Fraction VIVANT au Parlement de la C.G. Prise de position sur la discussion parlementaire au sujet de la crise financière - le 19.1.2009 Monsieur le Président, Chers membres du Parlement et du Gouvernement, J’évoquerai aujourd’hui tout particulièrement les possibilités d’actions politiques. Il y a 10 jours, le 9 janvier 2009, Dennis Kucinich, un représentant démocrate du Congrès des Etats-Unis, a tenu un discours tout à fait remarquable. D’abord, il a chiffré la situation économique : 10 M de chômeurs avec une augmentation attendue jusqu’à 12 M, un besoin d’investissements dans des mesures d’infrastructures de droits publics de 1,6 billions de dollars que les communes et les Etats n’ont pas pu financer, faute de moyens. De janvier 2006 à septembre 2008, le nombre de demandes d’insolvabilités a augmenté quotidiennement de 1200 à plus de 5000, et de septembre 2007 à septembre 2008 de 3500 à plus de 5000. On voit ici qu’il s’agit d’un problème de rendement profond des entreprises et pas seulement d’une impasse passagère de liquidités suite à la crise actuelle. Ensuite, il a évoqué la bouée de sauvetage s’élevant à 350 milliards de dollars en faveur des banques privées américaines et a dénoncé le fait que les banques n’utilisent pas l’argent pour que les américains puissent rester dans leurs maisons ou pour octroyer les crédits aux entreprises, mais bien pour racheter d’autres institutions bancaires. Au fond, une situation identique que nous retrouvons en Europe et en Belgique. En ce qui concerne la 2ème bouée de sauvetage pour le renforcement de la conjoncture, Monsieur Kucinich a aussi présenté la même revendication, qui devrait également être adressée aux Gouvernements des Etats membres européens : Les milliards destinés au renforcement de la conjoncture intérieure doivent effectivement aboutir dans le circuit économique et ne devraient donc pas pouvoir être thésaurisés ou économisés à la suite de réductions d’impôts. En outre, les Banques Centrales et les Gouvernements tentent de rendre des entreprises et des consortiums solvables, alors qu´elles ne le sont plus et qu´elles ne pourront plus l’être parce que leur modèle économique n’est plus adapté. Monsieur Kucinich demande à présent que les intérêts économiques ne puissent plus être cédés aux banques. Les leçons néolibérales et capitalistes - qui d’un côté, ont diabolisé l’Etat depuis des décennies et d’un autre côté, ont applaudi bien fort le « libre marché » comme étant la solution miracle à tous les problèmes – ont certes, comme il le dit, toujours été fausses. Mais maintenant, après la bouée de sauvetage de 350 milliards de dollars en faveur des banques américaines (en Europe, il s’agit même de 1000 milliards d’euros), ces fausses leçons et l’incapacité du secteur privé de s’occuper des besoins d’intérêts publics sont devenues visibles à un large public. Nous savons aussi que la formation des banquiers ne contient rien qui les qualifie à mener le destin de l’humanité. Les Banques fédérales des Etats-Unis « Federal Reserve Banks » que la population croit appartenir à l’Etat, sont aussi fédérales que la société privée des transports aériens « Federal Express », annonce Monsieur Kucinich. C’est pourquoi il exige que la création monétaire, qui se fait actuellement à 95% par les institutions bancaires privées et ce dans le monde entier, soit reprise par l’Etat. Le système de réserve fractionnel qui permet aux banques de dépenser 10 fois le montant de ses dépôts d’épargnes comme crédit, prendrait alors fin. La première question à poser à ce sujet et la suivante : Comment naît l’argent ? En général, les gens répondent : « Grâce au fait que l’Etat bat la monnaie et émet des billets de banques. » C’est exact, mais seulement pour 5% de la masse monétaire. 95% de la masse monétaire est un argent non-comptant, une monnaie scripturale que les banques commerciales privées créent à partir du moment où ils enregistrent le montant au crédit d’un compte à vue d’un client. Ainsi, ce n’est donc pas l’Etat, mais bien les banques privées qui détiennent le plus haut droit souverain, le seigneuriage. Que perd ainsi l’Etat à ne pas détenir la souveraineté monétaire ? 1. La possibilité de gouverner la masse monétaire et d’empêcher effectivement une inflation. L’Etat est donc maintenant livré au développement inflationniste suite à la création de monnaie scripturale créée hors de rien par les banques commerciales. 