Le Moine est un Opéra
Avec la volonté marquée, tout d´abord, de rompre avec les bandes enregistrées et les
partitions non originales, puis encouragé par la pluridisciplinarité de ses membres, le Théâtre
des Cerises a donné à la musique une place centrale dans ses recherches. L´idée d´opéra fut
suggérée par un premier amour, littéraire certes mais impérieux : Le Moine de Lewis, roman
dont l´extravagance semblait commander, en guise de reconversion scénique, ce seul
traitement. Il s´agissait bien, plutôt que de parodier un genre, de créer un opéra selon notre
alchimie propre, en rapprochant des chanteurs, lyriques ou non, et des musiciens d´influences
et de formations très différentes. Autre ambition, autre travail : dégager au maximum la
théâtralité particulière à l´opéra (la place du comédien, souvent éludée) - c´est-à-dire faire
que le jeu, le texte, la musique et l´exécution de la musique aient une égale importance, soient
parties intégrantes du spectacle.
Texte
Le livret a été écrit librement à partir d’un roman de la littérature anglaise du
XVIIIème siècle, The Monk, de Matthew Gregory Lewis, mieux connu en France dans la
version racontée par Antonin Artaud. Ambrosio, moine en odeur de sainteté est en passe de
devenir, aux yeux de Madrid, le nouveau Messie, jusqu’au jour où son novice Rosario, qui
s’avère être une femme, lui déclare son amour, aveu dont les conséquences seront
catastrophiques. Précisons peut-être que nous voyons Le Moine moins comme un réquisitoire
anti-clérical que comme une farce ubuesque ou un hymne au désir au sens surréaliste du
terme. Ceux qui ont imaginé Ambrosio en colonel à la retraite ou en père de famille l’ont bien
compris.
Musique
Le Théâtre des Cerises, qui croit comme tant d’autres à une alternative entre le devoir
culturel et le divertissement, a toujours envisagé le théâtre comme fête. C’est dans cet esprit
que nous avons conçu Le Moine, dont l’ambiance est plus proche de celle d’un concert que de
celle d’un opéra dit sérieux. La part d’improvisation que nous avons tenu à garder et la
générosité – que nous appelons joie – qu’elle suppose de part et d’autre de la rampe nous ont
convaincu que Le Moine ne fonctionnait qu’ainsi.
La musique composée pour cet opéra est difficile à définir : elle sert et dessert les
paroles et confère au Moine un caractère radicalement original. L’orchestre y a sa part : il est
aussi atypique. Nous avons tenu à ce que chaque acteur soit également musicien. Une fois son
chant terminé, chacun rejoint ses partenaires derrière le décor et s’empare d’un instrument.
D’où une diversité du plus bel effet : piano, kazou, violoncelle, clarinette, caisse claire, scie
musicale, guitare, hautbois, basse, et deux ou trois ratons laveurs.