CEESE ULB Résumé exécutif
Projet CO2 : Phase 4 (2001-2002) Implications de Kyoto pour la Belgique 1
Résumé exécutif
L'élaboration de cette étude "Les implications du Protocole de Kyoto pour la Belgique" (phase
4 du projet CO2, convention CEESE - Electrabel/SPE) s'est construite sur un canevas à trois
niveaux d'analyse : international, européen et belge. Pour chacun de ces niveaux d'étude, nous
avons procédé à une analyse politique de l'actualité climatique appuyée par une analyse des
aspects économiques pertinents.
La réalité des changements climatiques
En introduction au premier chapitre consacré à l'actualité climatique internationale, il
essentiel de rappeler que les changements climatiques constitueront l'une des plus grandes
problématiques environnementales du 21ème siècle. Les impacts du réchauffement de la terre,
qui sont déjà observables depuis quelques années, démontrent qu'il est plus qu'urgent que la
communauté internationale agisse concrètement en faveur des générations futures et des pays
vulnérables au changement climatique, et cela en infléchissant le plus rapidement possible
l'augmentation mondiale des émissions de gaz à effet de serre responsables du "global
warming".
Synthétisées dans le Troisième Rapport d'Evaluation du Groupe d'experts
Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), de nombreuses données scientifiques
prouvent que les activités humaines ont une responsabilité considérable dans la croissance
anormale des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre observée les dernières
décennies. Et les effets s'en sont déjà fait sentir. Ainsi, les années 1990 ont constitué la
décennie la plus chaude depuis le début de l'enregistrement des données. Des études ont aussi
démontré que les activités humaines, principalement la combustion des matières fossiles et
l'agriculture, expliquent en grande partie le réchauffement observé durant les 35-50 dernières
années. Conséquences issues de l'accroissement important des émissions de gaz à effet de
serre, le niveau moyen des océans, la température moyenne de surface et les précipitations ont
augmenté durant le 20ème siècle.
Quant aux prévisions pour le 21ème siècle, elles sont encore plus préoccupantes du fait de
l'action rémanente des gaz à effet de serre présents dans l'atmosphère. Et il faut également
tenir compte de la croissance continuelle des émissions qui ne devrait pas faiblir dans les
années à venir. Quels que soient les efforts de réduction réalisés à court terme, les projections
relatives aux émissions mondiales et à leurs impacts physiques montrent que le 21ème siècle
subira de toute manière différentes perturbations non négligeables. Concernant le délai pour
pouvoir stabiliser les concentrations atmosphériques, tout dépend de la volonté des pays
industrialisés à réduire rapidement leurs émissions annuelles et cela, compte tenu de la
croissance démographique et économique des pays en développement demandeurs d'une
qualité de vie minimum. Sur base de ces éléments, une mobilisation internationale est
clairement indispensable pour tenter d'enrayer les tendances non durables de notre monde
occidental, ainsi que pour permettre aux pays du sud de revendiquer leur droit au
développement.
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La nécessité de mener des actions au niveau international
Ainsi, les dernières Conférences des Parties (CdP) signataires de la Convention-Cadre des
Nations Unies sur les Changements Climatiques (UNFCCC), à savoir la CdP-6bis à Bonn, la
CdP-7 à Marrakech et la CdP-8 à New Delhi, ont l'une après l'autre défini des règles
opérationnelles nécessaires pour la mise en œuvre des mécanismes de Kyoto.
Parmi ces rendez-vous internationaux annuels d'importance, Bonn et Marrakech ont réalisé le
plus grand nombre d'avancées. Tout d'abord, l'Accord Politique de Bonn réalisé en juillet
2001 a permis de fixer un ensemble de modalités essentielles pour le fonctionnement des
mécanismes de flexibilité (i.e. le Commerce International d'Emissions, la Mise en Œuvre
Conjointe et le Mécanisme pour un Développement Propre). Les décisions prises à Bonn ont
également eu trait à la comptabilisation des "puits de carbone", à l'assistance financière des
pays développés vers les pays en développement et aux mesures de pénalité indispensables
pour inciter les Parties à respecter leurs engagements pris à Kyoto en 1997.
