l luoghi e la poesia nella Grecia antica, Atti del Convegno, Universita G. D’Annunzio di
Chieti-Pescara, 20-22 aprile 2004, a cura di M. Vetta e C. Catenacci, Collana del
Dipartimento di Scienze dell’Antichità, Edizioni dell’Orso, Alessandria, 2006 : 408 pages
y compris index. ISBN : 88 7694 880 5
Compte rendu par Elvira Pataki, ERGA et université de Budapest
Les lieux de la poésie ainsi pourrait-on traduire le titre du volume qui rassemble
les vingt-cinq interventions de la rencontre italienne. Le mot lieu renvoie ici aux espaces
réels où sont nées les créations artistique (luoghi della poesia) aussi bien qu'aux paysages
représentés dans les œuvres littéraires (luoghi nella poesia). M. Vetta est non seulement
l’éditeur du volume, mais encore, pourrait-on dire, son père spirituel, qui en justifiant son
entreprise cite avant tout ses articles personnels qui appliquaient le même point de vue.
(L’idea di questo convegno è nata seguendo l’interesse di alcuni lavori in cui legavo
esegesi poetica e storia culturale à pecularità spaziali del mondo ellenico, p. X). De
telles phrases à la première personne au début d’un ouvrage collectif peuvent étonner un
peu. Cependant, Vetta n’oublie pas de mentionner les recueils thématiques publiés dans
les dernières années en Italie (voir les livres sur Thèbes et Argos édités par M. Angeli
Bernardini, celui sur Samos par E. Cavallini) dont les auteurs sont invités à donner une
contribution.
La préface répète grosso modo la thèse de Vetta concernant la relation entre poésie et
espace qui représente l’évolution de la littérature grecque par trois étapes. Celles-ci sont
premièrement les performances en plein air de l’époque archaïque qui mélangeaient
l’esprit religieux et l’art, suivies par les représentations théâtrales de la polis pour se
retirer finalement dans les maisons privées à l’époque hellénistique.
Le binôme poesia-luogo offre aux contributeurs une liberté presque sans limite, vu
que toutes les créations littéraires sont nées quelque part, et disposent en général
d'espaces imaginaires pour le déroulement de leurs actions. En conséquence, à côté des
essais sur la littérature proprement dite, on trouve dans le volume des articles sur la
mythologie, sur l’histoire de la langue poétique aussi qu’un compte rendu de recherches
archéologiques. La grande variété des sujets abordés donne certes du mérite au recueil,
mais engendre néanmoins des problèmes importants au niveau de sa structure.
Il semble que les premières pages ont un ordre chronologique. Or, après des articles
liés à l’époque archaïque se trouve un travail linguistique suivi par une analyse des
(pseudo)recherches contemporaines concernant l’itinéraire d’Ulysse. Ensuite nous lisons
un essai sur Théocrite (qui est complété par un deuxième à deux-cents pages de distance)
pour revenir au début avec Tyrtée. Ainsi encore, à partir de la page 265 figurent trois
articles qui abordent les comédies d’Aristophane dont la ligne, on ne sait pour quelle
raison, est entrecoupée par un travail sur le philosophe hellénistique Cratès. Si l'on devait
prendre au sérieux le titre du recueil pour l’arrangement des contributions, on pourrait
rassembler les études par exemple d’après leur sujet géographique (deux articles sont liés
à la Béotie, trois à Sparte, éparpillés dans le volume ici et là). En formant plutôt des
chapitres autour des genres, ceux sur les différents types de symposion mériteraient d’être
regroupés. Evidemment, pour un recueil tellement hétérogène dans sa thématique on ne
peut pas trouver un seul point de vue exclusif pour coiffer l'ensemble des articles et
déterminer leur succession logique. Ainsi, les éditeurs en optant pour la solution peut-
être la moins heureuse ont décidé de suivre l’ordre chronologique de la conférence,
respecter fidèlement le déroulement des sections du matin et d’après-midi (qui
quelquefois sont déterminées par les agenda des participants et les horaires de voyage...)
Bref, l’organisation du volume laisse à désirer.
Cependant, ce malaise provoqué par le manque d’une structure claire est atténué par
la qualité de l'écriture. Le point de départ pour le premier article sur Homère est l’opinion
de H. Erbse, selon qui l’Iliade n’existerait pas sans Nestor : A. Aloni aborde le rôle des
Néleides dans les épopées et dans l’Hymne à Apollon pour y retrouver les traces de la
tradition épique de Pylos (traitée, par ailleurs, récemment par Vetta, « L’epos di Pilo e
Omero », 2003). Selon son analyse, les motifs du cycle épique de Pylos, un héritage de
première importance pour renforcer l’identité grecque des habitants d’Asie Mineure, ont
trouvé leur chemin vers la poésie ionienne par l’intermédiaire d’Athènes.
