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Compte rendu du 6ème colloque
franco-japonais : Dystrophies
musculaires : nouvelles avancées vers
les thérapies
1-2 juillet 2005, Institut de Myologie, Hôpital Pitié-
Salpêtrière, Paris
Cette 6e édition a eu lieu sous la présidence conjointe des professeurs M. Fardeau et H. Sugita.
Elle marque un tournant vers les thérapeutiques et a permis de nombreux échanges entre les deux
communautés de chercheurs.
Bref rappel historique
En 1995, eut lieu à Tokyo un colloque scientifique organisé conjointement par R. Whalen et S.
Takeda afin de promouvoir la coopération franco-japonaise dans le domaine de la thérapie génique
des maladies neuromusculaires. A la suite de cette manifestation, il fut décidé d’organiser
conjointement un colloque en alternance à Tokyo et à Paris. Les premiers échanges ont porté
naturellement sur des thématiques de myologie fondamentale et sur les dystrophies musculaires
congénitales, où il y avait une communauté évidente d'intérêt. Beaucoup de médecins et
scientifiques nippons de grand renom dont Y. Fukuyama et K. Arahata ont pu ainsi développer des
liens de collaboration mais aussi d’amitié avec leurs homologues français.
Dix ans après ...
Dix ans après le premier colloque franco-japonais de myologie, le 6ème du nom a réuni environ 80
chercheurs des deux pays à l'Institut de Myologie à Paris les 1er et 2 juillet derniers. Les échanges
sont toujours aussi intenses et fructueux, la priorité étant désormais donnée aux thèmes à portée
thérapeutique, un domaine de prédilection où de nombreuses passerelles existent entre les deux
pays, au plus grand bénéfice des patients.
Force est enfin de constater que la relève des pères fondateurs est désormais assurée grâce à la
nouvelle génération de chercheurs parmi lesquels Gisèle Bonne (Inserm 582, Institut de Myologie)
et Ikuya Nishino (Department of Neuromuscular Research, National Institute of Neuroscience,
National Center of Neurology and Psychiatry, Tokyo) qui ont accepté d’organiser la prochaine
réunion.
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Compte rendu de la journée du vendredi 1er juillet
Avancées génétiques dans les syndromes myasthéniques congénitaux
Les syndromes myasthéniques congénitaux (SMC) sont des maladies caractérisées par un
dysfonctionnement de la transmission de l'influx nerveux au niveau de la jonction neuromusculaire,
entraînant une faiblesse et une fatigabilité des muscles.Ces dernières années, de nombreux gènes
ont été identifiés pour ce groupe de maladies tels que le gène de la choline acétyltransférase
(CHAT), le gène COLQ codant une sous-unité de l’achétylcholineestérase, et les gènes des
différentes sous-unités du récepteur à l’acétylcholine (RACh).
Le chercheur Kinji Ohno (lequel partage son temps entre le Japon et la Mayo Clinic de Rochester
dans le Minnesota) a présenté les dernières découvertes de son laboratoire. Son équipe a identifié
de nouvelles mutations dans les gènes COLQ et CHRNE (sous unité de RACh) qui entraînent une
altération de l’épissage*. Leur estimation a indiqué que plus de 20% des mutations faux-sens
affectaient les sites d’épissage, alors que les autres études avaient obtenu un résultat beaucoup
plus faible.
* L’épissage est un mécanisme moléculaire qui transforme le pré-ARN issu du noyau en ARN
messager mature.
Communication de Kinji Ohno, Splicing abnormalities in congenital myasthenic syndromes
Cette première conférence a été suivi par l’intervention de Daniel Hantaï, chercheur à l’unité Inserm
582 (Institut de Myologie, Paris) lequel a rapporté les travaux du réseau français sur les SMC. Les
chercheurs français ont, notamment, et pour la première fois au monde, rapporté le cas d'une
patiente de 27 ans atteinte d'un SMC et portant deux mutations différentes sur le gène MUSK
(muscle-specific receptor tyrosine kinase). Dès la naissance, la patiente avait développé une
détresse respiratoire et un ptosis. A l'âge de 22 ans, les symptômes se sont aggravés avec une
faiblesse généralisée des muscles des membres inférieurs et supérieurs. La protéine MUSK joue
un rôle clef dans la formation de la jonction neuromusculaire.