Cependant, nous verrons qu'il a fallu attendre les négociations de la CdP-7 à Marrakech
(novembre 2001) pour voir les mesures prises à Bonn traduites en textes légaux, càd à
caractère contraignant pour les Parties ayant ratifié le Protocole une fois celui-ci entré en
vigueur. Sur le fond, les Accords de Marrakech se sont construits sur les principes de l'Accord
Politique de Bonn qui aura ainsi conservé son intégrité. Les négociations de Marrakech auront
donc contribué à finaliser les règles opérationnelles des mécanismes flexibles, notamment à
travers la création d'un système de conformité ("compliance"), la définition d'un type d'unité
pour les crédits "puits" ("removal units") et la mise en place de la transférabilité
("fungibility") entre les crédits issus des trois mécanismes de flexibilité. D'autre part, la
création à la CdP-7 d'un Conseil Exécutif pour le Mécanisme pour un Développement Propre
(MDP) a permis un lancement immédiat des projets MDP, seul mécanisme en route avant la
première période Kyoto (2008-2012).
Malgré l'annonce par les Etats-Unis, en mars 2001, de leur opposition au Protocole de Kyoto
et de leur refus de ratifier celui-ci, l'on pouvait donc espérer après les Accords de Marrakech
que le Protocole puisse bientôt entrer en vigueur accompagné d'un cadre opérationnel
suffisamment clair pour inciter les Parties à ratifier. En effet, même si les Etats-Unis
représentent plus d'un tiers des émissions de 1990 (36.1% plus exactement) et qu'il est
nécessaire d'atteindre 55% des émissions de 1990 des Parties de l'Annexe I de la Convention,
le Protocole peut se passer des USA pour entrer en vigueur, pour autant que certaines Parties
comme l'UE, le Japon et la Russie ratifient car ces pays contribuent respectivement à hauteur
de 24.23%, 8.55% et 17% des émissions de 1990.
A la CdP-7, de nombreux pas ont donc été franchis, laissant aux réunions suivantes le soin de
traiter des questions non résolues. Il en a été ainsi lors de la 16ème réunion de l'Organe
Subsidiaire de Conseil Scientifique en juin 2002 (SBSTA-16) et lors de la CdP-8 à New Delhi
en octobre-novembre 2002. Ces deux réunions n'ont pas été aussi déterminantes que les
précédentes mais elles ont tout de même poursuivi les discussions non encore abouties et elles
ont également initié d'autres négociations. Citons la question des définitions pour l'intégration
des puits dans le MDP, la proposition du Canada visant à octroyer des quotas aux pays
exportateurs d'énergie propre et la considération des émissions de gaz fluorés. La CdP-8, dont
les résultats ont été inscrits dans la Déclaration Ministérielle de Delhi, a également été
l'occasion pour l'Union européenne de relancer le débat controversé des futurs engagements
des pays en développement et, pour les pays en développement, de rappeler aux pays
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industrialisés leur responsabilité historique vis-à-vis des changements climatiques.
Impact de l'évolution des négociations
L'analyse de l'actualité internationale ayant clairement mont l'importante évolution du
contexte des négociations dans le domaine de la politique climatique internationale, il nous a
semblé intéressant d'en estimer ensuite l'impact économique en terme de variation du prix du
permis d'émission sur le futur marché international. Un des principaux résultats de cette
analyse, menée dans le second chapitre, est sans conteste la prévision d'un prix qui tombe à
zéro (selon trois des quatre études examinées) lorsque l'on tient compte du retrait américain
(l'offre d'air chaud étant suffisante pour éponger entièrement la demande de permis).
Toutefois, cet état de fait théorique étant relativement peu probable dans la réalité, nous avons
orienté le reste de notre analyse sur l'impact dventuels comportements stratégiques de la part
des pays détenteurs d'air chaud ainsi que sur d'autres considérations d'ordre plus général
(efficacité du MDP, surestimation du prix des permis, modélisation du progrès technique,
etc.) qui nous ont permis d'estimer une fourchette de prix "selon toute vraisemblance" allant
de 5 à 9 $ (1995).
Un nouveau concept : les Crédits Temporaires
Un autre point important des actuelles négociations internationales en matière climatique est
l'inclusion des puits de carbone dans le MDP, problématique à laquelle le troisième chapitre
a été intégralement consacré.