G. Cerri examine l’épisode final de la katabasis d’Ulysse le héros, effrayé par la
Gorgone, se précipite vers les navires. La présence du monstre dans au-delà au lieu de sa
place habituelle sur le bouclier de Pallas était contestée déjà par les commentateurs
anciens qui visiblement influencent beaucoup les interprétations modernes. Ainsi, la
menace de la Gorgone est toujours considérée comme une technique narrative pour
abréger un récit trop long, ou bien comme une interdiction gnoséologique qui empêche le
héros de questionner sur la condition humaine.
Quant à M. Vetta, il se concentre sur la première phase de son concept chronotopique
mentionné ci-dessus. La performance d’Hésiode sur les concours poétiques sur l’Hélicon,
dit-il, est un geste de consécration du lieu qui offre une expérience religieuse et esthétique
pour ses auditeurs et confirme leur identité communautaire. Parmi eux, suggère la
Théogonie, les plus importants sont les rois et les poètes, protégés des Muses les uns
comme les autres. Vetta souligne les fonctions complémentaires des basileis et kitharistai
en leur attribuant des références géographiques. Il associe les rois avec l’autel de Zeus au
sommet de la montagne et, d’autre part, les poètes avec le sanctuaire des Muses sur les
collines cultivées, deux monuments connus par la recherche archéologique, visibles aussi
sur la carte géographique jointe.
Le travail d’A. C. Cassio cherche l’origine des formes éoliennes chez Homère, en
particulière de celles représentées par le datif pl. epeessi. Au contraire d’autres avis qui
les cantonnent parmi les formes artificielles créées par des rhapsodes lesbiens, l’auteur
fournit des preuves épigraphiques venues de Thessalie pour démontrer leur origine
dialectale.
La prétendue coupe de Nestor, trouvée dans une tombe d’adolescent et associée
vaguement avec le héros homérique est le sujet de S. Santoro. La savante met
l’inscription de la coupe en parallèle avec un poème qui fait l’éloge de la beauté des
garçons désirables de Chalcis. Ces vers conservés chez Plutarque remontent à la même
période (VIIIe siècle av. J.-C.) par leur métrique et leurs motifs pédérastiques, et sont
l’analogue parfait de l’inscription de la coupe, dont le possesseur peut être désormais
identifié avec le pais de la tombe.
L’étude d’E. Pellizer Skheríe, l’isola che non c’è »), marquée par une forte
indignation justifiée, est particulièrement édifiante. Pour Strabon il était évident qu’en
représentant les étapes du nostos d’Ulysse, Homère voyage au delà des frontières du
monde réel (ektopizein). En revanche, à notre époque à cause de la Toile électronique
qui consomme toute sorte d’informations sans les filtrer pullulent les essais de
dilettantes fondés sur une intuition prétentieuse et l’utilisation extravagante d’une
étymologie non raisonnée, qui font naviguer le héros vers Malte, la côte albanaise ou les
fjords norvégiens. Pellizer cherche à distinguer de cette jonglerie fantasmagorique la
topologie imaginaire, une démarche présente aussi dans la recherche (voir le schème du
triangle proposé par G. Germain, le modèle du labyrinthe suggéré de B. Chiarini, la
dialectique des mouvements centripètes et centrifuges présentée par B. Mezzadri, enfin la
carte maritime d’A. Lukinovich qui combine le zodiaque et la rose des vents et qui a été
publiée dans Gaia, dont les figures se retrouvent au terme de l’article). En les examinant
il met en évidence une tendance exégétique, motivée visiblement par un instinct très
humain d’orientation, qui veut guider le vagabondage de la narration vers des ports sûrs
avec l’aide d’images mentales primordiales. En lisant son article on ne peut pas
s’empêcher de se demander si l’alarme donnée par Pellizer sera entendue par les
dilettantes concernés...
L’article d’A. Gostoli sur le culte d’Homère à Colophon part des adjectifs homéreios
et hymnopolos employés dans l’autoportrait de Nicandre, auteur qualifié généralement
d’émule d’Hésiode. La ville garde la mémoire du rhapsode non seulement par le corps
sacerdotal du Homéreion (dont le poète hellénistique fait partie) mais encore par des
œuvres expérimentales nées à cet endroit, inspirées par la tradition homérique. En dehors
des poèmes didactiques de Nicandre en hexamètres et la Thébaïde d’Antimaque qui
cherche à développer l’épopée mythique, il faut mentionner Xénophane, qui en rappelant
la tradition selon laquelle le Margités, l’archétype de l’épopée comique a été conçu à
Colophon, rénove le genre du géloion avec ses invectives (qui, ailleurs, attaquent Homère
aussi).
