Convexité
A. Ensembles convexes.
1. Propriétés affines.
2. Propriétés géométriques.
B. Fonctions convexes.
1. Propriétés générales.
2. Fonctions convexes d’une variable réelle.
3. Fonctions convexes de plusieurs variables.
C. Inégalités de convexité.
Pierre-Jean Hormière
___________
La notion de convexité remonte à Archimède ; celui-ci remarque que le centre de gravité d’un
corps convexe est situé à l’intérieur de ce dernier, et qu’un convexe inclus dans un autre a un
périmètre plus petit. Mais il fallut attendre Fourier, Poinsot et Cauchy pour que cette notion refasse
surface. Développée par Minkowski, Jensen et Aleksandrov, la convexité, étude des ensembles et
des fonctions convexes, constitue une branche de la géométrie et de l’analyse qui unifie des
phénomènes à première vue totalement dissemblables, et intervient à divers niveaux dans des
branches très variées des mathématiques : géométrie affine, inégalités intervenant en analyse
classique, théorie des nombres, problèmes combinatoires relatifs aux polyèdres, théorie des graphes,
espaces normés et analyse fonctionnelle, programmation linéaire et programmation convexe, théorie
des jeux, économie mathématique...
A. Ensembles convexes.
1. Propriétés affines.
Dans ce §, E désigne un espace affine réel, E l’espace vectoriel associé. S’ils sont de dimension
finie, ils seront alors automatiquement munis de leur topologie naturelle, définie par une quelconque
des normes de E. Dans le cas général, si l’on munit E d’une norme x
||x|| , E est alors aussitôt
muni de la distance d(x, y) = ||y
x|| associée.
1.1. Définitions, premières propriétés.
Définition 1 : Un ensemble A inclus dans E est dit convexe si
(x, y)
A2 [x, y]
A, autrement dit
si
(x, y)
A2

[0, 1]
.x + (1

).y
A.
Géométriquement, A est convexe ssi A est stable par chacune des homothéties hom(x, ), où x décrit
A et
décrit [0, 1].
Définition 2 : Si (x1, ..., xp) est un p-uplet de points de A, on appelle combinaison convexe des xi
tout x
E tel que x =
p
iii x
1.
,
1, ... ,
p sont
0 et de somme 1, autrement dit tout barycentre
des xi affecté de masses positives et non toutes nulles.
Notons pour simplifier
p ={(
1, ... ,
p)
R+p ;
p
ii
1
= 1}. Dessiner
p pour p
{1, 2, 3, 4}.
2
Proposition 1 : Si A est convexe, toute combinaison convexe de points de A appartient à A.
Proposition 2 : L’intersection d’une famille quelconque de parties convexes est une partie convexe.
Définition 3 : Étant donnée une partie X de E, on appelle enveloppe convexe
1
de X l’intersection de
tous les ensembles convexes contenant X. On la note co(X) ; c’est la plus petite partie convexe de E
contenant X.
Proposition 4 : co(X) est l’ensemble des combinaisons convexes de toutes les familles finies de
points de X.
Définition 4 : La dimension du convexe A est la dimension du sous-espace affine qu’il engendre.
Si l’on choisit un point a
A, alors dim A est le rang de la famille de vecteurs
ax
= x
a
E, lorsque
x décrit A ; ce rang est indépendant de a.
Proposition 5 : Soient E et F deux espaces affines, f une application affine E F. L’image par f
d’un convexe de E et l’image réciproque par f d’un convexe de F sont des ensembles convexes.
1.2. Exemples d’ensembles convexes.
1) Si E est une droite affine, les parties convexes de E sont les intervalles en tous genres.
2) Tout sous-espace affine de E est une partie convexe. Si u est une forme affine sur E, les demi-
espaces {x
E ; u(x)
} et {x
E; u(x) >
} sont des convexes. Lorsque E est de dimension finie,
u est continue et ces espaces sont resp. fermés et ouverts ; ce résultat reste vrai plus généralement si
E est normé, et si u est continue.
Définition 5 : On appelle polyèdre convexe une partie qui est intersection finie de demi-espaces
fermés, et polytope un polyèdre convexe compact d’intérieur non vide.
Cette dernière définition suppose E muni de la distance associée à une norme sur E. (Un théorème
de Riesz implique qu’en dimension infinie un compact est toujours d’intérieur vide, de sorte que les
polytopes n’existent qu’en dimension finie.)
3) Simplexes de Rp.
Il s’agit des ensembles
p = {(
1, ..., p)
R+p ;
p
ii
1
= 1} et
p = {(
1, ... , p)
R+p ;
p
ii
1
1}.
p est l’enveloppe convexe des vecteurs ei de la base canonique,
p est celle des ei et de O. Ils sont
de dimensions resp. p
1 et p. Quel lien y-a-t-il entre
p et
p+1 ?
4) Boules. Soit || || une norme sur E, d(x, y) = ||y
x|| la distance associée sur E. Alors les boules
B(a, r) et B'(a, r) sont des ensembles convexes dans E.
5) Matrices stochastiques.
Exercice 1 : La matrice A = (aij)
Mn(R) est stochastique si les aij
0 et si (i)
n
jij
a
1
= 1.
1) Montrer que l’ensemble Sn des matrices stochastiques d’ordre n est un convexe compact, stable
pour la multiplication. Quelle est sa dimension?
2) Une matrice stochastique est dite 0-1 si ses éléments sont tous égaux à 0 ou 1 ; montrer que les
matrices stochastiques 0-1 sont les points extrêmaux de Sn. Montrer qu’ils forment une partie stable
pour la multiplication, et indiquer un algorithme décomposant une matrice stochastique comme
combi-naison convexe des points extrémaux. Étudier le cas n = 2.
3) Soit A une matrice stochastique ; montrer que 1Sp A
{z
C ; |z|
1}.
6) Cônes convexes.
1
En anglais, convex hull.
3
Définition 6 : On appelle cône de sommet O toute partie C de E telle que (
x
C) (

