I) Méthodologie
Une dissertation se compose toujours de trois parties :
1. Introduction
- Contexte : repositionner le problème posé sur un arrière-plan. montrer que c'est un
problème qui a un sens.
- Problématique : thème est donné, mais concerne 20 siècles. Il faut délimiter une
parcelle, choisir un angle d'attaque et le justifier. Il faut transformer le thème en
problème.
- Plan : annonce ce que l’on va dire. Mais il ne doit pas donner la réponse
immédiatement, seulement poser la question. Le travail doit démontrer quelque
chose. La thèse est à la fin.
2. Développement
- Thèse
- Antithèse : pousse la thèse à l’extrême, pour faire prendre conscience que la thèse
n’est pas toute la vérité; qu’elle peut aboutir à des contradictions.
- Synthèse : embrasse et dépasse le parcours déjà fait. Embrasse les deux parties pour
mieux les dépasser.
3. Conclusion
- Elaborer une synthèse rapide
- Ouvrir le problème. J'ai conscience que mon traitement est limité par rapport à la
problématique. Je dois montrer que je suis capable d'envisager une suite au travail.
Présentation d’un exercice
Sujet : Y a-t-il une différence entre penser et avoir une opinion ?
Attention : il faut d’abord bien lire le sujet, et répondre concrètement à la question tout au
long du travail (pas seulement définir les termes, car les définitions dépendent toujours d’un
contexte, cognitif mais aussi historique). Il faut également éviter de parler en « je », pour
privilégier le « nous ». La méthode la plus simple est de partir de la réponse qui paraît la plus
évidente pour s’interroger, car cela introduit une dynamique, nécessaire à une dissertation
réussie. Mais il ne faut ne pas oublier de se baser également sur les connaissances acquises
lors du cours. Voyons cela concrètement sur cet exemple.
1. L’introduction
a. Exemples de ce qu’il ne faut pas faire:
" Nous allons déterminer s’il y a une différence entre penser et avoir des opinions. Pour cela,
étudions les deux termes séparément "
C’est non seulement trop formel, mais en plus, il ne faut jamais faire une partie pour définir
un terme, une autre pour un autre terme, etc. Les définitions doivent vous servir pour répondre
à la question posée, et chaque partie doit être une réponse possible à la question
" Tout d’abord, il faut penser pour avoir des opinions. Les deux actions sont donc liées. Dans
ma dissertation, je vais tout d’abord montrer qu’il y a des points communs entre penser et
avoir des opinions. Ensuite, je montrerai qu’il existe une différence entre ces deux
expressions. "
C’est un peu mieux que le précédent exemple. En effet, l’élève montre qu’il y aura deux
réponses possibles à la question, et commence par la réponse la plus évidente. Mais la thèse
de départ n’est suivie d’aucun exemple, ce qui fait qu’on ne sait ce que ça peut vouloir dire,
que pour penser il faut avoir des opinions. Mais surtout, l’ensemble est trop formel. Il faut
davantage développer ce que vous affirmez : ainsi, il ne faut pas dire que vous allez d’abord
montrer qu’il y a des points communs entre penser et avoir des opinions, mais demander : est-
ce que penser et avoir une opinion, ce ne serait pas la même chose ? En effet, si j’ai un avis
sur une question, c’est bien ma pensée que je manifeste par-là… Il faut en fait essayer de
reformuler le sujet à l’aide soit d’exemples, soit de définitions, même vagues, des termes
importants. Enfin, attention : il ne faut pas dire " je " et donc encore moins " dans ma
dissertation, je vais ".
b. Exemple de ce qu’il aurait fallu faire :
Point de départ : énoncé de l’opinion commune sur le sujet, à travers un exemple tiré de la vie
courante
Vous avez ici, votre première partie
Prenons une situation de la vie courante. Nous voilà dans un bar, avec des amis, en train de
discuter de l’actualité. Chacun d’entre nous va successivement donner son avis sur la
question. Cela peut prendre la ou les forme(s) suivante(s) : " à mon avis… ", mais aussi " moi,
je pense que… ", ou encore " mon opinion à moi, c’est que… ". Dans le langage courant,
penser et avoir une opinion, c’est, semble-t-il, la même chose. Il s’agit d’une thèse que l’on
soutient sur une question donnée, d’une affirmation…
On montre ensuite, en trouvant un contre-exemple, que cette opinion commune ne va pas de
soi
Vous avez ici, votre seconde thèse, opposée à la thèse commune ; elle montre en quoi la
question posée a un sens.
Pourtant, nous savons que la philosophie, qui est une activité réflexive, qui repose sur la
pensée et qui prétend d’ailleurs nous apprendre à penser, dévalorise l’opinion. L’activité
même de penser se définit ainsi comme une remise en question des opinions communes.