En fonction de la difficulté de s'accorder sur le choix d'une méthode permettant de répondre
efficacement au problème lié à la non-permanence de la séquestration du CO2 et ce, parmi les
méthodes traditionnellement proposées (Ton-year-accounting, Capacité Maximum de
Stockage), nous nous sommes principalement intéressés au concept des crédits temporaires
(CT) qui constitue une approche nouvelle dans le domaine. Après avoir regardé les avantages
et inconvénients de ce concept via l'étude de la proposition colombienne ainsi que de sa
version améliorée (les TCER5 vers lesquels les gociations semblent s'acheminer), nous
avons procédé à une analyse financière afin d'en estimer l'intérêt du point de vue économique.
Il en ressort que, quel que soit le contexte envisagé dans notre analyse (pour tenir compte des
incertitudes concernant plusieurs facteurs importants tels que la méthode de comptabilisation,
l'horizon des projets ou encore les objectifs de réduction pour les périodes ultérieures à 2012),
le concept des CT s'avère intéressant du point de vue de la rentabilité pour la plupart des
valeurs prises par les paramètres (lissage de l'incertitude) et ce, d'autant plus que l'horizon du
projet est long.
Par ailleurs, il nous a semblé essentiel de rappeler que, de par la nature des puits de carbone
(systèmes biologiques, réservoirs de biodiversité, grandeur des territoires impliqués, etc.), les
autres problèmes liés aux projets MDP (additionnalité, fuite, incertitude) devaient également
faire l'objet d'une attention particulière même s'ils ne sont pas spécifiques au projet puits. En
effet, eu égard à l'ampleur que ces problèmes sont susceptibles de prendre, il est nécessaire de
renforcer certaines modalités pour permettre une inclusion des projet puits dans le MDP en
accord avec ses objectifs.
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Cependant, il s'avère que l'application stricte de l'impératif pour un projet MDP de contribuer
au développement durable pourrait constituer un bon moyen de se prémunir contre ce type de
problème du fait des synergies comme l'illustre le cas des plantations industrielles de type
monocultures.
Pour résumer, bien que les crédits temporaires ne constituent pas la clé de la lutte contre le
réchauffement de la planète, leur utilisation peut s'avérer bénéfique étant donné la transition
nécessaire avant la mise en place de changements structurels à long terme requis par
l'évolution préoccupante du climat.
L'Union européenne se mobilise pour lutter contre les Changements Climatiques
En tant que Partie de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements
Climatiques, l'Union européenne est tenue de contribuer à l'objectif global de réduction des
émissions de gaz à effet de serre. Le fait que l'UE s'est engagée depuis Kyoto à réduire ses
émissions de gaz à effet de serre de 8% par rapport au niveau de 1990 et ce, pour la riode
"Kyoto" 2008-2012, constitue un élément de départ essentiel de ce quatrième chapitre
consacré à la politique climatique européenne. Faisant appel à la disposition du Protocole de
Kyoto qui permet à un ensemble de Parties de réduire conjointement leurs émissions (principe
de la "bulle"), l'UE a ainsi réparti cet objectif de 8% entre ses différents Etats membres.
Cela a donné lieu à l'Accord européen "Burden Sharing" (Partage des Charges) réalisé en
1998, suite auquel la Belgique s'est vue attribuer un objectif de réduction de 7.5% par
rapport à 1990.
Compte tenu de l'évolution des émissions de l'UE depuis 1990 (- 3.5% en 2000), l'objectif de
réduction de l'UE semble atteignable. Cependant, ce bon résultat est principalement aux
réductions réalisées en Allemagne et au Royaume-Uni suite à d'importants changements
structurels. La plupart des Etats membres sont en effet en retard dans leur progression vers
leur objectif de réduction. Dès lors, la mise en œuvre du Programme Européen sur le
Changement Climatique (PECC), dont le premier rapport est paru en juin 2001, est plus
qu'indispensable pour que les Etats membres appliquent chez eux un ensemble de politiques
et de mesures coordonnées au niveau communautaire afin de profiter d'économies d'échelle.