> 0)
.x
C.
Du coup, C est un cône convexe ssi
(x, y)
C2 (

>0)
.x
C et x + y
C.
Exemples de cônes convexes :
1) Si a1, ..., ap sont p vecteurs de E , {
p
iii a
1.
; (
1, ... ,
p)
R+p} est un cône convexe, et c’est le
plus petit cône convexe contenant les ak. Généraliser à une partie quelconque de E.
2) Les semi-normes, les normes sur E forment des cônes convexes ; les produits scalaires sur E
également.
3) Les matrices Mn(R+) à éléments
0 forment un cône convexe fermé stable par produit.
4) Les matrices symétriques positives, i.e. telles que tx.A.x
0 (
x
Rn) forment un cône convexe
fermé Sn+(R) dans l’espace vectoriel Sn(R) des matrices symétriques réelles ; les matrices
symétriques définies positives forment un cône convexe ouvert Sn++(R) ; c’est l’intérieur du
précédent. Résultats analogues pour les matrices hermitiennes complexes.
Exercice 2 : Soit C un cône convexe contenant 0 (on dit : pointé).
1) Montrer que le sous-espace vectoriel qu’il engendre est C + (C), noté aussi C C ;
2) Montrer que C(
C) est le plus grand sous-espace vectoriel contenu dans C.
On dit que C est saillant si C
(
C) = {0}.
Exercice 3 : Espaces vectoriels ordonnés.
Une relation d’ordre
sur E est dite compatible avec la structure vectorielle si elle vérifie :
(x, y, z)
E3

