascale Richard et son équipe ont montré que la mutation 1293insG de CHRNE est très
souvent présente chez les patients originaires du pourtour méditerranéen (60%) par
rapport à l’ensemble des mutations de ce gène chez des patients Européens (20%).
L’analyse d’une cohorte de patients porteurs de cette mutation a montré l’existence
d’un effet fondateur dans ces populations.
Dans un objectif diagnostique, la recherche directe de cette mutation chez des patients
issus du pourtour méditerranéen permet une identification rapide de l’anomalie
moléculaire en cause.
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Communication de Thierry Kuntzer : Aspects phénotypiques d’un syndrome
myasthénique congénital (SMC) dû à des mutations du gène COLQ
Thierry Kuntzer a discuté les manifestations cliniques et électrophysiologiques d’un
patient de 45 ans ayant un syndrome myasthénique congénital s'exprimant par une
parésie appendiculaire asymétrique et respiratoire, et s’étant révélé porteur d’une
double mutation hétérozygote du gène COLQ; une amélioration motrice par la prise
d’éphédrine est espérée.
Par ailleurs, des observations cliniques de patients présentant un SMC ont été
présentées par Thierry Kuntzer et Tanya Stojkovic. L'effet bénéfique apparemment
paradoxal de la 3,4-diaminopyridine chez les patients présentant une mutation dans le
gène COLQ a été discuté.
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Myasthénie autoimmune
La myasthénie autoimmune est une maladie multifactorielle. La plupart des sujets
atteints de myasthénie autoimmune (plus de 80%) fabriquent des auto-anticorps se
fixant sur les récepteurs de l'acétylcholine. En conséquence l'acétylcholine ne peut plus
se fixer au niveau de la membrane musculaire et la commande ne passe plus du nerf
vers le muscle. Parmi les personnes qui ne présentent pas d'anticorps anti-RACh, 41%
ont des anticorps anti-MuSK. MuSK est un récepteur tyrosine-kinase spécifique du
muscle, qui joue un rôle important dans le développement et la stabilité de la
membrane musculaire. Les personnes atteintes de myasthénie avec anticorps antiMuSK se différencient des autres par la résistance au traitement par anticholinestérasiques. Il existe enfin des patients atteints de myasthénie sans anticorps
anti-RACh et sans anticorps anti-MuSK.
Communication de Henri-Jean Garchon : Association génétique de la sousunité alpha du récepteur à l’acétylcholine dans la myasthénie autoimmune
Bien que la myasthénie autoimmune ne soit pas une maladie héréditaire, le rôle de
facteurs génétiques prédisposants ou au contraire protecteurs est maintenant bien
reconnu. Leur étude est toutefois complexe. En effet, d’une part, il s’agit en général de
polymorphismes communs qui sont également présents dans la population générale,
chez des personnes non malades. D’autre part, un phénomène génétique très répandu,
appelé déséquilibre de liaison, qui consiste en l’association préférentielle d’allèles de
gènes voisins, empêche de discriminer aisément les effets de locus proches.
L’association du complexe HLA dans la forme de myasthénie la plus fréquente, celle
touchant des femmes jeunes et associée à une hyperplasie du thymus, est connue
depuis longtemps. Le travail récent de Claire Vandiedonck (équipe de H-J Garchon) a
démontré pour la première fois, grâce à une analyse avec une première carte de
marqueurs de résolution intermédiaire (1 marqueur pour 100 000 bases), la complexité
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du rôle du complexe HLA mais aussi l’importance de son effet dans cette forme de la
maladie. Ces travaux ouvrent la voie à l’analyse à haute résolution de la région (1
marqueur pour 4000 bases) avec la dernière génération de puces à ADN.
Matthieu Giraud (équipe de H-J Garchon en collaboration avec David Beeson à Oxford
et Bruno Kyewski à Heidelberg) a quant à lui étudié de façon exhaustive le gène
CHRNA1 qui code la sous-unité alpha du récepteur musculaire de l’acétylcholine, cible
de la réaction autoimmune chez la majorité des patients myasthéniques. Il a identifié
un polymorphisme situé dans la région promotrice du gène qui est associé à un âge de
début très précoce de la maladie dans deux populations indépendantes, l’une française,
l’autre anglaise. Il a ensuite montré que ce polymorphisme était fonctionnel et altérait
la voie de signalisation des interférons (molécules du système immunitaire appartenant
à la famille des cytokines et principalement impliquées dans la défense contre les
virus), suggérant pour la première fois le rôle de cette voie dans l’établissement de la
tolérance immunitaire.
