© Le Temps des Cerises
On regarde, on s'extasie, c'est trop beau cette multitude de fleurs blanches, oui, blanches et non
pas roses comme dans la chanson ; en trois jours on les a vues s'ouvrir. Là, c'est pleines fleurs, on
s'approche des branches basses, on s'enfouit le visage dans les touffes de bouquets immaculés, on se
noie de plaisir dans cette douce blancheur.
On souhaiterait presque accrocher un hamac dans cette mer de fleurs, s'y couler, s'en laisser
envelopper comme d'une couette légère et tiède. Mais on n'ose pas déranger cette beauté fragile et
éphémère, en peu de temps déjà quelques pétales commencent à tomber.
On voit alors apparaître les premières feuilles, minuscules, toutes de vert tendre, et là n'allez pas
vous moquer, inévitablement on pense aux petits seins naissants des jeunes adolescentes !
On se lève un matin, il n'y a plus une fleur. A l'aube un coup de vent violent aura tout emporté.
Le feuillage à vue d’œil s'épanouit, presque d'un jour à l'autre, il s'installe, prend ses aises,
protégeant les petits pédoncules dont on verra sortir une amorce de fruit.
Et là on prie le ciel de ne pas nous fâcher. On ne veut surtout pas qu'un coup de gel arrive et
vienne perturber l'exploit de la Nature.
Que les Éléments fassent preuve de clémence !
Dans quelques semaines ce sera le temps de la cueillette ; on devra alors se dépêcher, car les
merles, eux, se lèvent de bonne heure, et n'attendent jamais qu'on les autorise à se servir.
On leur a expliqué que le cerisier est de belle taille, qu'il y en aura pour tout le monde, qu'on ne
pourra pas récolter tout là-haut, qu'ils peuvent grappiller toutes les branches hautes, mais on a bien
vite compris qu'ils n'avaient rien compris !
Malgré cela on aura le plaisir de récolter de nombreux kilos de ces belles cerises, bien rouges,
bien juteuses, bien goûteuses ; en plus on est fier d'avoir réussi à les soustraire à ces merles
voleurs !
Mais comment pourra-t-on consommer une telle quantité ? Grâce à quelques dons à droite et à
gauche, sans parler de l'inévitable congélateur, qui lui saura bien nous garder au chaud, pardon au
froid, les savoureux desserts de l'hiver prochain.
L'année prochaine, c'est sur, on recommencera... © Catherine Hallé