0 x
y
x + z
y + z et
.x
.y.
Un espace vectoriel muni d’une telle relation est appelé espace vectoriel ordonné.
1) Montrer que si E est un espace vectoriel ordonné, P = {x
E ; x
0} est un cône convexe pointé
saillant.
2) Réciproquement, soit P un cône convexe pointé saillant ; montrer qu’il existe une unique
relation d’ordre compatible avec la structure vectorielle telle que P soit l’ensemble des vecteurs
positifs.
3) Comment se traduit sur P le fait que
soit un ordre total ?
1.3. Deux résultats classiques.
Théorème de Gauss-Lucas : Soit P
C[X] un polynôme complexe de degré n
1. Les racines de P'
appartiennent à l’enveloppe convexe de l’ensemble des racines de P.
Preuve : Factorisons P dans C[X] : P(z) = a
r
i
m
ii
zz
1)(
, Z(P) = {z1, ..., zr} est l’ensemble des
zéros de P. Les zi d’ordre mi
2 sont racines de P', d’ordre mi
1.
Les autres racines de P' vérifient : 0 =
)( )'(zP zP
=
r
ii
i
zzm
1
(dérivée logarithmique d’un produit).
Cela équivaut à : 0 =
²
i
i
zzm
.(z
zi) . Bref, c’est une égalité de la forme : =
r
iii MM
1.
,
où les
i sont > 0, Mi est le point d’affixe zi et M celui d’affixe z. On conclut aussitôt.
Remarque : Lorsque P est réel et scindé dans R, on peut conclure par Rolle. Si l’on ordonne les
racines de sorte que z1 < ... < zr , Rolle fait apparaître une racine de P' entre les zi, soit r
1 en tout, à
quoi il faut ajouter les racines multiples de P : le compte est bon.
Exercice 4 : 1) Soit PC[X], admettant deux racines réelles distinctes et tel que P’’ divise P.
Montrer que P est simplement scindé, puis que les racines de P sont réelles.
2) Trouver tous les polynômes PC[X] tels que P’’ divise P.
4
Exercice 5 : Soit PC[X] de degré 3, de racines a, b et c. Montrer que les racines de P’ sont des
points intérieurs et isogonaux dans le triangle abc.
Théorème de Caratheodory
2
: Soit E un espace affine de dimension n, X une partie de E. Alors
co(X) est l’ensemble des combinaisons convexes des (n+1)-uplets de points de X.
Preuve : L’idée consiste à montrer que si x
co(X) est combinaison convexe de r points de X, avec r
> n+1, alors x est combinaison convexe de r
1 points de X. En réïtérant cet argument il finira par
être combinaison convexe de n+1 points.
Soit donc x =
i
r
iix.
1
, où r > n+1, les
i sont > 0, et
r
ii
1
= 1.
Les xi sont affinement dépendants, en ce sens que (
1, ...,
r)
(0, ..., 0)
i
r
iix.
1
= 0 et
r
ii
1
= 0.
(considérer les vecteurs
21 xx
, ...,
r
xx1
). On en déduit : (