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Conférence de Sonia Berrih-Aknin : Mécanismes pathogéniques et
inflammatoires dans le thymus de malades atteints de myasthénie
Les jeunes malades atteints de myasthénie ont très fréquemment un thymus
hyperplasique caractérisé par la présence de centres germinatifs contenant des cellules
B produisant entre autres des anticorps anti-RACh. L’équipe de Sonia Berrih-Aknin
s’intéresse aux mécanismes qui conduisent à l’hyperplasie thymique. Grâce à une
approche par puces à ADN, cette équipe a mis en évidence des signes d’inflammation
refletés par une augmentation d’expression de nombreux gènes régulables par les
interferons alpha et gamma. En parallèle, une étude des cellules régulatrices (Treg) a
montré un défaut sévère de la fonction de ces cellules dans les thymus de malades.
Dans la mesure où les Treg ont pour fonction de réguler négativement la réponse
immune, le défaut de ces cellules chez les malades peut expliquer la chronicité de
l’inflammation et l’activation des cellules thymiques. Le scénario proposé est que lors
d’une activation antigénique banale dans le thymus, les Treg étant défectueuses, la
réponse immunitaire s’amplifie au lieu de décroître, entraînant une réponse
autoimmune vis-à-vis d’antigènes thymiques et notamment vis-à-vis du RACh dont la
présence thymique a été clairement démontrée.
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Communication de Laurent Delpy : Le traitement aux oestrogènes
augmente la sévérité de la myasthénie autoimmune expérimentale (sur un
modèle animal)
Deux données importantes ont poussé les chercheurs de l’équipe de Jean-Charles
Guéry à étudier le rôle des hormones sexuelles telles que les oestrogènes dans les
mécanismes autoimmuns :
1/ de nombreuses maladies autoimmunes dont la myasthénie sont plus fréquentes
chez les femmes que chez les hommes.
2/ il existe des variations dans la sévérité de la maladie durant la grossesse.
Laurent Delpy a ainsi étudié l’effet d’un œstrogène, le 17-beta oestradiol (E2), sur le
développement de la myasthénie autoimmune expérimentale (MAE) chez la souris. Ces
travaux ont montré que le traitement à l’E2 augmente la sévérité de la MAE. Cette
aggravation de la myasthénie autoimmune chez les animaux traités à l’E2 est due à
une amplification de la réponse immunitaire contre le récepteur à l’acétylcholine
(augmentation de la synthèse de cytokines proinflammatoires par les lymphocytes Th1
et de la production d’auto-anticorps anti-RACh par les lymphocytes B).
Ces résultats constituent la première mise en évidence d’un effet aggravant des
oestrogènes dans la myasthénie autoimmune chez l’animal ; ils pourraient permettre
en outre d’expliquer l’atteinte préférentielle des femmes dans de nombreuses maladies
autoimmunes dont la myasthénie.
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Communication de Murielle Dunand : Myasthénie grave (MG) à Lausanne:
facteurs de non-amélioration
A partir d’un cas difficile d’intolérance thérapeutique, l’équipe de Thierry Kuntzer s’est
interrogée quant à la fréquence et causes d’évolutions «non-satisfaisantes» de MG. Les
différentes classifications de la Myasthenia Gravis Foundation of America (MGFA) ont
été utilisées dans cette étude prospective; 41 patients inclus avec un suivi moyen de 6
ans, répartis de manière homogène dans la classification de sévérité. La majorité
(88%) avaient des anticorps anti-RACh; 20% des séronégatifs des anticorps antiMuSK. L’évolution «non-satisfaisante», cotée par le MGFA PostIntervention Status,
atteignait 50% des patients; dans 2/3 des cas, les non-satisfactions auraient pu être
prévenues (sous-dosages ou complications simples du traitement). Ces résultats
n’étaient pas attendus, ni comparables en l’absence d’une littérature similaire. Cette
étude renforce l’idée de la nécessité à un suivi régulier et spécialisé des MG.
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Communication de Pascal Laforêt : Forme sévère de myasthénie néonatale
chez l’enfant d’une femme suivie pour une myasthénie séronégative
P. Laforêt a rapporté le cas d’une patiente âgée de 26 ans présentant une diplopie et
un ptosis fluctuants depuis l’âge de 22 ans. L’examen EMG n’avait pas révélé de bloc
de transmission neuromusculaire, la recherche d’anticorps anti-RACh était négative et
le scanner thymique était sans particularité. Le premier diagnostic posé était une
myasthénie. L’absence d’amélioration des symptomes avec un traitement
anticholinestérasique a orienté les médecins vers une corticothérapie qui s’est montrée
efficace. Mais, la patiente est devenue corticodépendante. La première grossesse de la
patiente, à l’âge de 26 ans, s’accompagna d’une rémission de la myasthénie, mais fut
marquée par la survenue d’un hydramnios au cours des dernières semaines. Une
césarienne fut pratiquée au terme de 38 semaines pour kyste de l’ovaire, et l’enfant
présenta d’emblée une hypotonie, un stridor et des troubles respiratoires nécessitant
une intubation. L’extubation de l’enfant put être effectuée à 6 semaines de vie, après
deux cures d’immunoglobulines intraveineuses. L’examen clinique de l’enfant à 11 mois
montrait la persistance d’une paralysie laryngée partielle, sans retard des acquisitions
psychomotrices. La gravité des symptômes observés chez l’enfant ainsi que l’absence
d’anticorps anti-RACh chez la mère et son fils, ont conduit à envisager la possibilité
d’un syndrome myasthénique congénital. Des analyses supplémentaires ont en fait
révélé la présence d’anticorps anti-MuSK chez la mère et son enfant, confirmant le
diagnostic de myasthénie autoimmune. Il s’agit pour l’enfant d’une forme de
myasthénie autoimmune néonatale.