2. L’Etat perd les bénéfices issus de la création monétaire : ceux-ci sont en gros identiques aux dépôts à vue des comptes clients. En Allemagne, cela représente une perte pour l’Etat de l’ordre de 80 milliards d’euros par an, en Europe, de 400 milliards d’euros par an. 3. A cela s’ajoutent les intérêts à payer aux banques à raison de 70 milliards d’euros ; en Belgique, 17 milliards d’euros par an. 4. L’Etat perd également la possibilité d’influencer l’activité des investissements par des subventions de crédits. On en est venu à une situation critique et dramatique de la répartition des pouvoirs entre l’Etat et les banques. Deux experts financiers, le prof. Joseph Huber de l’Université de Halle et James Robertson, un conseiller administratif de longue date et directeur d’un institut de recherche interbancaires pour les banques britanniques, ont proposés une solution facilement applicable dans une publication de 2008 intitulée « Création monétaire par le secteur public – Chemin vers un ordre monétaire juste dans l’ère de l’information. » Celle-ci contient, je cite : 1. « Les Banques Centrales devraient créer le nouvel argent non-monétaire et l’argent liquide qu’ils jugent nécessaire pour augmenter la masse monétaire en la créditant à l’Etat comme revenu public. L’argent comptabilisé serait alors mis à niveau avec l’argent liquide et ne pourrait plus être créé par les banques privées, mais uniquement par la Banque Centrale. L’Etat devrait alors mettre l’argent en circulation au biais d’investissements publiques. 2. La création de nouvel argent comme devise officielle par quiconque autre que par la Banque centrale serait ainsi interdite, voire illégale. Les banques commerciales privées se verraient ainsi interdire la création d’argent par des crédits comme c’est le cas actuellement. Elles garderaient toutefois les gains sur les transactions bancaires ordinaires, même si elles ne sont désormais plus autorisées à accorder des « crédits hors de rien ». Les banques pourraient sans aucune restriction continuer à effectuer tout type d’opérations qu’elles exécutent actuellement, à savoir : l’administration et la gestion des comptes à vue et des transferts de leur clientèle, l’octroi de crédits à partir de la masse monétaire existante ou par le transfert depuis leur propre compte à tous ceux qu’elles considèrent comme solvables, l’investissement dans des fonds et actions pour leurs clients et pour elles-mêmes, et la proposition d’une grande variété de produits et services financiers. 3. Les Banques Centrales décideront à intervalles réguliers, combien de nouvel argent elles émettront. Elles prendront cette décision selon des critères et des objectifs préétablis et édités, et elles devront pouvoir justifier leur décision. Mais elles auront un degré élevé d’indépendance face au Gouvernement de telle façon que les Gouvernements n’auront aucune possibilité d’influence sur la masse monétaire à émettre. Le système monétaire devrait être organisé comme une évolution progressive du principe de la séparation des pouvoirs étatiques. Il devrait devenir la quatrième branche de pouvoir au même titre que le pouvoir exécutif, juridique et législatif. Cette proposition mettra fin au « système de réserves fractionnelles ». La création monétaire actuellement prédominante par les banques privées dépouille l’Etat de son privilège spécifique. 4. Finalement, excepté la Banque Centrale, chaque personne ou organisation qui ne respecte pas cette disposition et qui émet elle-même des nouveaux moyens de paiements sur un compte courant, sera coupable de contrefaçon, exactement comme si de faux billets de banques et de fausses pièces de monnaies avaient été fabriqués et mis en circulation. » Les avantages pour le système financier global seraient immenses. La source des déclarations suivantes provient d’une communication du Dr. Jur. Christian Sailer. 1. Le budget de l’Etat serait considérablement soulagé par l’approvisionnement annuel des bénéfices sur la création monétaire, bénéfices ayant profités aux banques privées jusqu’à maintenant. 2. Les banques ne seraient plus en état de faire gonfler la masse monétaire au-delà de son propre capital, provoquant ainsi l’inflation ou l’octroi de crédits incertains comme cela est arrivé par exemple à des millions d’emprunteurs en Amérique qui ont alors déclenché la crise bancaire. 