R) x =
ii
r
iix)...(
1
.
On a bien sûr
)..(
1i
r
ii
= 1, et l’on peut s’arranger pour que les
i +
.
i soient tous
0 : il
suffit de choisir max{
i
i
;
i < 0}
min{
i
i
;
i > 0}, et si l’on prend pour
l’une des
valeurs extrêmes, l’un des coefficients est nul.
Corollaire : Sous les mêmes hypothèses, si X est compacte, co(X) l’est aussi.
Exercice 6 : Somme de Minkowski.
1) Si A et B sont deux convexes, pour tous réels
et
0 de somme 1,
.A +
.B est convexe.
2) Dessiner
.A +
.B lorsque A et B sont des plaques triangulaires dans le plan, etc.
Exercice 7 : Lemme de Kakutani.
Soient C1 et C2 deux convexes non vides de E, tels que C1
C2
E, et x
C1
C2. On note
i =
co(Ci
{x}). Montrer que l’un au moins des ensembles
1
C2 et
2
C1 est vide.
2. Propriétés géométriques.
Les convexes possèdent de nombreuses propriétés géométriques, qu’il n’est pas question de citer
toutes. Dans ce § nous supposerons E muni d’une norme.
2.1. Propriétés topologiques des convexes.
Exercice 1 : convexité et milieux.
1) Soit C une partie de E vérifiant (x, y)
C2
2yx
C. C est-elle convexe ?
2) Montrer qu’il en est ainsi lorsque E est un evn, et C est fermée.
Exercice 2 : généralités.
1) Montrer que si C est convexe, il en est de même de son adhérence
C
. En déduire que
l’adhérence de l’enveloppe convexe de X est le plus petit convexe fercontenant X : on l’appelle
enveloppe convexe fermée de X.
2) Si C est convexe, il en est de même de son intérieur Int C.
2
Constantin Caratheodory (1873-1950), mathématicien allemand d’origine grecque, fut d’abord ingénieur en
Egypte, et se tourna vers les mathématiques en 1900. Il enseigna à Hanovre, Breslau, Göttingen et Berlin, puis
à Smyrne et Athènes de 1920 à 1924, avant de se fixer à Munich. Il fit des travaux en théorie de la mesure,
calcul des variations, et axiomatisa les fondements de la thermodynamique et de la relativité.
5
3) Si C est un convexe
, montrer que Int C = Int(Adh C) et Adh C = Adh(Int C) et :
Fr C = Fr(Adh C) = Fr(Int C) .
Exercice 3 : règle de simplification.
On se place dans un evn E.
1) Montrer que si B est convexe fermé et C borné, alors : A + C
B + C
A
B.
2) En déduire que si A et B sont convexes fermés et C borné, alors A + C = B + C
A = B.
3) En déduire que le monoïde additif des convexes compacts est régulier.
[Indication : écrire a + c1 = b1 + c2 , a + c2 = b2 + c3 , etc.]
Exercice 4 : jauge d’un convexe.
Soit K un convexe borné contenant 0 dans son intérieur.
Pour tout xE, on pose jK(x) = inf{ > 0 ;
x
K}. Montrer que l’application jK : E R+ est bien
définie et vérifie jK(x) = 0 x = 0 ,  0 jK(.x) = .jK(x) , jK(x + y) jK(x) + jK(y) .
Montrer que si, de plus K = K, alors jK est une norme, et jK(x) < 1 xK jK(x) 1.
Exercice 5 : convexes compacts du plan et coordonnées cartésiennes.
Soit (O,
i
,
j
) un repère orthonormé du plan euclidien P.
1) Soient I = [a, b] un segment de R, f : I R concave continue et g : I R convexe continue
telles que g f. Montrer que K = {(x, y) ; xI et g(x) y f(x)} est un convexe compact, d’intérieur
non vide ssi f g.
2) Réciproquement, soient K un convexe compact d’intérieur non vide
3
du plan, [a, b] le segment
projection orthogonale de K sur x’Ox. Montrer qu’il existe deux fonctions continues f et g : I R ,
f concave, g convexe, telles que g f, f g et K = {(x, y) ; xI et g(x) y f(x)}.
Exercice 6 : convexes compacts du plan et coordonnées polaires.
1) Montrer que les convexes compacts d’intérieur vide de P sont les segments de droite.
2) Désormais, K désigne un convexe compact d’intérieur
, et on choisit O
Int K. Soit (O,
i
,
j
) un repère orthonormé. Pour tout

R, on note
u
() = cos().
i
+ sin().
j
et D(
) = R+.
u
().
a) Montrer que

R
!M(
)
P
{O} [O, M(
)] = K
D(
).
b) Montrer que Fr(K) = {M(
) ;

R} et Int(K) =
RMO
)[(,[
.
3) On pose
OM
(
) = r(
).
u
(
) , et
(
) =
)(
1
r
.
a) Montrer que r est 2
-périodique, continue et dérivable à droite et à gauche en tout point.
b) Montrer que

1,
2,
3
R :
1 <
2 <
3 <
1 +
(
1).sin(
3
2) +
(
2).sin(
1
3) +
(
3).sin(
2
1)
0.
[Ind. : On cherchera l’équation polaire de la droite M(
1)M(
3).] (cf. B.2.4.)
Exercice 7 : équation tangentielle de certains convexes compacts.
Soit p une fonction de classe C2 2-périodique R R, vérifiant : (R) p() + p’’() > 0.
Dans le plan euclidien orienté rapporté au repère orthonormé (O,
i
,
j
), on note :
(
u
(),
v
()) le repère radial :
u
() = cos().
i
+ sin().
j
,
v
() =
u
( +
2
)
D() la droite d’équation x.cos + y.sin p() = 0
D’() la droite d’équation x.sin + y.cos p’() = 0 .
3
De tels ensembles sont parfois appelés « corps convexes ».
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