Communication de Daniel Hantaï, Pathophysiological characterization of congenital
myasthenic syndromes : the example of mutations in the MUSK gene.
Implication de la sélénocystéine dans les sélénopathies
On distingue aujourd’hui trois myopathies à début précoce liées à des mutations dans le gène de la
sélénoprotéine N (SEPN1) : la dystrophie musculaire à colonne raide ou rigid spine - (RSMD), la
myopathie congénitale à multi-minicore et la myopathie liée à la desmine avec corps de Mallory.
Ces trois maladies constituent une nouvelle entité nosologique regroupées sous le terme de
sélénopathies ou les myopathies liées à SEPN1. La sélénoprotéine N contient un résidu
sélénocystéine qui est inséré dans le codon UGA de l’exon 10. Etonnamment, ce codon UGA n’est
pas lu comme un codon stop classique. Ce phénomène est dû à des séquences spécifiques telles
que SECIS (sec insertion sequence : site d’insertion de la sélénocystéine) qui donnent une
structure très particulière à l’ARN (stem-loop structures), empêchant sa lecture par le ribosome.
Pascale Guicheney (Inserm U582, Institut de Myologie) a présenté les travaux d’une collaboration
française sur 80 patients atteints de sélénopathies. Sur les 48 mutations identifiées, les chercheurs
en ont découvert plusieurs qui affectent les structures stem-loop de l’ARN. Les résultats suggèrent
que ces mutations empêchent la formation de ces structures en boucle et par conséquent
l’incorporation de la sélénocystéine et la synthèse de la sélénoprotéine. Cette hypothèse avancée
par les chercheurs français représente un nouveau mécanisme physiopathologique des
sélénopathies.
Communication de Pascale Guicheney, New mutations altering the co-translational
incorporation of the selenocysteine residue into selenoprotein N.
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Avancée dans la compréhension du mécanisme physiopathologique des DMC
Des découvertes récentes ont permis d’établir un groupe de dystrophies musculaires congénitales
(DMC) caractérisées par un déficit en glycosylation de l’alpha-dystroglycane (alphaDG): la
dystrophie musculaire de Fukuyama (gène de la fukutine), le syndrome MEB ou muscle-œil-
cerveau (gène POMGnT1), le syndrome de Walker-Warburg (gène POMT1) et la DMC 1C (gène
LARGE). Cependant seuls les gènes POMGnT1et POMT1 possèdent une activité
glycosyltransférase intrinsèque (nécessaire à la glycosylation de l’alphaDG).
Tatsushi Toda (Département de Génétique Médicale, UFaculté de Médecine d’Osaka) a présenté
les derniers travaux de son équipe dans ce domaine. Les chercheurs japonais ont montré que la
fukutine est capable d’interagir avec POMTGnT1, de former un complexe avec elle et de moduler
ainsi son activité enzymatique. En effet, en l’absence de la fukutine, l’activité glycosyltransférase de
la POMGnT1 diminue d’environ 30%. Ces résultats permettent d’expliquer l’implication de la
fukutine dans la glycosylation de l’aphaDG.
Communication de Tatsushi Toda, Fukutin interacts with and modulates POMGnT1
Nouveautés cliniques
Peu étudiées, les interactions entre le muscle et les articulations sont pourtant importantes à
considérer notamment dans le cadre du diagnostic différentiel de certaines pathologies
neuromusculaires. J. Andoni Urtizberea (AFM, Institut de Myologie, Paris) a présenté deux
nouveaux cas cliniques intéressants caractérisés à la fois par une atteinte articulaire et par une
atrophie musculaire atypique mais indiscutable, l’un des deux cas ayant été étudié en collaboration
avec l’équipe de I. Nishino à Tokyo. Les analyses moléculaires ont permis d’établir un diagnostic de
dysplasie spondyloépiphyséale tardive (gène WISP3) chez le premier patient et celui d’une
hyalinose systémique infantile (gène CMG2) dans le deuxième cas.
Communication de J. Andoni Urtizberea, Enlarged joints and muscle weakness : two
paradigmatic case reports.
