spondylodiscite brucellienne revelee par un syndrome

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SPONDYLODISCITE BRUCELLIENNE REVELEE PAR UN
SYNDROME DE LA JONCTION PYELO-UERERALE
Lakhdar. Fayçal, Laghmari. Mehdi, Gana. Rachid, El Maaqili M.Rachid,
Bellakhdar. Fouad
Service de neurochirurgie, Hôpital Ibn Sina, CHU Rabat-Salé
Auteur : Lakhdar Fayçal (Lakhdar.F)
Adresse : 10, Rue Oulad Jerrar Souissi, Rabat, Maroc.
TEL: 061289519
E.MAIL: [email protected] ; [email protected]
RESUME
La Brucellose est une anthropozoonose qui peut infecter plusieurs organes. La localisation
vertébrale de la brucellose a une grande incidence de nos jours. En raison de sa rareté, il est
essentiel de prêter l'attention aux modifications structurales du segment vertébral atteint par ce
germe.. Les auteurs rapportent le cas clinique d'un patient de 42 ans, boucher de profession,
ayant présenté 6 mois auparavant des lombalgies chroniques invalidantes. Pris en charge au
service d’Urologie, une Urographie intraveineuse a objectivé une sténose de la jonction pyélourétérale ayant justifié la réalisation d'une lombotomie exploratrice. Le diagnostic de
spondylodiscite brucellienne avec volumineux abcès du psoas révélée par un syndrome
infectieux et associé à un syndrome de la jonction pyélo-calicielle ayant fait errer le
diagnostic. A travers cette observation, les auteurs soulignent l'importance et les
conséquences graves résultant d'un retard diagnostic et proposent une conduite à tenir
permettant de confirmer le diagnostic et de traiter efficacement la maladie. L'évolution après
12 mois de biantibiothérapie antibrucellienne (Rifampicine et doxycycline) était favorable,
avec amendement des lombalgies et stabilisation de la lordose lombaire rachidienne.
INTRODUCTION
La localisation rachidienne de la brucellose est rare et survient lors de la brucellose secondaire
plusieurs mois après la primo invasion si celle-ci a été mal traitée. Le sérodiagnostic de
Wright et la sérologie par méthode ELISA sont souvent les seules éléments spécifiques de
l’infection à Brucella. La place du traitement chirurgical est souvent nécessaire pour une
décompression médullaire, l’évacuation d'un volumineux abcès, ainsi que pour la stabilisation
de la dynamique rachidienne.
OBSERVATION
Il s’agit d'un patient de 42 ans, boucher de profession au contact avec les camélidés, ayant
présenté 6 mois auparavant des lombalgies chroniques invalidantes. Pris en charge au service
d’Urologie, une urographie intraveineuse a objectivé une sténose de la jonction pyélourétérale ayant justifié la réalisation d'une lombotomie exploratrice (Figure 1). Devant la
découverte d'un volumineux abcès du psoas, le patient a été confié au service de
neurochirurgie où un bilan radiologique exhaustif, composé de radiographies standards du
rachis lombaire de face et profil (Figure 2) a objectivé une destruction osseuse de la jonction
disco-vértébrale L3 L4 avec une ostéophytose en bec de perroquet. Le scanner lombaire a
permis de montrer une lyse des vertèbres L3 et L4 donnant un aspect en poivre et sels avec
l’existence de collections paravertébrales hypodenses, évocateurs d’abcès paravertébraux
(Figure 3 et 4).
Le bilan biologique a mis en évidence un syndrome infectieux et inflammatoire manifeste
avec un taux de 13800 globules blancs par millimètre cube. Une CRP à 77 mg par littre et
une VS à 110 millimètres la première heure.
Par ailleurs un bilan phtysiologique
(intradermoréaction à la tuberculine négative, recherche de BK dans les crachats, et une
radiographie pulmonaire) était normal.
Dans le but d’identifier le germe responsable de cette spondylodiscite, l’indication d’une
ponction biopsie radioguidée a été retenue. L’étude histologique a conclu à une ostéite
chronique aspécifique. Le diagnostic positif de la brucellose a finalement été confirmé par
l'existence d'une sérologie brucellienne positive (sérodiagnostic de Wright). Après 12 mois de
bi-antibiotique anti-brucellienne associant la Rifampicine et la doxycycline l’évolution fut
favorable, avec amendement des lombalgies et stabilisation rachidienne. (Figure 3).
