de Kellogg's, des conserves Del Monte (fruits au sirop), etc.
. Non seulement les objets
étaient bien façonnés, travaillés et non directement importés mais encore, il n’y avait pas, comme
l’oublient les analyses de Danto, qu’une seule boite mais bien des centaines de boites, agencées
dans la galerie selon une disposition précise ; cette disposition, raconte Robert Indiana, faisait
que les spectateurs évoluaient au sein d’étroits couloirs, dans une sorte de cheminement rendu
difficile par la profusion des boites empilées les unes sur les autres.
Dés lors, A. Warhol, loin
d’importer un objet d’usage commun dans un musée, comme l’avait fait Duchamp, a crée
une véritable installation et pensé l’organisation spatiale des boites qu’il avait façonnées.
Nous avons donc bien une composition au sens classique d’Alberti et non pas une importation au
sens de Duchamp. L’interprétation de Danto paraît bien falsifiée ici, dans la simple mesure où
elle ne peut rendre compte du fait même sur lequel elle se penche. Plus encore, c’est l’esthétique
et la philosophie de l’art de Danto qui se trouve affectée, comme nous le verrons par la suite, tant
il a fait de cette exposition la source, le fondement, l’axiome sur lequel repose sa thèse de la fin
de l’art, et sa reprise de la philosophie de Hegel. Il nous faut donc, contre Danto, ré-
entreprendre l’analyse du fait même (l’exposition de 1964) et poser ces questions : Quelle
est la signification de cette composition qui n’est pas simple transfert d’un espace à un autre ?
Pourquoi faire des boites à la ressemblance de boites de supermarché et pourquoi les multiplier
et les agencer selon une disposition précise ?
II) Deuxième moment : Pour une autre interprétation des boites Brillo
A) Proposition de l’ hypothèse
Pour répondre à ces questions, il faut tout d’abord reprendre la description. Comme je le
disais, il n’y a pas une boite brillo, mais une centaine
, parmi d’autres boites de produits
divers. Elles ne sont pas comme dans le supermarché à portée de main d’homme mais
disposées de telle sorte que le spectateur s’en trouve enserré comme par les arbres d’une forêt.
Les terme utilisés par Indiana, pour commenter l’impression ressentie, sont ceux de
« profusion » et de « foisonnement ». Il s’agit ici d’une mise en scène de différents objets
les plus emblématiques de la société de consommation. Cette mise en scène prend la forme
d’une répétition outrancière, d’une exagération dans la mimesis, d’un véritable excès de
l’imitation. Warhol met en scène les emblèmes de la société de consommation jusqu’à
l’excès, l’exubérance, la surabondance. Cette répétition semble exténuer l’objet en tant que
. Voir D. Bourdon, Warhol, op. cit., pp. 182-6.
. Victor Bockris, Warhol, Londres, Frederick Muller, 1989, p. 198.
Pour répondre à ces questions, il faut se pencher plus précisément sur certain nombre de traits décisifs du Pop-Art, dont l’exposition de
Warhol constitue, -avec la récompense inattendue de Rauschenberg à la biennale de Venise la même année-, l’apogée.