Qu’est-ce en effet que l’opinion commune ? Cette expression désigne nos idées les plus
évidentes, les plus répandues, sur une question. Ces idées, nous y adhérons sans trop savoir
pourquoi ; nous pouvons y adhérer parce que, tout simplement, la première personne à nous
l’avoir communiquée, bénéficie pour nous d’une grande autorité, est digne de confiance. Dans
cet exemple, on voit bien que l’origine de l’opinion n’est pas nécessairement une réflexion,
donc, la pensée !
Reprise explicite du sujet ; plutôt qu’une annonce formelle de votre plan, vous résumez votre
propos, sous forme de question
N’y a-t-il donc pas par conséquent une différence fondamentale entre penser et avoir une
opinion ? L’opinion n’est-elle pas synonyme de préjugé, d’idée qu’on a en nous et qu’on
profère sans l’avoir vérifiée, sans avoir vraiment réfléchi sur son bien-fondé ? Et la pensée, au
contraire, n’est-elle pas l’activité réflexive par excellence ?
2. Le développement
Comment travailler cette partie : il faut essayer de réfléchir sur les définitions des termes les
plus importants du sujet (ici : " opinion ", " penser "), et essayer de voir ce qui, dans ces
définitions, peut vous permettre d’arguer en faveur de votre première thèse, et ce qui peut
vous permettre d’arguer en faveur de la seconde thèse. Vous pouvez trouver les définitions en
analysant la façon dont on utilise les termes dans la vie courante ; le problème c’est que tout
ce que contient une définition n’est justement pas contenu dans le langage courant ! Vous
pouvez faire appel à vos connaissances, etc.
a. Définitions de l’opinion :
- avis personnel au sujet de quelque chose, que l’on tient pour vrai (donc : énoncé qui prétend
être vrai).
- on ne peut supporter de les voir remises en question : c’est vrai ou c’est faux, point (" si je te
le dis ! " ; pas moyen d’en discuter
- souvent obtenue par ouï-dire : c’est quelqu’un qui me l’a dit (et ce quelqu’un est digne de
confiance, parce que c’est un scientifique, ou bien parce que je l’aime, etc.), ils l’ont dit aux
infos, etc. (ce qui est cru, et non su, non démontré). C’est donc un jugement que vous énoncez
certes en parlant à la première personne, mais qui se trouve en vous à votre insu : c’est la
société qui s’exprime à travers vous, etc. Cf. phénomènes inconscients. On dit que c’est vrai
sans l’avoir éprouvé mais aussi sans justement savoir si c’est vrai. (attention ! ça peut très
bien être effectivement vrai : ce n’est donc pas un contenu qui caractérise l’opinion, mais le
rapport que vous entretenez avec certains jugements)
b. Vos connaissances philosophiques sur l’opinion et la pensée :
Mépris des philosophes pour l’opinion, cf. Platon, allégorie de la caverne : la philosophie
s’oppose nettement aux opinions ; Platon oppose l’opinion à la vérité ; mais aussi sans doute à
la pensée puisque la philosophie se définit comme une activité de réflexion, de remise en
question de nos préjugés ; le préjugé = synonyme d’opinion.
Si Platon vous permet de voir en quoi on peut distinguer opinion et pensée, essayez de vous
rappeler le plus possible ce qu’il a dit exactement !
Définitions de la pensée :
réfléchir
définir
raisonner, démontrer, prouver, etc.
La pensée est quelque chose de rigoureux ; pas quelque chose d’immédiat, de
précipité ; quelque chose que vous allez pouvoir remettre en question (pouvoir au sens
d’accepter). On peut s’accorder sur ce qu’on pense, en discuter, car on ne se préoccupe pas
seulement du résultat, mais de la façon d’y arriver
La pensée appartient à un sujet conscient, or, un sujet, une subjectivité, c’est un être
capable de dire " je ", capable de distinguer le monde extérieur de lui-même (les énoncés à la
première personne sont donc des pensées en tant qu’ils appartiennent à une conscience et à un
sujet capable de dire " moi ", " je "…) cf. " j’aime ", " j’ai mal ", " je trouve que " (note : ici,
être une pensée n’est pas nécessairement quelque chose de réfléchi : ça peut être toute activité
de l’esprit quelle qu’elle soit (couloir, entendre, imaginer, sentir)
Comme vous allez d’abord soutenir la thèse la plus commune, cherchez alors les
définitions qui vont vous être les plus utiles dans cette partie. Ainsi, si vous voulez rapprocher
l’opinion de la pensée, vous allez faire exprès de prendre : la meilleure définition de l’opinion,
celle qui se rapproche le plus de la pensée, et la définition de la pensée la plus vague, qui
permet d’englober le terme d’opinion.
c. Exemple de rédaction :
Première partie : Penser et avoir une opinion paraît être, de toute évidence, la même chose.
Énoncé de la thèse qu’il s’agit de démontrer dans votre première partie
En effet, quand j’ai une opinion sur un sujet, par exemple, " les ovnis n’existent pas ",
c’est ma pensée, mon avis, sur ce sujet, que j’énonce. Que veut-on dire précisément par
ces termes, " émettre un avis ", " avoir une opinion ", " penser que " ? On entend par-là
ce que je crois, ce que je juge, être vrai.