DISCUSSION
La fréquence des spondylodiscites non tuberculeuses semble connaître une franche ascension
depuis une vingtaine années du fait de l’augmentation des infections iatrogènes secondaires à
la pratique de nouvelles techniques médicales invasives ainsi que de l’élévation du nombre de
sujets à risque (sujets âgé, immunodéprimés).
La Brucellose, maladie humaine aux multiples facettes, quelquefois de diagnostic difficile, est
une zoonose transmise à partir de diverses espèces animales à l'homme, hôte accidentel, par
voie cutanéo-muqueuse ou encore digestive.. Certaines espèces de Brucella sont pathogènes
pour l'homme B.melitensis, B. abortis, B.porcins et B. canis. La brucellose humaine a été
clairement identifiée (entité nosologique avec la "fièvre de l'île") par les médecins militaires
anglais dont AJ. Marston en 1859. Le tableau classique associe une fièvre, une douleur et une
raideur rachidienne, pouvant aussi mimer la symptomatologie d’une hernie discale lombaire
faisant parfois errer ou retarder le diagnostic (1). Cependant plusieurs phases sont
individualisées au cours de l’évolution de la brucellose, la phase de primo-invasion aigue ou
brucellose aigue septicémique, encore appelée fièvre sudoro-algique, et la phase secondaire
qui représente la brucellose subaigue focalisée, avec constitution de foyers ostéoarticulaire et
vertébral responsable de la spondylodiscte brucellienne. La phase tertiaire c’est le stade de
brucellose chronique avec expression double générale et focale. La spondylodiscite se déclare
en général plusieurs mois après la primo-invasion (fièvre ondulante sudoroalgique) souvent
non ou mal traitée. Elle survient au cours de la brucellose secondaire, comme les autres
atteintes focales articulaires et méningoencéphaliques. En l'absence de traitement, l'évolution
peut se faire vers la brucellose chronique (2) et l’abcès épidural spinal (3, 4) qui peut
engendrer de graves complications pouvant aboutir à la mort comme cela a été rapporté par
Kant et al. (5). Le diagnostic de spondylodiscite brucellienne devrait être essentiellement
évoqué parmi les étiologies d’une douleur rachidienne chronique, en particulier dans les
régions où la brucellose est endémique (6).
Sur le plan radiologique, les clichés standards du rachis montrent une atteinte focale
prédominante le plus souvent au niveau du plateau vertébral avec destruction osseuse de la
jonction disco-vértébrale, et parfois du gaz collecté entre le disque et le plateau
(pneumodiscarthrose). L’atteinte est parfois diffuse, avec extension au plateau vertébral et au
disque, mais contrairement à la tuberculose il n’ y a pas déformation rachidienne ni de
diminution de la hauteur vertébrale. A la Phase aiguë, l’IRM est non spécifique montrant un
hyposignal T1, hypersignal T2 avec rehaussement homogène à l’injection de gadolinium.
Plus tardivement, le signal du corps vertébral en T1 devient hétérogène et se normalise
lentement si la réponse au traitement est favorable. Les données de l’imagerie sont
essentielles dans cette infection (7), puisque la mise en évidence du germe et sa culture après
biopsie sont souvent négatives.
Quant à la biologie, l'immunofluorescence indirecte IFI et la méthode ELISA sont des
techniques plus récentes qui permettent de révéler et de quantifier les divers isotypes
d'anticorps. Le couplage de la séroagglutination de Wright et de l'IFI permet le dépistage de la
presque totalité des brucelloses, alors que l’identification directe du germe n’est possible que
dans 20% des abcès (8).
Concernant le traitement, l’OMS propose l’association Doxycycline (200mg/j+ Rifampicine
(600à 900mg/j) pendant 6mois. Le traitement chirurgical est nécessaire en cas de compression
médullaire mais aussi pour l’évacuation des abcès volumineux et pour stabiliser la dynamique
rachidienne (9, 10).