3. Si les banques se prenaient en charge, les comptes de leur clientèle ne seraient plus menacés. Une insolvabilité de la banque ne concernerait que les valeurs patrimoniales de la banque elle-même et l’Etat ne devrait plus intervenir comme aide financière d’urgence afin de sauver l’argent de ses citoyens et pour préserver le renversement du système bancaire. Ce système ne pourrait plus basculer aussi facilement car les banques devront éviter les nombreux crédits à risques et les spéculations alarmantes. Effectivement, celui qui ne peut plus financer de tels risques par la création monétaire hors de rien mais par une monnaie bien réelle, évitera à l’avance de tels risques. 4. La crise sociale - qui éclate maintenant parce les banques ont fait de grands bénéfices grâce à la création monétaire et parce que les grandes fortunes profitent des hauts taux d’intérêts, pendant que la dette publique et les charges sociales augmentent - serait vaincue. Les budgets privés et publics seraient libérés du paiement des intérêts liés à la création d’argent par les banques. Les intérêts payés augmentent les prix de produits et services en moyenne de 30 à 40%. Cela signifie que nous payons constamment un impôt indirect. Seulement, l’argent aboutit dans ce cas-ci dans les poches privées. Huber et Robertson écrivent : « Une masse monétaire exempte de dettes, une faible dette publique, un budget de l’Etat mieux équilibré et une faible charge fiscale contribueraient à ce que les entrepreneurs et les ménages privés puissent disposer de revenus plus élevés et puissent ainsi développer une base plus large de capitaux et de richesses. De cette manière, ils seraient indépendants de toutes subventions, de prestations sociales et de capital étranger, et pourraient ainsi mieux se soucier d’eux-mêmes et des autres. Grâce à l’octroi de crédits hors de rien, les banques exercent un contrôle d’investissements selon le système de réserves fractionnelles et détiennent ainsi une position clé sur l’utilisation de l’argent. Les décisions de politique monétaire, tout comme la décision concernant la masse monétaire, ne peuvent pas être confiées aux banques dans un système économique de marché libre et ouvert, sinon cela aboutit à une concentration de pouvoir qui porte atteinte au système économique libre. » Et la conclusion de la proposition de Huber et Robertson : La décision de déclarer l’émission d’argent officiel comme un privilège de droit public ne demanderait qu’une simple, mais fondamentale modification de loi. Ceci est plus clairement illustré par le changement requis dans les statuts du système européen des Banques centrales et de la Banque centrale européenne (BCE). L’article 16 repris dans ces statuts est intitulé « Billets » et contient le texte suivant : "... Le conseil des gouverneurs est seul habilité à autoriser l'émission de billets de banque dans la Communauté. La BCE et les Banques centrales nationales peuvent émettre de tels billets. Les billets de banque émis par la BCE et les Banques centrales nationales sont les seuls moyens de paiement légaux reconnus dans la Communauté." La version modifiée pourrait s’intituler : « Moyens de paiement légaux », et mentionner ceci : "... Le conseil des gouverneurs est seul habilité à autoriser l'émission de moyens de paiement légaux dans la Communauté. Les moyens de paiement légaux se composent de pièces de monnaie, des billets de banque et de comptes courants. La BCE et les Banques centrales nationales peuvent émettre de tels moyens de paiement. Les pièces de monnaie, billets de banque et comptes courants émis par la BCE et les Banques centrales nationales sont les seuls moyens de paiement légaux reconnus dans la Communauté." On reconnaît à la proposition de Huber et Robertson, à quel point les Etats membres de l’Union Européenne pourraient se libérer de l’exploitation par les banques privées. De plus, cela ne nécessite qu’une décision politique correspondante. Malheureusement, ces dispositions sont jusqu’à présent ignorées par nos Gouvernements, malgré toute l’actualité qu’ils ont reçue à la suite de cette crise bancaire dramatique. Si les gouvernements demandent conseil auprès des grandes banques privées en matière