Mécanisme physiopathologique de la myopathie distale avec vacuoles bordées
La myopathie distale avec vacuoles bordées (DMRV), nommée aussi myopathie de Nonaka ou
myopathie héréditaire avec corps d’inclusions (h-IBM) est caractérisée par la présence de vacuoles
bordées et de fibres musculaires de taille variable. Cette maladie est due à des mutations dans le
gène GNE, une enzyme nécessaire à la synthèse de l’acide sialique. Dans une étude présentée par
Ichizo Nishino (Institut National des Neurosciences, Tokyo), les chercheurs ont identifié des
mutations de GNE chez 60 patients atteints de h-IBM. Etonnamment, le muscle cardiaque et la
substance blanche du cerveau étaient également touchés chez certains patients. Aucune
corrélation phénotype-génotype n’a été observée. Des expériences in vitro ont indiqué que les
mutations de GNE induisaient une diminution de l’activité enzymatique et une hyposialilation des
myotubes, suggérant que ce phénomène pourrait jouer un rôle physiopathologique dans l’HIBM.
Communication de Ichizo Nishino, Distal Myopathy with rimmed vacuoles : molecular
pathomechanism.
Développement d’un modèle animal du syndrome de Schwartz-Jampel
Le syndrome de Schwartz-Jampel (SSJ) est une maladie héréditaire caractérisée par une myotonie
et une chondrodysplasie précoce. Cette pathologie est due à des mutations dans le gène perlecan,
qui code une protéine de la lame basale. Contrairement aux autres syndromes myotoniques, le SSJ
n’est donc pas associé à une altération d’un canal ionique voltage dépendant. Sophie Nicole
(INSERM U546, Faculté de Médecine de la Pitié-Salpêtrière, Paris) a exposé les travaux de son
équipe visant à expliquer le lien entre un défaut d’un composant de la lame basale et
l’hyperexcitabilité du muscle squelettique. Pour cela, les chercheurs ont établit une corrélation
phénotype-génotype chez 35 patients atteints de SSJ (26 mutations identifiées). En outre, un
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modèle murin de la SSJ portant une mutation homozygote du gène perlecan, est actuellement à
l’étude.
Communication de Sophie Nicole, Schwartz-Jampel syndrome and perlecan mutations :
genotype-phenotype correlation and development of an animal model.
Compte rendu de la journée du samedi 2 juillet
Progrès dans la technique du saut d’exon
La technique du saut d’exon par l’utilisation d’oligonucléotides (ONt) anti-sens représente une
nouvelle stratégie thérapeutique très prometteuse qui restaure l’expression de la dystrophine dans
des modèles cellulaires et animaux de la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). Le Professeur
Matsuo (Service de Pédiatrie, CHU de Kobe, Japon) a présenté les avancées récentes de son
équipe dans ce domaine. Il a mis au point des ONt anti-sens chimériques combinant un ARN et un
acide nucléique d’un nouveau type appelé ENA (ethylene nucleic acids). Testés dans des myocytes
provenant de patients atteints de DMD, les chimères ARN/ENA ont induit efficacement le saut de
l’exon 41 ou 45, entraînant ainsi l’expression de la dystrophine. A noter enfin que le seul patient
actuellement traité par son équipe par ONt depuis plus d’un an ne montre pas d’amélioration sur le
plan clinique.
Communication de Masafumi Matsuo, Chimeric RNA/ethyene bridged nucleic acids promote
dystrophin expression in myocytes of Duchenne muscular dystrophy by inducing exon
skipping.
Sur la voie des essais cliniques pour le saut d'exon dans la dystrophie musculaire de
Duchenne
La dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) est une maladie neuromusculaire due à des
mutations dans le gène de la dystrophine. Dans environ 75% des cas, la mutation entraîne un
décalage du cadre de lecture aboutissant à la synthèse d'une protéine non fonctionnelle. Le saut
d'exon (exon-skipping) a pour objectif de supprimer la partie du gène comprenant la mutation afin
de rétablir le cadre de lecture et de permettre à la cellule de fabriquer la protéine manquante (la
dystrophine). Récemment, Luis Garcia et son équipe (Généthon à Evry) ont réussi grâce à cette
technique du saut d'exon à rétablir la production d'une dystrophine tronquée mais fonctionnelle chez
la souris mdx. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé un vecteur AAV (adeno associated Virus) qui
a permis d'introduire dans la cellule le gène U7 produisant un petit ARN (du noyau cellulaire). Celui-
ci va masquer l'exon 23 défectueux chez la souris mdx et rétablir ainsi le cadre de lecture dans la
cellule. Après injection intra-musculaire ou perfusion intra-artérielle de ce couple AAV-U7 chez la
souris mdx, l'expression de la dystrophine a été restaurée dans la plupart des fibres musculaires.