La série des études sur la poésie archaïque commence par celle de L. Quattrocelli sur
Tyrtée, qui essaie de nuancer le cliché d’un poète qui encourage ses compatriotes dans la
bataille. Les incitations de Tyrtée à la lignée d’Héraclès (hérakléios genos) ne seraient pas
adressées à l’ensemble des citoyens mais exclusivement aux élites des Lacédémoniens,
pour sauver les valeurs aristocratiques mises en danger par les changements sociaux dus
aux guerres messéniaques.
C’est le moment de parler des autres travaux liés à Sparte. M. Di Marzio s’intéresse à
un passage de Bacchylide (fr. 20 A) dont le classement restait incertain. Par l’examen de
son mythe qui évoque les noces d’Idas avec Marpessa, compliquées par le double
enlèvement de la fiancée, le chercheur rattache le poème aux coutumes matrimoniales
spartiates qui elles aussi connaissent le vol rituel de la mariée. Parce que ces cérémonies
se déroulent sous l’égide de Dionysos Colonatas, Di Marzio qualifie le fragment d’extrait
de dithyrambe.
Le laconisme, caractérisé comme eloquente non-eloquenza, et ses conditions sociales
sont le thème de M. S. Celentano. Ses notes sur la similitude établie par Platon ( ???)
entre le Spartiate qui paralyse son adversaire avec ses répliques concises et lancées au bon
moment d’un côté et le lanceur de javeline expérimenté (deinos akonistés) de l’autre, sont
remarquables et suggèrent une interprétation militaire de la formule homérique epea
pteroenta.
E. Cavallini s’empare de la lecture biographique des fragments saphiques. En se
concentrant sur le nom d’Anactoria (fr. 16), qui évoque Milet, et sur la fille inconnue
repartie de l’île de Lesbos à Sardes (fr. 96), elle suppose le caractère international de
thyasos lesbien. Par l’examen de l’usage poétique qui représente le pays des Lydiens
comme l’empire du luxe et du raffinement, l’article éclaire le lydismos de la poétesse.
P. Angeli examine quelques épigrammes de Simonide pour définir les liens ambigus
entre le poète et Corinthe. Selon le témoignage de l’épitaphe de la fille de Périandre (FGE
XIV) et un poème qui glorifie le courage des femmes corinthiennes pendant les guerres
médiques (XXXVI) le lyrique se prête à entretenir des bons rapports avec la ville, malgré
quelques remarques critiques concernantes l’opportunisme politique de ses citoyens. En
dehors des femmes mortelles il attribue sa clémence aussi à une héroïne, en représentant
Médée comme la bienfaitrice de la polis un motif qu’il emprunte visiblement à l’épopée
locale d’Eumèlos.
On se souvient des pages mémorables de Wilamowitz sur la navigation de Pindare
vers la Sicile. C. Catenacci elle aussi les évoque dans son article sur les epinikia adressés
au cours d’une vingtaine d’années aux vainqueurs venus d’Agrigente et Syracuse.
L’article élucide leurs tons différents par des notes historiques, en étudiant leur
vocabulaire concernant le pouvoir, il aborde l’engagement politique du lyrique et résume
sa polémique littéraire contre les “poètes corbeaux”, pareillement invités à glorifier les
tyrans.
Au contraire de l’article mentionné ci-dessus qui se cantonne dans la catégorie de
luoghi della poesia, celui de P. Giannini est fondé sur les lieux nella poesia de Pindare.
Les références géographiques des odes offrent une grande diversité qui monte des
dénominations concrètes aux périphrases translucides et aux allusions énigmatiques. Leur
point commun est la connaissance géographique presque professionnelle du lyrique, un
fait remarquable si on prend en considération la tendance de l’auteur à l’asapheia. La
conformité des tableaux pindariques avec la réalité physique, qui est particulièrement
marquante dans les descriptions des phénomènes naturels (comme l’activité volcanique,
la naissance des îles), a été déjà appréciée par la géographie ancienne.