de politique financière pour remettre leurs décisions et remettent aux avocats de banques le soin d’élaborer les textes de lois correspondantes, alors nous ne pouvons pas nous attendre à autre chose. C’est ainsi que par ex. le Sommet à Washington a été préparé à Berlin par le secrétaire d’Etat Jörg Asmussen, celui qui, il y a quelques mois encore, recommanda le commerce avec tous les dérivés financiers qui ont finalement aboutis dans les abîmes financières internationales. Et en Belgique, il faut se demander à raison, si un gouvernement belge, dirigé par un homme qui se demande s’il doit démissionner de son poste d’administrateur de la banque Dexia, dans laquelle des ministres influents entreprennent des efforts abondants afin de préserver la fortune des Belges les plus riches et qui occupent des postes de membre dans de nombreux comités directeurs d’entreprises privatisées, serait prêt à vouloir modifier quelque chose dans le système d’argent de dettes déficient. Au lieu de penser à une réforme fondamentale, ce n’est que sur plus de transparence, de réglementation, de surveillance et d’une certaine restriction dans des affaires trop risquées qu’il est question ! Autant de légèreté de la part des gouvernements est irresponsable. Il est absolument nécessaire que nos responsables politiques convoquent une assemblée de spécialistes de politique financière de toutes les orientations afin de recevoir de solides conseils. Quant à nous citoyens, nous devrions contrôler, à partir des décisions prises par les responsables politiques et à partir du programme repris dans les partis respectifs, s’ils possèdent le courage d’affronter les méga pouvoirs du monde financier ! En 1930, Bernard Shaw a écrit dans sa préface de son oeuvre „The Apple Cart“ (traduction allemande : « L’empereur d’Amérique ») sur le thème « Démocratie », des phrases remarquables dont je cite quelques extraits : « … Par ailleurs, ce n’est pas vraiment de conflit entre la Royauté et la Démocratie, mais plutôt entre ces deux et la ploutocratie, une forme d’autorité dans laquelle les classes supérieures fortunées exercent leur pouvoir en achetant et en engloutissant la démocratie après avoir détruit l’autorité royale sous des prétextes démocratiques. L’argent parle, l’argent crache, l’argent domine la radiodiffusion, l’argent règne. » Et un peu plus loin, il écrit : « Nous devons résoudre deux problèmes principaux indissociables l’un de l’autre : le problème économique, c.à.d. comment nous produisons et distribuons le nécessaire vital, et le problème politique, c.à.d. comment voter ceux qui nous gouvernent et comment les empêchons d’abuser de leur pouvoir nourrissant leurs propres intérêts ou ceux de leur classe. » Et sur le système capitaliste, il écrit : « … qui apporte des miracles à la production, mais qui se montre si ridiculement et terriblement défaillant dans la distribution raisonnable des produits ou dans l’optique de les produire selon la nécessité sociale. » Fin de citation. Aujourd’hui, il faut encore rajouter selon la nécessité écologique. Je résume : Si nous voulons éviter un effondrement massif économique dans un avenir proche, alors les Etats doivent reprendre la souveraineté monétaire, le seigneuriage. Cela signifie que les banques commerciales privées se verront défendues de créer de l’argent « à partir de rien » selon le système de réserve fractionnelle. Les conséquences positives pour les budgets des administrations publiques et les ménages, tout comme pour les petites et moyennes entreprises sont irréfutables. Des montants s’élevant à des milliards, actuellement encaissés par les banques commerciales, reviendraient au bien-être général. Les modifications législatives seraient facilement applicables au niveau européen par une modification des articles correspondants repris dans les statuts de la BCE. Nous, électrices et électeurs, devons contrôler si les dirigeants politiques sont disposés à entreprendre cette réforme absolument nécessaire. Je termine avec une citation de Henry Ford de 1921 : “If a State can issue a dollar bond, it can also issue a dollar bill“ (« Si un Etat peut émettre un bon d’Etat, alors il peut aussi émettre un billet de banque comme moyen de paiement légal »). Merci de votre attention, Joseph Meyer Fraction VIVANT au Parlement de la Communauté Germanophone