Mais le problème ne réside pas tant dans l’intensité de ces écarts que dans les
conséquences qu’ils peuvent engendrer. En effet, les économies les plus inflationnistes
doivent logiquement bénéficier des taux d’intérêts réels bas, voire négatifs, ce qui a pour effet
de soutenir le niveau d’activité et, à supposer que l’excès d’inflation trouve son origine dans
une demande excédentaire, entretenir l’inflation. En revanche, les économies les moins
inflationnistes subissent des taux d’intérêts réels élevés ce qui, si la tendance des prix résulte
d’une demande insuffisante, va aggraver celle-ci et faire baisser le niveau d’activité. Ces
effets sont donc une source de divergence potentielle qui peut s’avérer dangereuse pour la
soutenabilité de l’union. Si ces écarts d’inflation gagnaient de l’importance, la politique
monétaire unique pourrait devenir spatialement incohérente. Mais on peut bien évidemment
considérer que pour le moment il n’y a pas lieu de s’inquiéter car, tant que l’inflation se situe
dans des proportions limitées et que les écarts d’inflation sont faibles, les agents économiques
sont davantage amenés à raisonner en termes nominaux qu’en termes réels et les écarts de
taux d’intérêt réels n’ont pas beaucoup d’importance.
2.2. Inflation et taux de change
Depuis l’instauration de la zone monétaire européenne, tous les pays membres partagent le
même taux de change nominal par rapport aux monnaies tierces. Pour chaque pays, toutefois,
le taux de change réel est fonction des écarts d’inflation à l’intérieur de la zone et des écarts
d’inflation avec les pays tiers. A titre d’exemple, supposons que l’Allemagne affiche 2 points
d’inflation de moins que l’Espagne, il s’ensuit que le prix des biens et services allemands
exportés en Espagne baisse de 2% pour les consommateurs espagnols, comme si les prix
évoluant de façon équivalente dans les deux pays, le taux de change de la monnaie allemande
s’était déprécié de 2%. Si, en revanche, l’écart d’inflation entre l’Allemagne et les Etats-Unis
était de -2 points alors que l’écart entre l’Espagne et les Etats-Unis de 0, il en résulterait une
dépréciation de 2% du taux de change réel de l’euro par rapport au dollar pour l’Allemagne
alors que ce taux resterait inchangé pour l’Espagne. C’est dire que les variations du taux de
change agrégé ne reflètent que la situation moyenne de l’union et pas les situations
spécifiques des pays qui peuvent différer. Pour un pays donné, le taux de change réel
s’apprécie par rapport aux pays avec lesquels il a un écart d’inflation positif et se déprécie
dans le cas d’écart d’inflation négatif. Ce qui influence l’économie considérée en définitive,
c’est la résultante de ces deux évolutions. Il est donc possible qu’à partir des mêmes données
monétaires l’on débouche sur tout un éventail de cas de figure réels.
Le taux de change effectif réel, qui est avant tout un indicateur de compétitivité, constitue
un outil d’analyse approprié permettant d’appréhender cet aspect. Son estimation exige le
calcul de la moyenne des taux de change bilatéraux par rapport aux principaux partenaires
commerciaux, en les pondérant par l’importance des échanges. La variation du taux de change
effectif réel pour un pays donnée dépend de la variation de son taux de change effectif
nominal, de la variation des prix chez ses partenaires extérieurs pondérée par leur part dans
les échanges et de la variation des prix dans le pays en question. En d’autres termes, entre
deux pays de l’union monétaire, la différence des taux de change effectifs réels avec les pays
tiers va s’expliquer à la fois par les différentiels d’inflation et par la structure des échanges. Le
tableau 3 ci dessous présente l’évolution du taux de change effectif réel pour les différentes
économies membres. Cette évolution est considérée en termes de variations.
Sur la période 1999-2006, il semble que ce sont les économies européennes les plus
inflationnistes qui ont connu les variations les plus fortes de leur taux de change effectif réel.
Une hausse de l’indice indique une baisse de la compétitivité et inversement. Comme on peut
le remarquer en examinant les données de la dernière colonne, les variations du taux de
change effectif réel entre les pays membres de la zone euro sont assez hétérogènes. Les plus