C'est en effet l'objectif de ce programme que d'identifier, de développer et de mettre en œuvre
un panel d'actions à moindre coût destinées à réduire à court terme les émissions européennes
de gaz à effet de serre. Une communication de la Commission publiée en octobre 2001 et
relative au PECC présente un ensemble concret de mesures efficaces en terme de coût à
développer en priorité et dont le potentiel de réduction est évalué entre 122 et 178 millions de
tonnes équivalent CO2 (pour un objectif européen de réduction de 336 millions de tonnes et
un potentiel total de réduction estimé par le PECC compris entre 664 et 765 millions de
tonne).
Parmi les projets de directives faisant partie de la politique européenne de lutte contre le
changement climatique, la proposition de directive visant à créer un système européen
d'échange de droits d'émissions est l'une des plus importantes actions. Si la proposition de
directive (éventuellement amendée) connaît une issue positive, le commerce européen
d'émissions, élaboré pour fonctionner dès 2005, sera préparatoire au commerce d'émissions
international prévu par Kyoto pour la période 2008-2012. Ainsi que mentionné dans les
paragraphes consacrés au PECC, d'autres propositions de directive font également partie des
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mesures prioritaires de l'UE. Il s'agit notamment de la proposition de directive pour la
promotion des énergies renouvelables (directive passée en septembre 2001), de la proposition
de directive sur les biocarburants et de la proposition de directive relative à la promotion de la
cogénération.
Le rôle de la modélisation
Sous un angle plus analytique, il nous est apparu intéressant de regarder d'un peu plus près les
tenants et aboutissants de la modélisation économie/énergie préalablement à l'analyse des
aspects économiques liés à la politique climatique au niveau européen et, plus loin, au niveau
belge. En effet, pour orienter le débat et éclairer les décisions en matière de politique
climatique, les autorités font largement appel aux résultats obtenus à l'aide de la modélisation
informatique tout en les considérant souvent comme des "boîtes noires". Par conséquent, nous
avons consacré le cinquième chapitre du rapport à l'élaboration d'un guide à travers la
modélisation des interactions entre les sphères économique et énergétique et leur incidence
sur le niveau d'émission de GES.
Le début de l'analyse a porté sur les avantages et inconvénients des deux grandes catégories
de modèles, à savoir les modèles d'optimisation et les modèles de simulation. Le choix de ce
critère de classification repose sur son intérêt dans l'optique analytique de pénétration des
boîtes noires. Cette caractéristique des modèles nous a permis de montrer qu'il était impératif
de connaître la vocation d'un modèle pour interpréter de manière efficace et pertinente les
résultats qu'il génère, les modèles ne pouvant prétendre répondre à tous les types de questions.
Cet examen d'ordre général des modèles a également servi de base de réflexion concernant
l'importance d'une série de facteurs comme le caractère endogène ou non de certaines
variables (et donc l'incorporation des canismes de feedback), les postulats théoriques, la
robustesse et la crédibilité des relations économétriques, les aspects dynamiques, etc.. Cette
analyse nous a également mené à la conclusion qu'il était essentiel que la modélisation reste
un outil pratique d'aide à la décision et qu'elle ne se mue pas en l'unique outil de décision.
Par la suite, nous avons affiné l'analyse pour se concentrer sur la modélisation
économie/énergie/climat. Tout d'abord, nous rappelons l'importance des particularités de ce
type de modélisation qui doit tenir compte des interactions entre des sphères aux logiques de
fonctionnement fortement différentes. Ensuite, nous étudions la manière avec laquelle chaque
type de modèle répond à plusieurs aspects cruciaux de la problématique climatique :
l'incertitude, l'irréversibilité et la dimension globale, auxquels on peut ajouter des
considérations portant sur la notion de bien-être et sur la modélisation du progrès technique.
Au vu de cet examen de différentes classes de modèles (le tableau 1 ci-dessous illustre
l'éventail des catégories de modèles utilisés en Belgique dans cette matière), il apparaît
clairement qu'aucune des catégories de modèles n'est entièrement satisfaisante et que la
solution se trouve certainement dans la combinaison judicieuse de plusieurs approches et dans
l'intégration de la multidisciplinarité par le biais d'une ouverture de la science économique à
des logiques alternatives.
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