Un an après, le niveau d'expression de la protéine est toujours stable. En outre, les capacités
motrices des animaux traités étaient équivalentes à celles des animaux sains : restauration des
propriétés mécaniques et contractiles des fibres musculaires.
L'équipe de Généthon a commencé à appliquer cette même technique du saut d'exon chez le chien
GRMD (modèle de la DMD). Il est à noter que chez ce modèle animal, il est nécessaire de « sauter
» plusieurs exons (saut multi-exons) pour rétablir le cadre de lecture. Les premiers résultats par
injection intramusculaire de vecteurs AAV(U7) sont très prometteurs en termes d'efficacité
(plusieurs milliers de fibres musculaires restaurées au site d'injection) et de tolérance (absence de
réponse immunitaire). Ces résultats majeurs permettent d'envisager à présent l'application du saut
d'exon thérapeutique chez l'homme.
Communication de Luis Garcia. Highly efficient exon-skipping and sustained correction of
muscular dystrophy using an Adeno-Associated Viral vector.
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Réponse immunitaire lors d’un transfert de gène via AAV dans des muscles
squelettiques
Le transfert de gène par un vecteur AAV (associated adeno virus) est une des approches
thérapeutiques très étudiée dans la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). Si les études chez
l’animal ont donné des résultats encourageants, il est important de tester l’innocuité et la tolérance
de ce type de traitement chez des grands animaux, avant de passer à des essais cliniques chez
l’homme. C’est dans ce sens que Shin’ichi Takeda (Département de Thérapie Moléculaire, Institut
National de Neurosciences, Tokyo) a présenté les travaux de son équipe. Les chercheurs ont
injecté le vecteur AAV-2 couplé au gène rapporteur lacZ dans des muscles squelettiques de chiens
normaux/sains. Les résultats ont montré une faible efficacité de transduction et une infiltration
cellulaire importante, signe d’une réaction excessive du système immunitaire. D’après les
chercheurs japonais, il est très important de clarifier ces phénomènes immunitaires avant
d’envisager un traitement chez les patients atteints de DMD.
Communication de Shin’ichi Takeda, AAV vector mediated micro-dystrophin transfer into
dystrophin-deficient skeletal muscle
Nouvelle piste thérapeutique dans une sarcoglycanopathie
La myopathie des ceintures de type 2D (LGMD 2D) est due à des mutations dans le gène de
l’alpha-sarcoglycane (α-SG). Cette protéine transmembranaire, participe à la structure des fibres
musculaires. L’epsilon-sarcoglycane (ε-SG) est une protéine homologue de l’α-SG musculaire. Son
expression pourrait donc compenser les modifications pathologiques de l’α-SG. Les travaux
présentés par Michihiro Imamura (Institut National des Neurosciences, Tokyo) ont confirmé cette
hypothèse. Les chercheurs ont créé des lignées de souris transgéniques surexprimant l’ε-SG dans
les muscles squelettiques. Chez ces animaux, la surexpression de l’ε-SG a induit une substitution
de l’α-SG par l’ε-SG dans le complexe "sarcoglycanes" du muscle squelettique, sans provoquer
d’anomalies significatives. De plus, la sur-expression de l’ε-SG chez les souris LGMD 2D
déficitaires en α-SG améliore le phénotype musculaire : moins de dystrophie musculaire, pas de
dommage de la membrane cellulaire du muscle squelettique, ni de contractions anormales. La sur-
expression de l’ε-SG représente donc une stratégie thérapeutique prometteuse dans la LGMD 2D.
Communication de Michihiro Imamura, Increased ε-sarcoglycan expression ameliorates
muscular dystrophy in α-sarcoglycan deficient mice, a model for LGMD2D.
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