Cinq études sont consacrées au théâtre. G. Guidorizzi, en se référant à la définition
de W. Nestle selon laquelle la tragédie n’est que le mythe vu par l’optique du citoyen,
traite deux drames marqués par des effets scéniques particuliers. Du plateau du Philoctète
et des Bacchantes manquaient pareillement l’autel, le palais et les autres coulisses qui
signalent traditionnellement l’interférence de la scène avec le monde de la polis. L’île et
la montagne, dit l’auteur, sont les deux archétypes des espaces en dehors de la
civilisation, qui sont marqués entre autres par une communication altérée (ou bien par le
manque total des rapports sociaux) et un régime alimentaire pas ordinaire. Lemnos et les
sommets autour de Thèbes sont des milieux ambigus, la nature imprévisible peut se
transformer en ennemie (voir les difficultés à survivre de l’exilé) ou bien céder la place
aux événements sanglants (comme les horreurs qui accompagnent l’oreibasia).
L’excellente analyse de M. Fantuzzi compare la Dolonie avec le Rhésus, souvent
laissé de côté par une approche simplificatrice de la recherche qui le qualifie d’imitation
mécanique d’Homère. L’épisode d’espionnage construit sur des mésententes tragiques et
qui par sa scénographie nocturne se différencie fondamentalement des duels diurnes de
l’épopée, devient encore plus énigmatique par la représentation scénique. Le dramaturge
inconnu enchevêtre les fils de l’action en transposant les événements qui se déroulent sur
le camp des assiégés selon l’Iliade au milieu des Grecs (voir par exemple le motif des
feux) et dans sa pièce fait annoncer par les Troyens les phrases dites à l’origine par
Agamemnon et les siens. Les manœuvres allusives de l’auteur arrivent à confondre le
lecteur qui en croyant reconnaître les motifs homériques se trouve embarrassé devant leur
identification, et ne sait plus vraiment qui parle. Le drame qui combine le dolos de la
narration avec une représentation rusée qui désoriente intentionnellement son public, dit
le chercheur, est à la fois une expérience littéraire et le contrepoids du modèle homérique
trop partial en faveur des Grecs.
La première des trois études sur la comédie veut concilier l’avis de Wilamowitz qui
regarde les drames athéniens comme les premiers livres avec celui de Taplin qui insiste
sur la performance scénique, sine qua non du drame. Selon l’hypothèse de G.
Mastromarco les morceaux choisis d’Aristophane étaient accessibles au public aussi sous
forme écrite, rassemblés par des anthologies. Les extraits faisaient partie du répertoire du
symposion, convenables aussi bien pour la distraction que pour la propagande politique
(comme par exemple les railleries sur Cléon).
L’article de S. Saïd sur la représentation d’Athènes chez Aristophane est le point de
départ pour F. Perusino. L’article italien qui accepte la thèse de Saïd sur la perméabilité
entre fiction scénique et réalité quotidienne dans les comédies, se concentre sur
Lysistrata qui malgré sa scénique hyperréaliste, étudiée depuis toujours par les
archéologues, reste un peu marginalisée par la chercheuse française.
L. Lomiento s’intéresse au choral des Oiseaux (vv. 1470-93, 1553-64, 1694-1705).
La représentation de la ville d’Athènes à partir du point de vue des volatiles, dit-elle, a
l’intention de souligner le changement d’optique et de suspendre la perspective
traditionnelle athénocentrique : aux yeux des oiseaux c’est la cité des colonisateurs qui
est un drôle de site, exotique et presque barbare.
Les auteurs hellénistiques sont représentés par Cratès de Thèbes et Théocrite. M.
Noussia confronte l’invective de Cratès écrite contre l’école de Mégare (SH 347-349) et
fondée sur le schéma épique de la katabasis avec l’introduction du Protagoras qui décrit
la descente de Socrate dans l’au-delà des sophistes.
La contribution de R. Pretagostini veut élucider les rapports entre le symposion,
considéré généralement comme genre urbain et la poésie pastorale. Le chercheur suggère
l’évolution du banquet bucolique en l’illustrant par les idylles XIV et VII (sans se
prononcer sur leur chronologie). Le poème XIV, dit-il, transfère des thèmes et
personnages typiquement citadins à une ambiance pastorale. Comme deuxième étape, il
propose la scène d’hiver de la Thalysie qui serait désormais un véritable symposion
agreste avec des figurants campagnards. Le locus amœnus à la fin du même poème
voudrait établir l’idéal du symposion bucolique.
M. di Marco n’est pas le premier chercheur qui voudrait mettre en évidence le rôle
primordial des paysages dans l’œuvre de Théocrite. Pour illustrer l’interaction de la
nature et les êtres vivants et pour mettre en relief la flexibilité des tableaux, il examine
deux l’idylles, celle sur la mort de Daphnis, et le poème XIII. Dans le premier cas il
argumente incontestablement en faveur d’une entente parfaite fondée sur la
sympatheia. En ce qui concerne la disparition d’Hylas, le chercheur essai de démontrer,
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