Démonstration, qui peut recourir, pour commencer, soit à un exemple, soit à une
définition ; si vous commencez par l’exemple, vous devez l’analyser à travers des
définitions des termes importants.
Mais pourquoi utilise-t-on les termes de " penser " et " avoir une opinion " comme si
c’était exactement la même chose ? Revenons sur notre exemple. Avoir l’opinion selon
laquelle les ovnis n’existent pas, cela revient à dire : " JE soutiens que les ovnis
n’existent pas ". L’opinion est donc, au premier abord, un état de mon esprit. Or, penser
ne fait-il pas partie des activités d’un esprit, et cela, par définition ? En effet, si on peut
dire qu’un esprit a une pensée ou pense, on ne peut dire, semble-t-il, que la matière, ou
que mon corps, pense : c’est une question de finition. La matière, ou le corps, a la
propriété de se mouvoir, l’esprit, lui, a la propriété de penser. C’est une autre manière de
dire que seul un être conscient peut avoir des opinions : quand je soutiens que les ovnis
n’existent pas, j’en ai conscience. Mon corps n’a pas conscience de marcher et ne se
prononce pas sur la difficulté que je rencontre aujourd’hui à marcher, pour une raison
ou une autre : c’est moi, être conscient, doué d’un esprit, qui peux seul dire : " que c’est
dur de marcher aujourd’hui ! ". Pour pouvoir avoir une opinion, ou plutôt, émettre une
opinion, il faut donc être capable de savoir qu’il y a un monde extérieur, et être capable
d’émettre des choses à son propos. Seul un sujet, une subjectivité, ie, un être capable de
rapporter des choses à soi-même (ses pensées, par opposition à ce qui existe en dehors
de soi : la couleur de cette chose), peut donc avoir des opinions. De même que seul un
sujet peut penser.
Ici, vous prenez les définitions de base des termes importants :
opinion : jugement par lequel on admet quelque chose pour vrai ou faux
penser : toute activité de l’esprit
Par conséquent, il ne semble pas y avoir de différence entre penser, et avoir une opinion.
Penser désigne en effet toute activité de l’esprit (vouloir, imaginer, entendre, sentir, etc.).
On peut ranger au sein de ces activités de l’esprit, le fait d’opiner, puisque quand
j’opine, je montre que je suis bien un esprit, un sujet.
Conclusion : on répond explicitement à la question posée
Seconde partie : Mais avoir une opinion, est-ce vraiment quelque chose de conscient ?
Pour passer à une seconde thèse, il faut d’abord montrer que la thèse n°1 n’est pas soulever
certaines difficultés ; ici, la difficulté réside dans le caractère beaucoup trop simpliste de la
définition de la pensée… ainsi que celle de l’opinion
Reprenons l’exemple de départ : " à mon avis, les ovnis n’existent pas ". Quand je dis
cela, je m’adresse bien évidemment à quelqu’un : émettre une opinion c’est bien partager
son avis, ce qu’on pense sur un sujet, avec quelqu’un. Or, il arrive souvent, notamment si
votre interlocuteur n’est pas de votre avis, qu’on vous rétorque : " mais comment le sais-
tu ? peux-tu me le prouver ? ". La réponse la plus courante à ce genre de questions sera
le recours à une autorité (la science ; les médias, etc.). Qu’est-ce à dire ? Cela signifie
que si vous affirmez que quelque chose est vraie (ou faux), c’est très souvent par ouï-dire.
Vous l’avez lu dans un article de Science et Vie, ou bien c’est votre oncle, professeur de
science, qui vous l’a dit, ou bien encore c’est en accord avec une certaine conception du
monde, de ce que c’est vérifier un fait, etc. (quand ce n’est pas : " mais tout le monde le
sait, c’est une évidence ! "). Ainsi, quand j’ai une opinion, je n’ai pas refait le
cheminement qui permettrait de s’assurer que c’est bien vrai. Je dis que c’est vrai, ou
que c’est faux, point. Cela peut d’ailleurs être le cas. Mais pourquoi ça l’est, ce n’est pas
moi tout seul, avec la seule activité de mon esprit, la seule réflexion, qui l’ait trouvé.
Vous savez qu’il existe une définition beaucoup plus précise de la pensée, qui s’oppose à un
caractère majeur de l’opinion, non encore abordé. Il vous faut arriver à ces définitions afin de
dénoncer l’évidence de la première thèse
On peut donc maintenant définir l’opinion, non plus seulement comme émission d’un
jugement tenant quelque chose pour vrai ou pour faux ; mais aussi comme un jugement
non réfléchi, non justifié.
Et qui dit non réfléchi, dit non conscient certes, il peut bien y avoir de la conscience
sans réflexion, par exemple quand on regarde autour de nous et qu’on a " immédiatement
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