Comment se détermine le prix des marchandises ?
Amorces particulièrement stimulantes :
analyse de la stratégie d'enrichissement du père Grandet, qui stocke en spéculant sur la hausse des prix,
analysé par Balzac au début d'Eugénie Grandet.
exemple historique d'une anomalie concernant la fixation des prix : la bulle spéculative sur les tulipes
au XVIIème siècle.
mettre en relief l'ambiguïté du concept de « prix » à travers des expressions courantes : « à tout prix »,
« cela n'a pas de prix ».
Paradoxe de l'eau et du diamant
Les marchandises sont des biens ou des services destinés à être vendus sur un marché. Le marché est le lieu de
rencontre, réel ou fictif, entre l'offre et la demande.
Le prix est le rapport d'échange entre les deux termes d'une transaction. Dans les économies de marché
contemporaines, le prix correspond au montant monétaire nécessaire pour acheter un bien ou un service.
Le prix des marchandises est un objet de réflexion économique qui est devenu central à partir de la révolution
marginaliste. La science économique appréhende la détermination du prix comme un ajustement décentralisé de
l'offre et de la demande émanant d'homo oeconomicus. Quelle est la portée explicative du modèle néoclassique
du marché ? Le prix des marchandises se détermine-t-il par des mécanismes impersonnels ou par des rapports
sociaux ?
I) Du côté de la demande, le prix des marchandises se détermine en fonction des besoins
des consommateurs
A) Du côté de la demande, le prix dépend de l'estimation de la valeur utilité...
La science économique s'est constituée à partir du questionnement du lien entre prix et valeur. Le prix auquel
on échange un bien est-il conforme à sa valeur ? A.-R.-J. Turgot répond à cette question en posant que les
échangistes s'accordent sur une valeur appréciative à l'intérieur de la fourchette des valeurs estimatives que
chacun attribue au bien (Valeurs et monnaies, 1769). Se pose alors le paradoxe de l'eau et du diamant : comment
se fait-il que le diamant soit infiniment plus précieux que l'eau, qu'on peut pourtant considérer comme le bien le
plus utile ? A la suite d'A. Smith qui sépare valeur d'usage et valeur d'échange (Recherches sur la nature et les
causes de la richesse des nations, 1776), l'économie politique classique renonce à la théorie de la valeur-utilité,
qui reste cependant défendue par J.-B. Say (Traité d’économie politique, 1803).
La révolution marginaliste renoue avec la théorie de la valeur-utilité, sous l'influence de la philosophie
utilitariste (S. Jevons, Théorie de l’économie politique, 1871), de la psychologie (C. Menger, Principes
d’Economie, 1871), et pour se rapproche de l'idéal d'une science « pure » mathématisée (L. Walras, Éléments
d’économie politique pure, 1874)
C'est par rapport à cette histoire de la pensée économique que l'on peut situer l'article où E. Durkheim établit
un parallèle audacieux entre les deux significations, économique et sociologique, de la valeur (doc.1). Les
valeurs sociales sont des idéaux collectifs qui orientent les actions individuelles. Ce rapprochement invite à
réfuter l'individualisme méthodologique de l'analyse économique du prix et de la valeur. Les biens pris comme
exemple par E. Durkheim sont sans utilité du point de vue de l'individu, mais ont bien une valeur économique en
raison de leur utilité du point de vue du groupe. Ainsi, l'idole, à l'instar du rite analysé dans Les formes
élémentaires de la vie religieuse (1912), a une efficacité collective : son adoration recrée un sentiment
d'appartenance commune qui peut aller jusqu'à « l'effervescence collective ». Ce texte plaide donc pour une
approche holiste de la détermination du prix des marchandises.
B) … par l'homo oeconomicus : hypothèse à portée universelle, fiction, ou construction historique ?
Les théories de la valeur-utilité en économie se fondent sur le paradigme de l'homo oeconomicus, posé
initialement par J. Stuart Mill (Sur la définition de l’économie politique, 1844) et dénommé comme tel par V.
Pareto (Manuel d’économie politique, 1907). L'homo oeconomicus est une hypothèse à portée universelle pour la
science économique : dans leurs activités économiques, les individus poursuivraient rationnellement leur intérêt
personnel, c'est-à-dire par une adéquation des moyens aux fins poursuivies.
E. Durkheim réfute ce postulat (doc.1), à partir de l'exemple des biens de luxe. La science économique tient ces
biens de Veblen pour atypiques en raison de leur élasticité-prix positive. E. Durkheim les tient au contraire pour
exemplaires : la consommation ostentatoire est la forme la plus visible d'une dimension symbolique qui n'est
jamais absente de la consommation. L'homo oeconomicus serait alors une fiction.