Parfois, à la lecture de travaux de différents ethnologues sur le même terrain, on se trouve confronté
à un
doute tellement les discordances sont importantes : Y a-t-il eu erreur d’observation et/ou
d’interprétation d'un des ethnologues? ou alors une dynamique singulière de la société observée,
quelque chose qui fait qu’elle n’est plus la même aujourd’hui ?
Une telle controverse, confrontant
Margaret Mead
et
Derek Freeman
est restée célèbre :
Margaret Mead
(courant culturaliste) mène son enquête sur les îles Samoa, de 1928 à 1969. Elle
fut longtemps incontestée et un phare de l'anthropologie. Elle publie en 1955 Mœurs et sexualité en
Oc
é
anie.
Rappel historique :
En 1899, le traité de Berlin partage respectivement les Samoa occidental et oriental, entre les
Allemands et les Américains. Les Anglais ont eu les îles Tonga et les îles Salomon. Il y avait déjà
des
conflits et des tensions entre les deux Samoa.
En 1963, l’indépendance du Samoa oriental est déclarée, ce qui entraine une crise économique.
Margaret Mead
, mène son enquête du côté américain, mais ne le précise pas. Elle
s’intéressait au processus de socialisation des jeunes enfants et des adolescents, pour vérifier
l’hypothèse émise par Franz Boas à propos de l'origine culturelle, et non biologique, de la vague de
suicide chez les jeunes américains. Elle observe une société pacifique qui pratique la liberté
sexuelle, même si codifiée par des règles, et la liberté de parole. Elle fonde le mythe d’une société
idyllique. Aucun suicide n'y ait recensé. Ce thème de la sexualité libre aura un énorme écho, dans
une société pudibonde comme la société américaine. Ses études font alors autorité au niveau
international.
Derek Freeman
(courant biologiste), la remet en cause dans The making and unmaking on a
anthropological myth (1983). Il critique son interprétation trop restrictive sur les
Samoa
.
Il retourne sur ce terrain où il observe une société violente, très agressive, où il n’y a plus de
liberté sexuelle mais des harcèlements et des viols. La discordance est énorme. Mead a-t-elle mal
observé, mal interprété?
Il va retrouver les informateurs de Mead, qui se souviennent de l’anthropologue et de ses
nombreuses questions… Si, entre eux, ils parlaient en effet de la sexualité, ils n’avaient pas pour
habitude d'en parler avec les étrangers. Ils sont donc entré dans un rapport de plaisanterie, et
puisqu’elle voulait entendre parler de sexualité libre, ils l'ont servit, mais tout ne fut que pur
mensonge…
Freeman
va donc entreprendre un travail de déconstruction du travail de Mead. Il pose deux
principales causes à ses erreurs d’interprétation :
- dû à son jeune âge, son inexpérience de terrain, elle ne parlait pas la langue, donc, elle passait par
des
informateurs, et se trouvait tributaire des transformations d’informations.
- terrain mal mené car son travail est subjectif, elle partait avec l’idée de vouloir créditer
l’hypothèse culturelle…
Elle ne maîtrisait donc probablement pas le
décentrement
nécessaire. De plus, elle a mené