La myasthénie autoimmune néonatale représente 10% des nouveaux nés de mères
myasthéniques.
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Conférence de Angela Vincent : mécanismes autoimmuns dans la
myasthénie autoimmune
Il existe différentes formes de myasthénies autoimmunes aboutissant aux mêmes
symptômes cliniques, fatigabilité et faiblesse musculaires, mais sous-tendues par des
mécanismes pathogéniques distincts. Le groupe du Professeur Angela Vincent a joué
un rôle capital dans la mise en évidence et la compréhension de ces différents
mécanismes.
La myasthénie autoimmune ou myasthenia gravis (MG) est associée dans la majorité
des cas à la présence d’anticorps sériques anti-RACh (MG-RACh), très spécifiques et
pathogènes. La maladie peut débuter à tous les âges mais, du fait du vieillissement de
la population, l'on observe un nombre croissant de patients présentant leurs premiers
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signes après l’âge de 60 ans. Les anticorps anti-RACh agissent par des mécanismes
combinés de lyse médiée par le complément de la membrane post-synaptique et d’une
dégradation accrue des RACh. Le thymus est souvent anormal, le siège d’une
hyperplasie folliculaire chez des patientes jeunes, ou d’un thymome. Ces anomalies
jouent certainement un rôle, encore mal compris, dans l’apparition des anticorps. Les
traitements immunosuppresseurs habituellement utilisés donnent de bons résultats
dans la majorité des cas.
Dans le sérum de mères dont l'enfant développe une arthrogrypose congénitale
généralisée, les anticorps inhibent directement la fonction de la sous-unité gamma du
RACh, qui est spécifique du RACh de type fœtal. Ces anticorps causent une paralysie
fœtale et une hypoplasie des poumons. Par extension, il se pourrait que d'autres
anticorps sériques maternels dirigés contre des antigènes neuronaux ou musculaires
soient à l'origine du développement fœtal anormal de certains enfants.
Une autre forme de myasthénie autoimmune est caractérisée par l’absence d’anticorps
anti-RACh mais aussi, comme l’a découvert le groupe du Professeur Angela Vincent,
par la présence d’anticorps anti-MuSK (MG-MuSK). Le mécanisme d’altération de la
transmission neuromusculaire par les anticorps anti-MuSK n'est pas clair. Une des
difficultés vient de ce que les muscles bulbaires et de la face qui sont le plus
sévèrement atteints et deviennent souvent atrophiques, sont difficiles à étudier in
vitro. Le thymus est généralement normal. Les traitements immunosuppresseurs sont
globalement efficaces, bien que les stéroïdes ne le soient pas toujours. Des résultats
expérimentaux préliminaires obtenus dans des modèles de culture cellulaire suggèrent
que les anticorps anti-MuSK agissent par un mécanisme indépendant du complément
et entraînent une surexpression des gènes de l’atrophie musculaire. Les stéroïdes
pourraient également jouer un rôle dans l’atrophie musculaire.
Enfin, il existe des patients sans anticorps anti-RACh et sans anticorps anti-MuSK (MG
séronégative). Dans ces cas-là, le diagnostic peut s’avérer difficile malgré l’aide
précieuse de l’EMG. Le sérum de ces patients provoque une désensibilisation du RACh
dans des modèles de culture cellulaire, qui serait due à des IgM plutôt qu à des IgG
comme dans la forme commune de MG. Leur thymus ressemble à ceux des MG-RACh.
Une hypothèse est qu’il s’agisse d’anticorps anti-RACh mais de faible affinité.
Ces différentes formes de MG illustrent la diversité des mécanismes auto-immuns
sous-jacents, conduisant pourtant à des symptômes cliniques similaires, ainsi que les
mécanismes compensateurs qui surviennent à la jonction neuromusculaire et les
fondements à l'origine de leur importante diversité phénotypique.
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