CONCLUSION
La brucellose spinale est une étiologie possible de la lombalgie, particulièrement dans les
zones d’endémie. La localisation rachidienne de la brucellose est rare et survient lors de la
brucellose secondaire plusieurs mois après la primo invasion si celle-ci a été mal traitée. Le
premier diagnostic différentiel à éliminer
est la spondylodiscite tuberculeuse. Le
sérodiagnostic de Wright et la sérologie par IFI ou par méthode ELISA sont souvent les seuls
éléments spécifiques de l'infection à Brucella.
Son traitement repose sur une bi-
antibiothérapie adaptée permettant la stérilisation du foyer et l’arrêt de la progression de la
maladie.
REFERENCES
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progressive spinal epidural abscess presenting with sciatica. Department of Neurosurgery,
Faculty of Medicine, Sutcu Imam University, Kahramanmaras, Turkey. Spinal Cord. 2006
Dec;44(12):805-8. Epub 2006 May 9
2- Namiduru M, Karaoglan I, Gursoy S, Bayazit N, Sirikci A. Brucellosis of the spine:
evaluation of the clinical, laboratory, and radiological findings of 14 patients. Department of
Infectious Diseases and Clinical Bacteriology, Gaziantep University School of Medicine,
27070, Gaziantep, Turkey. [email protected] Int. 2004 May;24(3):125-9.
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3- Izci Y. Lumbosacral spinal epidural abscess caused by Brucella melitensis. Department of
Neurosurgery, Maresal Cakmak Military Hospital, Erzurum, Turkey. Acta Neurochir (Wien).
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4- Pina MA, Ara JR, Modrego PJ, Juyol MC, Capablo JL. Brucellar spinal epidural abscess.
Department of Neurology, Obispo Polanco Hospital, Teruel, Spain. Eur J Neurol. 1999
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5- Kant GD, van Lijf JH, Karthaus RP. Spondylodiscitis cause by Brucella suis]Afd. Interne
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6- Aydin G, Tosun A, Keles I, Ayaslioglu E, Tosun O, Orkun S. Brucellar spondylodiscitis: a
case report. Department of Physical Medicine and Rehabilitation, Kirikkale University,
Faculty of Medicine, Kirikkale, Turkey. Int J Clin Pract. 2006 Nov;60(11):1502-5. Epub 2006
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7- Turgut M, Sendur OF, Gurel M. Brucellar spondylodiscitis in the lumbar region.
Neurosurgery Department, Adnan Menderes University Hospital, Aydin, Turkey. Neurol Med
Chir (Tokyo). 2003 Apr;43(4):210-2
8- Bodmer K. Brucella spondylodiskitis. Schweiz Med Wochenschr. 1985 Aug
24;115(34):1160-5
9- Katonis P, Tzermiadianos M, Gikas A, Papagelopoulos P, Hadjipavlou A. Surgical
treatment of spinal brucellosis. Orthopaedic Department, University Hospital of Crete,
Heraklion, Greece. Clin Orthop Relat Res. 2006 Mar;444:66-72
10- Ferreira CR, Ferreira CR, Tatagiba TA, Souto Filho JT. Brucella spondylodiscitis: case
report. Servico de Diagnostico por Imagem, Ecoclinica, Brazil. Rev Soc Bras Med Trop. 2002
May-Jun;35(3):255-8.
Figure 1: Urographie intraveineuse montrant une urétérohydronephrose avec pincement
discale avec un aspect irréguliers des plateaux vertébraux L3L4.
Figure 2 : Radiographies du rachis lombaire de face et de profil qui montrent un aspect en bec
de perroquet au niveau L4L5 évocateur de la spondylodiscite.
Figure 3 : TDM lombaire en coupe axiale en fenêtre osseuse et parenchymateuse avec
injection de contraste objectivant des images d’ostéolyse et d’ostéocondensation vertébrale
associées à des collections paravertébrales (abcès) ainsi qu’à l’épidurite.
Figure 4 : TDM du rachis lombaire en fenêtre osseuse et en coupe sagittale et coronale
montrant l’aspect en bec de perroquet de la spondylodiscite brucellienne L3L4.
Figure 5 : Radiographies du rachis lombaire de face et de profil réalisées après traitement
médical qui objective la fusion vertébrale L3L4.
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